As à ; . NN au Wu un à n a Eu LR Er | h » RANNNEE As AA TATGTA Y SALLEPERRESS + ÿ JE we Hu 1h A N! 4 Re K À LA Ag (5 De (ro HUE YEARS MOT ni ( 4 FANS, 5 TA au ta Ne Dee | DAsER NNTÈCE NO ETTAUR f ne q À 4147} 2} Mi AS ï HT DA EE Due Le nu nat Le A j Bus 1) WA jo " MAN A HUILE Ho LA She Put 4 mnt EN a HAN ÿ (He rte ie ne f ÿ, | : EAU [Hf AFS AE 4 au 1% at KDE LA a si HU vi D ï à tnt (0 FAN on 141 qi \ nr alu qu () wi LS sl 1; (Hu ul AL Ha Ai À LH) \ AUX U \ f WA [NUTAHIE h NT \ | | ER MU TD 7S ART ANNONS LT" y D VER r L { H M AND Library of tbe Museum OF COMPARATIVE ZOOLOGY, AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. Dounded bp private subscription, n 1861. Deposited by ALEX. AGASSIZ. No. f0$. loy Li = CLS 1#r} li CPR ANS NU op ATEN de Le Npy in | | Û l : a: | 7 4 à 1 TNINES ANNALES SCIENCES NATURELLES SEPTIÈME SÉRIE ZOOLOGIE 40352. — BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE ET PALÉONTOLOGIE GOMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE M. A. MILNE EDWARDS TOME IIT PARIS G. MASSON, EDITEUR LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE DE PARIS Boulevard Saint-Germain et rue de l’Épecron EN FACE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE ST ANT ME 4 à | » Vanisaat Dee 4 l'an dl Es D CPADNE Fe Nr x tasse M4? #49 SYSTEME NERVEUX MORPHOLOGIE GÉNÉRALE ET CLASSIFICATION DES GASTÉROPODES PROSOBRANCHES Par M. E.-L. BOUVIER Agrégé des Sciences naturelles, Chef des travaux pratiques au laboratoire des Hautes Études (Malacologie). INTRODUCTION Importance des Prosobranches au point de vue zoologique. — Quand je réunis, 1l y a quatre ans, les matériaux bibliogra- phiques nécessaires à un travail sur le système nerveux des Mollusques, je fus frappé du manque de proportion qui existait entre l’importance des différents groupes et les tra- vaux concernant chacun d'eux. Parmi les Gastéropodes, je m’aperçus bien vite que l’ordre des Prosobranches avait été tout particulièrement délaissé. Cet ordre est pourtant le plus riche de tous dans la classe des Gastéropodes, je pourrais même ajouter dans l’embranchement des Mollusques. On compte par milliers les espèces qu'il renferme, et les repré- sentants de ces espèces pullulent dans les mers du globe. II suffit d’avoir visité nos côtes pour se faire une idée de leur abondance; les Patelles couvrent les rochers, les Natices abondent dans le sable et les petites Pourpres sont parfois aussi abondantes que les cailloux du rivage. Ces richesses ne sont que misère quand on les compare à la Faune malacolo- gique des mers tropicales. C’est là que les Prosobranches s’épanouissent dans toute leur richesse, dans toute la variété de leurs formes. Les Patelles et les Fissurelles ont une coquille ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. IL. À, -— ART. N° 1. 2 E.-L. RBOUVIER. conique non spiralée, la spire s’ébauche chez les Haliotides et les Concholepas, elle est un peu plus développée dans les Nérites et les Néritines; elle atteint une très grande longueur et de nombreux tours chez les Cérithes, les Turritelles et les Vis, elle se déroule chez les Vermets et les Siliquaires. La coquille est nacrée à l’intérieur chez les Halotides, les Troques et les Turbos, elle est vernissée et porcelanique à l'extérieur chez les Cyprées et les Olives, recouverte d’un drap épais chez les Cônes. Elle offre toutes les dimensions depuis les minuscules Truncatelles jusqu'aux grandes Volutes et aux énormes Tritons; elle est percée d’une rangée de trous dans les Haliotides, d’un seul trou dans les Fissurelles, d’une longue échancrure buccale dans les Pleurotomaires. Un opercule la ferme généralement quand l’animal est rétracté ; cet opercule est épais, calcaire et ressemble à un bouton de manchette chez les Turbos; il est corné, mince, ovale ou circulaire chez les Cérithes, long et dentelé chez les Strombes ; les Navicelles cachent leur grand opercule entre le pied et le nucléus viscéral. À ces formes variées de la coquille doivent correspondre des modifications nombreuses dans la forme extérieure et l’organisation de l’animal. Cuvier et Poli, au commencement de ce siècle, ont étudié ces modifications et jeté les premiers fondements d’une classification naturelle des Prosobranches ; les observations de Quoy et Gaymard, les recherches de Sou- leyet complétèrent efficacement les monographies de Cuvier. Troschel étudia tout spécialement l’appareil radulaire et établit, d’après ce curieux organe et la structure des bran- chies, la classification des Prosobranches qui est aujourd’hui presque entièrement adoptée. Deux belles monographies, publiées vers 1860 par M. de Lacaze-Duthiers, vinrent attirer l’attention sur l’histoire naturelle des Prosobranches. Elles mirent en évidence des faits jusque-là trop négligés et destinés à prendre une grande importance dans la morphologie du groupe tout entier des Mollusques. L’une de ces monographies était consacrée au ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 3 Vermet, l’autre au système nerveux de l’Haliotide. Elles établissaient l'existence d’une commissure viscérale croisée dans ces deux genres : cette commissure a la forme d’une anse située au-dessous du tube digestif dans la plupart des Mollusques, mais elle est tordue en 8 de chiffre dans l’Halio- tide et le Vermet, le tube digestif est compris entre les deux branches du 8 et les ganglions viscéraux postérieurs se trouvent par le fait rejetés au-dessus de cet organe. M. de Lacaze-Duthiers montrait en outre que deux longs cordons nerveux sont logés dans le pied de l’'Haliotide; ces cordons nerveux sont très gros et reliés par des anastomoses transver- sales donnant à l’ensemble une apparence scalariforme qui rappelle à certains égards la chaîne ventrale des Annélides. Mettre en évidence ces deux faits, c’était poser au moins deux problèmes. La commissure viscérale croisée est-elle l’apanage de tous les Prosobranches et des Prosobranches seulement ? Les cordons nerveux de l’Haliotide se rencontrent-ils dans d’autres genres et sont-ils homologues de la chaîne ventrale des Annélides? En d’autres termes, les Prosobranches sont- ils nettement distincts des autres Gastéropodes et se rat- tachent-ils plus ou moins directement aux Vers annelés ? C'était, en un mot, poser le problème des Mollusques. Bientôt M. de Lacaze-Duthiers apporta lui-même à la solution du problème des éléments nouveaux et très impor- tants. Dans deux travaux, l’un sur les otocystes des Mol- lusques gastéropodes, l’autre sur le système nerveux des Pulmonés aquatiques, il montra que certains autres Proso- branches ont aussi une commissure croisée, tandis que les Pulmonés en sont dépourvus. Jhering reprit ensuite, dans toute son étendue, l'étude du système nerveux des Mollusques et, en 1877, prétendit donner une réponse aux deux ques- tions posées plus haut. Pour lui, la chaîne ventrale des Annélides correspond bien réellement aux cordons nerveux de l’Haliotide, qu’il retrouva chez les Chitons et les Fissu- relles; pour lui aussi, les Prosobranches ne ressemblent en rien aux autres Mollusques : ce sont des Arthrocochlidés se 4 E.-L. BOUVIER. rattachant aux Annélides, tandis que les Opisthobranches et les Pulmonés, etc., sont des Platycochlidés issus des Turbel- lariés. L’Hélicine est un Prosobranche terrestre voisin des Néritines, l’'Hélix est un Pulmoné absolument typique; d’après Jhering, « la parenté qui existe entre un Hélix et une Hélicine est aussi éloignée que celle du serpent avec la sangsue » (70). Le travail de Jhering fut très discuté et l’on doit reconnaitre qu'il montra l'intérêt puissant qu'on doit accorder à l’étude des Prosobranches. Depuis l’époque de sa publication jusqu’à ce jour les travaux sur cet ordre se sont multipliés : Spengel, Bela Haller et plusieurs autres observateurs ont contesté l'exactitude des travaux de Jhering et réfuté ses conclusions. Ce n’est pas le lieu d'examiner ici les opinions des différents auteurs; je dirai seulement que le problème des Mollusques est loin d’être traité et les Prosobranches qui doivent en donner la clef restent encore dans la pénombre. Les questions se pressent et se multiplient quand on étudie ce groupe intéressant. Renferme-t-1l des formes à commis- sure croisée et des formes dont la commissure est restée en place comme le pensait Jhering? Cette commissure croisée est-elle due à la torsion spirale du corps? Les Prosobranches sénestres ont-ils la commissure viscérale disposée comme celle des Prosobranches dextres? Au point de vue de l’enrou- lement à droite ou à gauche les Prosobranches se com- portent-ils comme les Pulmonés ? Les cordons nerveux scala- riformes ont-ils l’importance que leur attribuait Jhering et sont-ils localisés chez les formes paléontologiquement les plus anciennes? Ces questions et beaucoup d’autres solli- citent une réponse qui n’a pas été donnée jusqu'ici et qu'il serait cependant nécessaire de connaître avant d’essayer d'établir, comme Jhering, la phylogénie des Mollusques. Elles se rattachent en outre très étroitement à la morphologie des Prosobranches, dont beaucoup de points restent encore dans une complète obscurité. Cette dermière lacune a été en partie comblée par M. de Lacaze-Duthiers. C’est lui, notam- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. ) ment, qui a signalé, dans les Gastéropodes, les relations constantes des organes des sens avec le cerveau, en observant que les organes de l’audition n’ont avec les ganglions pédieux que des rapports de voisinage, et se rattachent directement aux ganglions cérébroïdes par l'intermédiaire du nerf acous- tique. D'un autre côté Jhering, voulant suivre la voie indiquée par M. de Lacaze-Duthiers dans son travail sur les otocystes, pense que le pénis des Prosobranches est toujours innervé par le cerveau, ce qui ferait de cet appendice une formation céphalique. Il reste donc à établir la morphologie du pénis; il reste aussi à compléter celle des autres organes, notamment celle des branchies, des fausses branchies et du rein. Quant à la systématique des Prosobranches elle demande à être examinée de nouveau, puisque la classification actuelle des Prosobranches a une apparence tout à fait artificielle, étant pour ainsi dire basée sur deux organes seulement, les bran- chies et la radule. C’est en établissant une subordination parmi tous les caractères des Prosobranches, en comparant ces caractères suivant leur importance avec ceux tirés de la radule, en essayant, en un mot, de rétablir le groupement naturel des Prosobranches, qu’on pourra juger la classifica- tion radulaire de Troschel, et jusüfier ou combattre les cri- tiques opposées à cette classification. Cette étude a son intérêt intrinsèque, elle en offre un autre peut-être encore plus grand par les relations qui la rattachent aux questions de phylogénie et qui préoccupent aujourd’hui tant de natura- listes. J’ai abordé toutes ces questions dans le travail qu’on va lire. Pour les résoudre, je me suis attaché tout particulière- inent à l'étude du système nerveux sans négliger pourtant les principaux organes. J'ai choisi le système nerveux en raison des connexions nombreuses qu'il offre avec les organes et de la stabilité qu'il présente pendant que les autres organes se modifient. C’est le caractère dominateur par excellence, au moins dans le groupe des Mollusques, et si les idées de Cuvier 6 E.-L. RBOUVIER. sur le système nerveux avaient besoin d’une justification, je pourrais dire que mon travail la donne aussi complète que possible, en ce qui est relatif à l’ordre des Prosobranches. Quand je vis la multiplicité des problèmes qui sollicitaient une réponse dans le seul ordre des Prosobranches, je résolus de limiter mes recherches à ce groupe. Le champ était encore trop vaste et je n’ai pu l’explorer tout entier; j'ai jeté des jalons aussi nombreux que possible, j'ai choisi les types les plus intéressants, voilà tout. Ce travail a été fait au Muséum d'histoire naturelle de Paris, dans le laboratoire de M. Edmond Perrier. Le savant professeur m’a constamment suivi dans les recherches et il a mis à ma disposition les doubles de la riche collection du Muséum. J'ai trouvé auprès des savants attachés au labora- toire la même sympathie et le même dévouement qu'auprès de M. Perrier. M. Poirier m'a prodigué les conseils, indiqué les méthodes et aidé dans toutes les préparations histologiques. M. de Rochebrune et M. Mabille se sont mis gracieusement à ma disposition pour déterminer les nombreuses espèces qui ont passé entre mes mains. Je n'aurais rencontré nulle part un concours plus efficace et plus affectueux, et je suis heu- reux d'offrir ici à mes savants maîtres l’expression de ma respectueuse reconnaissance. Je tiens à remercier également à cette place mon ami, M. Jules Defferrière, garde d’artillerie à Nouméa ; un soldat doublé d’un savant; il a ouvert pour moi les trésors de la Nouvelle-Calédonie et, dans trois envois différents, m’a procuré les spécimens les plus curieux de cette île. M. Viguier, professeur à l’École supérieure des sciences d'Alger, a recueilli spécialement pour ce travail, de superbes Cancellaires dans la baie d'Alger. M. Durègne, directeur de la Station zoologique d'Arcachon, m'a procuré de nombreux spécimens, notamment des Scalaires dont l’animal est si rare sur nos côtes; M. l’abbé Guimet, de son côté, m’a remis un très bel échantillon de la Scalaria communs. M. Sauvage, directeur de la station aquicole de Boulogne-sur-mer, m’a guidé lui-même dans la recherche des Gastéropodes qui découvrent ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. fi aux grandes marées dans le vaste port de cette ville. J’ai fait, sous la direction de M. Mabille, de nombreuses excursions aux environs de Paris pour recueillir les Prosobranches ter- restres et d’eau douce ; M. de Rochebrune m’a fait partager les beaux spécimens qu’il reçoit du Sénégal; enfin M. Jour- dain et M. Poirier ont mis à ma disposition quelques beaux Gastéropodes recueillis par eux à Saint-Waast. Mes remer- ciements les plus vifs à tous ces savants et aussi à M. de Quatrefages, qui, avec une obligeance extrême, a bien voulu me donner de précieux conseils el communiquer les résultats de mes recherches à l’Académie des sciences. J'ai étudié 73 genres et un beaucoup plus grand nombre d'espèces (130 environ). Beaucoup ont été tirés de la riche collection du Muséum ; j’indique iei la provenance des autres : Nouvelle-Calédonie. Turbo, Trochus, Littorina, Calyptræa, Hippo- nyx, Natica, Cypræa, Pteroceras, Strombus, Conus, Terebra, Mitra, Oliva, Nassa, Turbi- nella. Amérique centrale. Cyclotus. à | EG OR EERER RES Cancellaria. Ancdehon 1344. Scalaria. Sénégal. ......... Xenophorus, Tympanotomus. Boulogne....:..... Natica, Lamellaria, Purpura. Peslréport..:.…... Patella, Trochus. Saint-Waast...... Mangelia, Natica, Rissoïdés. Le Pouliguen..... Haliotis, Trochus, Trivia, Purpura. Halles centrales... Littorina, Buccinum. Environs de Paris.. Neritina, Paludina, Cyclostoma, Bythinia, Vul vata. Jles Comores...... Cyclosurus. Les animaux bien conservés dans l'alcool sont préférables aux animaux frais pour la dissection du système nerveux ; quand on veut frapper de réprobation ces animaux, on cherche simplement à excuser, dans une certaine mesure, les lacunes qu’on a laissées dans un travail. C’est avec des animaux con- servés dans l'alcool que Savigny a fait ses belles observations 8 E.-L. BOUVIER. anatomiques sur les Tuniciers, et si cet exemple ne suffisait pas, je dirais que M. de Lacaze-Duthiers à pu étudier jusque dans les derniers détails et sans dissection, l’innervation du manteau sur des Vermets conservés dans la glycérine. Quand je m’occupais de la Paludine, j'avais à ma disposition des ani- maux frais et d’autres conservés depuis très longtemps dans l’aicool. Les seconds étaient bien préférables aux premiers : ils me montraient, presque sans préparation, le réseau bran- chial et celui qui recouvre la masse recto-génitale; ils me permirent aussi de mettre en évidence plusieurs faits anato- miques importants, très difficiles à étudier sur l’animal frais. C’est avec des animaux que j'avais conservés moi-même pendant trois années que j'ai pu étudier les détails les plus délicats de l’innervation du Buccein. Ce qui rend difficile et très délicate la dissection des Mol- lusques, c’est le mucus abondant qu'ils sécrètent et qui se répand dans la cuvelte pendant qu’on les étudie. Ge mucus filant empâtle les organes et les instruments, dissimule les filets nerveux et réunit les fibres musculaires et conjonctives qui se séparent alors très difficilement des nerfs. Ce mucus disparaît toujours plus ou moins complètement dans les animaux conservés depuis longtemps dans l'alcool : les tissus deviennent secs, consistants, les nerfs présentent une résis- tance beaucoup plus forte et la dissection se fait avec la plus grande facilité. Avec un seul individu, bien conservé dans l'alcool, M. Poirier, aide-naturaliste au Muséum, à pu faire une monographie anatomique complète de lHalia priamus (141) ; tous les tissus étaient parfaitement conservés et l’injec- tion lui donna des résultats merveilleux. Le seul inconvémient sérieux de l’alcool, c’est de dissoudre les otolithes quand il est vieux et un peu acide; cette dissolution des otolithes rend très difficile parfois la découverte des otocystes. Plan de ce travail. — Ce travail comprend essentiellement deux parties. La première est surtout descriptive et passe en revue toutes les espèces que j'ai étudiées, chaque famille étant suivie de considérations qui précisent et déterminent ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 9 ses affinités avec les familles voisines. La seconde coordonne et compare les résultats acquis dans la première; elle met aussi en relief les conséquences générales qu’on peut tirer de ces résultats. Avant d'aborder le dernier chapitre (classi- fication des Prosobranches) qui traite de la systématique des Prosobranches, et résume en quelques pages la plupart des faits établis précédemment, J'ai suivi la classification adoptée jusqu’iei et tout particulièrement celle de M. Fis- cher (103) en la modifiant suivant les besoins exigés par la description rationnelle du système nerveux dans l’ensemble du groupe. Je relève ici, pour les besoins de l’étude, la succession des paragraphes de ce travail : Ï. Prosobranches à commissure labiale ou Aspidobranches. Docoglosses. — Patellidés, Tecturidés, Lépétidés. Rhipidoglosses chiasioneures. — Fissurellidés, Haliotidés, Turbonidés et Trochidés. Rhipidoglosses orthoneuroïdes. — Néritidés, Hélicinidés. Il. Prosobranches dépourvus de commissure labiale ou Pec- linibranches. À. Formation de lu zygoneurie : Ténioglosses dialyneures. Paludinidés, Gyclophoridés, Ampullaridés. — Littorinidés, Gyclostomidés et Planaxidés. — Hydrobüdés et Valvatidés. — Mélanudés, Cérithidés, Solaridés et Scalaridés. B. Prosobranches zygoneures. Ténioglosses zygoneures. — Struthiolaridés, Ghénopidés, Strombidés. — Tritontidés, Doliidés. — Xénophoridés. — Turritellidés. — Naticidés, Lamellaridés, Cypræidés. — Hipponyeidés et Capulidés. — Janthinidés. — Rachiglosses. — Turbinellidés et Fusidés, Mitridés, Buccinidés, Muricidés, Purpuridés, Cancellarnidés. — Volutidés, Olividés, Harpidés. — Pleurotomidés, Térébridés, Conidés. IT. Morphologie comparée des Prosobranches, loi des con- nexions. Système nerveux primitif des Prosobranches. Système nerveux. — Principaux traits d'organisation. 10 E.-L. BOUVIER. Modifications graduelles des centres nerveux. Condensation graduelle des ganglions. — Nombre des ganglions. Modifications graduelles dans les rapports des centres ner- veux. Centres antérieurs. — Commissure viscérale : comment se forme la zygoneurie. Pourquoi s'établit la zygoneurie. Modifications graduelles dans le nombre, les rapports et la distribution des nerfs. Ganglions cérébroïdes. — Ganglions pédieux, ganglions palléaux. — La commissure viscérale et ses ganglions. — Gan- glions buccaux. — Régions du corps les plus richement innervées. — Commissure, connectif, nerf. Morphologie comparée du système nerveux. Systèmes nerveux dérivés du type primitif. — Anomalie des Néritidés et des Hélicinidés. — Le plan du système nerveux est indépendant des variations dans la forme du corps. — Modifications caractéristiques des formes pélagiques, ter- restres et d’eau douce. — Modifications corrélatives du genre de vie de l’animal. — Historique général. Morphologie comparée des organes. Siphon. — Branchies et fausses branchies. — Mufle, trompe. — Pénis. — Otocystes. — Loi des connexions. Rapports de position entre le système nerveux et les divers organes. Appareil circulatoire. — Glandes salivaires, glande spéciale. — Connectifs buccaux. IV. Rapports naturels et classification des Prosobranches. Rapports naturel des Prosobranches. L’embryologie comparée à l’anatomie. — Torsion des Gastéropodes ; chiastoneurie. — Prosobranches sénestres. — Conclusions. Classification des Prosobranches : Éléments fondamentaux d’une classification naturelle. — Classifications les plus récentes. — Deux sous-ordres. — Dio- tocardes : Zygobranches, Azygobranches. — Monotocardes : ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 11 Ténioglosses, Sténoglosses. — Coup d'œil général sur les Prosobranches. Conclusions et tableau résumant les affinités et la classiti- cation des Prosobranches. Je me serais éloigné du but, sans ajouter beaucoup à l’inté- rêt de ce travail, si j'avais étudié, dans ses détails intimes, le système nerveux de tous les genres cités plus haut. C’eût été d’ailleurs un travail de beaucoup plus longue haleme, et quatre années n'auraient pas suffi pour le conduire à bien. J'ai étudié aussi complètement que possible le système ner- veux d’un certain nombre de genres que l’observation et la comparaison m'ont indiqué comme étant des types ou des chefs de file auxquels se rattachaient les autres. C’est ainsi qu’on trouvera une description détaillée des genres suivanis : Patelle, Nérite, Cérithe, Buccin, Turbo, Paludine, Ampul- laire, Gyprée, Triton, Cône, Janthine, Concholepas. Avec ces genres et ceux étudiés préalablement par M. de Lacaze- Duthiers, on arrive bien vite à distinguer ce qui est important et ce qui est accessoire dans le système nerveux. L'étude des autres genres s’est limitée d’elle-même aux parties impor- tantes, les détails étant laissés de côté dans une mesure d’ailleurs très variable qui dépendait du genre lui-même, des matériaux dont je pouvais disposer et des travaux antérieurs relatifs à ces genres. Elle a permis des généralisations impor- tantes, et avec elle j’ai pu relier des formes qui paraissaient bien différentes ou séparer des genres que l’on avait à tort jusqu'ici réunis. Nomenclature. — Avant d’entrer dans la partie descrip- tive de ce travail, il ne sera pas inutile de donner une idée du système nerveux des Prosobranches en général, et d'indiquer les termes, empruntés tous aux nomenclatures antérieures, dont je me servirai dans la description. Le système nerveux des Prosobranches comprend : 1° deux ganglions cérébroïdes, situés ordinairement en arrière de la masse buccale, et reliés par une commissure sus-æsopha- sienne; ® deux ganglions pédieux situés au-dessous des 19 E.-L. BOUVIER. précédents, reliés entre eux par une commissure sous-œso- phagienne et de chaque côté aux ganglions cérébroïdes par un connectif latéral; 3° deux ganglions palléaux, latéralement placés l’un à droite, l’autre à gauche par rapport à l’œso- phage ; le ganglion droit se rattache au ganglion cérébroïde droit par un connectif cérébro-palléal, au ganglion pédieux du même côté par un conneclif palléo-pédieux;.le ganglion palléal gauche présente les mêmes relations avec le ganglion cérébroïide et le ganglion pédieux du côté gauche; 4° deux ganglions buccaux situés en avant des ganglions cérébroïdes et unis par une commissure buccale sous-æsophagienne; chaque ganglion buccal se rattache au ganglion cérébroïde du même côté par un connectif cérébro-buceal; 5° une com- missure viscérale formée de deux branches; une branche sus- intestinale qui a son origine dans le ganglion palléal droit, se dirige de droite à gauche par-dessus l’œsophage, forme un ganglion sus-intestinal, puis se termine en arrière dans un ou plusieurs ganglions viscéraux situés au-dessus du tube diges- tif, une branche sous-intestinale qui a son origine dans le ganglion palléal gauche, se dirige de gauche à droite par- dessous l’œsophage, forme un ganglion sous-intestinal, puis se termine en arrière dans les ganglions viscéraux. Le système nerveux des Prosobranches est donc essentielle- ment caractérisé par une commissure viscérale croisée en 8 de chiffre ; Jhering a donné à cette disposition le nom de chiasto- neurie et je dirai que les Prosobranches ont un système nerveux chiastoneure. Les autres Mollusques ont une com- missure viscérale non tordue et située tout entière au-dessous du tube digestif; cette disposition a reçu de Jhering le nom d'orthoneurie et ces Mollusques ont un système nerveux orthoneure. Jhering a divisé les Prosobranches en deux classes parallèles, les Orthoneures et les Chiastoneures. En réalité, tous les Prosobranches sont chiastoneures, à l’excep- tion des Néritidés et des Hélicinidés. Ces deux dernières familles, et quelques autres sans doute situées dans leur voi- sinage, ont un système orthoneuroïde, sans commissure viscé- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 15 rale tordue, mais cependant beaucoup plus voisin du système nerveux des chiastoneures que du système nerveux des ortho- neures. C’est une anomalie dans un groupe d’ailleurs très homogène ; il en sera question plus lon. Dans les Prosobranches chiastoneures, la portion droite du manteau, avec les organes qu’elle porte, est innervée par deux nerfs au moins ayant leur origine, l’un dans le ganglion palléal droit, l’autre dans le ganglion sous-intestinal. Ges deux nerfs s’envoient un rameau d’anastomose. Il en est de même à gauche : deux nerfs au moins desservent la portion gauche du manteau et les organes qu’elle porte; l’un à son origine dans le ganglion paliéal gauche, l’autre dans le ganglion sus- intestinal. Ces deux nerfs s’envoient aussi un rameau d’ana- stomose; on distinguera par conséquent une anastomose palléale droite et une anastomose palléale gauche. Quand le nerf palléal droit, issu du ganglion palléal droit, passera d’abord par le ganglion sous-intestinal, avant de se rendre au manteau, le système nerveux sera zygoneure; dans Île cas contraire, il sera dialyneure. Chez un certain nombre de Prosobranches, on verra en outre une commissure labiale ayant son origine dans les gan- glions cérébroïdes et embrassant l’œsophage en arrière des lèvres, formant ainsi un nouveau collier nerveux. Gette com- missure à une très grande importance et l’on peut diviser assez naturellement, pour l’étude du système nerveux, les Prosobranches en deux groupes : les Prosobranches à com- missure labiale et les Prosobranches dépourvus de commissure labiale. (C « « ‘Xno1pod-0.f49199"uu0r) «€ *ap#99nq “Ur “É[RI9ISTA ‘UWIWOr) ‘2Sno1pad ‘wwuor “OPIO1{94199 ‘WO") *XNBIIN=0I99STIA 1) SINATIQQUE XNBA9ISIA'L) FXNPJIU9S-019981A © 9! 1s0d ‘PI *ANITIOUE ‘SIA ‘9 à "ANOTIQIUE ISIA *S ro} :Xnoipod 9 S9PI01{9199 ‘© AMHISSAVA « { « « « «€ « { « « « xnoipod-oanoçd ‘uuon|:xnarpod-oxnaçd ‘uuon |*xnarpad-oxnad ‘xXn91pad=: 1q9199"uu0r) Ve & ‘uuor) XN91P9d-0199499" uuo”) (te « « ‘a[e2onq *Xn91pod-01q9199"uu0r) « ‘07 « ‘A[EXY99SIA ‘LULUO') ‘9]B499SIA ‘WUUOr) ‘osnaipad ‘wtuo” “asn91pod ‘wuuon *asnarpod ‘wuuwror ‘9181494199 HO") ‘9[8149199 ‘UIWOr) ‘XNe9onq ‘7 « ‘XNEULLOpqR 1) :SANOTT | *XNBULLOpqR 2) XNV199STA ‘2 ‘[BUI}SaJUI-qNSs °2) *[eurJSaJUI-qNS * -xneorjed 9 ‘eursojur-tadns ‘9 ‘[eutjsoqur-vadns : ‘xneano]d ‘9 ‘xneanord ‘7 “xnëanord ‘1 *xnolpod ‘1 ‘xnorpad 9 *Xno1pod ‘9 ‘XNBI{9199 ‘2 °XNBA4{9199 ‘2 °XNEI{9199 2) NISVUUVS YaTIVH VIag ae HLOUNIS HAÜINANONXS °O[R199STA up! ‘2[4{9199 ‘LULUOT) ee ‘UOIQ S2[Z949 *10p « auanes ‘SIA | l:xneoonq- 494199 ‘uuo)| °XNo1p Lod. -OANSSILUTU 09 "UUOr) xno1pad-0149199 ‘uuor) « ‘2[899n{ ‘LUUOr) *(sainauo]selq) Sa[ Z9U9) 9[P49981A “UUO") “sno1pod ‘tuwor) ‘a[8149199 ‘LULUOT) ‘Xne99nq ‘1 ‘(somouoyjiQ so 1) Z9U9 Xneu94 J9 XNEJ Re XNeUILUOpqe ‘7 -qe) jeursaqui-qns * 2 ‘(uotmiQ ZAU9 [#19u841q) lv VUTSAJUT = vadns ‘ ) *XNEINSSIUULOD 2) ‘xnorpod ‘9 *XNe149499 ‘9 9NIUAHE AVATAVL «C «€ « ‘JUassTUN spub suoräues xnop S9P S941} JUOS SOU « se] JuUOp SsJlj)ouu0r “A[RIQ] “LUUOr) u « ‘SP9-0}PLU0SNp'LULON) « « *AIRA99SIA ‘LUHIO!) ‘asnorpod ‘wwuor) “asn91pad ‘uu07) ‘API0149199 j sonbreyda S941}U99 S9P ‘OT “onbruse$-07e1u07S “anbras85-0}ut107S -peue-snos ‘9| ‘SuUeIpou sUOrjéuet) ‘PI :sonbrajeur -Âse no suoKouu saxo *SANII191 -ue no xno1pad sarjuon *sUaT$eydoso-sus no sanbiedo9 soujuan L ‘sua4ou ‘1 ‘xnotpod ‘9 9 :SOP101{9199 * Lua é 4e -4ZVOVT aq ‘ayonvs AS0LO]SEU\; ‘a}101p ASO0LU0JSEUV opeorred apearped ‘Xne99nq ‘UUO!) ‘xnarpod-097ped ‘uuor) ‘pod-"q9199 jroouuon ‘a[eTqe] ‘TULUO}) ‘0JP20nq ‘WLUO!) 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Les nerfs du manteau et des lamelles respiratoires ont leur origine dans les ganglions palléaux (Cg, Gd) sus- intestinal (Sp) et sous-intestinal (Sb) et les nerfs des viscères dans le ganglion viscéral (V). Le pied et le muscle columel- laire reçoivent leurs nerfs des deux longs cordons ganglion- naires pédieux (P). Les ganglions cérébroïdes sont unis par une longue com- missure et rejetés sur les côtés de la masse buccale, un peu en arrière des lèvres. Par leur bord inférieur et antérieur, ils donnent naissance à la commissure labiale qui passe au-des- sous de la masse buccale et forme les deux ganglions labiaux. Les connectifs buccaux (4) ont leur origine sur ces derniers ganglions; 1ls se dirigent en arrière et en dessus, passent sous les fibres superficielles de la masse buccale, et forment sous l’œsophage les longs ganglions buccaux placés sur le bord postérieur de la grosse masse buccale. Du bord inférieur et postérieur des ganglions cérébroïdes partent et se dirigent en arrière deux longs connectifs. Le plus interne est le con- nectif cérébro-pédieux (4,), il se rend directement à la partie 16 E.-L. BOUVIER. antérieure du ganglion pédieux correspondant. Le connectif externe est plus gros et moins long et se rend au ganglion palléal du même côté; c’est le connectif cérébro-palléal (4;). Chaque ganglion palléal (Cg, Cd) envoie un court et très gros connectif à la partie antérieure du ganglion pédieux corres- pondant et, dans sa partie terminale, ce connectif se confond avec l'extrémité postérieure du connectif cérébro-pédieux. Les ganglions pédieux (P) forment deux longs cordons réunis en avant par une commissure épaisse, mais extrêmement courte ; ils divergent en arrière; en même temps les cellules ganglionnaires qu'ils renferment deviennent plus rares et finalement disparaissent, le ganglion se transformant en un oros nerf. Deux autres commissures réunissent ces deux cordons; l’une assez fine (w') à quelques millimètres de la partie antérieure, l’autre très grosse en arrière, vers le bord postérieur du muscle de la coquille (4”). Du ganglion palléal gauche part la branche sous-intestinale (4) de la commis- sure viscérale ; elle plonge sous l’œsophage au-dessus des ganglions pédieux, remonte vers la droite et dans les lobes antérieurs du foie envoie un connectif au ganglion sous- intestinal (Sb), revient un peu à gauche et après uu court trajet se termine dans le ganglion viscéral (V) rejeté à droite de la ligne médiane du corps. La branche sus-intestinale () de la même commissure a son origine dans le ganglion palléal droit, elle se dirige à gauche en remontant par-dessus l’œso- phage, puis un peu à droite de la ligne médiane, envoie un connectif (cs) au ganglion sus-intestinal (Sp); ensuite elle revient à droite et après un court trajet se réumit à l’autre branche de la commissure dans le ganglion viscéral. I y a done un croisement de la commissure, mais beaucoup moins prononcé que chez la plupart des Prosobranches; ici en outre la commissure est beaucoup plus courte que de coutume et sa branche sus-intestinale est très loin d’égaler en longueur la branche sous-intestinale. Toutes ces parties du système nerveux sont faciles à pré- parer, sauf la portion de la commissure buccale qui est com- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 17 prise dans la masse buccale et tout ce qui est situé dans les viscères de la commissure viscérale. Par contre, la dissection des nerfs est très difficile. Innervation. — Cinq nerfs partent des ganglions céré- broïdes : le nerf tentaculaire (f) ramifié, le fin nerf optique (f) qui se rend à l'œil situé sur les tentacules à quelque distance de leur base, deux nerfs (1, p:) qui se rendent aux parois musculaires du mufle, enfin un nerf pariétal (pc), non indiqué jusqu'ici, qui se rend sur les côtés et en arrière aux parois du mufle et de la région céphalique. La commissure labiale est très grosse à son origine et jus- qu'aux ganglions labiaux, assez grêle au contraire entre les ganglions labiaux; assez mal recouverte partout par les muscles de la partie inférieure du mufle. D'ailleurs, il n’est pas d'Aspidobranches où elle soit plus nette. Du bord anté- rieur de chaque ganglion labial on voit partir quatre nerfs, trois petits et un grand qui se rendent aux lèvres. De la partie postérieure de chaque ganglion quatre nerfs assez fins se rendent aux muscles du mufle situés immédiatement en arrière de la lèvre. Les otocystes et le nerf acoustique se trouvent exactement dans la position indiquée par M. de Lacaze-Duthiers ; les otocystes (0) à la base des ganglions palléaux, tandis que le nerf acoustique (9) passe au-dessous de ces ganglions et va s’accoler et peut-être se confondre avec le connectif cérébro-palléal; je n'ai pu suivre ce nerf jusqu'aux ganglions cérébroïdes, mais on ne saurait douter qu'il s’y rende. Un ligament réunit transversalement les deux otocystes et se prolonge à l’extérieur dans les parois du Corps. Du connectif cérébro-pédieux s'échappe, au niveau du ganglion palléal, un nerf qui se rend aux parois musculaires et postérieures du plancher céphalique. J’ai déja indiqué la position des ganglions pédieux et celle de leurs com- missures. Le dessin figuré par les cordons et les deux ana- stomoses antérieure et postérieure ressemble à une ellipse tronquée carrément en arrière par la commissure postérieure. ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. II. 2, — ART. N° {. 18 E.-L. BOUVIER. De la partie tout à fait antérieure des ganglions pédieux, on voit partir de chaque côté un gros nerf (4) qui se ramifie dans la région du pied située en avant des ganglions. Quant aux cordons pédieux, ils envoient aux muscles de la sole pédieuse trois sortes de nerfs : 1° les nerfs pédieux profonds, les plus gros de tous; leur origine est sur la face inférieure des cordons et ils plongent latéralement en dehors dans les parties profondes du pied ; 2° les nerfs superficiels, beaucoup plus grêles ; leur origine est sur le bord externe des cordons et ils se rendent latéralement en dehors aux couches supé- rieures du pied et au muscle de la coquille; 3° les nerfs internes issus du bord interne des cordons et se rendant aux couches internes du pied ; ils sont de grosseur différente et ne se correspondent en aucune façon des deux côtés, de sorte qu'une anastomose directe entre ces nerfs n’est guère possible. En arrière les cordons pédieux se ramifient et leurs branches nombreuses se distribuent aux régions postérieures du pied et du muscle. Les ganglions palléaux sont assez nettement fusiformes et se continuent insensiblement avec les gros connectifs palléo- pédieux, de sorte qu’on ne saurait dire où commence le gan- glion et où finit le connectif. Deux nerfs pariétaux (di, ds, é, &) ont leur origine, l’un sur le connectif cérébro-palléal, l’autre à l’origine du ganglion, et se rendent aux parois céphaliques postérieures. Un autre nerf, beaucoup plus gros (d:, 6), paraît se rendre en dehors dans la partie anté- rieure du muscle columellaire. Mais Le nerf le plus important issu du ganglion palléal est le grand nerf palléal (», #), il se dirige en dehors et un peu en arrière, puis se bifurque avant d'atteindre la saillle du muscle columellaire. La branche antérieure, la plus grêle, innerve la partie antérieure et marginale de la collerette palléale, avec les lamelles respi- ratoires portées sur la face interne de celle-ci. La branche postérieure est, de beaucoup, la plus importante ; ses rameaux les plus puissants naissent sur son bord externe au nombre de quatre ou cinq, les plus antérieurs innervant les parties ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 19 les plus antérieures du manteau et des lamelles, les plus reculés les parties postérieures du manteau avec leurs lamelles; l’extrémité de la branche se ramifie elle-même dans la région tout à fait postérieure du manteau, tandis que sur tout le reste de son trajet, elle est logée dans le muscle columellaire; elle traverse le muscle vers le milieu de sa longueur sans paraitre lui envoyer aucun filet nerveux. Existe-t-1l une anastomose entre les extrémités antérieures et postérieures des branches palléales des deux côtés? c’est probable, puisque j'ai constaté ce fait ailleurs (Buccin, Cérithe, Gyprée) ; mais 1l est certain, en tous cas, que ce n'est point une anastomose directe comme M. Boutan (114) en a signalé une chez la Fissurelle. Des trois ganglions situés sur la commissure viscérale un seul est constant en volume et jusqu'à un certain point en aspect. Les deux autres sont très variables, mais en général le ganglion gauche est mieux indiqué que le ganglion droit. Cela varie avec les diverses espèces de Patelles et avec les différents individus de la même espèce. Souvent même, dans la P. vulgata, 1 est difficile de distinguer au microscope des cellules ganglionnaires dans le ganglion droit, malgré l'emploi des réactifs usités. Le ganglion rudimentaire de la branche sus-intestinale envoie à gauche un connectif (cs) qui, arrivé au voisinage du muscle columellaire, se renfle en ganglion (Sp). A cet endroit, la peau s’épaissit et se ride, formant une saillie très visible, mais très variable d'aspect. C’est la fausse branchie rudimentaire comme je le montrerai plus tard. De ce gan- glion partent trois ou quatre filets nerveux dont les uns paraissent se rendre aux parois musculaires du corps, les autres vers le gros vaisseau qui se rend des lamelles respira- toires antérieures au cœur. Il est souvent difficile d'aller plus loin dans la dissection ; mais avec beaucoup de soin on pourra toujours isoler le plus gros de ces filets dans la partie libre du manteau jusqu’au niveau des lamelles et suivre une branche vers l'oreillette. C’est le même nerf pulléal qui, chez les Tec- 920 E.-L. BOUVIER. tures, se rend à la branchie; je turerai plus tard des conclu- sions de ce fait, important au point de vue de la morphologie générale des Prosobranches. À droite, on voit aussi un con- nectif partir de la branche sous-intestinale; il se comporte absolument comme son homologue de gauche, mais son trajet jusqu’au ganglion sous-intestinal (S4) est beaucoup moins long, en raison même de l’asymétrie à droite de l’ani- mal. Tous ces détails relatifs à l’innervation de la partie libre du manteau se voient, non sans peine, dans l’espèce qui nous occupe; Je les ai retrouvés avec une facilité beaucoup plus grande chez la P. Lamarcku. Si l’innervation du manteau par les ganglions antérieurs de la commissure viscérale est difficile à étudier, l’étude des nerfs issus du ganglion viscéral est beaucoup plus délicate encore. Toujours le grand; nerf viscéral (7) innerve le cœur, l'organe de Bojanus gauche, ie rectum et plonge en arrière pour se rendre aux autres viscères; la ramification de ce nerf est extrèmement riche. À côté, un autre nerf un peu plus grêle (71) se rend à l’organe de Bojanus droit et se conti- nue en arrière sans qu'il n'ait été possible de l’étudier plus amplement. Enfin un dernier nerf très fin (y:) parait se rendre à gauche sur les parois péricardiques. J’ai retrouvé la même distribution chez la P. Lamarcku, mais dans l’individu que J'avais à ma disposition, deux nerfs correspondaient à droite au nerf qui se rend à l’organe de Bojanus droit. | J'ai pu étudier le stomato-gastrique (nerfs et ganglions buccaux) chez la P. vulgata et la P. atramontosa. Noïci les détails que j'ai relevés dans la dernière espèce. Les ganglions sont très allongés, un peu diffus en arrière, si bien qu’ils ne se distinguent pas très nettement de la commissure qui les réunit. En avant, au contraire, les connectifs buccaux sont assez grêles, ils ont leur origine, comme on sait, à langle externe et sur le bord antérieur des ganglions labiaux. Au voisinage de leur origine, ces connectifs envoient un fin nerf aux muscles de la partie inférieure et antérieure de la ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 91 masse buccale. Chaque ganglion buccal donne naissance, sur son bord antérieur, à un gros nerf qui se rend dans les muscles latéraux antérieurs de la masse buccale. Trois ou quatre autres nerfs ont leur origine sur le bord interne de chaque ganglion; les plus fins se distribuent aux points où l’æsophage se rattache à la masse buccale, le plus gros peut se suivre assez loin en arrière sur l’œsophage, mais ses rameaux antérieurs innervent la partie supérieure de la masse buccale. Enfin, au point où les ganglions s’atténuent en arrière pour se continuer dans la commissure qui les réunit, on voit se détacher un gros nerf qui se bifurque bientôt : sa branche la plus interne et la plus délicate se rend à la gaine radulaire, sa branche externe aux muscles postérieurs de la masse buccale. La disposition générale du système et les nerfs sont presque identiquement les mêmes dans la Patelle de nos côtes. Historique et conclusions. — Les auteurs qui ont étudié la Patelle, au point de vue du système nerveux, sont Cuvier (6), Garner (18), P. Bert (53), Brandt (58), de Lacaze-Duthiers (64) et Jhering (80). Les travaux de Cuvier et de Garner doivent trouver ici leur place, mais seulement au point de vue historique. La descrip- tion de P. Bert, quoique dépourvue de figures, doit être regardée comme la meilleure et la plus complète de toutes. Le plan général du système nerveux esl exactement décrit ; les ganglions labiaux et ceux des fausses branchies sont signa- lés, mais 1] n’est pas fait mention du nerf acoustique. P. Bert décrit, outre les deux commissures antérieure et postérieure des ganglions pédieux, de fines anastomoses entre les nerfs pédieux internes. [1 donne en outre aux fausses branchies la signification de branchies atrophiées et transformées peut- être en organes d’olfaction, préconisant ainsi une idée qui à été reprise et développée plus tard par Spengel. Brandt n’a ajouté que des erreurs au travail de P. Bert. Ses deux commissures buccales et ses quatre ganglions buc- caux ne correspondent à rien de réel. La commissure viscé- 22 E.-L. BOUVIER. rale n’a pas été aperçue par cet observateur : les nerfs viscé- raux auraient leur origine dans les ganglions palléaux. M. de Lacaze-Duthiers a donné deux excellentes figures du système nerveux de la Patelle; il a en outre représenté les otocystes, leurs otolithes et le nerf acoustique. Le travail de Jhering est beaucoup plus incomplet que celui de P. Bert. L'auteur ne signale pas plus les ganglions labiaux que ceux qui sont situés à la base des fausses branchies. Il décrit deux nerfs palléaux à gauche, un seul à droite, et attache à ce fait une importance théorique sur laquelle il ny a pas lieu d’insister. Jhering ne signale pas les commissures pédieuses postérieures. Lépétidés. — Les Lépétidés sont des Patelles aveugles dépourvues de lamelles respiratoires sur le bord du manteau. La respiration est simplement cutanée, quoique localisée sur- tout dans la collerette palléale. J'ai étudié dans cette famille la Lepeta cœca Müller, sur des exemplaires conservés dans les collections du Muséum. Le système nerveux est absolument identique à cel des Patelles et les deux fausses branchies existent dans leur posi- tion habituelle. Entre les cordons pédieux, je n’ai pas retrouvé la fine anastomose transversale antérieure des Patelles ; j'attribue cette lacune à la très fable taille des individus que j'avais à ma disposition. Tecturidés. — Dans presque tous les ouvrages de malaco- logie, on donne aux Tectura le nom d’Acmées. Je justifierai le nom que j'ai choisi par les raisons suivantes, En 1891, Hartmann désigna sous le nom d’Acmea un gastéropode terrestre et, en 1828, Eschscholtz donna le nom presque identique d’'Acmæa aux gastéropodes qui nous occupent 1ei. Le nom choisi par Eschscholtz pouvant donner lieu à une confusion, j'ai pensé qu’on devait conserver le terme d’Acmea pour les Gastéropodes terrestres et choisir pour nos Cyclo- branches le nom de Tectura créé en 1830 par Audouin et Milne Edwards. Les Tectura correspondent aux Patelloïdes de Quoy et Gaymard et de Valenciennes. ARTICLE N° f. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 93 L'organisation des Tectures est la même que celle des Patelles, souvent avec les lamelles respiratoires en moins, toujours avec une branchie cervicale gauche en plus. Les deux fausses branchies existent dans leur position normale et sont à tous les points de vue identiques à celles des Patelles. J'ai étudié le système nerveux de la Tec{ura testulina- lis Müller; c’est un système nerveux de Patelle, toutefois le nerf palléal gauche se bifurque presque aussitôt après avoir quitté le ganglion palléal gauche et non au voisinage du muscle columellaire, comme dans les Patelles de nos côtes. La fine anastomose transversale des cordons pédieux m'a paru man- quer, comme chez la Lepeta cœca. L'intérêt se concentre surtout dans les nerfs issus de la commissure viscérale. Cette commissure à exactement la forme et la position qu’on lui trouve dans les Patelles. À droite, le nerf de la fausse branchie se comporte comme celui des Patelles et forme notamment un ganglion sous la saillie qui correspond à la fausse branchie. À gauche, le nerf correspondant a un trajet beaucoup plus long avant d’avoir atteint l’organe et formé un ganglion sus- intestinal ; de ce ganglion se détachent plusieurs filets nerveux, dont un, beaucoup plus puissant que les autres, innerve le manteau et envoie un rameau assez développé à la branchie. Ce rameau branchial suit le bord libre antérieur de l’organe, auquel il doit sans doute envoyer de nombreux filets nerveux. C’est à tous égards la même disposition que celle des Turbos et des Troques, avec cette différence que la fausse branchie est beaucoup plus éloignée de la branchie chez les Tectures. Historique et conclusions. — Le sous-ordre des Docoglosses, malgré le petit nombre de genres qu'il comprend, est un des plus discutés de tous les Gastéropodes. Je relève 1e1 les api- nions les plus frappantes émises dans ces derniers temps à leur sujet. Dall (60) fait pour les « Docoglosses » un ordre spécial dans la classe des Gastéropodes. Il sépare d’ailleurs les Lépétidés des autres Docoglosses et en fait un sous-ordre à part. Jhering (80) rapproche les Patelloïdés (Tecturidés et Patel- 94 E.-L. ROUVIER. lidés) des Troques, Haliotidés et Fissurelles et homologue la branchie des Tecturidés à la branchie gauche de ces formes, leurs lamelles branchiales aux branchies des Chitons. Quant aux Lépétidés, il fait remarquer qu'ils sont aveugles et se rap- prochent par là des Chitons et autres Amphineures. Il pense par suite que les Lépétidés sont les représentants les plus anciens des Arthrocochlidés (Prosobranches) et qu’ils pour- raient bien peut-être se placer parmi les Amplhineures. Il range d’ailleurs parmi les Lépétidés des formes pourvues de deux branchies cervicales, comme les Propilidium, que M. P. Fischer place parmi les Fissurellidés. Jhering termine toutes ses inductions théoriques en disant que l'étude des Lépétidés et des Tecturidés, au point de vue anatomique, est une des plus nécessaires pour la zoologie. Jhering n'avait pas vu la fausse branchie, ou plutôt 1l avait considéré, dans un travail spécial (79), la saillie de cet organe comme percée d’un pertuis qu'il appelle orifice nuqual. Il n'avait pas vu davantage le ganglion de l'organe découvert quinze ans auparavant par P. Bert (53), dans la Patelle. Spengel (89) retrouve l'organe et le ganglion signalé par P. Bert, et considère la saillie voisine comme le rudiment d’une branchie. Il n’a d’ailleurs étudié que la Patelle. Il réclame l’étude anatomique des Tecturidés. Quant aux Lépé- tidés, il n’en fait pas mention; d’ailleurs, 1l ne les place point parmi les Patellidés, et limite ce groupe aux Patelles propre- ment dites et aux Tecturidés. Il revient, en un mot, comme Jhering, à la classification de Dall. A l'encontre de Jhering, il considère les lamelles branchiales des Patelles comme des formations simplement palléales et homologue les branchies du Chiton avec la branchie cervicale des Tectures. Du reste, il pense que ses Patellidés (Patelles et Tectures) sont des formes de passage entre les Zeugobranches (Haliotides, Ris- surelles) et les Anisobranches (Trochidés, ete.). M. P. Fischer (103) est, parmi tous ces auteurs, le seul qui se soit rapproché de la vérité, en réunissant les Docoglosses aux Rhipidoglosses, pour former avec eux un sous-ordre, ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 95 celui des Scutibranches. Ses Docoglosses comprennent les Patellidés, Tecturidés et Lépétidés. Une opinion inexacte est d’ailleurs émise par M. Fischer. Pour lui, «la branchie cervi- cale des Acemæa serait homologue d’une des branchies des Fissurella ; la branchie marginale des Putella représenterait l’autre branchie des Fissurella qui serait fixée autour du pied ». On a vivement réclamé jusqu'ici une étude anatomique des Lépétidés et des Tecturidés. Je crois avoir satisfait en partie à ce désir en mettant en évidence l'identité presque absolue qui existe entre l’organisation des animaux compris dans ces deux familles et celle des Patelles ; c’est pour cela que je me suis dispensé de décrire en détail l’organisation de ces Mol- lusques. Mais malgré sa brièveté, la description précédente des deux familles a suffi pour montrer que la branchie cervi- cale des Tecturidés correspond morphologiquement à la branchie unique des Turbonidés, et à la branchie gauche des Haliotides et des Fissurelles. Par sa structure bipectinée et par sa cloison médiane qui divise le fond de la cavité palléale en deux étages, cette branchie ressemble beaucoup à celle des Troques, mais plus encore à celle des Néritidés. Jai montré en outre que les Lépétidés et les Tecturidés ont deux fausses branchies comme les Patelles. Des observations précédentes on conelut : 1° que les Doco- olosses forment un groupe homogène qui offre les affinités les plus étroites avec les Rhipidoglosses ; 2° que les Lépétidés ne sauraient se séparer des Docoglosses et n’offrent surtout aucune affinité avecles Amphineures (Chitons, Neomenia, etc.); 3° que les Patelles n’ont pas de branchie rudimentaire, comme le croyait Spengel, puisque les Tecturidés, pourvus d’une vraie branchie, ont une fausse branchie absolument semblable à celle des Patelles; 4° qu'il n’est pas possible d’assimiler les lamelles branchiales des Patelles à la branchie droite des Haliotides ou des Fissurelles. Cette assimilation est repoussée absolument par la loi des connexions. Chez les Haliotides et les Fissurelles, en effet, la branchie droite est 26 E.-L. BOUVIER. innervée par le ganglion sous-intestinal, comme la fausse branchie située à la base de cet organe; ie la Patelle, au contraire, les lamelles respiratoires sont innervées par des nerfs UE qui, chez tous les Prosobranches, ont leur origine dans les ganglions palléaux. RHIPIDOGLOSSES CHIASTONEURES FISSURELLIDÉS Parmophore. — M. Boutan (114) a publié tout récemment une description résumée du système nerveux du Parmophorus australis (Scuium australe Lam.). Je crois devoir insister sur quelques points essentiels signalés dans son travail et ajouter quelques faits importants à sa description. J’ai étudié la même espèce que M. Boutan sur des exemplaires de la collection du Muséum. Les ganglions cérébroïdes sont allongés, triangulaires et aplatis ; ils sont unis par une longue commissure enfouie dans des fibres en arrière de la bouche. La saillie labiale des ganglions est très développée et se continue tout spécia- lement dans le connectif buccal, très bien développé à son origine. La commissure cérébroïde émet de chaque côté un fort nerf proboscidien et labial, un autre au point où elle pénètre dans les ganglions cérébroïdes. La commissure labiale, qui passe sous le mufle, à son origine sur la saillie labiale; elle est très grosse à son origine et émet trois nerfs probos- cidiens et labiaux importants, sa partie moyenne est très grêle, à demi cachée sous les muscles du plancher buceal, et assez difficile à mettre en évidence. Les connectifs buccaux se dirigent en arrière, pénètrent sous les muscles de la masse buccale et envoient huit nerfs au moins à la masse buccale. Les ganglions buccaux sont très larges, fort diffus, et se réunissant sur la ligne médiane, forment une espèce de fer à cheval ganglionnaire. Ils émet- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 97 tent en arrière et de chaque côté deux nerfs qui se rendent aux muscles postérieurs de la masse buccale. Les deux nerfs postérieurs sont très gros et s’envoient une anastomose trans- versale ; ils émettent deux filaments grêles pour la gaine radulaire. L'étude des connectifs latéraux qui se rendent des ganglions cérébroïdes à la partie antérieure des cordons ganglionnaires situés sur la sole pédieuse, sera d’un haut intérêt pour régler la question de l’épipodium chez les Rhipidoglosses. Ges con- nectifs émettent en effet des nerfs assez nombreux dont les uns sont pariétaux, mais dont les autres doivent innerver à coup sûr les tentacules épipodiaux qui s’avancent Jusque sur les côtés de la tête. Faute d’un matériel suffisant, je n'ai pu mener à bien cette étude, qui demande à être reprise, comme celle des nerfs issus de la commissure viscérale. Il n’y à pas, sur cette commissure, de ganglion sus-intes- tinal distinct, il n’y a pas non plus de ganglion sous-intestinal, Après un court trajet, le nerf branchial droit forme un gan- olion sous-intestinal situé à la base de la pointe libre de la branchie. Ce ganglion émet des nerfs branchiaux, le nerf de la fausse branchie et, sur son bord antérieur, deux nerfs plus crêles très importants. L’un d'eux se dirige en avant et va s’anastomoser directement avec le grand nerf palléal droit issu de l'extrémité antérieure droite de la masse palléo- pédieuse ; l’autre est un nerf palléal qui se ramufie dans la partie antérieure du manteau. À gauche, le nerf branchial fait un plus long chemin avant d’attemdre la base de la branchie et de former un ganglion. Outre les nerfs branchiaux et de la fausse branchie, le ganglion gauche ou sus-intestinal émet deux nerfs qui correspondent à ceux du côté droit; l’un d’eux est exclusivement palléal, l’autre va s’anastomoser directe- ment avec le grand nerf palléal gauche. A l'endroit où le nerf branchial gauche se sépare de la commissure viscérale, 1l envoie en arrière un nerf assez important qui parait se diriger vers l’oreillette gauche. Parmi les additions que J'ai apportées au travail de 98 E.-É. ROUVIER. « M. Boutan, je tiens à signaler la présence de la commis- sure labiale, le trajet récurrent du connectif buccal sous une couche de fibres, l’existence des deux anastomoses palléales droite et gauche. Le premier caractère appartient à tous les Aspidobranches (Docoglosses et Rhipidoglosses), le second à tous les Aspidobranches et aux trois quarts des Ténioglosses ; le troisième est un caractère essentiel du système nerveux des Prosobranches, à l'exception des Néri- tidés et des Hélicinidés. M. Boutan a signalé la commissure labiale dans la Fissurelle. HALIOTIDÉS Après le travail de M. de Lacaze-Duthiers sur le système nerveux de l’Haliotide, une étude nouvelle de ce genre parai- trait au moins inutile. Je veux simplement examiner ici quelques-unes des contestations soulevées par Bela Haller (106) au sujet du travail publié en 1859 par le savant français. Mes recherches ont été faites sur des individus frais ou conservés dans l’alcool de l’Haliotis lamellosa Lamarck. 4° D’après des idées théoriques spéciales, B. Haller fait naître les connectifs buccaux dans les ganglions palléaux et non dans les ganglions cérébroïdes. Pour lui, il y a quatre cordons dans les connectifs latéraux qui unissent les centres cérébroïdes aux centres inférieurs : le connectif cérébro- pédieux, le connectif cérébro-palléal, le connectif buceal et le nerf acoustique. Ici, le connectif buccal serait entièrement accolé au connectif cérébro-palléal, mais on pourrait parfaite- ment le distinguer au microscope. D'ailleurs, dans le Turbo rugosus, ce connectif serait absolument indépendant et aurait encore son origine dans le ganglion palléal. Il m'est impossible d'admettre cette opinion : 1° parce que, dans toutes mes préparations de l’Haliotide, je ne vois pas de connectif buccal confondu avec les connectifs latéraux ; 2° ensuite parce que, chez le T. rugosus, le connectif buccal offre exactement les mêmes rapports que chez les autres Gastéropodes : il a ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 99 son origine dans la saillie labiale des ganglions cérébroïdes et non dans les ganglions palléaux. 2 D’après Bela Haller, la commissure labiale n’existerait pas ou serait une anastomose négligeable (qu’il n’a pas vue, d’ailleurs), comme en présentent entre eux presque tous les nerfs de l’organisme. Or la commissure labiale est assez nette et forte chez l’Haliotide, et il n’est guère de forme où elle soit plus facile à préparer. 3° Les nerfs des ganglions buccaux qui, d’après M. de Lacaze-Duthiers, se rendraient aux muscles de la masse buccale, sont pour B. Haller des nerfs péritonéaux qui se distribuent dans la fine membrane dont la cavité du corps est tapissée. Jamais je n’ai rien vu de pareil, pas plus dans l’Haliotide que dans les autres Prosobranches. 4° D’après B. Haller, M. de Lacaze-Duthiers ferait partir a commissure viscérale des ganglions branchiaux (sus-intes- tinal et sous-intestinal) situés à la base des branchies: « Le prolongement de la commissure est une branche du tronc commun (nerf qui se rend au ganglion branchial) et non un nerf récurrent issu du ganglion branchial, comme l’affirme M. de Lacaze-Duthiers. » M. de Lacaze-Duthiers n’a rien dit de pareil, au contraire : « De ces deux centres (les ganglions bran- chiaux), dit-ils ou du moins des cordons croisés tout près des ganglions qu'ils forment, partent deux autres longs cordons... qui se réunissent au-dessous du rectum. » M. B. Haller n’a dû examiner que le schéma donné par M. de Lacaze-Duthiers, sans jeter un coup d'œil sur les autres figures et sur Le texte qui témoignent manifestement du contraire. 5 Pour B. Haller, « le nerf puissant qui, de chaque côté, se détache du ganglion branchial et devrait innerver le man- teau, d’après M. de Lacaze-Duthiers, appartient en réalité au péritoine ». Je ne puis m'expliquer la cause de cette erreur commise par B. Haller, car le nerf en question apparaît sans dissection sur les animaux conservés dans l'alcool ou traités par les réactifs ordinaires. À la loupe, et sans donner un coup de scalpel, on voit distinctement ses rameaux palléaux. 30 E.-L. BOUVIER. En vérifiant les assertions de B. Haller sur l’Haliotide, J'ai eu l’occasion de découvrir, à droite, l’anastomose palléale que M. de Lacaze-Duthiers avait signalée à gauche. La bran- che qui la produit se détache du nerf qui part de la commis- sure, se rend au ganglion sous-intestinal, un peu en dehors du nerf palléal supérieur antérieur de M. de Lacaze-Duthiers, elle se dirige en avant, contourne le bord interne et anté- rieur du muscle columellaire et se confond avec le grand nerf palléal droit, au moment où il quitte les parois du corps et s'appuie contre le muscle columellaire pour attemdre le manteau. Gette branche anastomotique est assez grêle et grossit à mesure qu'on se rapproche du nerf palléal droit. Son trajet est presque superficiel. J’ai observé également cette anastomose sur une Haliotide exotique que J'ai con- servée dans l'alcool. Cette anastomose mise en évidence, : l’'Haliotide a, comme le Parmophore, le système nerveux normal des Prosobranches (système nerveux avec deux ana- stomoses palléales). TURBONIDÉS J'ai étudié dans cette famille quatre espèces de Turbo : le T. setosus Lam. et le T. rugosus Lam. desvcollections du Muséum, le T. versicolor Gmelin et le T. radiatus Gmelin de la Nouvelle-Calédonie. Ges deux dernières espèces, et quelques autres, m'ont été envoyées de Nouméa par M. Defferrière. Turbo setosus (Gg. 2, fig. 5 et fig. 13). — Disposition géné- role du système nerveux. — Les centres nerveux du Turbo forment quatre groupes importants. En avant et sur les côtés de la masse buccale, se trouvent les ganglions cérébroïdes (C) unis par une longue commissure passant au-dessus de la masse. Ils se prolongent inférieurement dans trois nerfs. Le plus anté- rieur (c,) est ganglionnaire à son origine et sa partie ganglion- naire correspond à la saillie labiale (G,) des ganglions céré- broïdes; il se réunit à son congénère sous la masse buccale pour former la commissure labiale. Le deuxième (4,) et le troi- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 31 sième (4) sont les connectifs cérébro-pédieux et cérébro- palléal ; ils se terminent en dessous dans la partie antérieure des cordons ganglionnaires palléo-pédieux (Pp). Ces cordons sont logés dans la masse du pied (lobe postérieur) et réunis par des anastomoses transversales ; ils sont réunis en avant, c’est-à-dire à leur origine, par une épaisse et très courte commissure; on pourrait presque dire qu'ils se confondent à leur origine. Par les nerfs qu’ils émettent, ces cordons cor- respondent aux centres pédieux et palléaux ; mais il n’est pas possible d'établir une limite entre ces deux espèces de centres. Ces trois connectifs forment, avec leurs correspondants du côté opposé et les ganglions qu'ils unissent, trois colliers nerveux périæsophagiens. Un quatrième collier comprend les sanglions cérébroïdes, les connectifs et les ganglions buccaux. Les connectifs buccaux (Æ£) sont grêles à leur origine, au con- traire de ce qui existe chez le Parmophore ; ils sont émis par l'extrémité inférieure de la saillie labiale, se dirigent en arrière et en dessus, plongent sous les muscles superficiels de la masse buccale et aboutissent aux ganglions buccaux (B). Ces gan- glions sont très longs et mal concentrés ; ils forment par leur umion un cordon ganglionnaire en fer à cheval situé entre l’œsophage et le sac œsophagien ou jabot glandulaire qui fait suite à la masse buccale. On distingue quatre renflements sur ces cordons, deux antérieurs et deux postérieurs. La branche sus-intestinale de la commissure viscérale (4) se détache à droite du cordon palléo-pédieux droit à son origine ; elle passe obliquement en écharpe sur le sac œsophagien, et atteint à gauche le point où le manteau se rattache aux parois du corps; là elle ne forme aucun ganglion, mais se recourbe brusquement en arrière, atteint l'extrémité anté- rieure du rein, la suit de gauche à droite et se termine à droite, après avoir passé au-dessus de l’œsophage, dans le long ganglion viscéral (V). La branche sous-intestinale (4!) de la commissure à son origine à gauche sur l’extrémité anté- rieure du cordon palléo-pédieux droit; cette branche se dirige obliquement de gauche à droite et d’avant en arrière sur le 39 E.-L. BOUVIER. plancher du corps, au-dessous de l’œsophage, atteint les parois droites du corps et se termine en arrière dans le ganglion viscéral. À leur origine, les cordons palléo-pédieux envoient à droite et à gauche un fort nerf palléal ; le cordon droit émet un nerf palléal droit (#'); le cordon gauche, un nerf palléal gauche (#). Au point où la branche sous-intestinale de la commissure viscérale atteint à droite les parois du corps, elle envoie une fine et longue branche anastomotique (2) au nerf palléal droit (‘). À gauche, au point où la branche sus- intestinale atteint la base du manteau et se recourbe brus- quement en arrière, elle envoie directement une courte branche anastomotique (z:) au nerf palléal gauche. Par ces deux branches anastomotiques, dont l'importance morpholo- oique est très grande, le système nerveux des Turbo rentre absolument dans le schéma du système nerveux commun à tous les Prosobranches chiastoneures. Ganglions cérébroïdes. — La longue commissure céré- broïde (c), noyée dans des tractus fibreux, repose sur la masse buccale, immédiatement en avant de la partie anté- rieure du sac pharyngien. À ses extrémités se trouvent les ganglions cérébroïdes triangulaires, aplatis, munis d’une très longue saillie labiale (C,), et appliqués contre les parois cépha- liques. Ils se prolongent inférieurement dans les nerfs qui forment les trois colliers antérieurs. Sur leur face interne, dans certains exemplaires de T. setosus bien conservés, 1ls offraient des saillies d'apparence fibreuse, en relation avec les nerfs proboscidiens et labiaux. J’ai représenté l’aspect offert par l’un de ces exemplaires dans la figure 5. Les plus nombreux et les plus importants des nerfs issus des ganglions cérébroiïdes sont ceux qui se rendent aux lèvres et au mufle, et que j'appellerai, pour cette raison, nerfs pro- boscidiens et labiaux. Deux de ces nerfs (p, et p.) ont leur origine sur le bord antérieur des ganglions cérébroïdes, et lun (*) Il n’y a pas de ganglion sous-intestinal. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 39 d'eux se prolonge dans une des saillies fibreuses dont j’ai parlé plus baut. Deux autres {p: et p,) ont leur origine l’un à la base, l’autre à l’extrémité de la saillie labiale ; enfin les deux derniers (p: et ps) se détachent, en dessous, de la commissure labiale. À peine devenus libres, tous ces nerfs se dirigent en avant, pour se ramifier abondamment et envoyer quelques- uns de leurs rameaux au mufle, tous les autres aux lèvres. La commissure labiale, comme dans l’Haliotide et la Patelle, continue exactement la saillie labiale, mais n’est pas gan- glionnaire. Sa direction est franchement transversale; sur la ligne médiane, elle traverse une légère saillie fibro-mus- culaire qui rend sa dissection très pénible. Sur la tête se trouvent, de chaque côté, trois appendices tentaculiformes qui sont de dedans en dehors, les larges pal- mettes (f'), les longs tentacules (4) et les petits pédoncules optiques. Les tentacules sont un peu au-dessous des pal- mettes et du pédoncule optique. Les palmettes sont, autant que j'ai pu le voir, assez pauvrement innervées;: elles ne reçoivent qu’un nerf assez grêle (4). Beaucoup plus gros est le nerf des tentacules (4) ; 1l est accompagné, à sa base, par plusieurs minces filets nerveux qui se rendent aux parois céphaliques, à la base des tentacules. Enfin trois nerfs assez fins se rendent au pédoncule optique ou à sa base : l’un d’eux est le nerf optique (/). Le nerf du long tentacule ne parait pas émettre de branches dans le tentacule ; il se continue en s’atténuant de la base au sommet de cet appendice. Il en est ainsi chez la plupart des Rhipidoglosses ; peut-être même cette disposition est-elle commune à tous. On trouvera très probablement des cellules nerveuses dans la partie du nerf tentaculaire qui est logée dans le tentacule. Les nerfs des tentacules naissent tous, en deux groupes distincts, sur la face externe des ganglions cérébroides. Cordons palléo-pédieux (fig. 13). — Quand on a rejeté en avant le sac pharyngien et la masse buccale, puis enlevé une forte membrane fibreuse qui tapisse en cette région le plan- cher de la cavité générale, on tombe sur une espèce de gout- ANN. SC. NAT., ZOOL., 1881. III. 3. —— ART. N° 1. 34 E.-L. BOUVIER. tière médiane creusée en avant dans le pied et le muscle colu- mellaire. C’est à l'extrémité antérieure de cette gouttière, immédiatement au-dessous et en arrière du mufle, que se trouve l’origine des cordons palléo-pédieux. Ils se présentent dans cette région comme une masse quadrilobée, ayant deux cornes en arrière et deux cornes en avant. Les deux cornes antérieures plongent dans le pied et se prolongent en arrière dans les cordons pédieux logés dans la masse musculaire du lobe pédieux postérieur ou lobe operculifère. Si l’on n’a pas dégagé ces cordons, on n’aperçoit que leur origine quadri- lobée. Sur le côté de cette masse quadrilobée se détachent, à droite comme à gauche, les deux connectifs qui la rattachent aux ganglions cérébroïdes ; le connectif postérieur, ou céré- bro-palléal (4), est un peu plus gros que le connectif anté- rieur ou cérébro-pédieux (4). Ces deux connectifs sont à peu près parallèles, et séparés, au voisinage des ganglions cérébroïdes, par un tractus musculaire qui se rend des parois du corps à la masse buccale. Je diviserai l’ensemble ganglionnaire formé par les cordons palléo-pédieux en deux parties fort mal séparées l’une de Pautre par le point où se terminent les connectifs cérébro- pédieux. Mais, avant d'entrer dans l’étude de ces deux parties, je dirai que les connectifs latéraux envoient aux parois du corps quelques filets nerveux, dont l’étude permettra presque certainement de débrouiller la morphologie du prétendu épi= podium des Rhipidoglosses. En avant des connectifs cérébro-pédieux, les Cordons palléo- pédieux (Pp), d’abord unis par une très large et très courte commissure, se séparent presque immédiatement, divergent ét parcourent la masse du lobe pédieux postérieur, presque parallèlement à sa surface inférieure. Ils convergent de nou- veau en arrière, et à eux deux dessinent assez bien un ovale allongé. Des commissures transversales, en général assez puissantes et irrégulièrement distribuées, réunissent les deux cordons; ces commissures émettent fréquemment des nerfs ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 39 pédieux internes à leur origine, plus rarement sur leur trajet; les unes sont presque rigoureusement transversales, d’autres très obliquement situées ; il en est qui ont deux origines sur les cordons. D’après M. B. Haller (106), elles contracteraient des anastomoses entre elles. Le même auteur accorde du reste trente-deux commissures au T. rugosus; je n’en ai pas observé autant, et sur l'individu où ma dissection réussit le mieux, je réussis à en mettre en évidence quatorze. Toute- fois, J'ai pu en rompre quelques-unes, et certains nerfs pédieux internes indépendants pourraient bien n’être que l’origine d’une commissure. Dans cette incertitude, il m’est impossible de dire si le nombre des commissures est constant pour une même espèce. Les cordons sont divisés en deux parties par un sillon lon- gitudinal externe. La partie supérieure donne naissance à toute une série de nerfs épipodiaux dont les plus impor- tants se prolongent dans les tentacules épipodiaux. Chez les Turbo conservés dans l'alcool, l’épipodium (ep) est très peu saillant, les tentacules sont à peine visibles, et c’est un fort mauvais type pour l’étude de cette membrane. A tous les points de vue, les Troques sont bien préférables. La partie inférieure des cordons, celle qui est au-dessous du sillon dans le lobe postérieur du pied, émet un très grand nombre de nerfs beaucoup plus nombreux et plus puissants que les précédents. Ce sont essentiellement des nerfs destinés à la sole pédieuse; ils sont complétés en arrière par le faisceau issu de l’extrémité des cordons. C’est aux nerfs inférieurs, aux nerfs pédieux proprement dits par conséquent, qu’appartien- vent les deux nerfs (w) du lobe antérieur du pied. Ces deux nerfs ont leur origine sur les cordons au point où ils se recour- bent pour aller en arrière; ils sont énormes et réunis dans l'intérieur du lobe par une puissante anastomose transversale. En arrière du connectif cérébro-pédieux, la masse gan- glionnaire inférieure quadrilobée forme deux cornes pos- térieures très saillantes, qui donnent naissance aux nerfs principaux fournis par cette partie. Entre ces deux cornes, et 36 E.-L. BOUVIER. appuyées contre elles, se trouvent les deux otocystes (0), réunies par un cordon fibreux. Elles renferment de nom- breuses otolithes, et chacune d’elles se rattache en arrière au plancher du corps par un cordon fibreux. Le connectif cérébro-palléal donne naissance à un nerf qui se rend aux parois musculaires du corps, situées en arrière du mufle. Entre ce connectif et le connectif cérébro-palléal, on voit naître de la masse ganglionnaire un filet nerveux qui se rend dans la partie supérieure de l’épipodium. Cette partie reçoit d’ailleurs un autre nerf du connectif cérébro-pédieux ; ce nerf se détache du connectif à une faible distance de sa base, avec quelques autres filets beaucoup plus grêles. Il a son correspondant dans la famille des Trochidés. Les deux cornes postérieures de la masse qui nous occupe se prolongent chacune en arrière dans un très gros nerf. Le nerf droit correspond à la branche sus-intestinale de la com- missure viscérale (k), le nerf gauche à la branche sous- intestinale (k'). Au point où commencent les deux branches commissurales, les cornes envoient chacune aux parois musculaires du corps un nerf (d,, &) qui se ramifie abondam- ment. Le nerf palléal gauche (#) se détache de la branche sous-intestinale de la commissure viscérale à une faible dis- tance de la corne gauche. Il traverse, sans se ramifier, les parois musculaires du corps, devient presque superficiel en s’approchant de la ligne d'attache du manteau à gauche, reçoit une courte et assez forte branche d’anastomose, puis atteint le manteau. Là il se bifurque, sa branche inférieure se rend à gauche dans le bord inférieur du manteau, sa branche supérieure, beaucoup plus forte, dans le bord supé- rieur, où elle se ramifie abondamment. Le manteau est si épais dans cet endroit, qu'il m’a été impossible d'y mettre en évidence le réseau palléal. Le nerf palléal droit (#') a son origine dans la masse, un peu au-dessous de la corne droite. C’est un nerf énorme qui se dirige en arrière et un peu latéralement sur le plancher de là cavité générale. Avant de plonger dans les parois droites du ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES,. 37 corps, il envoie au muscle columellaire une branche impor- tante (4) qui se ramifie presque aussitôt; un peu avant d'émettre cette branche, 1l détache un rameau qui atteint la base d’un paquet musculaire fixé en avant à la masse buc- cale. Dans les parois du corps, le nerf palléal droit émet un certain nombre de filets pariétaux, redevient superficiel et se ramifie ensuite dans toute la partie droite et antérieure du manteau. [1 se rattache par un long nerf anastomotique (2:) à la branche sous-intestinale de la commissure viscérale. Le grand nerf columellaire (/) a son origine sous la corne gauche, comme le nerf palléal droit sous la corne droite. Il passe sous la branche sous-intestinale de la commissure viscé- rale, et se bifurque bientôt; ses deux branches plongent dans le musele columellaire, où elles se ramifient. Le grand déve- loppement atteint par les nerfs columellaires du Turbo est en rapport avec le puissant développement du muscle, com- mandé lui-même par le poids et les fortes dimensions de l’opercule et de la coquille. Commissure viscérale (fig. 2). — La branche sus-intestinale de la commissure viscérale ne parait pas émettre de nerf important depuis son origine sur la corne droite jusqu’au point où elle devient récurrente à gauche. Là elle détache, comme chez l’Haliotide et le Parmophore, un puissant nerf branchial qui envoie une branche d’anastomose (z:) au nerf palléal gauche. Le nerf branchial (es) émet d’abord un fin rameau palléal, puis ‘atteint la base de la pointe libre de la branchie, où elle forme, sous un mamelon plissé, le ganglion sus-intestinal (Sp). Ge ganglion donne naissance à deux nerfs, l’un d’eux suit le bord antérieur de la pointe branchiale libre et ne paraît pas se ramifier; c’est le nerf de la fausse bran- chie (41), et la fausse branchie elle-même doit corres- pondre non seulement à la saillie du ganglion, mais à la longue bande épithéliale située au-dessus du nerf; cette zone à, en effet, une structure spéciale, et dans les Halio- tides fraîches, elle est colorée en jaune. L’autre nerf (4) est destiné à la branchie et suit une direction parallèle 38 E.-L. BOUVIER. au précédent, dans la pointe libre de l'organe. Il envoie à la branchie une grande quantité de filets nerveux parallèles destinés surtout à l’extrémité antérieure de la branchie. Il m'a été impossible de trouver le fort nerf branchial récurrent indiqué par M. Haller (106); dans tous les cas, si ce nerf …iste, il ne doit pas avoir les dimensions indiquées par cet auteur. Après avoir donné naissance au nerf branchial, la branche sus-intestinale devient récurrente Jusqu'au point où elle atteint la saillie formée par l’organe de Bojanus et les cir- convolutions œsophagiennes ; elle suit ensuite transversale- ment de gauche à droite le bord de cette saillie et se termine à droite dans le ganglion viscéral. Dans son trajet récurrent, elle émet quatre nerfs, dont les trois antérieurs desservent probablement la branchie, tandis que le postérieur (7,) est un nerf de l’oreillette située à l’extrémité postérieure de la branchie. Le T. radiatus m'a donné sur ces nerfs des indica- tions très précises, sur lesquelles j’insisterai plus loin. A droite, au moment où elle va pénétrer dans les parois du corps, la branche sous-intestinale de la commissure viscérale envoie au nerf palléal droit une très longue branche anasto- motique (4). Gette branche est assez profonde et difficile à préparer. Avant d'arriver au nerf palléal droit, elle envoie au manteau un certain nombre de rameaux. Le rameau antérieur est très court et se distribue dans le manteau au-dessous du tube anal; le second est bien plus important et passe sous ce tube avant de se ramifier dans le manteau. Le dernier se com- porte de même. Ilse ramifie essentiellement dans le frein qui rattache au manteau, au-dessus du rectum, la cloison hori- zontale (cl) qui supporte la branchie et divise la chambre pal- léale en deux étages superposés ; au voisinage de son origine, il envoie en arrière une branche qui semble se perdre dans la glande gaufrée sous-anale (G,), que M. B. Haller considère comme le reste de la branchie droite. Un peu en arrière de ce rameau anastomotique, la branche sous-intestinale émet un fin nerf qui se dirige à gauche; j'ai toujours rompu ce ARTICLE N° 1. SYSTÈME NÉRVEUX DES PROSOBRANCHES. 39 nerf, d’ailleurs très constant, mais 1l est bien possible qu’il se rende à la glande gaufrée. Le ganglion viscéral (V) ne se limite pas très nettement vis-à-vis des nerfs et des branches commissurales qui en par- tent; en cela il ressemble aux autres ganglions des Rhipido- oelosses. C’est un ganglion allongé transversalement de gauche à droite ; il se prolonge à droite dans le nerf recto-génital, à gauche dans la branche sus-intestinale, par-dessous dans la branche sous-intestinale. C’est de la saillie inférieure qu'il forme que part le grand nerf viscéral (7), le plus puissant de tous les nerfs viscéraux et le plus difficile à mettre en évi- dence, parce qu’il est complètement caché dans la première moitié de son trajet. Il paraît prolonger en arrière la branche sous-intestinale, plonge dans la partie droite du plancher rénal et ne devient superficiel et visible par transparence, dans les animaux bien préparés, que vers la région interne ou columellaire du plus gros tour du tortillon. Il disparaît bientôt d’ailleurs pour se ramifier dans le foie et es glandes génitales. Le nerf recto-génital (7) a une distribution bien plus com- pliquée. Prolongeant à droite le ganglion viscéral , il passe entre la base du tube rénal (fr) et la fente génitale (4), puis se prolonge et se termine sur le gros vaisseau transversal de la cloison palléale. Ce vaisseau divise en deux parties une très longue glande sus-anale (G;), gaufrée comme la glande sous-anale. En arrière, le nerf recto-génital envoie deux longues branches ramifiées aux parois glandulaires de la poche génitale, en avant une branche au tube rénal et une autre plus réduite au rectum. Mais sa branche rectale princi- pale. se détache du nerf sur le vaisseau transversal, elle envoie en outre des rameaux dans la partie antérieure de la glande sus-anale; d’autres rameaux nerveux se distribuent dans la partie postérieure de cette glande et se détachent du nerf recto-génital. Pour terminer cette étude, il faut signaler encore un nerf réno-cardiaque (j:) visible sur le plancher supérieur du rein; il est peu ramifié dans le T. setosus, et émet en arrière des branches péricardiques. 40 E.-L. BOUVIER. Ganglions buccaux (fig. 5). — Les ganglions buccaux (B), étroitement confondus en une masse ganglionnaire en fer à cheval, se rattachent par deux connectifs, un droit et un gauche, à l’extrémité inférieure de la longue saillie labiale des ganglions cérébroïdes. Ges connectifs traversent les muscles latéraux de la masse buccale et vont en plongeant des gan- glions buccaux à la saillie labiale. Chacun des deux renflements postérieurs du fer à cheval donne naissance à deux nerfs : 1° un nerf radulaire (s)) réuni à son congénère du côté opposé par une anastomose transversale; 2° un nerf latéral (s:) plus puissant, qui se bifurque et se ramifie dans les muscles postéro-inférieurs de la masse buccale. Les nerfs suivants sont émis par chacun des deux renfle- ments antérieurs : 1° en dedans deux nerfs assez fins (l’anté- rieur surtout), qui innervent les parois latérales et inférieures du sac œsophagien; 2 en avant trois nerfs puissants parmi lesquels se trouve le connectif buccal. Le plus interne de ces nerfs (s:) est aussi le moins ‘puissant; il se ramifie en avant et sur les côtés dans les muscles de la masse buccale. Le nerf externe (s:), au contraire, est très développé. Il remonte et se dirige en arrière sur les parois du sac œæsophagien, traverse les glandes salivaires, puis se ramifie abondamment dans la région dorsale du sac : un certain nombre de branches se rendent dans les deux feuillets glandulaires qui sont libres par leur bord inférieur et flottent dans la cavité du sac. Les olandes salivaires sont innervées par ce nerf; elles occupent les côtés antérieurs du sac œsophagien et se réduisent chacune à une petite glande en grappe très serrée. Le connectif buccal émet lui-même un certain nombre de nerfs qui innervent les parois musculaires de la cavité buccale. Le plus puissant de ces filets (s,) se détache du connectif à une faible dis- tance des ganglions ; 1l se ramifie dans les parois dorsales de la cavité buccale et l’une de ses branches passe sous la com- missure cérébroïde. Les Turbo se prêtent très mal à l’étude des nerfs du tube ARTICLE N° f. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 41 digestif. Je n’ai pas même pu suivre les nerfs buccaux jus- qu’à l'extrémité postérieure du sac œæsophagien. Autres espèces de Turbo. — Les autres espèces de Turbo que j'ai étudiées n’offrent que des différences de détail quand on les compare au T. setosus.Je signalerai seulement quelques particularités instructives. Dans le T. radiatus, la branche sus-intestinale de la com- missure viscérale, dans son trajet récurrent, donne naissance à quatre longs nerfs, dont les deux antérieurs se rendent à la branchie ; il en est probablement de même pour le troisième ; quant au dernier, 1l se rend directement à l'oreillette. Sur des animaux bien préparés, on apercevait ces quatre nerfs sans dissection. De la partie gauche du ganglion viscéral partent deux nerfs, dont l’un se rend directement au péricarde, tandis que l’autre innerve l’crgane de Bojanus. Du reste, le T.radiatus présente d’autres différences notables ; ainsi la glande gaufrée sous-anale à subi une atrophie presque complète, le tube rénal est extrêmement court et la saillie ridée qui recouvre le ganghon situé à la base de la branchie est beaucoup plus grosse que de coutume. Le T. versicolor ressemble beaucoup au T. setosus; il en est de même du T. rugosus et les différences ne méritent pas d’être signalées. Historique et conclusions. — Guvier (6), Quoy et Gaymard (12), Eydoux et Souleyet (27), Jhering (80), B. Haller (106) et de Lacaze-Duthiers (109) ont étudié le système nerveux des Turbonidés. Guvier a simplement indiqué les centres céré- broïdes et leur commissure dans le T. pica et la Phasianelle; Quoy et Gaymard ont dessiné le collier formé par les ganglions cérébroïdes et probablement aussi par les ganglions buccaux chez le Turbo marbré et le Turbo ondulé. Eydoux et Souleyet ont étudié le T. rugosus, indiqué le collier formé par les ganglions buccaux et un autre collier fermé en dessous par les centres inférieurs ; enfin M. de Lacaze-Duthiers a tout récemment étudié le système pédieux des Turbos et des Troques, et insisté sur l'opinion qu'il avait émise préa- 49 E.-L. BOUVIER. lablement au sujet de lépipodium des Rhipidoglosses. De toutes ces descriptions, la plus détaillée est à coup sûr celle de B. Haller sur le T. rugosus. Malheureusement je ne suis pas d'accord avec ce savant, même en ce qui regarde le plan essentiel du système nerveux. Ainsi, dans le Turbo, comme dans l’Haliotide et la Fissurelle, B. Haller conteste absolument l’existence de la commissure labiale, signalée pour la première fois chez l’Haliotide par M. de Lacaze- Duthiers; or je l'ai mise en évidence chez tous les Turbo que j'ai étudiés et particulièrement chez le T. rugosus qui a servi de type à M. Haller. On en vient toujours à bout en se donnant un peu de peine. D'ailleurs cette commissure appar- tient à tous les Rhipidoglosses et même à quelques Ténio- oglosses comme la Paludine et l’Ampullaire. Il est vrai que, dans les Turbonidés et les Trochidés, elle est plus difficile à isoler que partout ailleurs; mais B. Haller conteste également l'existence de celte commissure chez l’'Halhotide, où on la prépare sans aucune difficulté. S'agit-il de fixer l’origine des connectifs buccaux, je m’ac- corde encore bien moins avec B. Haller. D’après ce savant, ces connectifs auraient, comme ceux de l’Haliotide et de la Fissurelle, leur origine dans la masse palléo-pédieuse, mais « chez le Turbo ces connectifs ne passent point dans la majo- rité des cas vers les ganglions cérébroïdes, ils s’en écartent et se rendent directement aux ganglions viscéraux antérieurs (buccaux). C’est seulement dans des cas très rares que le con- nectif atteint les ganglions cérébroïdes ; mais alors 1l est simplement appliqué sur eux, ne pénètre pas dans leur masse et avec quelque précaution on peut toujours le séparer des ganglions ». Et il ajoute que cet exemple démonstratif justifie complètement ses idées sur le système nerveux viscéral, et les opinions qu'il avait émises préalablement en parlant de la Fissurelle : «Cette disposition du connectif (dans le Turbo) des ganglions viscéraux antérieurs (buccaux) est d’une grande importance pour l'interprétation du système nerveux viscéral des Gastéropodes, dont l'indépendance vis-à-vis des ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 43 centres cérébroïdes se manifeste toujours de plus en plus. » Je serais tenté de croire que B. Haller a confondu le connectif avec un des nombreux tractus conjonctifs et musculaires de cette région. Quoi qu'il en soit, je n’ai rien trouvé de pareil dans les quatre espèces de Turbo que j'ai étudiées et toujours le connectif buccal se détache à l’extrémité de la saillie labiale chez les Turbo. Il en est du T. rugosus qu'a étudié M. B. Haller comme des autres Turbos sans exception. D’après le même auteur, toute la partie postérieure de la branchie serait innervée par un nerf assez puissant détaché du tronc qui innerve la pointe libre de la branchie. Je n'ai jamais pu trouver cette branche, par contre j'ai trouvé deux nerfs qui partent de la commissure viscérale et se rendent certainement dans la partie postérieure de la branchie; ces nerfs n’ont pas été signalés par B. Haller. Je dois signaler maintenant les additions les plus impor- tantes que j'ai faites au travail de M. Haller. La première et la plus essentielle se rattache au plan du système nerveux lui- même; je veux parler des deux anastomoses qui rattachent la commissure viscérale aux grands nerfs palléaux. M. Haller ne signale pas plus l’une que l’autre et cela l’entraine à des conclusions morphologiques qu’il n’est pas possible d’accep- ter. Les ganglions sus-intestinal et sous-intestinal n’existant pas sur la commissure viscérale, 1l pense que, dans ce dernier senre, le ganglion sus-intestinal correspond morphologique- ment à l’origine d’un fort nerf issu de la branche sus-intesti- nale, au-dessus du sac œsophagien et se rendant au sac lui-même; il ne fixe pas la place du ganglion sous-intestinal, car il n’a pas trouvé un seul nerf issu de la branche sous- intestinale. Or il est clair que la position du ganglion sus- intestinal correspond à l’origine du nerf qui se rend à la branchie et à la fausse branchie; c’est là sa position normale chez tous les Prosobranches, et, s’il n’existe pas à cette place, on doit admettre qu’il est virtuellement remplacé par le gan- glion de la fausse branchie. Quant au nerf du sac pharyngien dont parle B. Haller, je n’ai pu le retrouver, et lon doit au 44 E.-L. BOUVIFR. moins admettre qu’il n’a pas l’importance que lui attribue cet auteur. [l n’est pas plus difficile de fixer la place du gan- glion sous-intestinal ; il devrait être à l’origine, sur la branche sous-intestinale, de ce rameau anastomotique (z,) qui se rend au nerf palléal droit. Cette branche anastomotique n’est pas autre chose que le nerf palléal droit issu du ganglion sous- intestinal et toujours fort réduit chez tous les Aspido- branches. La preuve'en est dans les trois branches palléales qu'il émet. Chez tous les Prosobranches chiastoneures ce nerf d'anastomose forme une des étapes essentielles qui con- duiront au connectif de la zygoneurie. Si l’on ne trouve pas de ganglion localisé à son origine, c’est que le nerf a une importance très faible. Je généraliserai plus loin toutes ces considérations. Plus loin B. Haller, étudiant les cordons palléo-pédieux et décrivant leur sillon, appelle nerfs latéraux les nerfs, issus de ces cordons, qui se rendent à l’épipodium et dit que les deux premiers de ces nerfs sont destinés au muscle columellaire. À gauche, cela est à peu près exact, quoique le nerf columel- laire gauche ait des dimensions autrement considérables que celles des plus grands nerfs latéraux. Mais à droite, le pendant du grand nerf columellaire gauche est formé par le nerf palléal droit et c’est ce nerf palléal droit qui, sur son trajet, émet la branche columellaire droite (2). Au surplus, les différences d’origine qu’on veut établir entre les nerfs palléo-pédieux externes sont tout à fait illusoires quand on arrive dans la masse quadrilobée des cordons, et dans cette région la divi- sion des nerfs en deux groupes superposés ne peut être regar- dée que comme un artifice commode pour la deseription. M. B. Haller, après Spengel (89), considère la partie anté- rieure de la masse quadrilobée comme essentiellement pal- léale et le reste des cordons comme l’homologue des ganglions pédieux ; la conclusion naturelle de cette division consiste à assimiler l’épipodium des Rhipidoglosses à une formation pédieuse. Les arguments dont se servent les deux estimables auteurs peuvent être retournés contre eux; il faut d’autres ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 45 matériaux pour discuter cette question essentiellement déli- cate et Je préfère renvoyer son étude à une époque ultérieure. J'aurai terminé la discussion du travail de B. Haller en disant qu’il a signalé des ganglions dans les tentacules épipo- diaux. Pour.le reste, ma description se rapproche assez de la sienne, qu'elle complète dans des questions de détail dont l'importance n’est pas assez grande pour être relevée ici. J’ajouterai enfin que B. Haller a publié récemment un tra- vail histologique considérable (110) sur les Rhipidoglosses marins et qu'il s'occupe notamment de l’histologie du Turbo. TROCHIDÉS Le système nerveux des Trochidés offre, jusque dans ses détails, les plus grandes ressemblances avec celui des Turboni- dés. Je m’en suis assuré sur deux espèces de Troques, le petit Trochus zyziphinus Linn. de nos côtes et le grand T. niloticus Linn. de la Nouvelle-Calédonie. M. Defferrière m'avait envoyé six exemplaires de cette dernière espèce. La dissection du petit Troque est des plus faciles et lon aperçoit sans préparation un riche réseau formé par les nerfs palléaux, l’anastomose palléale gauche dont l’origine sur le nerf branchial est un peu plus éloignée de la branche sus- intestinale de la commissure viscérale que dans le Turbo, et deux nerfs issus de l’anastomose palléale droite. Gette dernière anastomose est longue, mais un peu moins profonde et plus facile à préparer que celle du Turbo. La commissure labiale et le connectif des ganglions buccaux ont le même trajet et la même origine que dans le genre précédent et les cordons pal- léo-pédieux sont presque identiques. Le 7. zyziphinus à des tentacules épipodiaux extrêmement longs et c’est un des meil- leurs types pour l’étude de l’innervation de ces tentacules. Aux quatre tentacules de chaque côté correspondent quatre nerfs importants qui se rendent presque directement aux tentacules. Ils ont leur origine sur les cordons, au-dessus du sillon latéral. Le tentacule céphalique est très long et bien développé dans 46 E.-L. BOUVIER. le petit Troque, le tentacule optique étant assez réduit; c'est le contraire qui arrive chez le T. niloticus. Dans le long et gros tentacule optique de cette dernière espèce, se rend un nerf optique très puissant qui émet de nombreuses branches dans le tentacule avant d'arriver à l’œil; quant au nerf-ten- taculaire, il est très grêle et très réduit comme le court et mince tentacule qu’il innerve. Pour le reste, cette espèce res- semble à la précédente. Au point de vue historique, je dois observer que Jhering (80) et B. Haller (106) ont étudié les Troques. Jhering se contente de dire, ce qui est sensiblement exact après tout, que le système nerveux du Trochus cornutus est construit sur le même plan que celui de la Patelle; B. Haller, de son côté, assimile le système nerveux du T. zyziphinus à celui des Turbo. Je renvoie par conséquent à l’historioue des Turbonidés. RHIPIDOGLOSSES ORTHONEUROÏDES NÉRITIDÉS (fig. 3, 4, 6, 1, 8 et 14). J'ai donné quelques détails assez importants sur la grosse anatomie d’un grand nombre d’espèces de cette famille, dans un travail publié l’année dernière (117). Je me bornerai ici à l’étude du système nerveux des trois genres Nerita, Neritina, Navicella. Tous mes échantillons provenaient des collections du Muséum, à l'exception de la Neritina fluviatilis que j'ai recueillie dans la Seine au-dessus de Charenton. Nerita. — Je n’ai étudié dans ce genre que la Nerita pelo- ronta Linn. (fig. 6, 7 et 14) dont le système nerveux peut servir de type pour le groupe des Rhipidoglosses orthoneu- roïdes. Les Nérites ressemblent complètement aux Néritines. La partie antérieure du corps est entourée par le manteau, qui forme sur le corps une cavité branchiale large et profonde, fermée au fond par la partie antérieure du nucléus ou tortillon ARTICLE N° 1; SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 47 à peine spiralé. Au fond de la cavité branchiale, à droite, se trouve la branchie bipectinée (Br), libre en avant, en arrière rattachée au manteau à droite et à gauche par une expansion de sa lame médiane, de sorte que le fond de la cavité bran- chiale est divisé en deux étages superposés. À gauche de la branchie se trouve le rein; il s'ouvre dans la cavité bran- chiale par un orifice en boutonnière (r’) situé dans la paroi antérieure du nucléus. Le mufle est large et sur ses côtés porte les tentacules, en avant le tentacule proprement dit, en arrière le tentacule oculaire, qui est plutôt une saillie tentaculiforme développée aux dépens de la base du premier tentacule ; l’œil est à l’extrémité de cette saillie. À droite, en dedans et un peu en avant du tentacule, on voit chez le mâle un pénis qui est toujours assez réduit dans les Nérites. Le pied est fixé au corps au-dessous et en arrière du mufle. Les centres nerveux de la Nérite sont moins nombreux que ceux de la Patelle. Ils comprennent deux ganglions cérébroiïdes, deux cordons ganglionnaires pédieux, deux ganglions buc- caux, deux ganglions palléaux, un ganglion sous-intestinal et un ganglion viscéral, Tous ces ganglions, sauf le dernier, sont logés dans la partie postérieure de la tête, toutefois les gan- glions cérébroïdes sont à l’extrémité antérieure de celle-ci. La commissure des ganglions cérébroïdes passe au-dessus de la masse buccale, à une faible distance en arrière des lèvres. Elle est très longue et médiocrement épaisse, de sorte que les ganglions cérébroïdes sont rejetés sur les côtés de la masse buccale, au niveau des tentacules. Chaque ganglion cérébroïde (C) se prolonge en avant et en dessous, dans une saillie ou corne ganglionnaire (C;) cor- respondant à la saillie labiale de la Patelle; les deux saillies sont unies par une commissure labiale (c,), très facile à préparer, qui passe au-dessous de la masse buccale. Les connectifs des ganglions buccaux (#) ont leur origine sur les saillies labiales des ganglions cérébroïdes; ils passent au-dessous de l’æsophage, sur l’origine du sac radulaire, et forment là deux ganglions buccaux (B) longs et peu distinc- 48 E.-L. BOUVIER. tement séparés sur la ligne médiane. Du bord inférieur des ganglions cérébroïdes on voit partir les connectifs cérébro- pédieux et cérébro-palléal. Le premier est le plus grêle et se rend aux cordons ganglionnaires pédieux; l’autre se termine en bas, dans le ganglion palléal correspondant. Les ganglions pédieux (P) forment deux longs cordons canglionnaires sur une assez grande partie de leur longueur. Ils plongent en avant et en dessous dans les tissus du pied, et se transforment chacun en un gros nerf pédieux, à mesure qu'ils perdent leurs cellules nerveuses. A leur origine, ils sont réunis par une commissure extrêmement courte, ils divergent ensuite, puis, transformés en nerfs, convergent de nouveau, sans se réunir, vers la pointe du pied. Les ganglions palléaux (Cg, Cd) sont symétriquement situés de chaque côté de la ligne médiane; 1ls se confondent en avant, par une portion rétrécie, avec la portion postérieure des ganglions pédieux, en arrière de la même façon avec le ganglion sous-intestinal (S b). Il se forme ainsi un anneau ner- veux, situé sur le plancher du corps en arrière de la masse buccale, et l’espace central fort étroit de cet anneau est limité en avant par les ganglions pédieux, sur les côtés par les ganglions pailéaux, en arrière par le ganglion sous-intes- tinal. Le ganglion palléal droit est sensiblement plus gros que celui de gauche; le ganglion sous-intestinal a des dimensions encore un peu plus faibles que celles de ce dermier, et de- mande, pour être distingué, un examen attentif. Le ganglion sous-intestinal se prolonge en arrière dans un gros nerf (k) qui court à droite sur le plancher du corps, passe entre les glandes annexes de l’appareil gémital et le canal digestif, remonte contre le nucléus en devenant superficiel et se ter- mine sous l’orifice du rein dans le petit ganglion viscéral (V). Il n'y a pas de conmnissure viscérale croisee. Innervation. — De nombreux nerfs ont leur origine dans les ganglions cérébroïdes (fig. 7 et 14), ainsi que dans les sail- lies labiales ou dans la commissure qui unit ces saillies. Les nerfs labiaux et proboscidiens sont au nombre de huit. Les ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIES, 49 trois premiers (ÿ, P:, p.) naissent de la partie antérieure des ganglions cérébroides, au voisinage de la commissure qui les réunit; l’un d’eux est très grêle ; les deux autres sont très développés; 1ls se rendent aux parois du mufle et aux lèvres, sur les côtés et en dessus. Les deux suivants (ps, p:) naissent de la base de la saillie labiale, sur sa face externe, et se rendent aux parties latérales un peu plus inférieures des mêmes régions. Parmi les trois autres nerfs, deux ont leur origine (fe, pr) sur le bord antérieur de la saillie, le troi- sième (p.) sur la commissure un peu au-dessous du point où elle naït; ces trois nerfs se rendent aux parties les plus inférieures de la trompe, et surtout des lèvres. Les nerfs tentaculare () et optique (f) se détachent des ganglions cérébroides, sur leur face externe, à peu près au même point. Le nerf optique est fin, sans ramification aucune ; il va se terminer à la base de l’œil. Quant au nerf tentaculaire, 1l est beaucoup plus gros; il pénètre dans le tentacule où il se continue sans paraitre se ramifier, prenant une teinte jaunâtre qui pourrait bien indiquer l'existence de cellules nerveuses. À sa base, le nerf tentaculaire envoie deux minces filets nerveux dans les muscles de la base des tentacules. On voit aussi naître de l’extrémité postérieure des ganglions cérébroïdes un nerf nuqual (pc) qui se ramifie dans les parois latérales et postérieures de la tête. Un fin nerf issu du connectif cérébro-pédieux se rend aux mêmes régions, un peu plus en avant. Je n’ai pas trouvé les otocystes de la N. peloronta ; leur otolithe s'était probablement dissoute dans l'alcool, un peu acide, qui avait servi à leur conservation; mais J'ai étudié de nombreuses Néritines, et J'ai trouvé les otocystes réunies par un ligament, tantôt sous les ganglions pédieux à leur origine, tantôt à l'extrémité postérieure de ces mêmes ganglions. Je reviendrai sur ce point dans le second paragraphe de ce chapitre. On sait que les ganglions pédieux ferment en avant l’anneau formé par les centres nerveux inférieurs. Ils sont fortement renflés à leur origine, mais se continuent en avant, avec toutes ANN. £C. NAT., ZOOL., 1887. III, 4. — ART. N° Î. 50 E.-L. BOUVIER. les transitions, dans les cordons pédieux jaunes et ganglion- naires, jusqu'au point peu facile à préciser où 1ls deviennent de simples nerfs pédieux. Leur ensemble figure assez bien un ovale ouvert en avant, mais je n’ai pu trouver de commissures transversales dans cette espèce. À leur origine, les cordons pédieux envoient trois nerfs puissants (#4, %, 4x) aux parties latérales et antérieures du pied; partout ailleurs, les gros nerfs pédieux partent de leur bord externe et se ramifient abondamment sur les bords du pied. Il est probable qu'ils forment là un fin réseau d’anastomoses, comme J'ai pu le constater en certains points chez la Nerifina canalis. Sur leur bord interne, les cordons pédieux donnent naissance à de fins nerfs qui se ramifent bientôt dans les parties centrales du pied. Jusqu'ici la N. peloronta nous à offert un système nerveux presque identique à celui de la Patelle; nous arrivons main- tenant aux dissemblances profondes (fig. 7 et 14). De la base duconnectif cérébro-palléal part un fin nerf (d.,e:) qui se porte en dehors dans les parois du corps, et, autant que j'ai pu m'en assurer, dans le bourrelet latéral antérieur qui correspond à un épipodium rudimentaire. Un autre nerf pariétal (d:, e,) plus important à son origine sur la face infé- rieure des ganglions palléaux. À part ces deux nerfs, on doit étudier séparément les ganglions palléaux de droite et de gauche. Celui de gauche donne naissance au moins à trois autres nerfs puissants, qui tous se détachent du bord externe du ganglion. Le plus antérieur est le moins développé; c’est le nerf palléal gauche (») qui, après avoir traversé plus ou moins superficiellement les parois du corps, se distribue et se ramifie à gauche dans le manteau. Le nerf branchial (b,) est plus important. Il suit d’abord le même trajet que le nerf précédent, dont 1l n’est séparé que par un très léger intervalle ; il diverge ensuite un peu en arrière et atteint le manteau, dans lequel il pénètre sur la longueur d’un millimètre environ, jusqu'au niveau d’un long bourrelet palléal très peu saillant. Là il se bifurque ; sa branche récurrente se dirige vers la base de la branchie, et on la suit aisément jusqu’à la pointe libre ARTICLE N° 4. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. o1 de l’organe, dans son bourrelet antérieur, chez la Neritina canalis ; sa branche antérieure suit le bourrelet en se dirigeant vers le nerf palléal, sans que j'aie pu toutefois constater d’anastomose entre les deux nerfs. A la bifurcation du nerf branchial, j'ai pu remarquer, chez certains individus mieux préparés, de fines branches nerveuses se distribuant dans le manteau. Je n’ai pas trouvé la fausse branchie typique, mais j'exposerai plus loin les raisons qui me font prendre le bour- relet palléal pour l’homologue de celle-ci. Le muscle colu- mellaire des Néritidés est très développé, et les nerfs qui s’y rendent ne le sont pas moins. Le grand nerf columellaire (/g) a son origine sur le bord postérieur externe du ganglion, et se dirigeant en arrière et à gauche, se divise en trois branches et plonge dans le muscle; un autre petit nerf columellaire a son origine au point où le ganglion palléal gauche s’unit au ganglion sous-intestinal. Le ganglion palléal droit (Cd) envoie au manteau un gros nerf qui se bifurque avant d’avoir atteint le manteau, où il se ramifie abondamment. Une de ses branches passe sous le rectum et y envoie probablement quelques branches, ainsi qu'aux annexes de l'appareil génital. Le nerf columellaire droit (/d) se comporte à droite comme son correspondant à gauche; 1l est souvent accompagné à sa base par un autre petit filet columellaire. Le ganglion sous-intestinal, signalé pour la première fois par M. de Lacaze-Duthiers chez la Neritina fluviatilis, se sépare des ganglions palléaux par des étranglements peu marqués, dans l’espèce qui nous occupe au moins. C’est une masse ganglionnaire piriforme, peu développée, qui se pré- sente comme un renflement à la base du grand nerf vis- céral (k). Ge dernier a exactement les mêmes fonctions que la branche sous-intestinale de la commissure viscérale chez les Prosobranches à commissure croisée. Il se dirige en arrière en suivant le plancher de la cavité antérieure du corps, au-dessous du tube digestif et se portant un peu à droite; il atteint bientôt la paroi du corps et se prolonge ainsi jusqu’au 59 E.-L. BOUVIER. voisinage du tortillon ; il remonte contre la face antérieure de celui-ci, celle qui constitue le fond de la chambre branchiale. Là il devient superficiel, et, se dirigeant à gauche au-dessus du tube digestif, forme un ganglion viscéral (V) au-dessous de l’orifice du rein. Ce ganglion envoie des nerfs à l’organe de Bojanus, au péricarde, et probablement aussi au cœur. J’in- terpréterai plus loin la signification du grand nerf viscéral et de son ganglion. Avant de se recourber en arrière pour se diriger à gauche, le grand nerf viscéral envoie daus les tissus situés au-dessous du tube digestif un ou deux filets nerveux, que je n’ai pu suivre jusqu'à leur champ de distribution chez la N. peloronta. J'ai été plus heureux avec l'Helicina Sagraiana, où j'ai trouvé, -dans cette région, un filet nerveux important se rendant à la partie inféro-antérieure du foie; il en est probablement de même dans la N. peloronta. Même observation au sujet d’un nerf très ramifié (7:) et important, qui a son origine au point même où le grand nerf se recourbe à gauche; il innerve à coup sûr, chez l'Hélicine, les glandes génitales annexes et le rectum ; peut-être aussi envoie-t-il quelques branches au foie, mais Je ne saurais l’affirmer. Un peu plus loin, dans la N. pe- loronta, on voit naître un puissant nerf viscéral plongeant dans le nucléus et se rendant au foie et aux glandes géni- tales. J'ai dit que le ganglion viscéral envoyait deux nerfs, l’un au rein, l’autre au cœur, ou au moins au péricarde. Ces deux nerfs embrassent l’orifice du rein. | La commissure buccale (fig. 6), avec ses deux longs gan- glions mal séparés, a l’aspect d’un fer à cheval comme celle de la Patelle. Les ganglions (B) sont fort allongés, et un étran- glement à peine sensible les sépare sur la ligne médiane. Toutefois, la concentration est plus grande que dans la Patelle, et c’est une transition importante qui conduit aux Prosobranches plus élevés en organisation. Cette transition s’accentue bien davantage chez les autres Néritidés, et sur- tout chez les Hélicinidés. Sur la ligne médiane, la masse gan- glionnaire buccale envoie un fin nerf (s:1) à la gaine radulaire. ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. D3 Sur les côtés de ce nerf, on en trouve deux autres (s2, s:) plus puissants qui se rendent aux muscles postérieurs de la masse buccale. Un peu plus en dehors, et de chaque côté, on voit un nerf (s,) prendre son origine sur le bord antérieur des gan- glions buccaux et se recourber en arrière pour innerver l’œsophage. Je n’ai pu étudier l’innervation des glandes sali- vaires. D’autres nerfs issus des connectifs se rendent aux par- ties antérieures de la masse buccale. Le N. peloronta n’est pas un très bon type pour la dissec- tion. Elle est d'assez grande taille, et c’est pourquoi je l’avais choisie parmi les Néritidés et les Hélicinidés, espérant trouver chez elle une commissure viscérale croisée et faire disparaître l’anomalie que présentent ces deux familles, parmi les Proso- branches, au point de vue du système nerveux. C’est par cette espèce que J'ai commencé l'étude des Néritidés, et c’est sur elle que j'ai recueilli le plus de détails; voilà pourquoi j'en ai fait ici la description. Malgré les lacunes que j'ai signalées dans ce travail, on peut considérer l’étude de cette espèce comme assez complète, en tenant compte des renseigne- ments précieux qui m'ont été offerts par certaines Néritines et par les Hélicinidés, plus commodes à certains égards pour l'étude des nerfs. Depuis, J'ai pu étudier la Neritina fluviatilis, et m'assurer que cette espèce ne diffère que par des infiniment petits de la N. peloronta. Ce sera une forme excellente pour étudier le système nerveux typique que Je viens de décrire. Historique. — La N. peloronta n’a jamais été étudiée au point de vue anatomique. Mais son système nerveux ressemble tellement à celui de la Neritina fluviatilis qn’il est nécessaire de parler ici des auteurs qui ont étudié ce dernier mollusque. Ce sont, dans l’ordre chronologique, Quoy et Gaymard (12), -Claparède (4%), M. de Lacaze-Duthiers (64), Jhering (80), Simroth (95) et Bela Haller (106). Les travaux de Quoy et Gaymard, sur le système nerveux de la Néritine, ne doivent être signalés qu’au point de vue historique. Claparède a donné une description générale exacte 54 E.-L. BOUVIER. du système nerveux de la Néritine, mais 1l ne sépare pas le ganglion sous-intestinal des ganglions palléaux. C’est M. de Lacaze-Duthiers qui, le premier, a distingué ce ganglion des autres. Jhering ne signale pas ce ganglion, et si sa descrip- tion des nerfs est plus complète que celle de Claparède, elle laisse encore beaucoup à désirer. Le nerf branchial est méconnu, les nerfs columellaires ne sont pas indiqués, le grand nerf viscéral n’est pas suivi, et les nerfs cérébroïdes ne sont signalés qu'incomplètement. Simroth se borne à étudier les nerfs pédieux de la Néritine et signale des ana- stomoses transversales entre ces nerfs (*). Bela Haller conteste, sans observation préalable, l’existence de ces commissures. Son opinion est surtout fondée sur une interprétation inexacte des figures de Claparède; il veut voir dans la Néritine des ganglions pédieux plus centralisés et moins allongés en cor- dons que ceux de la Patelle. Aucun auteur n’a signalé la commissure labiale, les nerfs viscéraux et le nerf branchial. Par conséquent, mon travail a mis en évidence les trois points suivants, dont importance ressortira plus loin : 1° L'existence d’une commissure labiale, en partie gan- glionnaire, comme chez la Patelle; 9 L'existence d’un grand nerf viscéral et d’un ganglion vis- céral situé sur ce nerf, ces deux parties correspondant à la branche sous-intestinale et au ganglion viscéral de la Patelle; 3 L’existence d’un nerf palléo-branchial gauche dont la distribution est exactement la même que celle du même nerf chez les Tectures. En outre, l’étude complète des nerfs palléaux, columel- laires, épipodiaux et viscéraux vient combler les lacunes nombreuses laissées par les savants antérieurs. Je signale également, après M. de Lacaze-Duthiers, l'existence impor- tante d’un ganglion sous-intestinal. Néritines. — J'ai étudié le système nerveux des trois (*) Voyez plus loin (Néritines) des détails plus complets sur le travail de Simroth. ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSGBRANCHES. 59 espèces suivantes : Neritina canalis Sow., N. cariosa Gray et N. fluviarilis Linn. Le système nerveux ne diffère de celui des Nérites que par des caractères peu importants. La saillie proboscidienne est beaucoup plus courte et ne s’allonge presque pas en pointe; la commissure labiale est d’une grande netteté et n’émet pas même un nerf à son origine. Les connectifs des ganglions buccaux sont toujours émis par la saillie labiale au voisinage de son extrémité. La N. canalis m'a permis d'étudier avec une grande netteté la distribution du nerf branchial, dans son important rameau récurrent du moins. Quand ce rameau a atteint la base de la pointe libre de la branchie, 1l poursuit un instant son chemin en arrière, puis se recourbe brusquement pour suivre le bord antérieur de la plume branchiale jusqu’à son extrémité libre. Au coude, j'ai cherché en vain une branche qui innerverait la partie postérieure de la branchie; si cette branche existe, elle doit être très ténue. La figure 14, de la Nerita peloronta, représente exactement l’innervation de la branchie chez la Neritina canalis. Entre les Nérites et les Néritines, les plus grandes diffé- rences se localisent dans le ganglion sous-intestinal et dans les ganglions buceaux. Le ganglion sous-intestinal est séparé par un simple étranglement du ganglion palléal droit, tandis qu'il est rattaché au ganglion palléal gauche par une forte commissure déjà très marquée dans la N. canalis, beaucoup plus dans la N. cariosa; la N. fluviatilis est intermédiaire entre les deux espèces précédentes. En somme, l’anneau des centres inférieurs s’est un peu élargi, ce qui a nécessité l'allongement d’une commissure à peine distincte au début. Chez la N. canalis, les otocystes sont situées sous les cordons pédieux à une faible distance de leur bord antérieur; elles sont tout à fait à la partie postérieure des mêmes cordons chez la N. cariosa et surtout chez la N. fluviatilis; à ce point de vue, cette dernière espèce sert de transition entre la N. cariosa et les Navicelles. 96 E.-L. BOUVIER. Dans les Néritines, les ganglions buccaux sont séparés par une assez longue commissure; mais les ganglions sont longs et encore assez mal concentrés. Par la réduction de la saillie labiale et la séparation des ganglions buecaux, les Néritines sont plus voisines des Ténioglosses que les Nérites, et la divi- sion de l’ancien genre Nerita en deux genres (Nerita et Neri- tina) me paraît complètement justifiée par l'anatomie du système nerveux. Navicelles. — Malgré l’apparence patelliforme de leur coquille, les Navicelles se rapprochent extraordinairement des Néritines. Je les considère toutefois comme intermédiaires entre les Nérites et les Néritines, surtout parce que la saillie labiale est un peu plus longue et parce que les ganglions buc- caux sont moins bien séparés que ceux des Néritines. Navi- celles et Néritines se présentent à nous comme des Nérites modifiées de deux manières différentes, les premières dans leur forme, les secondes dans leur organisation. J'ai étudié le système nerveux de deux espèces : la Navi- cella Janelli Recluz (fig. 3 et 4), et la N. porcellana Desh. Les centres nerveux inférieurs ressemblent à s’y méprendre à ceux d’une Néritine, et sans la position différente des oto- cystes, on ne saurait comment les distinguer de ceux d’une Neritina cariosa. Les otocystes (0), assez éloignées l’une de l’autre, sont appliquées contre le bord postérieur de la commissure qui rattache le ganglion sous-intestinal au ganglion palléal gauche. Dans un exemplaire de N. porcel- lana, une otocyste se trouvait en avant de ce cordon, l’autre en arrière, sans doute à la suite des contractions du corps, puisqu’un autre individu me les a montrées à la même place que chez la N. Janelli, mais un peu plus rapprochées. Je n’ai pas trouvé le nerf acoustique dans la N. Janelli, mais je l’ai vu passer sous les ganglions palléaux dans la N. porcellana et se diriger vers le cerveau. Le ganglion sous-intestinal (S b) est Ph. plus nettement RUE chez la N. porcellana que chez la N. Janelli. | Par suite du puissant développement du pied en arrière, ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 97 l’opercule se trouve inclus entre le pied et le nucléus viscéral, et les cordons pédieux ont une direction nettement récurrente, même chez les animaux conservés dans l'alcool. Deux gros nerfs pédieux se rendent dans la partie antérieure du pied. Dans les Navicelles, les centres inférieurs sont situés assez loin en arrière des ganglions cérébroïdes, aussi les connectifs latéraux sont-ils plus longs que chez les Nérites et les Néritines. Historique et conclusions. — L'histoire des Néritines et des Navicelles se rattache intimement à celle des Néritines. Je ren- voie par conséquent à l'étude que j'en ai faite en traitant de la Nerita peloronta. Je dois pourtant signaler ici le travail de Garner (18) sur la Neritina canalis; la figure donnée par cet auteur est assez bizarre, mais les deux cordons pédieux et les deux connectifs latéraux sont parfaitement indiqués; les cen- tres inférieurs sont représentés par une seule masse. De tous les travaux sur le système nerveux des Néritidés, celui de Simroth (95) sur la Neritina fluviatilis se rapproche le plus de la vérité. M. B. Haller (106) n’a pas étudié le groupe qui nous occupe; pourtant, il ne saurait admettre l’orthoneurie des Néritines, et critique assez vertement le travail de Simroth; je pense que les détails que je viens de donner sur d’assez nombreuses espèces finiront par convaincre M. Haller. Si j'ai étudié un si grand nombre de Néritidés, c’est que je voulais, envers et contre tout, y découvrir une chiastoneurie très nette, et je dois avouer maintenant que tous mes efforts ont été infructueux. Nous n’avons pas eu, jusqu'ici, une anatomie complète satisfaisante d’un Néritidé quelconque. Il suffit de ‘ire le travail de Claparède sur la Néritine fluviatile (44) pour voir quelles incertitudes règnent encore dans la détermination des organes. Quand on a étudié le travail de Claparède, on se demande en quoi consiste l’appareil génital et surtout quel pourrait être l'organe d’accouplement. J'ai cherché cet organe et je l’ai toujours trouvé dans la position indiquée par Quoy et Gaymard. Il est bifurqué, et l’une des branches se ter- 08 _ E.-L. BOUVIER. sr a mine en pochette chez la Neritina cariosa (fig. 8). La dis- cussion de Claparède avec Moquin-Tandon (34) sur la glande précordiale est bien plus confuse encore, et je crois ajouter quelque chose aux connaissances acquises en disant que le rein est situé au fond de la chambre palléale, à droite du cœur, avec un orifice en boutonnière s’ouvrant au fond de la même chambre, comme chez les Prosobranches plus élevés en organisation. Les Navicelles n'avaient jamais été étudiées, sauf par Quoy et Gaymard (12), qui se sont surtout occupés de leur habitat. Dans une note que j'ai indiquée plus haut (117), j'ai montré comment les Néritidés établissent, par leur anatomie et leur habitat, une transition entre les Trochidés marins et les Hélicinidés terrestres ; les Nérites marines étant plus voi- sines des Trochidés, les Néritines et les Navicelles fluviatiles plus voisines des Hélicinidés. Je croyais alors trouver dans les Rhipidoglosses orthoneuroïdes la transition qui conduit aux Prosobranches plus élevés en organisation. Mais je recon- nais aujourd’hui que ces Prosobranches forment un groupe à part issu des Turbonidés et des Trochidés, et que les Ténio- olosses se rattachent bien plus directement à ces deux familles par l'intermédiaire des Paludinidés et des Littorini- dés. Quoi qu'il en soit, par leur organisation en général et surtout par leur branchie, la partie antérieure de leur système nerveux et leur cœur traversé par le rectum, les Rhipido- olosses orthoneuroïdes ne sauraient être brusquement séparés des Rhipidoglosses chiastoneures, comme l’a fait Jhering, et je suis en cela complètement de l’avis de B. aller. HÉLICINIDÉS (fig. 9, 10, 11 et 12). J'ai étudié, dans cette famille, l’Helicina Sagraiana d’'Orb. et l’A. Brasiliensis Gray, provenant toutes deux des collec- tions du Muséum. Rien ne ressemble plus au système nerveux des Néritidés que celui des Prosobranches de cette famille; les détails seuls ARTICLE N° . SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES, 59 diffèrent, et je vais les signaler rapidement en prenant pour type l'A. Sagrarana (fig. 9 et 10). La masse buccale étant plus réduite que celle des Nériti- dés, les quatre colliers antérieurs (buccal, labial, pédieux et palléal) seront plus étroits; le raccourcissement se manifeste surtout dans les connectifs latéraux. La saillie labiale (fig. 10, CG) est courte et mousse à son extrémité, de sorte que la commissure labiale (c) commence brusquement sur elle, et offre un caractère commissural très prononcé. Non seule- ment elle n’émet aucun nerf, mais le premier nerf labio-pro- boseidien (p) naît sur la saillie à quelque distance de l’ori- gine de la commissure. Je n'ai jamais plus trouvé de quatre nerfs labio-proboscidiens de chaque côté. Les connectifs buc- caux se détachent toujours de la saillie, et dans leur trajet récurrent sous les muscles superficiels de la masse buccale, ils émettent deux nerfs assez importants. Les ganglions buc- caux (fig. 9, B) sont ovoides, parfaitement limités et séparés par un fort étranglement. C’est chez les Hélicinidés, parmi les Aspidobranches, que les ganglions buccaux atteignent leur différenciation la plus parfaite, et ce caractère concorde en tous points avec le développement plus faible de la saillie labiale qui manifeste une tendance à rentrer dans le cer- veau. Les centres inférieurs offrent à peu près la même disposi- tion que ceux de la Nerita peloronta; seulement l'anneau qu'ils forment est un peu plus étroit. Je n’ai pas trouvé le petit nerf épipodial (?) de la Nérite; par contre, le nerf pariétal (fig. 10, di, &) est très développé et le remplace probable- ment dans son rôle. C’est, du reste, un caractère des Héli- cinidés de présenter la réunion de plusieurs nerfs en un seul tronc. Ainsi les nerfs palléaux et columellaires de chaque côté sont unis en un seul gros tronc (/{m) et ne se séparent que beaucoup plus loin. Le rameau branchial manque comme la branchie elle-même : les Hélicinidés sont des Pro- sobranches pulmonés. Le ganglion sous-intestinal (S b) est peu développé. 60 | E.-L. BOUVIER. Le grand nerf viscéral (k) est presque aussi gros, à son origine, que le ganglion sous-intestinal ; il s’unit au nerf pal- léo-columellaire gauche par un mince filet nerveux. Non loin de son origine, j'ai vu ce nerf envoyer quelques rameaux très grèles au plancher musculaire du corps, plus loin, une’assez orosse branche (7,), qui se dirige en arrière dans la partie inférieure du foie en passant sous le tube digestif. Pour les autres rameaux issus de ce nerf, je renvoie à la Nérite. Les cordons ganglionnaires pédieux (P) offrent les mêmes caractères que ceux des Néritidés, mais 1ls sont beaucoup plus rapprochés, ce qui permet de mettre assez facilement en évidence les anastomoses transversales qui les unissent. Je n'ai pas trouvé les otocystes dans cette espèce. Par contre, je les ai mises très facilement en évidence chez la petite H. brasiliensis (fig. 11 et 19); elles sont situées sous les cordons pédieux, à une distance assez grande de leur origine; un cordon fibreux les unit transversalement. Les ganglions cérébroïdes (fig. 11, C) sont énormes dans cette espèce, chacun d’eux étant presque aussi gros que la masse formée par l’anneau sous-œæsophagien. Cela tient sans doute au grand développement du mufle et à la longueur excessive des tentacules, qui, chez des animaux conservés dans l'alcool, atteignent près de 4 millimètres, pour un animal dont la coquille a tout au plus 7 à 8 millimètres. Le conneclif céré- bro-palléal est presque deux fois aussi gros que le connectif cérébro-pédieux. La saillie labiale (fig. 11, GC) est arrondie et forme une bosse sur le bord antérieur des ganglions céré- broïdes ; tous les nerfs proboscidiens et labiaux sont localisés sur cette bosse; la commissure labiale qui met en relation les deux saillies est libre, courte et grosse ; elle n'émet aucun nerf. Le ganglion sous-intestinal (fig. 12, Sb) est presque entièrement confondu avec le ganglion palléal droit ; le grand nerf viscéral permet seul, par son point d'attache, de constater l'existence du ganglion. _ Historique et conclusions. — Isenkrahe (57) et Jhering (80) ont étudié le système nerveux des Hélicines. Le premier a ARTICLE N° 1. : Co SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 61 donné l'anatomie de l'A. fitanica, le second le système ner- veux de l’A. beryllina. Isenkrahe décrit la glande précordiale sans l’assimiler à un rein, mais il n’a pas trouvé son orifice, qui est une simple fente s’ouvrant au fond de la cavité palléale comme chez les Néritidés ; il ne décrit pas de pénis, et je n’en ai pas trouvé non plus, mais il peut se faire que je n’aie pas eu assez d'exemplaires entre les mains pour trancher la question. Isenkrahe fait remarquer avec raison que le cœur n’est plus traversé par le rectum chez les Hélicines. D’après cet auteur, les Hélicines ont un système nerveux qui les éloigne des Cyclostomes et les rapproche des Nérites. C’est très vrai, mais sa description et sa figure du système nerveux sont remplies d'erreurs et bien incomplètes. La description du système nerveux de l’Hélicine, donnée par Jhering, est très exacte et se rapproche beaucoup de la mienne. J’ai simplement complété quelques lacunes laissées par cet auteur. Ainsi, Jhering ne signale, ui la commissure, ni les saillies labiales, et il n'indique pas plus les otocystes que les anastomoses pédieuses ; il n’a pas soupçonné la nature ganglionnaire des cordons pédieux. Je n’insiste pas sur les lacunes qu’il a laissées dans la description des nerfs, car elles sont beaucoup moins importantes. La description précédente du système nerveux établit aussi nettement que possible les affinités étroites qui unissent les Hélicinidés aux Néritidés. La position et l’orifice du rein, la forme du corps et du pied, l'anatomie générale viennent Jus- tifier encore ce rapprochement préconisé par Isenkrahe. La présence d’une seule oreillette et l'éloignement du ventricule et du rectum, montrent pourtant que les Hélicines sont plus éloignées du type primitif que les Néritidés. 62 -S4 4e E.-L. BOUVIER. IT + Prosobranches sans commissure labiale : Pectinibranches ou Monotocardes. À. — FORMATION DE LA ZYGONEURIE. TÉNIOGLOSSES DIALYNEURES À part deux exceptions, la commissure labiale fait défaut chez tous les Pectinibranches. C’est un caractère négatf qui caractérise ce sous-ordre, considéré au point de vue du système nerveux. D'autre part, le système nerveux de la très grande majorité des Pectinibranches est zygoneure, c'est-à-dire se fait remar- quer par la présence d’un connectif reliant directement le ganglion palléal droit au ganglion sous-intestinal. Chez les Pectinibranches, qui ne présentent pas cette union directe des deux ganglions, le système nerveux est dialyneure; mais dans ce cas, comme chez les Aspidobranches chiasto- neures, les deux ganglions ne sont pas isolés; ils sont en relation indirecte par l'union des deux nerfs palléaux droits issus, le premier du ganglion palléal droit, le second du gan- -glion sous-intestinal. Ces Pectinibranches, peu nombreux, appartiennent tous au groupe des Témioglosses, et je les appellerai, par conséquent, Ténioylosses dialyneures. Étant dialyneures, ils se rapprochent beaucoup des Aspidobranches, et ces ressemblances ne sont nulle part aussi bien marquées que dans le système nerveux. En un mot, par leur système nerveux, les Aspidobranches et les Ténioglosses dialyneures forment un groupe dans lequel toutes les transitions sont ménagées entre le système nerveux typique des Aspidobranches et le système nerveux zygoneure, ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 63 qui appartient à la très grande majorité des Pectinibranches. Et, puisque dans cette série les transitions brusques font défaut, on devra trouver un ou plusieurs Ténioglosses dialy- neures, dont le système nerveux aura les plus grandes affi- nités avec celui des Aspidobranches ; c’est le cas de la Palu- dine et des Gyclophoridés. De même, à l’extrémité de la série, on devra trouver toutes les transitions entre le système ner- veux dialyneure et le système nerveux zygoneure, et c’est le caractère propre des Cérithidés et des Mélanñdés d'établir ces transitions et de renfermer à la fois, dans une même famille, des espèces dialyneures et des espèces zygoneures. À tous les points de vue, par conséquent, le groupe des Ténioglosses dialyneures offre un puissant intérêt, et, comme beaucoup sont indigènes, il sera facile de compléter mes recherches et de multiplier les transitions, puisque Je dois me limiter ici aux plus importantes. Aux Témioglosses dialyneures appartiennent les Paludi- nidés, Gyclophoridés, Littorinidés, Planaxidés, Cyclostomidés, Hydrobiidés, Mélantidés, Vermétidés, Cérithidés, Solaridés et Scalaridés, etc. Je parle seulement, bien entendu, des familles que j'ai étudiées ou que des travaux antérieurs avaient fait connaitre. c PALUDINIDÉS (fig. 15 et 16). J’ai étudié dans cette famille une espèce indigène, la Palu- dina vivipara Linn. (fig. 15 et 16), et une espèce exotique à peu près de même taille, la P. carinata Valenciennes. La description suivante s’applique exclusivement à la Palu- dine vivipare. Mes recherches ont été faites, en partie sur des animaux frais, en partie sur des exemplaires conservés dans l'alcool et recueillis à Argenteuil en 1834. Les ganglions cérébroïdes (G) sont situés sur les côtés de la masse buccale, à la partie postérieure de celle-ci. Ils sont unis par une commissure large et assez courte. [ls sont assez sensiblement aplatis et se prolongent en avant et en dessous 64 E.-L. BOUVIER. dans une longue saillie labiale ganglionnaire (CG). De cette saillie se détache le connectif buecal (%) qui pénètre dans la masse buccale en arrière, pour se terminer dans le gan- glion buccal correspondant. Les deux ganglions buccaux (B) sont assez allongés, séparés très nettement de leurs connectifs, beaucoup moins de la commissure qui les unit. La saillie ganglionnaire labiale donne aussi naissance à une commissure labiale (c,) qui passe sous la masse buccale en avant et établit une nouvelle relation entre les ganglions cérébroïdes. Dans sa partie médiane, qui est la plus grêle, cette commissure est encore très facile à voir. Elle apparait, sans dissection, sur le plancher du mufle, tranchant en blanc sur le pigment noir de celui-ci. | | En dessous et un peu en arrière, les ganglions cérébroiïdes émettent chacun deux connectfs très différents par leurs dimensions. Le plus antérieur, qui est aussi le plus long et le moins gros, est le connectif cérébro-pédieux (4); l’autre est très gros et court; 1l va se terminer dans le ganglion pal- léal correspondant, c’est le connectif cérébro-palléal (2) ; celui de droite est moins long et encore plus épais que celui de gauche. Les ganglions palléaux envoient l’un et l’autre un connectif aux cordons ganglionnaires pédieux (P); avant d'attendre le cordon qui lui correspond, le connectif palléo- pédieux (k:) se confond avec le connectif cérébro-pédieux, De chaque eôté par conséquent on voit, outre le connectif cérébro-pédieux, un gros cordon qui s'étend entre les gan- glions cérébroïdes et les très longs ganglions pédieux, et c’est sur ce cordon que se trouve le ganglion palléal, à une faible distance des ganglions cérébroïdes.Chaque cordon est ganglion- naire sur toute sa longueur, et les ganglions palléaux n’appa- raissent que comme des renflements assez faibles de ces cor- dons. Ainsi chez la Paludine, les masses ganglionnaires sont encore mal séparées, comme chez les Aspidobranchés. Ce caractère s’accentue encore bien davantage dans les ganglions pédieux. Chaque ganglion est formé par un long cordon (P) qui a son origine sur le plancher buccal derrière l’angle du ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 65 mufle. À leur origine les deux ganglions sont un peu renflés el s'unissent par une large et courte commissure. Ils se pro- longent ensuite dans le lobe postérieur du pied, divergeant d’abord, convergeant ensuite de manière à dessiner une ellipse allongée. Trois commissures transversales les réunis- sent dans ce trajet, en outre une anastomose quasi transver- sale réunit les deux gros nerfs pédieux du lobe antérieur. La commissure viscérale a son origine dans les deux ganglions palléaux. Sa branche sous-intestinale (4') se dirige iransversalement de gauche à droite, par-dessous l’æso- phage, d’abord très peu en arrière, ensuite beaucoup plus. Quand elle a atteint les parois droites du corps, elle émet une branche assez faible (2), mais pourtant nette et facile à disséquer, qui se dirige vers le manteau. Au moment où cette branche va y pénétrer, elle se confond avec le gros nerf palléal droit (#°), issu de la base du ganglion palléal droit. Cette anastomose très éloignée des centres nous montre que la Paludine est encore fort différente des formes zygoneures, et beaucoup plus voisine des Aspidobranches. A l’origme du nerf palléal sur la commissure viscérale, on ne trouve aucune trace de renflement ganglionnaire. La branche sous-intesti- nale de la commissure viscérale se termine en arrière dans le ganglion viscéral (V) situé au voisinage du cœur, derrière le bourrelet dorsal de l'animal. | La branche sus-intestinale (4) de la même commissure se dirige de droite à gauche transversalement par-dessus l’œso- phage, elle oblique ensuite un peu en arrière et, arrivée dans les parois du corps, au niveau de la fausse branchie, forme un ganglion sus-intestinal (Sp), après quoi elle se dirige en arrière en $’atténuant un peu et se termine dans le ganglion viscéral, au-dessus du tube digestif. Le ganglion sus-intes- tinal envoie un nerf puissant (b,) à la branchie et surtout à la fausse branchie. Par une de ses branches les plus faibles, ce nerf s’anastomose avec le nerf palléal gauche (#) issu du ganglion palléal gauche. Ainsi se trouve réalisé, chez la Palu- dine, le système nerveux normal des Prosobranches, ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. II, De — ART. N° {, 66 E.-L. BOUVIER. Innervation. — Les ganglions cérébroïdes innervent à la fois les organes des sens spéciaux, le mufle et les lèvres, ainsi que les parois de la tête. Les nerfs de la sensibilité spéciale ont leur origine sur la face externe des ganglions, le nerf tentaculaire (f) au-dessus de la saillie labiale et du connectif cérébro-pédieux, le nerf optique (f) au-dessus du connectif cérébro-palléal et le nerf acoustique (0°) au-dessous des deux précédents entre l’origine des deux connectfs issus des ganglions cérébroïdes. Le nerf tentaculaire est très gros et va se ramifier à la base et dans l'épaisseur du tentacule. Chez le mâle, c’est Le tentacule droit démesurément grossi qui joue le rôle de pénis, et c’est aussi le nerf tentaculaire droit, à peine plus gros, qui devient le nerf pénal. Le nerf optique est grêle et aboutit, sans se ramifier, à l’œil situé sur une saillie à la base du tentacule. Le nerf acoustique est plus grêle encore, mais très visible ; 1l descend entre les deux conneclifs qui vont aux ganglions pédieux, passe sur leur face externe, et diverge en dehors et en avant pour se rendre aux otocystes (0). Celles-ci se trouvent un peu incluses dans les tissus, à la naissance du pied, de chaque côté des renflements des ganglions pédieux, mais un peu élôi- gnées de ces derniers. Je renvoie, du reste, pour l’otocyste et le nerf acoustique, au travail de M. de Lacaze-Duthiers. Les nerfs du mufle et des lèvres sont au nombre de quatre en y comprenant les deux nerfs qui, par leur anastomose, forment la commissure labiale. Ils se détachent tous du bord interne des ganglions; le premier (y) des ganglions eux- mêmes, les deux suivants (p:, p:) de la saillie labiale, le dernier (c.) de la pointe même de la saillie. Le nerf (p,) est essentiellement destiné au mufle, puisqu'il se ramifie presque aussitôt et innerve par ses nombreux rameaux les parois latérales et supérieures du mufle ; c’est surtout un nerf pro boscidien, bien que ses dernières ramifications se distribuent dans la lèvre supérieure. Le nerf suivant (p:) envoie seulement une branche aux parois inférieures du mufle ; sa ramification est essentiellement labiale comme celle du nerf (p:). Quant ARTICLE N° {. 6 SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES,. 67 au nerf (c,) qui forme la commissure labiale, il émet d’abord des branches proboscidiennes dont les extrémités sont labia- les pour la plupart; dans sa partie transversale, la plus grêle, il émet ordinairement deux branches labiales. Restent à signaler un ou deux fins nerfs pariétaux qui naissent du bord inférieur de la saillie ganglionnaire. Les nerfs issus des ganglions palléaux ne sont pas moins intéressants à étudier. À gauche, sur le connectif cérébro- palléal (di, e,) et, à droite, sur le ganglion palléal, on voit naître un nerf pariétal qui se distribue aux parois du corps, en arrière des nerfs pariétaux céphaliques. Ils sont assez grèles tous deux. À droite, le ganglion palléal droit donne naissance, un peu au-dessous de sa base, au nerf palléal droit (#') dont un rameau se perd, en avant, dans les parois du corps, un autre dans le bord externe du prétendu bourrelet épipodial droit. Plus loin ce nerf s’unit à un nerf palléal (21) beaucoup plus grêle, issu de la branche sous-intestinale de la commis- sure viscérale, et alors se rend à droite dans le bord du manteau, où 1l envoie de nombreux rameaux. Le nerf palléal droit a son correspondant à gauche dans le nerf palléal gauche (#) issu du ganglion palléal gauche. Ce dernier, après avoir atteint le manteau, envoie une branche au bourrelet palléal qui passe par-dessous le corps, mais il ne paraît pas innerver le faux épipodium, beaucoup plus réduit de ce côté. Un peu plus loin, le nerf se bifurque, sa branche la plus faible se rend immédiatement au bord du manteau ; l’autre oblique un peu en arrière, s’anastomose avec le nerf branchial anté- rieur (/1) et se prolonge dans le manteau, où elle envoie de nombreux rameaux. Les nerfs épipodiaux (é) ont une origine très constante, ils se détachent du connectif ganglionnaire palléo-pédieux, un peu avant qu'il s’unisse au connectif cérébro-pédieux. Ces nerfs sont assez grêles, celui de gauche un peu plus que celui de droite, en raison du moindre déve- loppement de l’épipodium à gauche. Il est facile de suivre ces nerfs dans le faux épipodium où ils se ramifient abondam- ment. À droite, le nerf épipodial innerve seulement le milieu 68 E.-L. BOUVIER. et le bord interne du bourrelet épipodial ; le bord externe de ce hourrelet reçoit une branche du nerf palléal droit. Ainsi, chez la Paludine, les formations appelées épipodiales sont innervées par les ganglions palléaux et, comme telles, doivent être considérées comme une expansion des parois du corps ou une dépendance du manteau. J’ai décrit plus haut la position des ganglions pédieux et la manière dont ils se mettent en relation par des commis- sures. À leur origine, les ganglions émettent trois ou quatre fins nerfs qui se distribuent dans la région du pied qui se rattache au corps. Parmi les nerfs pédieux, les plus importants sont, à coup sûr, les nerfs pédieux antérieurs (w). [l y en a deux, un de chaque côté, ils se détachent des cordons pédieux au point où ceux-ci se recourbent en arrière pour pénétrer dans le gros lobe postérieur du pied. Ils se ramifient très abondamment dans le lobe antérieur du pied, qu’ils innervent à eux seuls. A une faible distance des cordons pédieux, ils détachent deux branches assez faibles qui se ramifient exté- rieurement et s’anastomosent sous un angle obtus (rarement transversalement) par deux branches internes. Au point de réunion de ces deux branches on voit partir quelques rameaux pour la partie antérieure du pied. Quant au trone principal, il distribue de chaque côté de gros rameaux au lobe antérieur du pied, et ces rameaux se divisant à leur tour et s’envoyant des anastomoses assez fortes, 1l s'ensuit qu’un réseau nerveux se forme sur les bords du lobe antérieur du pied. Les autres nerfs pédieux, ceux qu’on peut appeler nerfs pédieux posté- rieurs, se détachent en grand nombre sur le bord externe des cordons. Leur distribution est assez irréguhère et très variable d’un individu à l’autre; souvent entre deux gros nerfs on en voit naître un plus petit, et, en général, ces nerfs sont moins nombreux à droite qu'à gauche, mais plus gros. À leur extrémité les cordons pédieux se terminent par des nerfs pédieux qui se ramifient dans la pointe postérieure du pied. Les autres nerfs pédieux postérieurs se ramifient latérale- ment dans le lobe postérieur et d'autant plus en avant qu'ils ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIIES. 69 sont plus rapprochés de l’origine des cordons. Sur les bords du pied, ils forment un réseau dont les mailles sont, en avant, en communication avec les mailles des nerfs pédieux anté- rieurs, si bien qu’un réseau assez facile à mettre en évidence se trouve continu sur les bords du pied. Quelques nerfs pédieux internes ont aussi leur origine à l’intérieur des cordons pédieux. On doit leur assimiler les nerfs qui se détachent de la deuxième commissure. Du reste, cette commissure a souvent plusieurs origines, et c’est aussi la plus grosse des trois. Les nerfs issus de la commissure viscérale et du ganglion sus-intestinal sont beaucoup plus faciles à étudier sur les animaux conservés depuis très longtemps dans l’alcool que sur les animaux frais. Dans les premiers, l’alcool agissant très longtemps a joué le rôle d’un réactif excellent, et les nerfs apparaissent très nettement par transparence, dans le man- teau ou sur les organes qu'il porte. Sur la branche sous-intestinale de la commissure viscérale, on voit se détacher d’abord les nerfs columellaires (/, /,) au nombre de deux ou trois, tantôt au voisinage du ganglion palléal gauche, tantôt plus ou moins loin sur la commissure. Rien n’est plus variable que lorigine de ces nerfs; ce qui est constant, c’est leur champ de distribution qui est toujours le muscle columellaire. De la branche sous-intestinale de la commissure, à l'endroit où devrait se trouver le ganglion sous-intestinal (qui n'existe pas ici), part un nerf palléal peu développé (z,) qui se con- fond, au voisinage du manteau, avec le nerf palléal droit (#/) dont j'ai parlé plus haut. Ordinairement ce nerf envoie aussi un ou deux petits filets dans la paroi du corps ou dans le manteau. Entre ce nerf et le ganglion viscéral, la branche sous-intestinale de la commissure envoie à droite trois, rare- ment quatre nerfs, que j'ai pu étudier avec tous les détails possibles sur mes exemplaires de 1834. Les deux premiers contractent souvent une anastomose à une faible distance de leur origine. Le premier (#,) envoie ses branches anté- rieures, très nombreuses, sur l’extrémité anale du rectum et 70 E.-L. BOUVIER. sur la pointe libre du conduit génital femelle ; l’innervation de ces deux parties est très riche. Les ramifications posté- rieures, de même que celles des deux autres nerfs, se distri- buent très abondamment sur la matrice et sur le rectum, quelques branches atteignent même le manteau en dessus. À gauche, la branche sus-intestinale de la commissure envoie un ou deux filets très fins aux parois du corps, avant d'arriver au ganglion sus-intestinal. Ce ganglion n'émet qu'un nerf, qu'on peut appeler branchial antérieur (4). Ce nerf envoie un rameau d’anastomose au nerf palléal, puis cinq ou six branches quise détachent à différents niveaux et s’étendent, comme les branches d’un éventail, jusqu’à la fausse branchie. Ces rameaux s’envoient quelques anastomoses transversales, deux ou trois sont très gros et se voient même par transparence sur des animaux frais préparés à l’acide oxalique, ou parfois sans préparation aucune. La fausse branchie est très saillante, épaisse, longue, mais n’occupe guère qu'une assez fable région à la base de la branchie. IT est possible que quelques ramifications des branches précédentes traversent la fausse branchie et se rendent à la branchie proprement dite; ce qui est certain, c’est qu'une branche tout à fait antérieure de ce nerf passe en avant de la fausse branchie et se rend à l’extré- mité antérieure de la branchie. En arrière du ganglion sus- intestinal quatre ou cinq nerfs branchiaux (4:,b:.....) se déta- chent de la commissure et se rendent à la branchie. Leurs ramifications sont assez nombreuses et contractent entre elles des anastomoses qui mettent en relation indirecte tous ces nerfs. Toutefois, le nombre de ces anastomoses ne permet pas de dire qu’ilse fait un réseau à la base de la branchie. Le nerf le plus voisin du ganglion sus-intestinal s’anastomose avec le nerf branchial antérieur et envoie un ou deux rameaux à la fausse branchie. Le ganglion viscéral se trouve à Pextrémité postérieure el à droite de la crête dorsale de l’animal. Il est sensiblement triangulaire et donne naissance au moins à trois nerfs; lun d'eux (j,) se dirige en avant sur la masse recto-génitale, un ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 71 autre (/:), beaucoup plus puissant et très ramifié, innerve le rein et probablement aussi le cœur, le troisième plonge dans les viscères du tortillon (y). Historique et conclusions. — Les travaux sur le système ner- veux de la Paludine sont assez nombreux; leurs auteurs sont : Cuvier (6), Garner (18), Leydig (25), O. Speyer (35), de Lacaze-Duthiers (64), Jhering (80) et Simroth (75, 91, 95). Cuvier signale seulement la commissure et les ganglions cérébroïdes avec la branche sus-intestinale de la commissure viscérale. La chiastoneurie complète et les rapports des centres antérieurs sont très nettement indiqués par Garner. À la description de Garner, Leydig ajoute celle des ganglions buccaux sans insister d’ailleurs sur la marche de leurs con- nectifs; 11 fait en outre remarquer qu’il y a un ganglion viscé- ral, un ganglion sus-intestinal et pas de ganglion sous-intesti- nal. O. Speyer ne parle pas de la chiastoneurie et son travail renferme de très nombreuses inexactitudes; les ganglions buccaux ne sont pas indiqués, le nerf acoustique a été suivi par l’auteur jusque dans les ganglions palléaux. Le dessin le plus exact qui ait été donné jusqu'ici des centres antérieurs de la Paludine, a été inséré par M. de La- caze-Duthiers dans son travail sur les otocystes des Mollusques. Les cordons pédieux, les otocystes, les ganglions palléaux sont parfaitement représentés. La commissure viscérale n’est pas indiquée sur la figure, mais l’auteur dit, dans son travail, qu’elle est croisée comme celle du Cyclostome. Simroth représente à son tour la chiastoneurie de la Paludine dans un travail publié en 1876 (75). Jhering n’ajoute rien aux obser- vations des savants qui précèdent, mais en 1881 Simroth découvre la nature ganglionnaire des cordons pédieux de la Paludine et leurs commissures transversales. En résumé les travaux qui précèdent ne nous donnent qu'une partie du système nerveux normal de la Paludine et ne renferment que des détails très insuffisants sur l’inner- vation. Je crois avoir complété, dans une large mesure, l'étude des nerfs de cet animal; et, en ce qui concerne le plan même 72 E.-L. BOUVIER. de son système nerveux, j'ai signalé lexistence de la forte saillie labiale, de la commissure labiale, de l’anastomose palléale gauche et surtout de l’anastomose palléale droite qui est si instructive pour expliquer la formation de la zygoneurie. À tous ces points de vue, la Paludine offre un intérêt puis- sant, et c’est une forme de passage très nettement indiquée entre les Rhipidoglosse chiastoneures et les Ténioglosses dia- lyneures. Par leur saillie labiale, leurs cordons pédieux et leurs commissures pédieuses, leur commissure labiale et un système nerveux encore très éloigné du type zygoneure les Paludines sont, de tous les Ténioglosses, les plus voisins des Turbonidés et des Trochidés; avec une branchie bipectinée et le cœur traversé par le rectum, il serait matériellement impossible de les séparer des Rhipidoglosses chiastoneures, dont elles se rapprochent, du reste, par les ganglions encore mal ébauchés sur la commissure viscérale. Elles sont absolu- ment indépendantes des Littormidés, des Bythinies et des Cyclostomes, quoique, dans la plupart des elassifications, elles soient reliées étroitement à ces formes. D'ailleurs, d’après Hœrnes (108), les Paludines apparaïtraient dans les pre- mières formations d’eau douce des terrains jurassiques, ce qui n'offre aucun désaccord avec les conclusions précédentes. CYCLOPHORIDÉS (fig. 17). Je ne crois pas qu'il soit, dans tout l’ordre des Proso- branches, une famille plus intéressante et plus instrucive que celle des Gyclophoridés. Outre les mdications précieuses qu’elle nous donne sur le système nerveux des Prosobranches, elle nous fournit en même temps une transition naturelle entre les Rhipidoglosses et les Ténioglosses. J’ai spécialement choisi, dans cette famille, un exemplaire du Cyclophorus hgrinus Sowerby; je lai conservé presque intact, après la dissection du système nerveux, comme pièce démonstrative destinée aux collections du Muséum. Les Gyclophores sont des Pulmonés terrestres à oper- ARTICIE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. +3 cule circulaire; les yeux sont sur une saillie à la base des ten- tacules, le mufle s’élargit beaucoup en avant et forme deux expansions latérales assez peu développées. La chambre pul- monaire est vaste; la masse recto-génitale est fort développée; je ne sais rien sur le pénis, lexemplaire que j'ai eu entre les mains étant une femelle. L'épipodium n'existe pas. Plan du système nerveux. — Les ganglions cérébroïdes (C) sont unis entre eux par une courte mais large commissure ; leur saillie labiale est très prononcée et émet la plupart des nerfs du mufle et des lèvres. Les connectifs buccaux (%) se détachent comme une branche du nerf proboscidien inférieur, après avoir atteint la masse buccale en avant et sur les côtés, ils reviennent en arrière pour aboutir aux ganglions buccaux ; dans cette partie récurrente de leur trajet, ils sont placés sous les muscles superficiels de la masse buccale. Les ganglions buecaux (B) sont très nettement limités, ils sont unis par une longue commissure arquée sous-æsophagienne. Les connectifs latéraux sont très longs, parallèles, et se dirigent par-dessous et en arrière contre les parois du corps. Les connectifs cérébro-palléaux (£,) sont plus larges et un peu plus courts que les connectifs cérébro-pédieux (4,). Les con- nectifs cérébro-palléaux aboutissent à l'extrémité antérieure des ganglions palléaux (Cd, Cg) fusiformes et allongés d'avant en arrière. Ces ganglions reposent côte à côte sur le plancher de la cavité du corps, un peu en arrière de la ligne où le mufle se rattache au pied; on les croirait accolés ou unis, mais il n’en est rien, comme on peut s’en convaincre en écartant les deux ganglions. Les ganglions pédieux sont représentés par deux longs cordons ganglionnaires (P) qui parcourent en divergeant un peu, puis convergeant ensuile, toute la masse du pied d'avant en arrière, à un millimètre environ de la sole pédieuse. Chaque cordon se rattache, à son origime, par un très court et très large connectif, à la partie moyenne, interne et inférieure du ganglion palléal correspondant; par un long conneclif cérébro-pédieux aux ganglions cérébroïdes. Les cor- dons pédieux sont unis entre eux, à leur origine, par une 74 E.-L. BOUVIER. épaisse et très courte commissure ganglionnaire, en arrière par un très grand nombre de fines commissures transversales, aussi nombreuses au moins que chez les Rhipidoglosses. La commissure viscérale a son origine à l’extrémité posté- rieure des ganglions palléaux. Sa branche sus-intestinale (4), assez grêle, se dirige d’abord en arrière, puis un peu oblique- ment de droite à gauche, elle devient ensuite presque trans- versale et atteint les parois gauches du corps, après avoir tra- versé les glandes salivaires allongées et passé sur l’œsophage. Là elle émet un assez puissant nerf pulmonaire (b:), quienvoie une forte et courte branche d’anastomose (z.) au nerf palléal gauche (#) issu du ganglion palléal gauche, puis elle se con- tinue en arrière et se termine dans le ganglion viscéral (V), situé contre le bord antérieur du péricarde. Il est inutile d'ajouter que cette branche a son origine dans le ganglion pal- léal droit (Cd). La branche sous-intestinale de la commissure (h') se détache de l'extrémité postérieure du ganglion palléal gauche. Elle passe obliquement de gauche à droite et d’avant en arrière sur le plancher de la cavité du corps, après un assez court trajet envoie une très courte branche d’anastomose (z,) au nerf palléal droit (m) issu du ganglion palléal droit, puis se continue en arrière en suivant les parois du corps, et se termine dans le ganglion viscéral. Le ganglion sus-intestinal devrait être situé sur la commissure à l’origine du nerf pul- monaire, le ganglion sous-intestinal à l’origine de la branche anastomotique droite; ces ganglions n'existent pas ou, du moins, sont dans un état de réduction si grand qu'ils ne peuvent êtresignalés que paruneétudehistologiquemimutieuse. Innervation. — Dans l’étude des nerfs, je laisserai forcé- ment quelques lacunes, car j’ai voulu garder mtact le système nerveux de mon exemplaire et j'ai dû pour cela ne pas suivre certains nerfs qui m'auraient obligé à le rompre. Les ganglions cérébroïdes émettent de l’intérieur à l’ex- térieur et sur leur bord tourné en avant : 1° un nerf probos- cidien supérieur (p1) qui se rend aux parois supérieures du mufle; 2 trois nerfs labio-proboscidiens (p:, p: et ps) qui se ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 79 détachent de la saillie labiale et innervent essentiellement les lèvres, envoyant toutefois quelques rameaux aux parois laté- rales et inférieures du mufle. Le nerf moyen (p.) envoie quelques rameaux à l’expansion latérale du mufle; quant au nerf inférieur (p1), 1l se bifurque bientôt, et sa branche interne joue le rôle de connectif buccal, sa branche externe innerve surtout les lèvres, mais détache inférieurement un rameau qui doit correspondre à la commissure labiale. Toutefois, si cette commissure existe, Je n'ai pu la préparer. Comme chez la Paludine, le nerf optique (f) a son origine sur la face externe des ganglions cérébroides à une assez grande distance du nerf tentaculaire ; 1l se rend directement, et sans se ramifier, au globe oculaire. Le nerf tentaculaire est très gros (t); quelques filets nerveux se détachent des ganglions cérébroïdes à sa base et se rendent aux parois céphaliques avoisinant le tentacule ; quant au nerf tentacu- laire, 1l émet de très nombreux rameaux surtout dès qu’il a pénétré dans le tentacule. Les ganglions pédieux se trouvent immédiatement au- dessous des ganglions palléaux, j'ai dù séparer le pied du corps pour les disséquer, afin de ne pas détruire le système nerveux que J'avais respecté. C’est probablement dans cette manipulation que j'ai dû détruire les otocystes, car je n’ai pu les retrouver après. Je crois pouvoir affirmer qu’elles n’occu- pent pas la même position que celles des Turbos et des Troques, sans quoi je les aurais bien aperçues sans dissection. Par des restes que J'ai retrouvés après avoir séparé le pied du tronc, je pourrais dire qu’elles se trouvent dans le tissu con- jonctif en dehors des connectifs palléo-pédieux. Quoi qu'il en soit, je n’ai pas observé le nerf acoustique (*). (*) J'ai pu compléter ces recherches sur un exemplaire du C. Pffeiferi. Les otocystes sont logées dans le tissu conjonctif, en dehors du ganglion pédieux, à leur origine. Le nerf acoustique se dirige vers ces ganglions et se rend direc- tement aux ganglions cérébroïdes, entre les deux connectifs latéraux. Les oto- lithes sont fort nombreuses et très petites; les unes sont quadrangulaires, d’autres ovoiïdes, d’autres enfin sont arrondies à leurs extrémités et échancrées sur les côtés. Un fort nerf pariétal a son origine à la base du connectif cérébro- 76 E.-L. BOUVIER. Les connectifs cérébro-palléaux émettent, au voisinage de leur base, un nerf pariétal (d,, e,) assez fort qui va se ramifier dans un plan supérieur en arrière des tentacules. Outre la branche sous-intestinale de la commissure viscérale (4), le ganglion palléal gauche émet à son extrémité postérieure deux nerfs importants. Le plus interne et le moins fort est le nerf columellaire (/) qui suit un instant le plancher de la cavité générale avant de plonger dans le muscle. L'autre est plus puissant, c’est le nerf palléal gauche (#) ; il se dirige en arrière à côté du précédent, puis oblique à gauche, pénètre dans les parois du corps, et avant d’attemdre la base du manteau, envoie une forte et courte branche d’anastomose au nerf pulmonaire (41), après quoi il va se ramifier abondam- ment dans le bord antérieur du manteau à gauche, envoyant une branche descendante dans le bourrelet paliéal inférieur. La branche sus-intestinale de la commissure viscérale (4) ne paraît pas émettre de nerf jusqu’au point où elle atteint les parois gauches du corps, en arrière du nerf palléal gauche. Là, elle donne naissance au nerf pulmonaire (b,) qui reçoit une branche d’anastomose du nerf palléal droit et va se ra- mifier ensuite à gauche dans les parois de la cavité pulmo- naire. Presque au même point, la commissure viscérale émet un nerf beaucoup plus grêle, et dans son trajet récurrent, deux autres nerfs pulmonaires. Je n'ai pu pousser assez loin la dissection pour trouver les rudiments de la fausse branchie. Un seul nerf se détache du ganglion palléal droit à son extrémité postérieure, à côté de la commissure viscérale ; c’est le nerf palléal droit (m), assez développé. Il marche d’abord parallèlement à la branche sous-intestinale de la com- missure viscérale, émet deux rameaux pariétaux, puis reçoit palléal, un autre nerf se détache également de la base du connectif cérébro- pédieux. Ce dernier nerf innerve les muscles situés à la naissance du pied et celui de droite envoie une forte branche au pénis. Le conduit rénal est très long et se termine par une fente rénale en arrière et au-dessous de l'anus, ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 77 une très courte branche d’anastomose (2) de la commis- sure viscérale, au point où celle-et1 forme un faible renflement qui devrait correspondre au ganglion sous-mtestinal. Alors le nerf va se ramifier dans le bord du manteau à droite, envoyant un puissant rameau au bourrelet palléal inférieur. Après avoir pris son origine sur le ganglion palléal gauche, en avant et par-dessous, la branche sous-intestinale de la com- missure viscérale émet trois rameaux pariétaux ou columel- laires, envoie la courte branche d’anastomose que l’on connait au nerf palléal droit et, presque immédiatement après, émet deux nerfs assez forts. Le plus antérieur (#1) parait conti- nuer la branche anastomotique et se rend dans le manteau en passant au-dessus du nerf palléal droit, 1l envoie aussi quelques rameaux à l'extrémité antérieure du rectum et du conduit rénal. L’autre nerf (d,) doit être essentiellement pariétal. En arrière de ces nerfs, la branche sous-intestinale en émet au moins six autres assez puissants qui se rendent tous au manteau à droite et surtout à la masse recto-géni- tale. Enfin avant d'atteindre le ganglion viscéral, elle émet deux nerfs quise rendent à la glande de l’albumine. Le ganglion viscéral (V) repose sur l’œsophage; il est en contact avec l'extrémité antérieure du sac péricardique. Il est triangulaire, et son angle postérieur se continue avec le gros nerf très rameux de l'organe de Bojanus (71). À droite de ce nerf, il en émet deux autres : le nerf des viscères du tor- tillon (7:) et un nerf génital (7:). À gauche du ganglion, la commissure viscérale donne naissance à un gros nerf car- diaque (7:) qui suit un instant l’aorte antérieure et pénètre ensuile dans le ventricule. On le voit très bien entrer dans l'organe sur la préparation que j'ai conservée, et je pense qu'il n'est pas un type plus commode pour l'étude de l’innervation du cœur. À gauche du nerf cardiaque, la commissure viscé- rale émet en outre un fin nerf péricardique (ÿ;). Les ganglions buccaux (B) sont arrondis. Leur commis- sure donne naissance à deux fins nerfs radulaires (s,) et les ganglions à quatre nerfs plus ou moins importants. Ces nerfs 78 E.-L. BOUVIER. sont, de dedans en dehors : 1° un nerf important (s.), à la fois œsophagien et salivaire, qui pénètre presque immédiate- ment dans les parois de l’œsophage et les suit assez loin en arrière ; 2° un nerf des muscles buccaux supérieurs et mé- dians (s;); 3° un nerf buccal supérieur et latéral qui se ramifie en avant et se rattache directement au connectif buccal; 4° un nerf des muscles buccaux, latéraux et pos- térieurs (s:). Les cordons ganglionnaires pédieux (P) sont absolument semblables à ceux des Rhipidoglosses chiastoneures. À leur origine 1ls sont très rapprochés des ganglions palléaux aux- quels ils se rattachent par des connectifs déjà signalés. Ges cordons ne divergent un peu qu'à leur origine et sont presque parallèles et relativement peu éloignés sur presque toute leur longueur. Ils convergent très sensiblement en arrière et perdent leurs cellules à l'extrémité postérieure et rétrécie du pied. Outre l’épaisse commissure ganglionnaire qui les met en relation à leur origine, les cordons ganglionnaires sont unis par un grand nombre de fines commissures irréguliè- rement disposées ; jen ai isolé plus de quinze, et il ÿ a tout lieu de croire que j'en ai brisé un certain nombre. On trouve en- core quelques commissures entre les prolongements non gan- glionnaires des cordons. Les nerfs pédieux peuvent être rangés en trois groupes : les nerfs pédieux internes toujours très fins, les nerfs pédieux supérieurs et les nerfs pédieux externes ; ces derniers sont les plus puissants et les plus nombreux de tous. À leur origine, les cordons pédieux envoient en avant deux gros nerfs (w) qui se ramifient abondamment dans l’extré- mité antérieure du pied. Là aussi, ils envoient en arrière deux nerfs assez importants (#,); ils se distribuent dans les muscles qui rattachent le pied au corps. | Historique et conclusions. — On n’a jamais fait, que je sache, de travail anatomique sur le système nerveux des Cyelo- phoridés. M. P. Fischer (103) leur attribue des otolithes mul- tiples et dit que l’animal est très différent de celui des Gyclos= tomidés. Jhering (80) les place dans un même groupe, sous ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 79 le nom de Pomatiacés, avec Les Cyclostomidés. Personne n’a signalé les affinités très étroites qui les relient aux Paludi- dinidés et aux Rhipidoglosses chiastoneures. Les Cyclophoridés sont les Prosobranches dont le système nerveux est le plus voisin de celui des Rhipidoglosses chias- toneures. Il n’en diffère que par des détails extrêmement faibles : la commissure cérébroïde plus courte, les ganglions palléaux complètement différenciés et presque séparés des cordons pédieux, l’anastomose palléale droite plus grosse et plus courte, la concentration achevée des ganglions buccaux. Mais ils s’en rapprochent par tous les caractères essentiels : forme aplatie et triangulaire des ganglions cérébroïdes, im- portante saillie labiale, origine et direction du connectif buccal, rapprochement presque intime des ganglions pal- léaux et des cordons ganglionnaires du pied, importance nulle ou presque nulle des ganglions sus et sous-intestinal, enfin et surtout l’existence de cordons ganglionnaires pédieux avec de nombreuses anastomoses transversales. C’est chez les Cyclophoridés qu’on voit, pour la première fois, apparaître une séparation un peu nette entre les ganglions palléaux et les cordons ganglionnaires du pied. Ainsi les affinités des Cyclophoridés avec les Turbonidés ou les Trochidés s’affirment avec la plus grande netteté. Mais ces affinités sont-elles directes, ou bien existe-t-il des intermé- diaires entre les Rhipidoglosses chiastoneures et les Cyclo- phoridés ? Parmi les Témioglosses, nous avons vu que les Pa- ludinidés offrent les affinités les plus étroites avec les Rhipi- doglosses chiastoneures et la question est de savoir si les Cyclophoridés se rattachent aux Rhipidoglosses chiastoneures par des formes aquatiques intermédiaires encore inconnues où méconnues, ou bien si ces intermédiaires aquatiques ne sont pas fournis par les Paludinidés eux-mêmes. Il ya très certainement de grandes ressemblances entre les Paludinidés et les Cyclophoridés, et ces ressemblances se montrent tout particulièrement dans le système nerveux. La commissure cérébroïde et les ganglions cérébroïdes sont 80 E.-L. BOUVIER. identiquement les mêmes, les ganglions palléaux offrent les mêmes rapports avec les cordons pédieux, mais en sont un peu plus éloignés, les ganglions sus et sous-intestinal sont nuls ou peu développés, enfin les cordons pédieux existent et sont en relation par des commissures transversales. Des res- semblances se montrent aussi dans le reste de l’organisation, notamment dans les otocystes qui renferment des otolithes multiples, dans le mufle et les tentacules, enfin dans le pied qui se tronque en avant et se rétrécit en arrière. La position du pénis n’a pas grande importance, car elle varie beaucoup dans le groupe des Cyclophoridés ; 1l en est de même du bourrelet dorsal et des expansions tégumentaires latérales qui peuvent se rencontrer dans les formes les plus différentes. Par le rapprochement extrême des cordons pédieux et par la multiplicité des commissures pédieuses, les Cyclophoridés sont plus voisins des Rhipidoglosses chiastoneures que les Paludinidés ; ils en sont, au contraire, plus éloignés par des caractères qui imdiquent une différenciation plus grande dans le système nerveux, ainsi la concentration très grande des ganglions buccaux, la disparition complète de la commissure labiale et surtout le système nerveux presque zygoneure des Cyclophoridés. Ces ressemblances et ces divergences ne nous permettent pas de trancher la question; mais nous pouvons affirmer au moins que les Cyclophoridés sont très voisins des Paludinidés et ne se rattachent que fort indirectement aux Cyclostomidés. Les Paludinidés sont-ils les intermédiaires aquatiques qui rattachent les Cyclophoridés aux Rhipido- glosses chiastoneures ? 1l serait imprudent de laffirmer mais nous sommes porté à le croire. La paléontologie n’est pas en désaccord avec cette conclusion, car les Paludinidés apparaissent dans le Jurassique inférieur et les Cyclophoridés dans l’Éocène. Cyclotus. — Grâce à l’aimable obligeance de mon ami M. Ma- lard, préparateur à la Faculté des sciences de Marseille, j'ai pu étudier les traits principaux du système nerveux du Cyclo- tus slamineus (Gray). ARTICLE N° 1. Pac] SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 8 L'organisation est presque identique à celle des Cyclo- phores ; seulement le système nerveux présente un degré de condensation plus nettement indiqué. Les cordons pédieux existent encore, mais la masse ganglionnaire principale est surtout concentrée à leur origine. Les ganglions palléaux sont aussi distincts que possible des cordons pédieux ; ils se rat- tachent de chaque côté à ces cordons par deux connectifs très courts, mais fort distincts ; les deux ganglions sont à une égale distance des origines des cordons pédieux. Le nerf palléal gauche est très développé. Le ganglion sus-intestinal m'a paru avoir des dimensions assez réduites ; par contre on trouve un ganglion sous-intestinal parfaitement distinct. Ce ganglion étant rattaché au ganglion palléal droit par un nerf, les Cyclotus sont zygoneures. Les autres caractères irés du système nerveux rappellent à tous égards les Cyélo- phores. Cyclosurus. — Ce genre nouveau, créé tout récemment par M. Morelet, ne renferme qu’une seule espèce, le Cyclosurus Mariæi (Morelet) des iles Comores. J’ai pu me procurer cette curieuse espèce chez M. Marie, qui l’a découverte. Par la masse buccale, le mufle bilobé, le sac radulaire et le système nerveux, cette espèce rappelle les Cyclophores et surtout les Cyclotus. La condensation des centres nerveux offre un degré un peu plus avancé que dans les Cyclotus ; ainsi les ganglions palléaux sont plus éloignés des cordons pédieux et les connectifs palléo-pédieux frappent au premier abord dans la dissection. Les ganglions palléaux sont aussi bien limités au moins que dans le Cyclostome, mais ils sont encore plus rapprochés des cordons pédieux que des gan- alions cérébroides. Le système nerveux est zygoneure comme celui des Cyclotus. | En résumé, la famille des Cyclophoridés offre une homogé- nélté très grande et diffère considérablement de celle des Cyclostomidés. Les Cyclophores occupent le degré inférieur dans cette famille (ganglions palléaux très rapprochés des cor- dons pédieux, système nerveux encore dialyneure). Les Cy- ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. HI. 6. — ART. N° 1. 82 E.-L. BOUVIER. clotus en dérivent assez directement et sont caractérisés par une tendance à la disjonction des tours de la coquille, dis- jonction qui devient complète chez les Cyclosurus. Ces der- niers dérivent directement des Cyclotus par déroulement de la coquille. I est au moins curieux de signaler le parallélisme qui existe entre le déroulement progressif de la coquille et la centralisation du système nerveux dans cette famille. | AMPULLARIDÉS (fig. 19, 20, 21 et 22). Les Ampullaires sont des Prosobranches amphibiens, ca- pables de respirer l'air dissous dans l’eau avec une branchie, l'air atmosphérique au moyen d’un poumon. Elles habitent normalement les eaux douces, et alors respirent par la bran- chie; pendant la saison sèche, elles s’enfoncent dans la vase et très probablement alors respirent par leur poumon. Au moyen d’une disposition très curieuse, mise en évidence par M. le professeur Sabatier (84), tout le sang qui passait dans les poumons doit nn: par les branchies quand la respiration pulmonaire ne s'exerce plus. Tout est bizarre et en apparence anormal dans ce singu- lier gastéropode (fig. 20). La poche pulmonaire est extré- mement vaste (N) et occupe le plafond de la cavité palléale ; elle est produite par un dédoublement du manteau. Elle com- mence presque vers les parois du corps à gauche, s'étend sur toute la largeur de la région dorsale et redescend vers les parois droites du corps dont elle n’est séparée que par la branchie (Br), le rectum (R) et le conduit génital (G). De la sorte la branchie est rejetée tout à fait à droite, au lieu d’être à gauche comme dans les auires Pectinibranches. Le plancher du sac pulmonaire est percé d’une fente en bouton- nière (#) ; en arrière de celle-ci, il se confond avec les tégu- ment dorsaux de l’animal, en avant il sert de plafond à la cavité palléo-branchiale. La branchie est monopectinée, située à droite, comme je lai dit. À gauche et en avant, à une faible distance du bord antérieur du manteau, se trouve la fausse ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 83 branchie bipectinée (br), située sur une saillie allongée très proéminente. À droite, en avant de la branchie et un peu au- dessus de l'anus, se trouve sur le manteau un pénis (chez le mâle) dont la forme est des plus singulières (L). Troschel fait déboucher le rein à côté de l’anus. J'ai toujours trouvé un rein très développé, sous la forme d’une vaste cavité à parois garnies de trabécules enchevêtrés; 1l occupe le fond de la ca- vité palléale, au-dessus de l'estomac et de l’intestin enroulé en spirale. À droite du rein, derrière l’extrémité postérieure de la branchie, se trouve un organe formé de trabécules épais disposés comme les barbes d’une plume autour d’un axe cen- tral ; la structure de cet organe est celle du rein, mais la cou- leur est différente. Est-ce un second rein ou une dépendance du grand organe rénal”? je n’ai pu le savoir. En avant, au niveau du bord du manteau, on trouve des expansions cépha- liques comme dans la Paludine ; il yen a deux, une à droite (E) et une à gauche (E'). Celle de gauche est la plus développée et se recourbe en gouttière pour former un siphon; celle de droite est beaucoup moins saillante. C’est le contraire dans la Paludine. Une lamelle saillante (D) occupe le bord droit du plancher de la cavité palléale, contre le rectum, dans la même position que chez les Cérithes. Elle se ter- mine en avant au milieu de l’expansion gauche, en arrière elle est beaucoup plus élevée et forme avec les organes voisins une gouttière profonde qui se prolonge assez loin sur le bord antérieur du tortillon. [fautconsidérer cette formation comme l’homologue de la lamelle dorsale du Solarium, de la Turri- telle, des Paludines, Mélanies et Cérithes. Elle est très pro- bablement en rapport avec l’appareil génital comme dans la Paludine. Le péricarde est au fond de la cavité pulmonaire, à droite et en avant du rein; il est très vaste. L’oreillette est un peu à droite du ventricule comme l'exige la position de la branchie. À sa naissance et très près du ventricule, l’aorte antérieure forme un puissant renflement très probablement glandulaire et non contractile. 84 E.-L. BOUVIER. Ainsi la branchie, la fausse branchie, le cœur, la cavité palléale, le tube digestif, le rein, le pénis offrent des disposi- tions tout à fait caractéristiques et en apparence anormales. Nous allons voir des dispositions non moins bizarres dans le système nerveux, et la loi des connexions, sur laquelle je reviendrai plus tard, nous sera ici absolument nécessaire pour déterminer les diverses parties du système. D'ailleurs l’inner- vation de la branchie nous fournira une preuve éclatante de l'exactitude et de la généralité de cette loi. A ces points de vue divers, il n’est pas d'exemple plus instructif que celui offert à notre observation par l’Ampullaire. La description suivante du système nerveux s’appliquera essentiellement à l’Ampullaria carinata Swainson (fig. 19). Disposition générale des centres nerveux. — La disposition générale du système nerveux de l’Ampullaire est extrêmement frappante, et si, par certains côtés, elle rappelle les difié- rentes formes du système nerveux qui existent chez les Pro- sobranches, elle ne peut se confondre avec aucune. On croirait que la nature à voulu donner, dans ce type, un exemple de toutes les modifications que peut subir le système nerveux typique des Prosobranches, sans que le type lui- même cessät d'exister. À la partie antérieure du corps, autour de la puissante masse buccale, on trouve quatre colliers nerveux disposés à peu près de la même manière que dans les Néritidés et les Hélicinidés. La commissure cérébroïde (c) est large et longue, de sorte que les ganglions cérébroïdes (C), triangulaires et aplatis, se trouvent rejetés sur les côtés de la masse buccale, appliqués assez étroitement contre les téguments céphaliques, au niveau des tentacules. Une très faible saillie ganglionnaire labiale (CG) se voit en avant au bord inférieur des ganglions céré- broïdes. Cette saillie se continue avec le connectif buceal pour fermer en dessous le collier buccal sur lequel sont placés deux ganglions buccaux (B) très nets, séparés par une longue commissure. De la saillie labiale part aussi le nerf labial le plus inférieur ; il s’anastomose avec son congénère du côté ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 89 opposé pour constituer la délicate, mais très nette commissure labiale (c,) et fermer en dessous le collier labial. Les centres antérieurs sous-œæsophagiens se composent de deux masses épaisses, allongées d'avant en arrière. La masse droite est réunie à la gauche par deux commissures ; la plus antérieure est la commissure pédieuse (p), elle est très large; la posté- rieure (4) est beaucoup moins développée, quoique assez forte. L'ensemble formé par ces deux masses et leurs com- missures figure assez exactement un rectangle transversale- ment placé sur le plancher céphalique. En examinant attenti- vement les deux masses, on aperçoit que chacune d’elles est divisée en deux portions presque égales par un léger étran- glement. La portion antérieure (P) correspond aux ganglions pédieux et se rattache aux ganglions cérébroïdes par les forts et longs connectifs cérébro-pédieux (£,) pour fermer le troi- sième collier. La portion postérieure sera déterminée plus loin, elle se rattache aux ganglions cérébroïdes par les con- nectifs cérébro-palléaux (4.), un peu plus longs et plus gros que les connectifs précédents ; ainsi se ferme le quatrième collier. Les centres postérieurs de droite (CS) et de gauche (Cg) émettent l’un et l’autre un gros nerf récurrent (z', 4") situé de chaque côté de l’œsophage ; ces deux nerfs s’écartent d’abord un peu et se rapprochent beaucoup en arrière, sur un assez long trajet. Au fond de la cavité pulmonaire, le nerf gauche, qui est le plus gros des deux, longe le péricarde, passe au- dessus de l’œsophage et rencontre le nerf du côté droit. Au point de rencontre se trouve un gros ganglion bilobé (V). À ne voir que ces deux nerfs et le ganglion viscéral, on se croirait en présence de quelque chose d’analogue à la commissure viscérale non tordue, mais sus-intestinale du Chiton. On va voir qu'il n’en est rien. Là ne se termine pas, en effet, le système viscéral de l’Am- pullaire. Vers son extrémité un peu fusiforme, le centre pos- térieur droit (GS) se rattache au gros nerf gauche par une forte commissure (4) qui passe obliquement en écharpe au- 86 E.-L. BOUVIER. dessus de l’œsophage, se dirigeant de droite à gauche et en arrière, à une faible distance de la masse buccale. Cette com- missure se termine dans le nerf gauche un peu en arrière du niveau où se trouve située la fausse branchie. À l’endroit où cette commissure rencontre le nerf gauche, se trouve un ganglion nerveux (S p) allongé dans le sens du nerf. Un peu en arrière de ce ganglion, sur le même nerf, on voit un autre ganglion plus réduit (2), au point où plusieurs branches nerveuses se rendent à gauche dans le manteau. Ce ganglion accessoire varie beaucoup suivant les individus, même chez VA. carinata où il m'a paru le plus développé. Détermination du système nerveux de l’Ampullaire par les connexions. — À première vue, il paraît bien difficile de ra- mener le système nerveux de l’Ampullaire au système nerveux typique des Prosobranches. En fait nous ne pouvons bien l’in- terpréter qu’en tenant compte des connexions très constantes qui existent entre les divers ganglions, et entre ceux-ci et les organes qu'ils innervent, chez les Gastéropodes en général, et chez les Prosobranches en particulier (fig. 19). Les ganglions cérébroïdes (C) se reconnaissent au premier abord. De chaque côté, la portion antérieure du rectangle sous-œsophagien correspond aux ganglions pédieux (P), car elle innerve le ‘pied et reçoit les connectifs antérieurs issus da cerveau, les connectifs cérébro-pédieux. Le ganglion allongé (Sp), Situé sur le long nerf gauche au point où celui-ci se con- fond avec la commissure oblique sus-æsophagienne (4), donne naissance à plusieurs nerfs. Le plus gros (bm) innerve la fausse branchie; par conséquent, le ganglion dont il part est le ganglion sus-intestinal. Du reste, le nerf de la fausse branchie innerve aussi le bord antérieur du manteau à gauche et se comporte, par conséquent, comme le nerf qui, chez les autres Prosobranches, a son origine dans le ganglion palléal gauche. Or on sait que le système nerveux typique des Prosobranches est caractérisé par la présence d’une anastomose entre le nerf branchial antérieur et le nerf palléal gauche. Dans le Turbo, l’une des origines de cette anastomose se trouve très rappro- ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 87 chée du point où le nerf branchial antérieur se détache de la commissure viscérale; il en est de même dans la Janthine. Bien plus, chez celle-ci, l’anastomose est très courte. Exagérons un peu la disposition offerte par la Janthine, en ramenant l’ori- gine de l’anastomose sur le ganglion sus-intestinal et réduisant la longueur de l’anastomose jusqu’à la rendre nulle, nous au- rons- alors la disposition même de l’Ampullaire. La portion postérieure du côté gauche du rectangle est, par conséquent, le ganglion palléal gauche (Cg) donnant naissance à un gros nerf palléal gauche (2) qui se rend directement dans le ganglion sus-intestinal et en sort confondu avec le nerf de la fausse branchie pour s’en séparer un peu plus loin. En un mot, l’'Ampullaire offre à gauche une disposition analogue à celle qui distingue à droite tous les Pectinibranches zygo- neures, c’est-à-dire un connectif unissant le ganglion palléal au premier ganglion de la chaine viscérale, et ce connectif se produit de la même manière dans les deux cas, puisqu'il est toujours formé par un nerf palléal qui, au lieu de se rendre directement au manteau, pénètre d’abord dans le premier ganglion de la commissure viscérale. L'étude des Ampullaires sénestres justifie complètement cette interprétalion, comme on le verra plus loin. Arrivons maintenant à la portion postérieure de la masse droite du rectangle (GS). Gette partie reçoit un connectif qui occupe la place du connectif cérébro-palléal droit; elle corres- pond, par suite, au ganglion palléal droit. Mais elle correspond aussi au ganglion sous intestinal des Pectinibranches zygo- neures, puisqu'elle innerve à droite le manteau, les parois du corps et le muscle columellaire. Ainsi, dans l’Ampullaire, Je connectif de la zygoneurie s’est raccourei à tel point que le ganglion palléal droit s’est confondu avec le ganglion sous- intestinal : le fait n’a rien qui doive nous surprendre, puisque dansies Buccins, les Goncholepas,les Cancellaires,etc., les deux ganglions ne sont séparés que par un simple étran- glement. Maintenant il nous est facile de suivre les deux branches de 88 E.-L. BOUVIER. la commissure viscérale. La branche sous-intestinale de cette commissure à son origine sur le ganglion palléal gauche, elle se dirige (k') transversalement de gauche à droite parallèle- ment à la commissure pédieuse, formant, dans cette partie de son trajet, le côté postérieur du rectangle sous-æsophagien. Elle aboutit à droite au ganglion sous-intestinal, confondu avec le ganglion palléal droit par une exagération de la zygo- neurie. À partir de cette masse ganglionnaire palléo-sous- intestinale (CS), elle se dirige en arrière, à droite de l’œso- phage, et se termine au voisinage du cœur dans le ganglion viscéral. — La branche sus-intestinale de la commissure se détache, à droite, de la masse palléo-sous-intestinale, passe obliquement de droite à gauche et d'avant en arrière au-dessus de l’œsophage (4), atteint le ganglion sus-intestinal (Sp) et se continue en arrière, à gauche de l’œsophage, jusqu’au gan- glion viscéral. Par conséquent, l'Ampullaire est chastoneure et zygoneure, mais elle est zygoneure des deux côtés, à droite comme à gauche. Cette particularité donne à la commissure viscérale de l’Ampullaire une apparence trompeuse qui fait songer au système nerveux du Chiton. Innervation. — L’innervation de l’Ampullaire doit être décrite aussi complète que possible, d’abord puisqu'elle jus- tifie la détermination précédente du système nerveux, ensuite parce qu’elle permet d'établir d’une façon précise certains faits morphologiques importants. Ganglions cérébroïdes (fg.19). — Les ganglions cérébroides sont situés sur les côtés de la masse buccale, contre les parois céphaliques; une longue et épaisse commissure (c) passe au-dessus de la masse buccale et les réunit. Les ganglions sont triangulaires et aplatis comme ceux des Aspidobranches; le sommet du triangle se continue avec la commissure, la base avec les connectifs qui vont aux ganglions palléaux, pé- dieux et buccaux. A l’origine de ce dernier connectif se trouve une saillie labiale (C:) moins distincte que celle des ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 89 Néritidés; c’est elle qui donne aussi naissance à la commis- sure labiale (c). Cinq nerfs principaux ont leur origine sur le bord antérieur des ganglions; ce sont des nerfs proboscidiens et labiaux, quoique quelques-uns d’entre eux soient plus spécialement affectés aux lèvres. Ils s’anastomosent fréquemment deux à deux à leur origine, surtout du côté droit, et il n’est pas rare d’en voir six d’un côté et cinq de l’autre, ou parfois six des deux côtés. Il y a là des variations individuelles nom- breuses, mais sans importance. Le plus rapproché (p,) de la commissure se ramifie dès la base, le suivant (p.,) un peu plus loin , ces deux nerfs innervent surtout les parois supé- rieures du mufle. Le troisième (p.) est le plus puissant de tous. Il se rend au tentacule (fig. 20, K) long et acuminé qui prolonge le mufle en avant et en dehors, à droite comme à gauche ; avant de pénétrer dans le tentacule, il envoie quelques rameaux aux parties qui l’avoisinent, mais son champ de dis- tribution principal est dans le tentacule même qu’il suit sur toute sa longueur en émettant des branches fines et nom- breuses. On peut appeler ce tronc nerveux nerf du tentacule labial, et le tentacule lui-même doit avoir une grande sensi- bilité tactile si l’on en juge par la richesse de son innervation. Les deux derniers nerfs se distribuent surtout aux lèvres, le plus inférieur (p.) s’anastomose avec son congénère du côté opposé par une fine branche qui ferme en dessous le collier nerveux antérieur ou labial. D’autres nerfs proboscidiens, plus fins et plus variables, se détachent aussi des ganglions cérébroïdes. La figure 19 donne le relevé exact des nerfs cérébroides dans un individu d’A. carinata. Du reste, tous les nerfs proboscidiens de PAmpullaire ont leur point de départ sur le bord antérieur des ganglions; par leur origine et leur distribution, ils correspondent exactement aux nerfs probo- scidiens des Aspidobranches. Le nerf tentaculaire (#) et le nerf optique (/) ont leur point de départ sur la face externe des ganglions. Le premier se ramifie dès la base et envoie deux ou trois fines branches au 90 E.-L. BOUVIER, pied élargi du tentacule ; mais, une fois qu’il a pénétré dans le tentacule, il ne paraît pas se ramifier et ressemble en cela au nerf tentaculaire des Aspidobranches. Quant au nerf opti- que, il envoie de fins rameaux à la saillie tentaculaire iris l'œil, avant de se terminer dans cet organe. hs otocystes (0) sont très grosses, enfouies dans une enveloppe de tissu conjonctif et situées à la naissance du pied, à la partie postérieure et externe des ganglions pédieux, contre lesquels elles sont appuyées. Elles renferment de nom- breuses otolithes; le contour de ces calculs est rectangu- laire, mais les deux petits côtés du rectangle sont convexes. Le nerf acoustique (9) monte vers le connectif cérébro- palléal, le suit assez longtemps, puis se confond avec lui avant d’avoir atteint le ganglion cérébroïde. Les auires Ampullaires dextres n’offrent vis-à-vis de l’A. carinata que des différences secondaires, toutes localisées dans les nerfs proboscidiens, dont le nombre et les anasto- moses peuvent varier beaucoup. Ainsi j’ai trouvé sept nerfs proboscidiens à droite comme à gauche, dans un individu d'A. polita Desh. et entre ces nerfs, deux fortes anastomoses basilaires à droite, une seule à gauche. Ganglions pédieux (fig. 19). — Les ganglions pédieux (P) sont unis par une commissure (p) assez longue et très épaisse. Ils font un peu saillie en avant et se confondent en arrière avec les ganglions palléaux; un simple étranglement les sépare de ces derniers. Les ganglions pédieux envoient dans le pied cinq nerfs principaux, dont trois ont une importance toute particulière. Ce sont les nerfs les plus internes, et ils se rendent à la sole pédieuse. Les deux nerfs externes se distribuent aux parties latérales du pied. Mais ce n’est là qu’une partie, la plus importante, il est vrai, des nerfs pédieux. De la masse palléo-pédieuse partent, en effet, des nerfs fins et très nombreux qui se rendent, les uns à la naissance du pied, les autres à cette espèce de col épais qui rattache le pied au corps. L’abondance de ces nerfs, ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 91 l'impossibilité où l’on est de séparer le pied du corps et très exactement lesganglions pédieux des ganglions palléaux, enfin les difficultés de la dissection quand il s’agit de nerfs aussi fins et aussi nombreux, tout, en un mot, me met dans la nécessité d'indiquer simplement ces nerfs sans insister davan- tage. Il en est de même, d'ailleurs, chez tous les types qui rappellent par certains traits les Aspidobranches à l'exception de la Patelle. Ganglions sous-intestinal et palléaux (fig. 19 et 20). — J'ai dit plus haut que le ganglion palléal droit forme, avec le gan- -glion sous-intestinal, une masse absolument simple, que l’on peut désigner sous le nom de centre palléo-sous-intestinal. I] y a lieu, par suite, de considérer le centre palléo-sous-intes- tinal et le ganglion palléal gauche, un centre droit et un centre gauche, en un mot. Les nerfs issus du centre droit (CS) peuvent se diviser en trois groupes : les nerfs pariétaux, les nerfs columellaires et le nerf palléal droit. Les nerfs pariétaux du centre droit sont au nombre de Dai au moins. Les plus nombreux et les plus antérieurs sont assez grêles ; deux ou trois d’entre eux envoient des rameaux dans l'expansion latérale droite. En arrière du grand nerf palléal droit (#) se détachent deux nerfs pariétaux. L’un d’eux est assez puissant (d,). Leur champ d’innervation est plus reculé que celui des nerfs précédents, comme on peut en juger par la figure 20. Deux nerfs columellaires (, l;) sont émis par l'extrémité postérieure du centre droit; l’un d’eux, le plus interne, plonge en arrière dans la masse du muscle colu- mellaire où 1l se ramifie abondamment. Nous arrivons au grand nerf palléal droit (#1/). Ge nerf, le plus puissant de tous ceux qui ont leur origine dans le centre droit, se dirige à droite vers le manteau, en traversant profon- dément les parois du corps. Il redevient presque superficiel au moment où il va atteindre le manteau. Avant d'arriver à la base de la saillie anale, il a déjà envoyé une ou deux bran- ches dans le manteau. et l’une de celles-ci se rend au bour- 99 E.-L. BOUVIER. relet qui continue le manteau sous le corps en arrière du pied. Mais c’est au niveau de lanus que la ramification du nerf offre un intérêt tout particulier. Le nerf se bifurque : sa branche antérieure se rend au bord droit du manteau, où ellese ramifie abondamment, mais elle envoie aussi de nombreux filets-ner- veux dans la puissante saillie musculaire qui sert de gaine au pénis. L'autre branche émet de nombreux rameaux dont les plus importants, au nombre de deux, se rendent à la base du pénis et au pénis lui-même. Les autres rameaux de cette branche sont moins faciles à suivre; les unes pa- raissent se rendre à la partie terminale du rectum et du con- duit génital, une autre paraît se diriger vers la pointe anté- rieure de la branchie. C’est probablement une branche palléale postérieure, car je décrirai plus loin très exactement l’innervation de la branchie, et l’on verra qu’elle est indé- pendante de ce nerf. Dans la femelle, la distribution du nerf palléal droit est très sensiblement la même, puisque le bourrelet pénial existe encore, mais rudimentaire et sans pénis; les nerfs péniaux sont plus réduits, mais il est moins difficile de suivre le nerf qui se rend vers la branchie. Les autres espèces d’Ampullaires dextres n’offrent, vis-à- vis de l'espèce précédente, que des différences de second ordre, relatives au nombre et à l’origine des nerf issus du centre droit. Chez toutes, le péms s’est montré comme une formation palléale innervée par les nerfs palléaux. Il estimpos- sible, je pense, d'admettre ici, avec Jhering, que le pénis est sous la dépendance des ganglions cérébroïdes. Les nerfs issus du ganglion palléal gauche (Gg) correspon- dent aux nerfs pariétaux et columellaires du centre droit. Ces nerfs sont très nombreux; ils ont une importance plus orande qu’à droite, sans doute par suite du développement beaucoup plus grand de l’épipodium. Ici, en effet, lépipo- dium est un siphon qui, outre le rôle qu’il joue dans la res- piralion, à très probablement aussi un rôle dans lolfaction, si l’on admet avec Spengel (89) que la fausse branchie soit un ARIIGLENNON. Ù SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 95 organe olfactif. On trouve toujours trois ou quatre nerfs plus ou moins fins presque exclusivement consacrés à l’innervation de l’épipodium. Dans la figure 20, on n’a représenté que les nerfs les plus importants dont l’origine est dans le ganglion palléal gauche. Gette figure montre très évidemment qu'ici les formations communément appelées épipodiales sont une dépendance du manteau ou, au moins, des parois du corps, puisqu'elles sont innervées par les ganglions palléaux. Commaissure viscérale et ganglion sus-intestinal. — C’est du ganglion palléal gauche que part le grand nerf palléal gauche (2'); seulement ce nerf se rend d'abord au ganglion sus- intestinal (Sp) et en sort confondu avec le nerf de la fausse branchie. Dans son trajet compris entre le ganglion commis- sural droit et le ganglion sus-intestinal, le nerf envoie aux parois du corps de nombreux et importants rameaux; l’un d’eux se rendrait au bourrelet inférieur du manteau et corres- pondrait ainsi au nerf palléal inférieur du Buccin. Le ganglion sus-intestinal émet cinq ou six nerfs dont les principaux sont les suivants : 1° Le nerf branchio-palléal (km). Ge nerf se dirige presque superficiellement à gauche vers la base du haut mamelon qui porte la fausse branchie. Avant de l’atteindre, il se bifurque : une branche passeen avant du mamelon et se ramifie abon- damment dans le bord antérieur du manteau; l’autre suit le bord postérieur du mamelon et envoie à la fausse branchie deux ou trois rameaux qui se bifurquent plusieurs fois; les branches, toujours assez importantes, issues de cette bifurca- tion, se terminent brusquement au bourrelet médian de l'organe, comme dans la fausse branchie typique des Proso- branches. Le nerf qui imnerve la fausse branchie se continue vers la pointe antérieure de la branchie qu'il innerve proba- blement ; dans son trajet il atteint le bord antérieur du poumon. 2° Trois autres nerfs importants ont leur origine sur le bord externe du ganglion sus-intestinal et leurs rameaux se diri- gent vers la branchie en Suivant, pour la plupart, la voûte de 94 E.-L. BOUVIER. la cavité pulmonaire. Le plus antérieur (b,) envoie un rameau important à la fausse branchie et ce rameau se termine brusquement au bourrelet médian de l’organe; quant au tronc principal du nerf, il atteint le bord antérieur du poumon, le suit un instant, et pénètre dans la voûte pulmonaire: Des anastomoses unissent assez fréquemment les trois nerfs dont je viens de parler. D’autres nerfs plus fins ont la même origine et la même direction que les précédents. Sur la branche de la commissure viscérale, un peu en ar- rière du ganglion sus-mtestinal, on voit un épaississement très variable qui donne naissance à un gros nerf (b.); celui-ci se ramifie abondamment à peu de distance de sa base et se comporte, du reste, comme les trois nerfs postérieurs du ganglion sus-intestinal. J’en dirai autant de deux autres nerfs (b:, b,) qui ont leur origine sur la même branche de la com- missure, mais beaucoup plus en arrière, au voisinage du péri- carde. Tous ces nerfs sont importants, mais ils se ramifient très vite, et il est bien difficile de suivre leurs rameaux un peu loin dans l’A. carinata. | À droite la branche de la commissure, qui se rend du gan- glion sous-intestinal au ganglion viscéral, est moins riche en nerfs; elle est aussi beaucoup plus grêle. Les trois nerfs principaux qui s’en détachent se dirigent presque superfi- ciellement vers le manteau, pénètrent dans celui-ci et attei- gnent la masse recto-génitale. Ce sont évidemment des nerfs palléaux qui innervent aussi la masse recto-génitale comme on l’observe avec une grande évidence dans la Paludine, les Cérithes, etc. Tous les nerfs que je viens de décrire se détachent du bord externe de la commissure ou des ganglions qu’elle porte. D’autres nerfs, moins nombreux et plus grêles, ont leur origine sur le bord interne de la même commissure ; ils sont plus nombreux à gauche qu’à droite et se rendent en dedans aux parois dorsales du corps; quelques-uns se ramifient sur le plancher de la cavité du corps, formée en cette région par le gros muscle columellaire. Dans VA. sonata Spix, la bran- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 95 che sus-intestinale de la commissure viscérale envoie aussi un nerf (y) aux parois dorsales du corps (fig. 20). La description précédente des nerfs issus de la commissure viscérale et du ganglion sus-intestinal laisse beaucoup à dési- rer, en ce sens que, si elle suppose l’innervation de la bran- chie, elle ne la détermine pas d’une manière précise. Il y a là, en effet, une difficulté de dissection très grande dont on aura la clef plus loin. J’avais commencé l’étude des Ampullaires avec un échantillon unique d'A. polita ; je ne m'attendais pas à des difficultés aussi grandes, mais il fallut bientôt me ré- soudre à ne pouvoir étudier complètement l’innervation de la branchie avec mon exemplaire. Je reconnus pourtant que, dans cette espèce, trois nerfs principaux se détachent seule- ment du ganglion sus-intestinal, les deux nerfs postérieurs de l'A. carinata se réunissant en un seul tronc; je n'ai pu observer ici l’innervation partielle de la fausse branchie par l'un des deux derniers nerfs. J'ai été beaucoup plus heureux en étudiant une Ampullaire américaine, l’A.zonata, et je Liens à décrire en détail les nerfs issus de la branche gauche de la commissure viscérale, car elle donnera la solution d’un problème que j'avais en vain voulu résoudre avec les deux autres espèces. Du gros ganglion sus-intestinal (Sp, fig. 20) partent deux nerfs importants. Le plus puissant est le nerf branchio-palléal (bm). Il se divise exactement comme dans les autres Ampul- laires, seulement la branche de la bifurcation qui innerve la fausse branchie se continue, trés importante, du côté de la branchie vraie; arrivée vers l’extrémité antérieure de cet organe, elle se bifurque un certain nombre de fois pour y en- voyer des rameaux. L'autre nerf (b,) est aussi très puissant, puisqu'il correspond aux trois nerfs postérieurs de l'A. carinata ou aux deux nerfs postérieurs de l’A. pohita. Après un certain trajet, ilse bifurque; sa branche antérieure suit le manteau pour se rendre à la vraie branchie, l’autre pénètre dans le bord antérieur épaissi du poumon, mais je n'ai pu la suivre plus loin. Le même accident s’est produit pour un autre nerf (4) qui 96 E.-L. BOUVIER. naît un peu plus en arrière sur la commissure viscérale. Mais les deux nerfs postérieurs (4, b;) qui se détachent de la com- missure m'ont donné d'excellents résultats. Leur origine est assez rapprochée du ganglion viscéral, 1ls passent sur la paroi du péricarde, se ramifient, suivent le bord de la branchie dans le plancher de la chambre pulmonaire et, au fur et à mesure qu'ils avancent en avant, envoient leurs rameaux à la branchie. Jetenais à bien établir ce fait important, afin de relever une erreur fréquemment répétée au sujet de l’Ampullaire. Pour beaucoup de savants, les Ampullaires auraient deux bran- chies symétriquement situées, comme les Haliotides et les Fissurelles ; seulement, la branchie gauche serait très réduite mais bipectinée, tandis que la branchie droite aurait gardé tout son développement, quoique monopectinée. L’innervation prouve qu'il n’en est rien. En effet, dans les Haliotides et les Fissurelles, la branchie droite est innervée par le ganglion sous-intestinal, la branchie gauche par le ganglion sus-intes- tinal. La branchie des Ampullaires, quoique située à droite, est innervée par le ganglion sus-intestinal, elle correspond par conséquent à la branchie gauche des Haliotides. Mais alors, quelle est la signification de l’organe bipectiné situé à gauche sur une saillie du manteau? Dans tous les Pectini- branches, la fausse branchie estinnervée par des nerfs issus du ganglion sus-intestinal, les branches de ces nerfs se terminent brusquement au centre de l'organe; presque toujours, en outre, le nerf principal de la fausse branchie s’anastomose avec le nerf palléal gauche, etenvoie quelques rameaux à la branche vraie. J'ai montré plus haut que l’organe bipectiné de l’Ampullaire est innervé comme la fausse branchie des Pectimbranches et, par conséquent, doit être assimilé à cette fausse branchie. Ces deux conclusions se dégagent très clairement des connexions connues du système nerveux; on peut les exprimer de la ma- nière suivante : les Ampullaires n'ont qu'une branchie, qui correspond à la branchie normale, située à qauche, des Pec- tinibranches; leur organe bipectiné est une fausse branchie ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 9% qui correspond exaclement à la fausse branchie des Pectini- branches. Si la branchie des Ampullaires est à droite, au lieu d’être à vauche comme celle des autres Pectimibranches, c’est uni- quement par suite du développement excessif de la chambre pulmonaire, due à un dédoublement du manteau qui s’est pro- duit entre la fausse branchie et la branchie vraie. Ainsi s’expli- quent toutes les difficultés qu’on éprouve dans la dissection des nerfs branchiaux; ces nerfs ont nécessairement tous une longueur très considérable. Ils se détachent de la commissure viscérale sur le plancher du corps, se dirigent d’abord à gauche, puis, ayant atteint le plafond de la cavité palléale, reviennent distribuer leurs rameaux à droite, à la branchie située contre le rectum. Ils décrivent ainsi près d’une demi-circonférence. Si la branchie était innervée par la portion droite de la com- missure viscérale, les nerfs branchiaux auraient un trajet beau- coup moins long à parcourir, mais la branchie des Ampullaires estune vraie branchie de pectinibranche, une branchie gauche, et, comme telle, doit être innervée par la portion gauche de la commissure, malgré le trajet considérable que les nerfs bran- chiaux ont à parcourir. Je crois qu'il n’est pas, dans tout l’embranchement des Mollusques, un exemple qui montre mieux la constance de la loi des connexions. Ayant une lon- gueur considérable, les nerfs branchiaux se ramifient beau- coup avant d'arriver à l'organe, et à la difficulté de dissection qui résulte de leur long trajet se joint une difficulté plus srande, due à la faible dimension de leurs rameaux. Il en est d’ailleurs de l’Ampullaire comme des autres Prosobranches, les nerfs branchiaux sont d’une dissection plus ou moins facile suivant les individus et les espèces : leur état de conservation, la préparation qu'on leur fait subir, et sans doute aussi la ma- nière dont on les a recueillis et conservés dans l’alcool, sont la cause de différences individuelles très grandes. Je n'avais fait subir aucune préparation à l'A. zonata, et c’est elle qui m'a donné les meilleurs résultats en ce qui est relatif à l’innerva- ion de la branchie. ANN. SC. NAT., Z00L., 1587. IL, 7, — ART, N° 1 98 E.-L. BOUVIER. Ganglion viscéral et ganglions buccaux. — L'étude des nerfs issus du ganglion viscéral est très difficile, et les exem- plaires que j'avais à ma disposition n'étaient pas suffisants pour la pousser jusqu’au bout. Le ganglion viscéral (fig. 19, V) est situé au fond de la cavité palléale, à droite du péricarde ; avant d'y arriver, les deux branches de la commissure viscé- rale se rapprochent beaucoup et forment entre elles un angle fort aigu. Le ganglion est toujours très nettement bilobé dans les À. carinata et polita, beaucoup moins dans l’A. zonata. Les deux masses ganglionnaires qui le constituent sont fusiformes ct confondues sur une partie de leur bord interne; elles se con- tinuent en avant avec les deux branches de la coramissure, en arrière avec les deux nerfs viscéraux les plus importants. La masse droite est moins développée que la gauche ; elle s’avance moins loin en arrière. Le grand nerf viscéral (7) a son ori- gine à l'extrémité postérieure de la masse gauche; 1l est com- pris dans les tissus qui forment le fond de la cavité palléale et se dirige en arrière et un peu à gauche. C’est très probable- blement ce nerf qui innerve le cœur, mais je ne saurais dire s’il se rend aux reins et aux autres viscères du tortillon. L’au- tre nerf viscéral se dirige en arrière un peu plus à droite, il a son origine à l’extrémité postérieure de la petite masse gan- olionnaire. D’autres nerfs viscéraux assez grêles se détachent également du ganglion viscéral. L'étude que j'ai faite des ganglions buccaux est beaucoup plus complète (fig. 21 et 22). De chaque côté, la saillie labiale des ganglions cérébroïdes se continue directement avec les connectifs qui vont aux ganglions buceaux. Chaque connectif se dirige en dedans vers la partie Imféro-antérieure de la masse buccale, et pénètre dans celle-ci au point d'attache d’un fort ligament. Le conneclif (#4) remonte en dessus, caché sous les tissus de la masse, puis se dirige latéralement en arrière, devient presque superficiel et aboutit au ganglion buccal (B) correspondant. Les ganglions buceaux sont ovoïdes : on aper- çoit presque sans dissection leur extrémité antérieure, en avant des glandes salivaires, de chaque côté de la région où ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 99 l’œsophage s'attache à la masse buccale. Ils sont unis par une assez longue commissure arquée qui repose en arrière sur la masse buccale, au-dessous de l'œsophage. De chaque côté, cette commissure envoie en arrière un nerf puissant (s:) qui se ramifie abondamment dans les muscles postérieurs de la masse buccale; des rameaux de ce nerf se rendent probablement aussi à la gaine de la radule, mais, comme dans le Parmophore, il n’y a pas de nerf radulaire spé- cial. Vers son extrémité postérieure, chaque ganglion envoie en dedans un gros tronc nerveux (s.) qui, après un court trajet, se ramifie abondamment. Ses branches antérieures, . les plus nombreuses et les plus fines, distribuent leurs très nombreuses ramifications dans la partie supérieure de la masse buccale, au point où celle-ci reçoit l’œsophage. Ce nerf envoie en arrière une très forte branche sur l’œsophage; les branches des deux côtés se ramifient sur cette partie du tube digestif, anastomosent leurs rameaux, et on peut très facile- ment les suivre sur l’œsophage jusqu'au voisinage de l’esto- mac. Cinq autres nerfs (s:,s,,s;,,,-) ont leur origine sur le bord interne des ganglions buecaux, en avant du nerf précédent ; ils se distribuent aux parois supérieures de la masse buccale. Les plus antérieurs se détachent déjà du connectif cérébro- buccal. Deux nerfs (s:,s,) issus de la face inférieure des gan- glions buccaux et un nerf (s,) qui se détache de la commis- sure dans leur voisinage innervent les parties latérales de la masse buccale. Un nerf salivare (s,) à aussi son origine sur les ganglions à la base du grand nerf œsophagien. La partie antérieure de la masse buccale reçoit ses nerfs du connectif; parmi ces nerfs, le plus important (s,:) se déta- che du connectif au point où celui-ci se recourbe pour des- cendre presque verticalement en dessous, caché dans les tissus de la masse buccale. Cette description des nerfs buccaux s’applique essentielle- ment à l’A. polita. Dans l’A. carinata, 11 en est à peu près de même : le nombre des nerfs est un peu réduit, mais leur dis- 100 E.-L. BOUVIER. tribution générale reste la même. Je n’ai pas étudié les nerfs buccaux de l’A. zonata. Ampullaridés sénestres. — Deux genres sénestres sont ren- fermés dans la famille des Ampullaridés; ce sont les genres Meladomus et Lanistes. Les Meladomus ont une longue co- quille paludiniforme, non ombiliquée ; la coquille des Lamistes a une spire peu élevée et un ombilic profond. Ces genres offrent un intérêt tout particulier, non seulement au point de vue de linterprétation du système nerveux si particulier des Ampullaires, mais au point de vue de la signification qu'il faut attribuer à la torsion du système nerveux des Proso- branches, et des modifications apportées dans la disposition des organes par un enroulement inverse de la coquille. Meladomus purpuraceus Jones. — Quand on a fendu le manteau et le poumon sur la ligne médiane dorsale, on est frappé par le puissant développement de la masse recto-géni- tale; elle est énorme et semble avoir pris des dimensions ên rapport avec l’espace plus grand laissé à droite par l’enroule- ment à gauche de la coquille. Mais tous les organes sont restés à la place qu'ils occupent chez les Ampullaridés dextres : l'anus est à droite en arrière du pénis qui est toujours une dépendance du manteau, la branchie est aussi à droite au- dessus de la masse recto-gémitale. À gauche, à quelque dis- tance du bord antérieur du manteau, se trouve, sur une saillie, la fausse branchie bipectinée, presque identique à celle des Ampullaires dextres. Le poumon occupe toujours la mème place entre la fausse branchie et la branchie, son orifice en boutonnière n’a pas été déplacé davantage. Les deux expan- sions latérales du cou sont développées dans le même sens que celles des Ampullaires dextres ; c’est-à-dire que la plus puis- sante est à gauche formant une gouttière siphonale. Le bour- relet dorsal est à droite, énormément développé; il se termine comme de coutume sur l'expansion palléale gauche. Puisque le système nerveux est en dépendance étroite avec la disposition des organes, on pourrait dire presque à coup sùr, d’après ce qui précède, que le système nerveux doit être ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 101 tordu du même côté que, dans les Ampullaires dextres. C’est là ce qui existe en effet. La masse buccale est énorme et la commissure cérébroide très longue est restée à sa place ordi- naire ; les mêmes nerfs ont leur origine dans les ganglions céré- broïdes. Les connectifs latéraux sont très longs. Les otocystes sont situées comme à l’ordinaire; elles renferment de nom- breuses otolithes comme celles des Ampullaires dextres. Ces otolithes sont rectangulaires, un peu allongées et surtout con- vexes à leurs deux extrémités; le nerf acoustique a le même trajet que celui des Ampullaires. Le rectangle inférieur (formé en avant par les ganglions pédieux et leur large commissure, à droite par le connectif palléo-pédieux et la masse palléo- sous-intestinale, à gauche par le même connectif et le gan- olion palléal gauche, en arrière par une partie de la com- missure viscérale sous-intestinale) n’a pas été modifié. Le reste de la commissure viscérale ne l’a pas été davantage. De la masse droite palléo-sous-mtestinale on voit partir, se diri- geant obliquement d'avant en arrière et de droite à gauche par- dessus l’œsophage, la branche sus-intestinale de la commis- sure viscérale; elle atteint à gauche le ganglion sus-intestinal peu saillant et se dirige ensuite en arrière pour se terminer au fond de la cavité palléale dans le ganglion viscéral. La branche sous-intestinale forme comme on sait le côté postérieur du rectangle inférieur; après avoir quitté la masse palléo-sous- intestinale, elle se dirige en arrière pour se terminer dans le ganglion viscéral. De l’extrémité postérieure du ganglion pal- léal gauche se détache le gros nerf palléal gauche qui pénètre dans le manteau sans passer par le ganglion sus-intestinal; le oanglion palléal gauche n’est uni au ganglion sus-intestinal que par une branche assez faible du nerf palléal gauche ; toutefois cette branche est encore un nerf palléal; on voit en effet le nerf branchial antérieur, celui qui innerve la fausse branchie, envoyer en avant une forte branche pal- léale. Les nerfs des expansions latérales ont leur origine dans les ganglions palléaux; cela se voit surtout très facilement dans l'expansion latérale gauche. 102 E.-L. ROUVIER. En résumé, les Meladonus diffèrent surtout des Ampullaires dextres par l’isolement du nerf palléal gauche, qui n’envoie plus qu’une branche dans le ganglion sus-intestinal. On peut conclure de ce fait que la zygoneurie gauche est beaucoup moins développée dans les Meladomus que dans les Ampul- laires dextres. Lanistes Bolteniana Chemnitz. — Cette espèce diffère à peine de la précédente par son organisation. Tous les organes sont restés en place et le système nerveux est absolument identique à celui des Weladomus. Le nerf palléal gauche, no- tamment, devient libre dès son origine sur le ganglion palléal gauche et n’a aucun rapport avec le ganglion sus-intestinal. Le connectif de la zygoneurie gauche est une branche palléale relativement réduite. N'ayant eu qu’un individu que je tenais à conserver, Je n'ai pas cherché les otocystes. La masse recto-génitale est un peu moins développée que dans l’espèce précédente; il en est de même de la fausse branchie, parallèle au bord antérieur du manteau. Le pénis est normal; il occupe le bord du manteau à droite, enfermé dans une gaine ; il est très développé. Je relève par conséquent cette conelusion, dont je tirerai parti plus loin : les Ampullaridés sénestres ont un système nerveux deux fois zygoneure, tordu absolument de la même manière que celui des Ampullaridés dextres. Historique et conclusions. — Troschel et Jhering ont seuls étudié le système nerveux des Ampullaires. Troschel (22) a décrit le système nerveux de l’A. wrceus. Les ganglions céré- broïdes et leur commissure sont exactement figurés; 1l n’est fait mention, de chaque côté, que d’un connectif latéral se terminant sous la masse buccale dans deux ganglions « qui sont en relalion par des fibres si nombreuses qu’ils paraissent être concrescents avec une trame nerveuse ». De ces ganglions deux branches partent qui se réunissent en arrière dans un ganglion situé au voisinage du cœur; les rapports de ce gan- glion avec le tube digestif ne sont pas indiqués. Les ganglions buccaux sont exactement décrits; la figure représente en ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 103 arrière des ganglions cérébroïdes une espèce de collier péri- œsophagien, dont il n’est pas fait mention dans le texte; c’est probablement la branche sus-intestinale, inexactement obser- vée, de la commissure viscérale. Les nerfs sont très incom- plètement étudiés et surtout mal représentés sur la figure. Le travail de Jhering (80) a moins de valeur que celui de Troschel; je dirai seulement que cet auteur a méconnu la commissure viscérale, mais exactement observé le rectangle inférieur. Il est parti de là pour considérer les Ampullaridés comme des Ténioglosses orthoneures très voisins des Néri- tidés. Une erreur de Jhering, commise par tous les obser- vateurs qui se sont occupés jusqu'ici des Ampullaires, est relative à l’interprétation des branchies. L’Ampullaire aurait conservé des traces de la symétrie primitive; la branchie droite des Fissurelles aurait perdu une rangée de feuillets, mais gardé sa position, la branchie gauche serait toujours à gauche, bipectinée mais très réduite. J’ai montré que la pré- tendue branchie gauche est une fausse branchie bipectinée et que la branchie située à droite correspond à la branchie gauche des autres Pectinibranches; elle a été déplacée par le poumon. C. Semper (54) a seul décrit les otocystes des Ampullaires et seulement dans un embryon d’A. polita déjà pourvu de quarante otolithes dans chaque otocyste. Les Ampullaridés sénestres, malgré leur puissant intérêt, n'avaient jamais été étudiés jusqu'ici. De quels Ténioglosses se rapprochent le plus les Ampul- laires? Je laisse, bien entendu, de côté le rapprochement que préconise Jhering entre les Néritidés et les Ampullaridés, et je montrerai plus loin qu’il n’y à aucune relation directe entre les Ampullaires et les Valvées. Le champ des recherches ne peut pas s'étendre beaucoup ; on ne peut guère hésiter qu’entre les Paludinidés et les Naticidés. Les analogies avec les Paludines sont assez frappantes ; les expansions latérales existent dans les deux familles, mais la plus grande est à droite dans les Paludines; il y a un bour- 104 .-L. RBOUVIER. relet dorsal chez les Paludines et les Ampullaires, mais il est beaucoup plus mince chez les Ampullaires et rejeté à droite comme dans certains Cérithidés ; les tentacules sont peu diffé- rents, mais le pied des Ampullaires diffère assez nota- blement de celui des Paludines. Si Troschel dit vrai, le rein des Ampullaires s’ouvrirait en avant comme celui des Palu- dines, fait que je n’ai pu malheureusement vérifier, faute de matériaux. Le système nerveux présente certaines analo- gies tirées surtout de la commissure labiale, de la longueur des connectifs latéraux et du rapprochement des ganglions palléaux et pédieux. Mais il ne faut pas se le dissimuler, les analogies tirées du système nerveux sont très éloignées et le système nerveux deux fois zygoneure des Ampullaires est autrement différencié que celui des Paludines, franchement dialyneures aussi bien à droite qu’à gauche. Les otocystes sont placées de la même manière et ont le même contenu dans les deux familles. Les cordons ganglionnaires pédieux de la Paludine ont disparu dans les Ampullaires, qui ont en outre une fausse branchie très remarquable et fortement bipectinée, un pénis palléal, un tube digestif et des glandes salivaires fort curieuses. La radule des Ampullaires diffère énormément de celle des Paludines; on verra plus loi qu’elle ressemble surtout à celle du Ceratoptilus; enfin les Ampullaires sont ovipares, tandis que les Paludines sont vivipares. La radule des Ampullaires offre de très grandes analogies avec celle des Naticidés, surtout par la forme des dents mar- ginales et de la dent centrale; le jabot des Naticidés a pour correspondant le puissant et long renflement œsophagien des Ampullaires; la fausse branchie des Naticidés est bipec- tinée comme celle des Ampullaires et malgré sa longueur, beaucoup plus grande, n’est pas sans analogie avec cette der- nière. La coquille de certains Naticidés offre une identité presque absolue avec celle des Ampullaires : les prétendus Ampullaridés tertiaires sont rangés actuellement parmi les Naticidés dans le genre Ampullina, enfin le système nerveux des Ampullaridés est deux fois zygoneure comme celui des ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 105 Lamellaires, et zygoneure à gauche comme celui des Natices. Je ne pense pas toutefois que ce dernier caractère ait toute l'importance qu’on pourrait lui attribuer au premier abord ; le système nerveux, par la longueur de la commissure céré- broïde et des connectifs latéraux, par ses otolithes multiples, par la position des connectifs buccaux, a gardé des caractères primitifs qui font complètement défaut aux Naticidés. Il y a d’autres différences entre les deux familles, mais elles sont beaucoup moins essentielles, et j'avoue que ces caractères trés du système nerveux m'empêchent seuls de réunir les Naticidés et les Ampullaridés dans une même série. Dans lPimpossibilité où je me trouve de donner actuelle- ment une position systématique rationnelle aux Ampullaridés, je les laisse à côté des Paludinidés. Pour la plupart des mala- cologistes, les Ampullaires sont de grosses Paludines capables de vivre sur la terre et dans l’eau ; quand on connaïtra mieux plus tard les autres Gastéropodes, on pourra sans doute leur attribuer une autre place, mais il serait Léméraire actuelle- ment de rapprocher les Natices des Ampuilaires. | LITTORINIDÉS (fig. 23). Mes recherches sur les Littorinidés se sont portées tout spécialement sur la Littorina littorea Linn., la plus grosse espèce de nos côtes. On peut se la procurer en abondance à Paris en choisissant les individus aux Halles centrales; mais il vaut mieux, si c’est possible, s’adresser à des exemplaires bien conservés dans lalcool. La Littorine a une commissure cérébroiïde plus longue que celle de la Paludine, mais moins longue relativement que celle des Aspidobranches. Les ganglions cérébroïdes (C) sont encore assez nettement aplatis; celui de gauche à un contour triangulaire, celui de droite est un peu fusiforme. La saillie ganglionnaire labiale est assez peu développée, et d’ail- leurs la commissure labiale fait défaut; malgré tous mes soins, il m’a été impossible de la mettre en évidence. Le con- 106 E.-L. BOUVIER. nectif buccal (%) à son origine à la pointe de la saillie; 1 se dirige en avant parmi les nerfs proboscidiens, pénètre dans la masse buccale et revient peu profondément en arrière se ter- miner dans le ganglion buccal correspondant. Les ganglions buccaux sont très nettement séparés de leurs connectifs et de leur commissure, indiquant un degré de concentration des masses ganglionnaires qui se manifeste dans toutes les parties, presque sans exception, du système nerveux de la Littorine. Ils sont unis par une commissure buccale longue et assez grêle. La partie inféro-antérieure des ganglions cérébroïdes envoie en avant et en dessous le long connectif cérébro-pédieux (41). Un peu plus en arrière, elle se met en rapport avec les gan- elions palléaux par des connectifs épais et très courts, d’appa- rence ganglionnaire ; le connectif droit est un peu plus court que celui de gauche. Chaque ganglion palléal envoie en dessous et en avant un assez long connectif (4:) au ganglion pédieux correspondant; ce connectf est beaucoup plus gros que le connectif cérébro-pédieux. Les ganglions palléaux (Gg, Gd) sont beaucoup mieux concentrés que dans la Palu- dine et se distinguent au premier coup d’œil de leurs con- nectifs. Les ganglions pédieux (P) ne sont plus allongés en cor- dons, chacun d’eux forme une masse triangulaire très nette- ment séparée de ses nerfs. Sur leur bord interne, les ganglions se regardent par un de leurs angles et se mettent en relation par une courte commissure dépourvue d'éléments ganglion- naires. Chaque ganglion pédieux est pourvu de deux petits ganglions annexes (P,, P:), et ce sont ces annexes qui fournis- sent la plupart des nerfs pédieux. Il faut voir dans ces petits ganglions les restes d’une concentration encore inachevée. À l'endroit où le connectif palléo-pédieux droit se rattache au ganglion pédieux du même côté, il émet un nerf de dimension assez faible (z,) qui plonge presque immédiatement dans les parois du corps, se dirige en arrière en remontant et va s’ana- stomoser avec le gros nerf palléal droit (#°) issu du ganglion sous-mtestinal. C’est par cette voie détournée que se forme le ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 107 système nerveux normal des Prosobranches chez la Littorine ; toutefois l’anastomose est beaucoup plus rapprochée de la commissure viscérale que dans la Paludine. Il faut considérer ce nerf, issu de la base du connectif, comme un nerf palléal droit un peu déplacé dans son origine. Le fait n’est pas rare chez les Prosobranches, et j'aurai l’occasion de justifier cette interprétation, dans les considérations générales qui suivront cet examen des différentes familles. À gauche, le nerf palléal gauche (#) a son origine sur le ganglion palléal, lana- stomose avec le nerf branchial antérieur (b:) est beaucoup plus importante que celle de la Paludine et se fait assez loin dans le manteau. La branche sous-intestinale de la commissure viscérale (») se détache du ganglion palléal gauche, la branche sus- intestinale (4) du ganglion palléal droit; à leur origine, ces commissures se dirigent presque transversalement de droite à gauche ou de gauche à droite et ne prennent une direction nettement récurrente qu'au voisinage des ganglions sus-intes- tinal (Sp) et sous-intestinal (Sb). Ces deux ganglions, gros et très nets, sont situés sur la commissure. Le ganglion sous-intestinal, qui n’existait pas chez la Paludine, prend iciun grand développement, en raison même de ce fait que le nerf palléal droit le plus puissant à son origine, non plus dans le ganglion palléal droit, mais dans le ganglion sous-intes- tinal. Les deux branches de la commissure viscérale se ter- minent en arrière dans un ganglion viscéral allongé (V). Innervation. — Les nerfs issus des ganglions cérébroïdes de la Littorine sont en même nombre, et presque disposés de la même façon que ceux de la Paludine. Seulement comme la saillie labiale est plus courte, les nerfs labiaux et proboscidiens ont dû s’accumuler à l’extrémité de la saillie, comme dans les Pectinibranches zygoneures et même dans la plupart des dialy- neures. Toutefois, le nerf proboscidien (p,) a gardé l’origine qu’il avait chez la Paludine, à une faible distance de la com- missure cérébroïde; il se ramifie beaucoup dès son origine, innerve les parois latérales et supérieures du mufle et envoie 108 E.-L. BOUVIER. un dernier paquet de rameaux dans la lèvre supérieure. [Il est donc proboseidien et labial comme celui de la Paludine. Les trois autres nerfs sont presque exclusivement labiaux et ne se ramifient que dans les lèvres où ils envoient de très nom- breux rameaux en éventail, ou mieux en pinceau. Le plus inférieur (p,) correspond au nerf de la commissure labiale ; mais, je le répète, cette commissure n'existe pas ou je n’ai pu l’apercevoir. C’est entre les deux derniers nerfs labiaux que le connectif des ganglions buccaux a son origine sur la saillie labiale. Cela rappelle encore la Paludine. Le nerf tentaculaire (é) et le nerf optique (f) ont à peu près la même distribution que dans la Paludine, mais leurs origines sont plus rappro- chées. Le nerf optique est très grêle et ne se ramifie pas. Les otoeystes sont sur les côtés et un peu en dehors des ganglions pédieux ; elles sont petites et renferment une otolithe ronde. Je n'ai pas suivi le nerf acoustique. Je n'ai pas à signaler de nerfs pariétaux sur les ganglions.cérébroïdes. Par contre, on trouve toujours deux nerfs pariétaux (d,, e,) assez fins, l’un à droite, l’autre à gauche, sur le connectif cérébro-palléal, ou parfois sur le ganglion palléal. En outre, le ganglion palléal gauche donne naissance à trois nerfs plus importants : 1° le nerf palléal gauche (#) très développé qui se dirige superficiellement en arrière, émet un ou deux fins rameaux parlétaux et pénètre dans le manteau où 1l s'ana- stomose avec le nerf branchial antérieur; ses ramifications dans le bord du manteau sont très difficiles à préparer; 2° un nerf pariétal assez développé (e2) ; 3° le puissant nerf columel- laire (l) qui se dirige en arrière et se ramifie dans le muscle qui fixe l'animal à sa coquille. Le ganglion palléal droit paraît au premier abord ne donner naissance qu’à la commissure viscérale, mais, en réalilé, on doit reconnaître qu’il sert d’origine à deux nerfs très inté- ressants. Le premier (d.) se détache du connectif palléo- pédieux immédiatement au-dessous du ganglion palléal; c’est un nerf pariétal, il envoie d’abord une ou deux branches aux parois antérieures du corps, puis se dirige en arrière, toujours ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 109 profondément silui. Je prenais au premier abord ce nerf pour le correspondant, très réduit, du grand nerf palléal droit de la Paludine, qui a son origine, comme on sait, dans le gan- glion palléal, et je pensais qu’il devait s’anastomoser avec le nerf du ganglion sous-intestinal. Malgré tous mes eflorts, je n’arrivais à aucun résultat; bien plus, après des dissections très pénibles, j’acquis la certitude que j'avais affaire à un nerf purement pariétal, et je pus le suivre plusieurs fois au-dessous du grand nerf palléal droit, avec lequel 1l n’a aucune rela- tion. Les Littorinidés ont, à coup sûr, les plus grandes affinités avec les Gyclostomidés : un coup d'œil jeté sur la figure du système nerveux du Cyclostome, par M. de Lacaze-Duthiers (64), me mit sur la voie. Dans le Gyclostome, le nerf qui s’anastomose avec le grand nerf palléal droit a son origine tout à fait à la base du connectif palléo-pédieux. J’étudiai avec soin ce connectif dans la Littorine, et je trouvai le même nerf (4), presque à la même place que dans le Gyclostome. Il est bien plus puissant que le nerf précédent, mais sa dissec- tion est très difficile. I plonge, en effet, presque immédiate- ment dans les parois du corps, émet un ou deux rameaux pariétaux, remonte vers la nuque en allant un peu arrière, se bifurque dans ce trajet, une de ses branches (la plus pro- fonde) se dirigeant vers le manteau, l’autre continuant le nerf en dessus et en arrière, jetant quelques fins rameaux pariétaux, et finalement, après un très long trajet, s’anastomosant avec le grand nerf palléal droit. Ce nerf correspond évidemment au nerf palléal droit, issu de la base du ganglion palléal droit, chez la Paludine. Mais la préparation de l’anastomose est beaucoup plus délicate. Le ganglion sous-intestinal donne naissance au grand nerf palléal droit (#'}, qui se rend au bord droit du manteau, et à deux autres nerfs qui innervent le manteau à droite et la partie antérieure de la masse recto-génitale. Deux autres nerfs (#,et#:) se détachent de la commissure en arrière du ganglion et ont la même distribution que les précédents, mais dans un champ plus reculé. Quant au ganglion sus-intestinal, 110 E.-L. BOUVIER. il donne essentiellement naissance au nerf branchial anté- rieur (4,) dont on connait les relations avec le nerf palléal gauche; il envoie des rameaux nombreux et importants à la fausse branchie et à la branchie. L’innervation de la branchie est complétée par un autre nerf (b.) issu du même ganglion, et par deux nerfs (4: et 4,) qui se détachent de la commissure, entre le ganglion sus-intestinal et le ganglion viscéral. Les nerfs issus du ganglion viscéral (V) n’offrent rien de particulier, de même que les nerfs issus des ganglions buc- caux. Parmi les nerfs des ganglions pédieux, on doit signaler le nerf du pénis (4), qui se détache du ganglion pédieux droit. Historique et conclusions. — À signaler en bibliographie les travaux de Garner (18), de Souleyet (27) et de Jhering (80), sur le système nerveux de la Littorine. Garner donne à la Littorine un système nerveux chiasto- neure, mais il suffit de jeter un coup d'œil sur sa figure pour voir que le système nerveux n’est pas croisé comme il l’en- tend. Du reste, tous les ganglions sont indiqués, sauf les ganglions pédieux accessoires. Eydoux et Souleyet indiquent seulement les origines croisées de la commissure viscérale, mais leur figure des centres antérieurs est excellente et bien préférable à celle de Jhering. Ils représentent, du reste, les deux ganglions pédieux accessoires de chaque côté. Jhering décrit exactement la commissure croisée et renvoie pour une description détaillée des nerfs au Cyclostome; il n'indique qu'un seul ganglion pédieux accessoire. Il y avait quelque intérêt à compléter la description de Jhering et surtout à rechercher dans la Littorine les anasto- moses palléales droite et gauche. J’ai montré comment ces anastomoses étaient réalisées de la même manière que dans le Cyclostome. L’anastomose droite est intéressante en ce qu’elle montre un état encore très éloigné de la zygoneurie; si l’on joint à ce caractère la longueur de la commissure cérébroïde, la puissance de la saillie labiale, la distance encore assez orande qui sépare les ganglions cérébroïdes des ganglions pal- léaux et surtout la présence de ganglions pédieux accessoires ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. LR qui indiquent une concentration encore inachevée des cordons pédieux, on verra que les Littorines sont, de tous les Ténio- glosses marins bien connus, ceux qui se rapprochent le plus des Rhipidoglosses chiastoneures. L'apparition des Littorines dans le Trias justifie les conclusions qui précèdent. CYCLOSTOMIDÉS M. de Lacaze-Duthiers (64) a étudié le système nerveux du Cyclostoma eleqans et indiqué notamment les deux anasto- moses palléales; je puis me dispenser de décrire iei cette espèce. J'ai simplement fait quelques recherches en vue d’une comparaison, sur une espèce exotique, le Tropidophora bicarinatum Sowerby. Dans cette espèce, les centres cérébroïdes sont plus rappro- chés que dans notre Gyelostome, leur saillie labiale est encore très développée, et je ne serais pas étonné qu’on découvrit plus tard chez les Tropidophores une commissure labiale. Quatre nerfs labio-proboscidiens se détachent des ganglions cérébroiïdes, en même temps qu'un fin nerf pariétal, un nerf optique, un nerf acoustique et un fort nerf tentaculaire. Le nerf tentaculaire, comme celui du Gyclostome, forme deux ganglions, un à la base et l’autre à l'extrémité du tentacule. Le nerf acoustique se rend directement aux otocystes situées, comme celles du CGyclostome, en dehors des ganglions pédieux. Le connectif buccal se détache de la saillie labiale à son extrémité, se dirige en avant, puis revient en arrière en passant sous les muscles superficiels de la masse buccale, pour aboutir aux ganglions buccaux. Ceux-e1 présentent les mêmes rapports que dans la Littorine. Les conduits des glandes salivaires traversent les colliers nerveux. Les ganglions palléaux offrent, avec les ganglions céré- broides et les ganglions pédieux, les mêmes rapports que dans le Cyclostome, seulement le ganglion palléal gauche est plus éloigné du ganglion cérébroïde, moins éloigné du ganglion pédieux. C’est l'inverse pour le ganglion palléal droit. Les 119 E.-L. BOUVIER. connectifs qui se rendent des ganglions cérébroïdes aux gan- olions palléaux sont très gros, de même que les connectifs palléo-pédieux ; les connectifs cérébro-pédieux sont beaucoup moins épais. Les ganglions pédieux sont sensiblement piri- formes et ne ressemblent pas à ceux qu’a dessinés M. de Lacaze-Duthiers dans le Cyclostome ; 1ls sont en relation, vers leur tiers postérieur, par une très courte et très large commis- sure. Ils donnent naissance à de nombreux nerfs pédieux; parmi ces nerfs, il faut en signaler deux plus importants (un pour chaque ganglion) qui se rendent au lobe antérieur du pied, sous le mufle. Les ganglions pédieux accessoires de la Littorine font défaut dans cette famille. Les ganglions sus-mntestinal et sous-intestinal ont la même position et les mêmes dimensions que ceux de la Littorine. Le ganglion sus-intestinal donne naissance à deux nerfs. Le nerf antérieur est de beaucoup le plus fort; il se divise en quatre branches dont les trois postérieures se rendent à une saillie filiforme du poumon, saillie que l’on doit considérer comme la fausse branchie et peut-être comme un reste de la branchie atrophiée; la branche antérieure va s’anastomoser avec le nerf palléal gauche issu du ganglion palléal gauche. L’autre nerf du ganglion innerve en arrière les parois du manteau. L’innervation de la partie droite du corps offre plus d’in- térêt et présente quelques particularités. On voit en effet partir du ganglion pédieux droit, à la même place que dans la Litto- rine et le Cyclostome, un nerf assez fort qui se dirige à droite et en arrière, envoie deux branches aux parois du corps, et vient s’anastomoser directement avec le grand nerf palléal droit issu du ganglion sous-mtestinal. En outre, on voit naître du connectif palléo-pédieux droit un nerf plus grêle et moins profond qui envoie d’abord une branche d’anastomose au nerf précédent (à une faible distance du point où celui-ci se confond avec le grand nerf palléal droit), puis se continue en arrière, passe au-dessus du grand nerf palléal droit et se dirige vers le manteau. Le ganglion sous-intestinal donne naissance à deux nerfs; on connait déjà le grand nerf palléal ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 115 droit, l’autre se rend au pénis dorsal. Dans l’animal qui nous occupe, et probablement dans le Cyclostome, le pénis est innervé par le ganglion sous-intestinal, ce qui lui donne une tout autre signification morphologique qu’à celui des Néritidés. J'aurai terminé cette description rapide du système nerveux en disant quelques mots des ganglions viscéraux, qui sont inclus dans lanse viscérale formée en arrière par la commis- sure croisée. [l y en a deux comme chez le Gyclostome, un grand et un petit situé comme de coutume, à gauche du grand. Le ganglion droit sert d’origine à trois nerfs : un nerf recto-gémital, un grand nerf viscéral qui pénètre dans le tor- tüillon et émet d’abord une branche recto-génitale, enfin le nerf de lorgane de Bojanus. Quant au ganglion gauche, il n’émet qu'un nerf très rameux qui se distribue essentiellement sur les parois du péricarde, comme dans le Cyclostome. Historique et conclusions. — Berkeley (10), Garner (18), Claparède (46), de Lacaze-Duthiers (64), Jhering (80), et Simroth (95), ont étudié le système nerveux du Cyclostoma elegans. Berkeley indique les origines de la commissure croisée, dans un dessin très superficiel. Garner se borne à rapprocher le système nerveux du Cyclostome de celui des Troques. Le travail de Claparède n’ajoute à celui de Berkeley que la des- criplion des ganglions pédieux et des otocystes ; les relations réelles du nerf acoustique ne sont pas signalées. Au contraire, M. de Lacaze-Duthiers indique exactement les relations du nerf acoustique, et représente le système nerveux tout entier avec les deux anastomoses palléales. C’est le premier système nerveux complet de Prosobranche qui ait été représenté après celui du Vermet. Jhering donne une description moins complète et partielle- ment inexacte. [l ne signale pas les importantes anastomoses palléales, et indique seulement un ganglion tentaculaire. Il fait naître à tort un nerf palléal du ganglion palléal droit. Sa description des nerfs est assez complète, mais elle ne fait pas mention du nerf pénial. ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. IL. 8. -— ART. N° |. 114 E.-L. BOUVIER. Simroth renvoie à la description et aux dessins de M. de Lacaze-Duthiers. Le système nerveux des Gyclostomidés reproduit, jusque dans ses détails, celui des Littorinidés. Il s’éloigne toutefois davantage du système nerveux des Rhipidoglosses chrasto- neures par la disparition des ganglions pédieux accessoires et l'importance plus grande de l’anastomose palléale droite, déjà fort rapprochée du ganglion sous-intestinal, ce qui est un pas de plus du côté de la zygoneurie. Mais lidentité presque complète des deux types se montre dans un détail frappant, l’origine de la branche anastomotique droite à la base même du connectif palléo-pédieux. Les otocystes et les otolithes sont les mêmes et ont la même position dans les deux familles, le ruban radulaire est très long, moins pourtant chez les Cyelo- stomes que chez les Littorines, et dans les deux genres, la rep- tation est la même et tout à fait particulière, en ce sens que chaque moitié du pied agit alternativement. L’opercule des Cyclostomes ressemble beaucoup à celui des Littorines, mais il est calcaire au lieu d’être corné ; cette différence n’a aucune valeur, si l’on songe que les Cremnoconchus sont des Littori- nidés dont l’opercule devient parfois calcaire. Le pénis est différent dans les deux familles ; il est latéral et innervé par les ganglions pédieux chez les Littorines, dorsal et innervé par le ganglion sous-intestinal chez les Cyclostomidés. Mais les caractères tirés de la position du pénis ont toujours fort peu de valeur, en raison des déplacements considérables que cet organe peut subir dans l’ordre des Prosobranches. On n’atta- chera pas plus d'importance au caractère tré de la dispa- rition de la branchie, et l’on pourra considérer les Cremno- conchus, qui vivent sur les rochers mouillés par des eaux douces, dans l'Inde, comme des Littormidés offrant un passage naturel aux Gyelostomidés. Ainsi, les Gyclostomidés se présentent à nous comme les Ténioglosses Les plus voisins des Littorinidés.On peut les con- sidérer comme un rameau indépendant détaché de cette dernière famille, de mème que les Paludimidés forment un ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 115 rameau indépendant détaché des Rhipidoglosses chiasto- neures à une seule branchie. [ls n’ont, par suite, aucune relation directe avec les Paludinidés. Les Cyclostomidés appa- raissent dans la craie moyenne. Le rameau des Cyclostomidés ne parait comprendre que cette famille. PLANAXIDÉS. J'ai étudié succinctement le système nerveux du Planaxis sulcatus Born. Le système nerveux ressemble presque com- plètement à celui de la Littorme, seulement les ganglions palléaux sont en contact avec les ganglions cérébroïdes, et le ganglion sous-intestinal n’est séparé que par un étranglement du ganglion palléal gauche. Le ganglion sus-intestinal occupe la même place que dans les Littorines. Les ganglions céré- broïdes sont réunis par une courte commissure, et les gan- glions pédieux, presque identiques à ceux des Littorines, sont pourvus chacun de deux ganglions accessoires. Les otocystes, appuyées contre le bord postérieur des ganglions pédieux, renferment une seule otolithe. Les deux nerfs palléaux droits s’anastomosent très loin dans les parois du corps. Les Planaxidés sont rangés par Troschel dans les Céri- thidés, d'après leur radule. Mais le ruban radulaire a une longueur qui ne permet en rien de le comparer au court ruban des Cérithes ; c’est un ruban de Littorine. Les otocystes, les ganglions pédieux accessoires, appartiennent aussi aux Litto- rines, et l’on pourra considérer les Planaxis comme des Litto- rines légèrement siphonées. Ils se séparent en effet des Litto- rines à l’époque tertiaire. HYDROBIIDÉS (fig. 18). J’ai étudié dans cette famille la petite Bythinia tentaculata Linn. que j'ai recueillie en abondance dans la Seine, à Charenton, parmi les Paludines, les Néritines et les Valvées. Les Bythinies ont, à droite, une expansion latérale des téguments qui correspond aux expansions latérales de la 116 E.-L. BOUVIER. Paludine et des Ampullaires. Un bourrelet dorsal droit vient se terminer sur cette expansion. Les yeux sont sur une saillie basilaire du tentacule. Le pénis, dorsal comme chez les Cyclostomidés, est bifide et fort développé. Je n’ai étudié que les traits généraux du système nerveux de la Bythinie. Les ganglions cérébroïdes (C) sont piriformes, réunis du côté large par une courte et épaisse commissure ; ils se terminent en avant par une pointe faisant corps avec les ganglions cérébroïdes, et correspondant à la saillie labiale rentrée dans les ganglions. C’est là qu'ont leur origine les quatre nerfs labio-proboscidiens de la Bythinie, ainsi que le connectif buccal (Æ) qui atteint la masse buccale en avant et revient aboutir en arrière aux ganglions buccaux, après avoir passé sous les muscles superficiels de la masse buccale. Le nerf tentaculaire ({) a son origine sur la face externe des ganglions ; il est tout à fait indépendant du nerf optique (f). Le caractère essentiel du système nerveux de la Bythinie est le rapprochement considérable des centres supérieurs et latéraux. À droite sont en contact presque intime, le gan- olion cérébroïde, le ganglion palléal droit (Gd) et le ganglion sus-intestinal (Sp). À gauche, le ganglion palléal (Gg) se rattache par un très court et très épais connectif au ganglion cérébroide; mais le ganglion sous-intestinal (S b) offre des relations intimes avec le ganglion palléal gauche. Dans son trajet, la commissure viscérale croisée ne formera, par con- séquent, que le ganglion viscéral, situé au fond de la cavité palléale, sur l’œsophage. Les deux branches de la commis sure, la branche sus-intestinale (4) et la branche sous-intes- tinale (4/), se dirigent très peu obliquement en arrière: la première, de droite à gauche, par-dessus lœsophage; la seconde, de gauche à droite, par-dessous. Le nerf palléal droit principal (æ') se détache du ganglion sous-imtestinal, passe sous le tube digestif, et va se ramifier à droite dans Île manteau ; avant d'atteindre celui-ci, 1l s’'anastomose avec un nerf (z') issu du connectif palléo-pédieux et qui envoie une branche assez importante aux parois du corps. Le nerf bran- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. \ & chial (2,) a son origine dans le ganglion sus-intestinal, passe obliquement sur l’œsophage, et envoie son tronc principal dans la fausse branchie qui forme un bourrelet épais et très saillant à la base de la branchie. Du ganglion palléal gauche part un nerf palléal (#) important, qui innerve le bord du manteau à gauche; 1] a d’abord une direction très nettement récurrente, passe sous le nerf branchial au moment où celui-ci atteint les parois du corps, puis revient en avant dans le bord du manteau. Je n’ai pu mettre à découvert son anastomose avec le nerf branchial. Je n’ai pas trouvé davantage le nerf du pénis; mais on peut croire, par la position de l’organe, qu’il reçoit un nerf de la branche sous-intestinale de la commissure viscérale, c’est- à-dire du ganglion sous-intestinal. Les ganglions pédieux (P) sont assez rapprochés des ganglions cérébroïdes ; les con- nectifs qui s’y rendent des ganglions cérébroïdes et palléaux sont courts et très épais. Les connectifs cérébro-pédieux (#1) paraissent former en leur milieu un renflement ganglion- naire. Les ganglions pédieux sont ovoïdes et réunis à leur extrémité postérieure par une commissure très courte, mais très nette. Leur volume est relativement considérable ; à son extrémité antérieure rétrécie, chaque ganglion présente un léger étranglement, mdiquant un reste de ganglion pédieux accessoire (P;). Il y a, d’ailleurs, un second ganglion pédieux accessoire (P;), celui-ci très développé, et rattaché au ganglion correspondant par un connectif très net. Les nerfs pédieux ont presque tous leur origine dans ce ganglion accessoire et dans celui indiqué par l’étranglement. Les otocystes (0) sont situées en dehors des ganglions pédieux. Elles sont très petites, et renferment une seule otolithe qui se casse presque naturellement en plusieurs fragments dans la plupart des préparations. Je n’ai pu suivre dans toute sa longueur le nerf acoustique. Historique et conclusions. — Simroth (95) et Sarrasin (99) ont étudié la même année (1889) le système nerveux de la B. tentaculata. 118 E.-L. BOUVIER. Simroth fait remarquer, avec beaucoup de raison, que le système nerveux de la Bythinie ressemble à celui des Méla- niüdés; il à d’ailleurs une commissure croisée comme celui des Cvclostomes. Simroth n’en dit pas davantage, et ce n’est pas suffisant, car le système nerveux des Mélanies n’est connu que par les travaux incomplets de Jhering (80). Sarrasin parle incidemment du système nerveux dans un travail fort inté- ressant sur l’embryogénie de la Bythinie. Il n’a pu, dit-il, étudier le système nerveux de l’adulte que par coupes, et il serait arrivé, à coup sûr, à des résultats plus exacts en se servant de la simple dissection, qui est très facile chez la Bythinie. Il décrit exactement les rapports des centres anté- rieurs, quoiqu'il ne sépare pas suffisamment les ganglions palléaux des centres cérébroïdes. Il à bien suivi la branche sous-intestinale de la commissure viscérale jusqu’au ganglion viscéral; mais il n'a pas réussi à mettre en évidence la branche sus-intestinale de la commissure. Sarrasin ne décrit aucun nerf; il ne parle pas des otocystes ; il signale toutefois le ganglion pédieux accessoire. Ses figures valent beaucoup moins que le texte. Je n’ai pas étudié les Truncatellidés ; mais 1ls se relient si étroitement aux Hydrobidés, que leur bibliographie trou- vera naturellement sa place ici. Ils ont été étudiés par M. Ed. Perrier (92, 94) et par M. Vayssière (119). M. Per- rier a dessiné, par transparence, le système nerveux de la Truncatelle en indiquant la disposition de la commissure croisée et celle des centres antérieurs. C’est un système ner- veux de Bythinie avec une condensation moins grande des centres antérieurs et deux forts ganglions pédieux accessoires. M. Vayssière a repris ensuite l’étude du système nerveux dans son travail sur l’organisation de la Truncatelle. Il a décrit la plupart des nerfs principaux de l’animal, et notamment le nerf auditif avec la grosse otolithe des otocystes. Il n’a pas signalé les anastomoses palléales. M. Vayssière ne paraît pas accorder une grande importance à la chiastoneurie, car il ne la signale nulle part; bien plus, en parlant du ganglion viscéral, il dit ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 119 qu’ «il est relié aux autres au moyen de deux nerfs très longs et assez forts, placés un de chaque côté et formant une sorte de commissure viscérale ». C’est très certainement un oubli de l’auteur qui a si bien étudié le système nerveux des Opisthobranches; car dans une note placée à la fin de son travail, il dit être «en parfait accord sur le nombre et la disposition des centres nerveux avec le savant professeur du Muséum », M. Ed. Perrier. Une discussion a été jusqu'ici longuement agitée au sujet des otolithes de la Bythinie. Moquin-Tandon (34) en décrit quatre dans la Bythinia Ferrussina. À. Schmidt (39) n’en a trouvé qu'une dans la P. tentaculata; 11 a étudié une autre espèce que Moquin-Tandon, mais il fait remarquer que la B. Ferrussina est une Hydrobie, et que, dans quatre espèces d’Hydrobies et chez les Lithoglyphus, il n’a trouvé qu’une seule otolithe. S'emparant de cette discussion, Simroth (75) conclut que les otolithes ne peuvent avoir aucune valeur au point de vue systématique. Je crois que Simroth exagère dans un sens, comme exagèrent dans un sens opposé À. Schmidt, Macdonald (42, 52) et Jhering (73), et pour me restreindre au cas litigieux, je dirai que Moquin-Tandon a commis une erreur bien excusable, si l’on tient compte de l’extrême fra- ailité de l’otolithe unique des Bythinies. Les Bythinies appartiennent sans doute à un rameau | déta- ché des Littorinidés, indépendant du rameau formé par les Cyclostomidés. Toutefois, elles offrent dans leur système nerveux un degré de concentration qui exige un intermédiaire entre les Littorinidés et les Hydrobudés. Cet intermédiaire est fourni tout naturellement par les Rissoïdés dont l’organi- sation interne devra presque certainement être intermédiaire entre celle des deux familles, bien que le pénis des Rissoidés soit, à quelque différence près, le même que celui des Littori- nidés. Ce que l’on sait des caractères extérieurs est parfaite- ment en accord avec les relations que je veux établir. Les Littorimidés sont marins et apparaissent dans le Trias, d’après Hærnes ; les Rissoïdés sont aussi marins et apparaissent dans 120 E.-L. BOUVIER. le Jurassique inférieur, d’après le même auteur. Les Hvydro- bia, qui habitent les eaux saumâtres, seraient de la même époque (Hærnes), et les Bythinies, qui habitent les eaux douces, n’apparaïtraient que dans le Jurassique supérieur. Si, comme le dit Ad. Schmidt, les Aciculidés ont une‘seule otolithe, ils se placent naturellement à la suite des Hydro- biidés et constituent les représentants terrestres de ce rameau. La ressemblance des Aciculidés avec certains Hydrobndés est telle que les Tricula, espèces fluviatiles, ne sont rangées parmi les Hydrobiidés qu’en raison de leur genre de vie et sont, à vrai dire, des Aciculidés fluviatiles. D'ailleurs, les Aciculidés se rapprochent des Hydrobüdés par leur pénis, et s’il est vrai, comme le dit M. P. Fischer (103), que les Aciculidés aient des otolithes multiples, on pourrait peut-être ne pas accorder une grande importance à un caractère qui offre des variations énor- mes dans le seul genre Melania. D'ailleurs, les Aciculidés n'apparaissent qu’à l’époque éocène. Ainsi les Hydrobidés forment un rameau détaché des Lattorinidés, rameau dont les articles successifs sont, autant qu’on en peut juger : 1° Les Rissoïdés marins et apparaissant dans le Jurassique inférieur ; 2 Les Hydrobia saumâtres et apparaissant dans le Juras- sique inférieur ; 3 Les Bythinies d’eau douce et apparaissant dans le Juras- sique supérieur ; 4 Les Aciculidés terrestres et apparaissant dans l’Éocène. Quant aux Truncatellidés, ils formeraient un rameau déta- ché des Hydrobia, et leurs premiers représentants apparais- sent dans l’Éocène. M. Fischer fait remarquer qu'il faudra rapprocher les Truncatellidés des Hydrobia, si l’on arrive à mettre fin à la question en litige sur la respiration des Trunca- tellidés, en montrant qu’elles ont une branchie. Or la démon- stration a été donnée par M. Vayssière (112), et rien n’em- pêche aujourd'hui le rapprochement. Les représentants terrestres de la famille sont les Geomelania. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 191 VALVATIDÉS. J'ai recueilli dans la Seine, au-dessus de Charenton, un cerlain nombre d'individus de la Valvata piscinalis Müller. Je n’ai pu les étudier que très insuffisamment, et je compte reprendre bientôt une étude qui m’a déjà conduit à des résul- tats appréciables. Les ganglions cérébroïdes sont très gros, piriformes, de couleur blanche ; ils se continuent par leur extrémité la plus étroite dans la commissure cérébroïde relativement longue et orêle, située en arrière de la masse buccale. Ils émettent un fort nerf tentaculaire qui parait former un ganglion piriforme à sa base. Les ganglions cérébroïdes sont intimement con- fondus avec les ganglions palléaux ; un étranglement peu profond permet à peine de distinguer les deux masses gan- ghonnaires. Le ganglion sus-intestinal doit ètre réuni dans une même masse ganglionnaire avec le ganglion palléal droit, car on voit partir de l’extrémité postérieure de cette masse deux nerfs importants qui passent en écharpe sur l’œsophage et se dirigent de droite à gauche et un peu d’avant en arrière. Les deux nerfs ont une direction presque parallèle jusqu’à la base du manteau, à gauche ; là, ils divergent : le nerf anté- rieur pénètre dans la branchie bipectinée qui fait saillie au dehors quand l’animal est vivant et que Geoffroy Saint- Hilaire a appelée le plumet ; ce nerf envoie en outre un rameau en avant de la branchie. Le nerf postérieur doit correspondre à la branche sus-intestinale de la commissure viscérale. Le ganglion palléal gauche envoie un nerf à gauche, dans le bord du manteau, et se prolonge inférieurement dans un gros nerf qui passe obliquement d'avant en arrière et de gauche à droite sous l’œsophage ; ce nerf se prolonge essen- uellement dans un gros nerf palléal droit, mais envoie aussi en arrière une branche récurrente. Le nerf palléal droit émet un rameau pour le filet tentaculiforme qui se trouve à 122 E.-L. RBOUVIER. droite sur le bord du manteau. Je n’ai pas vu de ganglion sur le trajet du nerf sous-intestinal, et je pense, par conséquent, que le ganglion sous-intestinal est confondu avec le ganglion palléal gauche, ou fait défaut comme chez les Turbonidés, Trochidés, Paludinidés et Cyclophoridés. Ce nerf correspond évidemment à la branche sous-intestinale de la commissure viscérale, comme le nerf sus-intestinal postérieur correspond à la branche sus-intestinale. Il m’a été impossible jusqu'ici de suivre les deux branches en arrière jusque dans un gan- olion viscéral; mais on peut néanmoins conclure des obser- vations précédentes que les Valvées sont chiastoneures et n’offrent aucune analogie directe avec les Néritines. Elles sont probablement aussi dialyneures, mais il est presque impos- sible de trouver par la dissection les anastomoses palléales droite et gauche. Les ganglions pédieux sont énormes et visibles dès qu’on a enlevé la masse buccale ; ils sont ovoïdes et un peu plus larges en avant qu'en arrière où ils se continuent avec les deux longs connectifs latéraux qui les rattachent de chaque côté à la masse ganglionnaire cérébro-palléale. Le connectif palléo-pédieux est deux fois aussi fort au moins que le con- nectif cérébro-pédieux. Les ganglions pédieuxsont en relation par une commissure extrêmement courte, mais très large ; elle occupe à peu près les deux tiers de leur longueur. Les nerfs pédieux ont leur origine sur le bord antérieur des gan- olions, l’un d'eux se fait remarquer par son diamètre important. Les otocystes sont très grosses et en contact avec le bord postérieur des ganglions pédieux ; elles sont unies par un épais tractus fibreux qui se trouve du reste dans beaucoup de formes voisines. D’après Jhering, les otocystes renferment de nombreuses otolithes. Les ganglions buccaux sont situés sous la masse bucca.e et unis par une commissure fort courte et très épaisse. Ils se rattachent aux ganglions cérébroïdes par de longs et fins connectifs. Historique et conclusions.— Jhering (80, 81) et Simroth (95) ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 4195 ont étudié le système nerveux de la Valvata piscinalis. Jhering attribue aux Valvées un système nerveux orthoneure de Néritine et d'Ampullaire. Son erreur à pour origine la position et la grosseur des otocystes qu'il a prises sans doute pour les ganglions palléaux, confondant avee la branche sous-intestinale de la commissure de l’Ampuilaire le cordon fibreux qui les réunit. Du reste, il n’a vu aucun des nerfs que j'ai signalés et, par conséquent, il ne pouvait être mis sur la trace de la chiastoneurie. Simroth a beaucoup mieux en- trevu la vérité. Il décrit exactement les deux masses cérébro- palléales, et place exactement dans la droite le ganglion sus- intestinal, dans la gauche, le ganglion sous-intestinal. I n'a eu que de vagues indices sur le reste du système nerveux, à l'exception des ganglions pédieux qu’il décrit exactement dans leurs relations multiples. La morphologie des Valvées est restée jusqu'ici aussi inexacte que possible, grâce à une observation beaucoup trop superficielle de lanimal. Pour Jhering, les Valvées auraient deux branchies comme les Haliotides, une branchie gauche libre à la pointe et bipectinée et une branchie droite complè- tement libre, mais sans feuillets branchiaux ; M. Fischer (105) considère le plumet bipectiné comme la branchie normale et dit, en parlant du filet tentaculiforme droit, que peut-être il représente la branchie accessoire ou fausse branchie des Pectinibranches. On se demande dès lors si la Valvée n’est pas plutôt un Aspidobranche qu'un Pectinibranche, et Simroth conclut de ses observations que les Valvées occupent une place tout à fait à part dans le groupe des Pro- sobranches. En fait, l’innervation du plumet par le ganglion sus-intes- tinal lui donne, comme sa position et sa structure, la valeur d’une branchie bipectinée jouant en outre très probablement le rôle de fausse branchie. 11 est impossible de donner au filet tentaculiforme droit la valeur d’une fausse branchie de Pectinibranche, car jamais la fausse branchie n’est placée dans ce groupe à droite de la branchie. Il serait morphologi- 194 E.-L. BOUVIER. quement plus exact de lui attribuer la valeur d’une branchie ou d'une fausse branchie droite correspondant aux organes du même côté chez les Haliotides, mais je pense qu’il est plus naturel de voir dans ce filet un appendice allongé, comme en portent à droite et à gauche les Olividés, sur le bord du man- teau. Malgré leur branchie d’Aspidobranche les Valvées ont un système nerveux et une organisation de Pectinibranche, mais c’est à tort que j'avais cru leur trouver une branchie monopectinée ; elles n’offrent pas la moindre analogie avec les Néritidés et diffèrent des Ampullaires par tous les carac- tères organiques importants. Le système nerveux des Valvées est presque absolument identique à celui des Bythinies, il n’en est certainement pas de plus voisin dans toutes les formes étudiées jusqu'ici. Même séparation des centres cérébroïdes, même réunion des centres palléaux, cérébroïdes et viscéraux antérieurs, même position des ganglions pédieux et des otocystes; toutefois les Valvées se rapprochent davantage des formes plus modifiées par l’ag- olomération plus grande des centres nerveux. Ainsi les gan- glions pédieux accessoires des Littorines et des Truncatelles, le ganglion accessoire unique des Bythinies ont disparu; en outre, la masse cérébro-palléale est beaucoup plus inti- mement confondue, à droite avec le ganglion sus-intestinal, à gauche avec le ganglion sous-intestinal. Les Valvées montrent, d’ailleurs, l’infériorité de leur organisation par la présence d’une branchie bipectinée. Elles ont en outre plusieurs otolithes, et la Bythinie n’en a qu’une ; mais on sait que, dans le genre Melania, les mêmes différences peuvent se produire. Quant à l'hermaphroditisme des Valvées, on doit le considérer, avec la branchie bipectinée, comme un effet d’ata- visme localisé dans cette petite famille et il ne pourrait à lui seul infirmer la valeur des affinités que nous venons de signaler. C’est Moquin-Tandon (34) qui a signalé la réunion des sexes dans les Valvées ; elle demande à être vérifiée par une étude anatomique sérieuse. Les Valvées offrent aussi des relations importantes avec les ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 195 Rissoïdés, et les Rissoa ont comme elles un filet tentacu- liforme au bord droit du manteau. MÉLANIIDÉS (fig. 24 et 25). J'ai étudié dans cette famille très intéressante les trois senres Melania, Faunus (Pyrena) et Melanopsis; tous les échantillons dont je me suis servi sortaient des collections du Muséum. Melania. — J'ai étudié emq espèces dans cette famille : M. costata Quoy et Gaymard, M. filocarinata Montf., M. ama- rula Lam., M. tuberculata Müller et M. asperata Lam. Le système nerveux des Mélanies ressemble beaucoup à celui du Cerithium vulqatum que je déerirai plus loin, et tous les centres nerveux, chez la M. costata au moins, présentent les mêmes relations que dans cette Cérithe. Je me bornerai, par conséquent, à relever les particularités les plus intéres- santes du système nerveux, en commençant par la M. costata (fig. 24). Les ganglions cérébroïdes sont recouverts par une enve- loppe assez épaisse de tissu conjonctif qu'on doit enlever avec précaution pour isoler les centres. Les ganglions céré- broïdes (G) donnent naissance, de dehors en dedans et sur leur bord antérieur, aux quatre nerfs suivants : 1° un fort nerf labial (p1) qui correspond virtuellement à deux nerfs confon- dus à leur base, puisqu'il se divise presque immédiatement en deux grosses branches labiales; ce nerf n’envoie guère qu'un ou deux minces filets aux parois du mufle ; 2° un nert proboscidien plus grêle (7) qui émet quelques branches labiales; 3° le connectif buccal (#) qui pénètre en avant dans la masse buccale et revient en arrière dans les ganglions buccaux en passant sous les muscles superficiels de la masse buccale; à sa base se détache des ganglions cérébroïdes un fin nerf proboscidien. Le nerf tentaculaire (£) et le nerf optique (/) ont la même origine et la même distribution que dans les Cérithes. Les otocystes (0) sont situées contre le bord 126 E.-L. BOUVIER. postérieur des ganglions pédieux; elles renferment une grosse otolithe ronde à stries concentriques et radiales. Le nerf acoustique (0/) est complètement libre pendant tout son trajet; il passe en dehors du gros connectif palléo-pédieux (4), puis entre les deux connectifs latéraux et atteint les ganglions cérébroïdes. Les ganglions pédieux (P) et les ganglions bucecaux offrent les mêmes rapports, et émettent à peu de chose près les mêmes nerfs que dans le Cerithium vulgatum ; toutefois les ganglions pédieux sont un peu plus rapprochés des ganglions cérébroïdes. Le connectif cérébro-pédieux (4,) est beaucoup moins gros que le second connectif latéral. La commissure viscérale croisée est très longue et n'offre rien de particulier. Sa branche sous-intestinale (4') se dirige presque directement en arrière parallèment au nerf columel- laire (/) issu du ganglion sous-intestinal (Sb); elle émet extérieurement trois ou quatre branches nerveuses destinées au manteau et à la masse recto-génitale. À une grande distance du ganglion sous-intestinal, dans l’épaisseur des parois droites du corps, un fort nerf palléal droit (#1) issu de ce ganglion s’anastomose directement avec un nerf palléal droit (z) moins important issu du ganglion palléal droit. Sur un individu, J'ai vu passer ce dernier nerf sous l’autre et se diriger en arrière sans s’anastomoser, il est probable que l’anastomose se fait alors indirectement par un rameau. Quoi qu'il en soit, la M. costata est très fortement dialyneure. Les nerfs palléaux innervent richement les bords du manteau et surtout leurs fortes saillies marginales ; celui de gauche (#), issu du ganglion palléal gauche, reçoit une branche anastomotique parfois visible par transparence à la base du manteau. Cette anastomose le met en relation, comme de coutume, avec le nerf branchial antérieur issu du ganglion sus-intestinal, qui émet d’ailleurs un autre nerf branchial plus fin. Trois nerfs branchiaux au moins se dé- tachent de la commissure viscérale entre le ganglion sus- intestinal (Sp) et le ganglion viscéral. Tous les nerfs bran- ARTICLE N° !. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 197 chiaux (4,, b., etc.) se ramifient abondamment, la plupart de leurs rameaux se terminent brusquement dans la fausse branchie, les autres se rendent à la branchie. La fausse branchie est filiforme et occupe presque toute la longueur de la branchie. Le ganglion viscéral est situé à droite de l’œæsophage, au-dessous de l’orifice du rein, qui s’ouvre par une fente en boutonnière au fond de la cavité palléale. Son nerf principal se rend à l’organe de Bojanus, l’autre plonge dans les viscères du tortillon. Les autres espèces de Mélanies que j'ai étudiées ressemblent beaucoup à l'espèce précédente. Dans la W. fuberculata, Va- nastomose palléale droite est encore plus éloignée du ganglion sus-intestinal, les otocystes renferment une seule otolithe ronde semblable à celle de la M. costata. La fausse branchie est fillforme, presque aussi longue que la branchie, mais on peut déjà y voir à la loupe deux rangées de feuillets très irré- sulièrement développés. Dans la M. umarula, les centres antérieurs sont un peu moins intimement unis que dans les deux espèces précédentes. L'anastomose entre les deux nerfs palléaux droits est un peu moins éloignée des ganglions et se voit presque sans dissec- tion ; les ganglions pédieux sont un peu plus éloignés des ganglions cérébroïdes. Les otocystes renferment une seule otolithe ronde. Le bord du manteau n’est pas frangé de tubercules chez la M. filocarinata ; V'anastomose palléale droite se fait très loin dans les parois du corps et indirectement par une branche du nerf palléal issu du ganglion palléal droit. Les otocystes sont logées contre le bord postérieur des ganglions pédieux; elles renferment de très nombreuses otolithes rectangulaires, allongées et étroites; une otolithe est beaucoup plus grosse que les autres. Chez la M. asperata les nombreuses otolithes sont petites et peu allongées; les centres nerveux sont assez bien séparés. Faunus. — La M. costata est souvent rangée parmi les Faunus, je La laisse avec Reeve parmi les vraies Mélanies. Je 128 E.-L. BOUVIER. w’ai pu étudier dans ce genre que le Faunus ater Linn., le type du groupe d’ailleurs. Je n'ai rien à dire de bien particulier sur le système nerveux de cette espèce : ilest dialyneure de la même manière que celui de la M. filocarinata et les otocystes renferment aussi de très nombreuses otolithes rectangulaires courtes et à côté un peu convexe. Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de raisons pour séparer la M. filocarinata des Faunus. Melanopsis (fig. 25). — La branchie et la fausse branchie du Melanopsis Dufourei Férussae ressemblent à celles des Mélanies, mais leur système nerveux est fort différent. Les sanglions cérébroïdes (G) sont unis par une longue com- missure et en relation avec les ganglions palléaux par des connectifs peu épais, de longueur médiocre et un peu plus courts à droite qu’à gauche. Les connectifs latéraux sont longs, le connectif antérieur ou cérébro-pédieux est fort grêle. Les ganglions pédieux (P) sont à la naissance du pied et mis en relation par une courte commissure pédieuse. Les otocystes (0) sont un peu en arrière des ganglions et renfer- ment de nombreuses otolithes rectangulaires ayant des dimen- sions extrêmement variables. Dans une même otocyste on trouve de nombreuses otolithes allongées, à peine distinctes, puis de très grosses otolithes rectangulaires et courtes, un peu arrondies sur leurs faces. Entre ces deux extrêmes se trouvent en même temps tous les intermédiaires. Le ganglion palléal gauche (C4) est fusiforme et peu déve- loppé, 1l émet la branche sous-intestinale (4°) de la commis- sure viscérale, celle-ci forme le ganglion sous-intestinal (S 4) assez loin, à droite de l’œsophage. Le ganglion sous-intestinal est en relation directe avee le ganglion palléal droit par un connectif de la zygoneurie (2) qui correspond à un nerf palléal droit issu du ganglion palléal droit et passant par le ganglion sous-Intestinal avant de se rendre au manteau. Par consé- quent, on ne voit aucun nerf palléal se rendre directement au manteau à partir du ganglion palléal droit, et le nerf palléal droit, qui est simple, a son origine apparente dans le ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 129 ganglion sous-intestinal. Les Mélanopsis sont zygoneures, les Mélanies et les Faunes sont dialyneures; on verra des diffé- rences semblables s'établir, mais avec beaucoup plus de tran- sitions, dans la famille des Cérithidés. Il est inutile de décrire les autres parties du système ner- veux, elles sont les mêmes que dans les Mélanies et les Faunes, et représentées d’ailleurs dans la figure 25. Je dirai seulement que les conduits salivaires des Faunes et des Mélanopsis tra- versent les colliers nerveux, et que les connectifs buccaux se comportent exactement comme ceux des Mélanies. Je résu- merai cette description en disant que les Mélanopsis diffèrent des autres Mélanidés connus, par la séparation des centres nerveux antérieurs (cérébroïdes, pédieux, palléaux, sous- intestinal) et par l'existence d’une zygoneurie très nette. Historique et conclusions. — A. Schmidt (39), Macdo- nald (42, 92) et Jhering (73) ont étudié les otocystes des Mélanndés; Jhering (80) et Simroth (95) ont consacré quei- ques lignes seulement au système nerveux des Mélanies. À. Schmidt a trouvé de nombreuses otolithes chez le Mela- nopsis Dufourei, le Melanopsis acicularis et la Melania Hol- landro. 1 nous fournit lui-même des arguments contre l’im- portance excessive qu'il accorde aux otolithes. Nous y revien- drons. Macdonald range au contraire les Mélanudés, dans sa classification des Gastéropodes, parmi les formes à une seule otolithe. I ne connaissait pas les Mélanies à plusieurs oto- lithes, et cela suffit pour juger son système de classification. Jhering s'empare des deux avis différents qui précèdent, observe une seule otolithe dans la Melaniu interposita, et malgré l'importance qu’il attribue aux pierres de l'oreille, est obligé de reconnaître que leur nombre (une ou plusieurs) varie avec les espèces dans cette famille. Jhering n’a signalé, dans le système nerveux de la 1. n- terposita, que les ganglions cérébroïdes, pédieux, palléaux et sus-intestinal. I ne sait s’il doit ranger les Mélanies parmi les Orthoneures ou les Chiastoneures. Simroth à étudié la Metania Hollandri et dit simplement que la commissure viscérale à la ANN, SC, NAT., ZOOL., 1887. Lt, 9, -— ART. N°1, 150 E.-L. BOUVIER. torsion habituelle, et que les ganglions pédieux sont unis par une forte commissure. Il exagère beaucoup en affirmant que le cerveau est le même que celui des Cyclostomes. Tous ces ren- seignements nous apprennent très peu, et je crois avoir comblé une forte lacune en étudiant cette famille. ‘ La famille des Mélanndés est une des plus mal établies dans tout le groupe des Prosobranches; elle est pour ainsi dire basée sur l'habitat des genres qui la composent : « Les Melaniidæ étant des mollusques fluviatiles ou lacustres, dit M. P. Fis- cher (103), on doit, par conséquent, rejeter de cette famille tous les genres marins vivants ou fossiles qui en avaient été rapprochés d’après la forme de la coquille. » Ce procédé de classification est commode pour l’étude, mais il n’est pas assez rigoureux. Les Mélanidés renferment des formes d’eau sau- mâtre, les Hantkema et d’autres, et l’on se demande pourquoi ces Mollusques sont laissés dans la famille des Mélanudés. Évidemment, on a soustrait des Mélaniidés et placé dans les Cérithidés toutes les formes franchement marines sans temir compte des caractères tirés de la coquille. Il est impossible de donner un seul caractère morphologique externe qui permette de séparer les Mélanidés des Cérithidés ; les caractères tirés du siphon sont tout à fait illusoires, car le siphon est très court dans les Cérithidés. D’ailleurs certains Cérithidés comme les Bittium, Lampania, etc., ont un siphon rudimen- taire, et si l’on ne place qu'avec doute les Exelissa, Ptero- stoma, etc., dans les Cérithidés, e’est qu’ils sont dépourvus de siphon. En outre, certains Mélanidés, tels que les Mélanopsis et les Typhobia, ont un siphon plus ou moins développé. Les caractères tirés du siphon n’ont pas plus de valeur que ceux trés de l'habitat, la structure anatomique des deux genres est essentiellement la même, et au point de vue des relations naturelles des êtres, il est impossible de séparer les deux familles. D’après toutes ces observations, on peut conclure que les Mélanudés se rattachent étroitement aux Cérithidés, aussi bien par leur organisation que par leurs caractères conchylio- logiques. Par conséquent, je renvoie l'étude plus complète de ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 151 leurs affinités aux conclusions relatives à la famille suivante, celle des Gérithidés. Après avoir signalé les inconvénients d’une classification basée sur l’habitat et le siphon, dans deux familles où ces caractères sont fort mêlés, on doit reconnaître que la classification actuellement en vigueur offre des avan- tages pour l’étude, et surtout pour la géologie ; mais il ne faut lui reconnaître que cette valeur et signaler bien haute- ment les affinités étroites qui rattachent les Mélaniidés aux Cérithidés. Je n'ai vu de pénis chez aucun des Mélaniidés que j'ai étudiés, pourtant M. Fischer signale un pénis en arrière des tentacules. CÉRITHIDÉS (fig. 26 à 94 et fig. 37 et 38). La famille des Cérithidés nous offre tous les passages depuis la dialyneurie la plus franche jusqu’à la zygoneurie achevée. C’est d'ailleurs, à tous égards, une famille de transition. Cer- taines formes (Bittoum, Lampania, etc.,) ont un siphon rudi- mentaire, d’autres (Exelissa, Plerostoma, etc.) en sont dépourvues. La fausse branchie est filiforme dans la plupart des Cérithidés, mais les Cératoptilus ont une fausse branchie courte, très grosse, et franchement bipectinée. Le mufle, les tentacules, les franges marginales du manteau, les branchies subissent d’ailleurs des variations considérables au sem de cette famille. En raison même de son intérêt, j'ai voulu en faire une étude aussi complète que possible, étudiant tous les genres qui se trouvaient représentés par plusieurs échan- üllons dans les collections du Muséum. Le résultat le plus frappant de cette étude a été de montrer la formation pas à pas de la zygoneurie et de donner en faveur de cette for- mation des arguments qui convaincraient, J'en suis persuadé, les plus incrédules. Mes recherches s’étendent aux huit genres suivants, disposés probablement dans l’ordre indiqué par leurs affinités naturelles : Cerithium, Tympanotomus, Vertaqus, Potumides, Cerithidea, Telescopium, Pyraius. Geratoptilus. 132 E.-L. BOUVIER. Cerithium vulgatum Deshayes. — J'ai étudié dans le genre Cerithium les quatre espèces suivantes : Cerithium vulgatum Desh., C. Mediterraneum Desh., C. erythronense Lamarck et la Cérithe chenille de Quoy et Gaymard. Une courte description du C. vulgatum est nécessaire pour l'intelligence du système nerveux de cette espèce (fig. 26, 27 et 34). Le pied, très contracté chez les animaux conservés dans l’alcool, porte sur son lobe postérieur un opercule sensi- blement ovalaire, brunâtre, corné, aminci sur les bords, avec des épaississements formant des courbes dont l’origine est en un point situé sur la base élargie de l’opercule. Le muñle est très court, faiblement échancré en avant. Il porte sur ses côtés et à sa base, de chaque côté, un court tentacule (#) dont l’épais renflement basilaire externe loge le globe oculaire à une faible distance du bord. Le bord antérieur du manteau est muni de fines franges saillantes en avant. Le siphon (S1) est très net, mais peu développé. La cavité branchiale formée par le man- teau est profonde ; elle est tapissée à gauche, sur presque toute sa longueur, par la branchie monopectinée (Br) dont les lamel- les triangulaires et assez basses se prolongent en pointe sail- lante vers le bas, recouvrant plus ou moins la fausse branchie (br) fiiforme et un peu recourbée en avant. Gelle-c1 occupe le bord inférieur de la branchie, sur toute sa longueur; elle est très étroite et garnie à sa surface de petites lamelles transversales très peu saillantes. En dessus, les lamelles branchiales parais- sent se prolonger dans des bourrelets peu saillants (X) du manteau qui s'étendent transversalement jusqu’à l'anus. Ces bourrelets sont les éléments de la glande muqueuse, et le mucus filant et clair sécrété par celle-ci est si abondant qu'il rend la dissection très difficile au début, même avec des animaux qui ont plus de vingt années d’alcool. À droite, le manteau porte en dedans, au-dessous de la glande, un long rectum (R) dont la pointe anale est sallante et libre, puis au-dessous un feuillet très grossi à l’époque de la reproduc- tion, et qui correspond aux glandes annexes du conduit géni- tal. Le rein s'ouvre, par une fente en boutonnière, au fond ARTIGLE H° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 133 de la cavité branchiale. Le tortillon allongé n’offre rien de bien remarquable. Le système nerveux comprend deux ganglions cérébroïdes, deux ganglions buccaux, deux ganglions pédieux, deux gan- olions palléaux, un ganglion sus-intestinal, un ganglion sous- intestinal et un ganglion viscéral. Il n’y a ni commissure labiale, n1 ganglions labiaux. Tnnervation. — La masse buccale est relativement grosse et s’étend en arrière assez loin de la région des tentacules; elle reçoit les conduits de glandes salivaires assez distinctes ; ces conduits traversent les colliers nerveux. Les glandes sali- vaires sont en grappe. Les ganglions cérébroïdes (CG) sont situés sur l’œsophage, derrière la masse buccale et à peine séparés l’un de Pautre par un profond étranglement. Ils sont piriformes, réunis par leur base et la pointe dirigée en dehors et en avant. Les nerfs sui- vants ont leur origine sur le bord antérieur des ganglions et comprennent, de dedans en dehors : un nerf proboscidien (y) qui se ramifie bientôt dans les parois latérales et supérieures du mufle, et dont les filets nerveux terminaux se perdent dans les lèvres; deux autres nerfs (p2, 73) plus spécialement labiaux, bien qu'ils envoient quelques fins rameaux aux parois infé- rieures du mufle ; leur ramification dans les lèvres est excessi- vement riche. Entre ces deux nerfs est l’origine du connecuf buccal (4). Sur la face supérieure des ganglions cérébroïdes ont leur origine, presque au même point, le nerf tentaculaire, le nerf optique et le nerf acoustique. Le nerf tentaculaire (#) est au moins aussi gros que Îles nerfs proboscidiens, il envoie de nombreux rameaux dans les muscles du tentacule. Le nerf optique (f) est loin d’être aussi fin que chez les autres Pro- sobranches, il présente en outre cette anomalie très frap- pante d'envoyer: des filets nerveux au renflement basilaire des tentacules ; il se termine dans les veux. Après avoir traversé une partie des ganglions cérébroïdes, le nerf acous- tique (0°) descend entre les connectifs cérébro-pédieux (4) et 134 E.-L. BOUVIER. palléo-pédieux (4;); il se termine dans les otocystes (0) situées à l’extrémité postérieure des ganglions pédieux. Deux ou trois fins nerfs vont se distribuer dans le gros muscle rétrac- teur de la masse buccale. Les ganglions pédieux (P) sont situés sur la sole pédieuse, à l'angle formé par le mufle et le pied. Une commissure épaisse, courte mais nette, les réunit en arrière. [ls se rattachent l’un et l’autre, par deux connectifs médiocrement longs, aux gan- olions cérébroïdes et palléaux. Le connectif cérébro-pédieux est toujours le moins épais, 1l naît sur le bord inférieur des ganglions cérébroïdes immédiatement en avant du connectif cérébro-palléal et se rattache au bord externe et postérieur des ganglions pédieux. Le connectif palléo-pédieux a son ori- gine sur le bord interne et antérieur du ganglion palléal, pour le côté gauche, à droite il continue en avant le ganglion pal- léal fusiforme ; ce connectif aboutit au bord postérieur des ganolions pédieux. Les nerfs pédieux les plus importants se détachent et s’enfoncent dans le pied, à l’extrémité antérieure des ganglions pédieux; deux sont plus forts et plus puissants que les autres. Jamais les ganglions ne se prolongent dans les nerfs, ils sont toujours parfaitement limités. Trois ou quatre nerfs pédieux moins importants ont leur origine sur les côtés et sur la face interne des ganglions pédieux. L'étude des nerfs palléaux est beaucoup plus intéressante. À gauche, le manteau reçoit un nerf puissant (#) du gan- glion palléal gauche. Dès qu'il a traversé les parois du corps et atteint le manteau, ce nerf envoie un filament grêle au bour- relet inférieur du manteau, puis une anastomose (2) au nerf branchial antérieur (b,) issu du ganglion sus-intestinal. Gette anastomose est importante à signaler. Ensuite, une forte branche se rend au siphon et des branches nombreuses se distribuent au bord du manteau, formant un plexus assez délicat dont les parties extrêmes se continuent avec le plexus formé aux dépens du nerf palléal droit. À droite, il y a deux nerfs palléaux qui prennent leur ori- gine, l’un (z) sur le bord interne du ganglion palléal droit ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES, 135 (Gd), l’autre (#) à l’extrémité du ganglion sous-intestinal. Le premier se comporte comme une commissure et se confond avec le second, un peu avant qu’il ait atteint les parois droites du corps. C’est là le caractère essentiel des systèmes nerveux dialyneures, et cette anastomose correspond à celle que j'ai sisgnalée ci-dessus à gauche. Réunis en un seul, les deux nerfs palléaux forment un tronc commun qui pénètre dans la paroi du corps et se bifurque. La branche antérieure, la plus forte, innerve richement le bord antérieur du manteau et, très longue, s’en va, jusqu’au côté gauche du corps, s’a- nastomoser par un plexus avec le nerf palléal gauche et inner- ver la partie antérieure de la glande muqueuse. La branche postérieure se bifurque à son tour ; le rameau antérieur passe sous le rectum et innerve les parties du manteau qui avoi- sinent l'extrémité la plus avancée de la glande à mucus; l’autre rameau envoie quelques filets nerveux au rectum et au feuillet génital. Le ganglion palléal gauche (Gg) se rattache, par un court et épais connectif, au bord inféro-postérieur du ganglion céré- broïde gauche. A l’endroit où ce connectif atteint le ganglion palléal, 1l envoie aux parois gauches du corps un nerf parié- tal (e:) très ramifié ; un ou deux filets pariétaux se détachent aussi du nerf palléal gauche, au voisinage de son origine. Le ganglion palléal gauche n’est séparé que par un étrangle- ment du ganglion sous-intestinal (Sb). Le ganglion palléal droit est en relation avec le bord inférieur et postérieur du ganglion cérébroïde droit par un très large et très court connectif. Ce ganglion est longuement fusiforme, un peu arqué ; il se continue en avant dans le connectif palléo- pédieux, en arrière et à gauche dans la branche sus-intesti- nale (4) de la commissure viscérale. On trouve aussi à droite deux nerfs pariétaux, l’un (4,) se détache du nerf palléal issu du ganglion palléal droit, l’autre (d.) de l’extrémité postérieure du ganglion sous-intestinal. L'origine du nerf columellaire (() paraît anormale chez les Cérithidés ; il naït en effet du bord externe et antérieur du ganglion sous-intestinal et non du 136 _ E.-L. BOUVIER. ganglion palléal gauche. Chez le GC. vulgatum, ce nerf est très gros et a Son origine presque dans l’étranglement qui sépare les deux ganglions. Il est probable que les fibres de ce nerf ont leur origine dans le ganglion palléal. La branche sus-intestinale (4) de la commissure viscé- rale se détache de l’extrémité postérieure du ganglion palléal droit. Elle se porte obliquement en arrière et à gauche en passant au-dessus de l’œæsophage, dans le tissu des glandes salivaires. Après un assez long trajet, elle pénètre dans la paroi gauche du corps et y forme le ganglion sus-intes- tinal (Sp), à peu près au niveau de l'extrémité de la bran- chie. La commissure viscérale se continue à gauche et en arrière presque superficiellement, et, arrivée au fond de la cavité branchiale, se recourbe assez brusquement à droite pour se terminer dans le ganglion viscéral. Les nerfs branchiaux (4, b., ete.) ont leur origine dans le ganglion sus-intestinal, et surtout dans la longue commissure viscérale qui parcourt les parois du corps à gauche. On ne saurait se figurer une innervation plus riche; les innom- brables filets nerveux s’anastomosent en tous sens, sauf tout à fit en avant, et forment un plexus branchial d’une richesse extrême. La figure 34 est exactement relevée sur un individu qui avait vingt années d'alcool au moins et que j'ai trailé par l'acide oxalique. Parmi ces filets nerveux, les uns s'arrêtent brusquement dans la fausse branchie, les autres, les plus nombreux, se prolongent jusqu’à la vraie branchie. Deux nerfs branchiaux seulement se détachent du ganglion sus-intestinal ; l’un d’eux (4) est très fin et s’anastomose avec les filets du plexus branchial; l’autre est plus important, c’est le nerf branchial antérieur (b:), celui qui envoie une anastomose au nerf palléal gauche. Du milieu de cette ana- stomose, on voit partir un filet nerveux qui se distribue au manteau. Le prolongement du nerf branchial antérieur tra- verse visiblement la fausse branchie et se porte vers la pointe de la branchie. En dedans, la commissure viscérale envoie quelques rameaux très grêles aux parois du corps. ARTICLE N° f. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 15% La branche sous-intestinale (4) de la commissure viscé- rale se détache de lextrémité postérieure du ganglion sous- intestinal ; elle se dirige obliquement à droite et en arrière par-dessous l’œsophage, et, quand elle à atteint les parois du corps, elle continue son trajet en arrière jusqu’au ganglion viscéral; dans ce trajet, elle est plus ou moins superficielle. Elle envoie dans le manteau, à droite, quatre ou cinq branches assez fortes (m', m',, etc.), dont la plus antérieure (m',) est la plus importante. Gette dernière peut se suivre, entre le rectum et le manteau, jusqu’à la glande muqueuse qu'elle doit innerver en partie. Ges différents nerfs sont aisés à suivre jusqu'au feuillet génital, mais non plus loi. On peut dire toutefois que la plupart de leurs branches passent entre l'annexe génitale, le rectum et le manteau, innervant proba- blement ces diverses parties et se prolongeant peut-être jusqu’à la glande à mucus. Je n'ai jamais vu plus de trois nerfs partir du ganglion viscéral. Le plus puissant est le moins facile à apercevoir, puisqu'il à une origine inférieure et plonge immédiatement dans la masse du tortillon; c’est le grand nerf viscéral affecté au foie et aux glandes génitales. Un autre nerf, très facile à apercevoir, est le nerf réno-cardiaque dont les branches se distribuent, avec la plus grande évidence, au rein et au cœur. Le troisième est toujours fort grèle, et on le suit aisément jusqu'à la partie postérieure de l’annexe génitale qu'il imnerve. Le système nerveux buccal du GC. vulgatum (fig. 26) offre une disposition curieuse qui rappelle les types moins élevés en organisation. Le connectif buccal, en effet, ne se rend pas directement des ganglions cérébroïdes aux ganglions bucecaux; 1l suit d'abord le même trajet que les nerfs labiaux inférieurs, puis, arrivé en avant, pénètre dans la masse buccale en même temps que le rétracteur antérieur, retourne en arrière en passant successivement sur les côtés et en des- sus de la masse buccale pour aboutir aux ganglions buccaux. Dans sa course récurrente et plus ou moins superficielle dans 138 E.-L. BOUVIER. les tissus de la masse, il envoie quelques filets nerveux à ceux-ci. On connait l’origine de ce connectif entre les deux nerfs labiaux les plus inférieurs. Chez un certain nombre d'in- dividus, on voit le connectif envoyer des rameaux aux lèvres en avant, au moment où il va pénétrer dans la masse buccale; il paraît alors jouer, sur une partie de son trajet, le rôle d'un nerf labial. En réalité, il n’en est rien, puisque, dans ces indi- vidus, on trouve toujours un nerf labial de moins (le nerf inférieur) que chez les autres. Le connectif s’est tout simple- ment confondu dans une partie de sa longueur avec le nerf labial inférieur, et ne s’en détache qu’au moment de pénétrer dans la masse buccale. Il en est absolument de même, d’après M. de Lacaze-Duthiers, chez le Vermet. Les ganglions buccaux (B) sont triangulaires et assez allongés. Leur nerf principal est un nerf œsophagien (s;) qui se dirige en arrière sur l’œsophage, auquel il distribue d'assez nombreux rameaux ; au point où 1l devient récurrent, il envoie quelques branches à la partie supérieure de la masse buccale. À côté de lui, un nerf (s:) distribue ses rameaux aux parois latérales du bulbe, et, sur l'angle antéro-postérieur des ganglions, part le nerf puissant (s:) des muscles postérieurs de la masse. Deux fins nerfs (s,, s:), issus de la commissure, se rendent à la gaine radulaire. Historique. — Berkeley (13) et Jhering (80) ont seuls étudié le système nerveux des Cérithes. Berkeley n’a eu à sa disposi- tion qu'un seul individu de Cerithium telescopium, et ses recherches, fort restreintes, seront résumées plus loin au paragraphe des Cérithidés. Jhering a étudié Le C. vulgatum et le GC. palustre. I fait de ce dernier un Potamide, mais j'ai tout lieu de croire que son C. palustre n’est autre que le Pyrazus palustris. Quoi qu’il en soit, Pyrazus et Potamides ont un système nerveux assez diffé- rent de celui des vraies Cérithes, et je me bornerai à parler ici de ses recherches sur le C. vulgatum. La description de Jhering est très limitée et se borne à peu près aux centres, à leurs commissures et à leurs connectifs. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 139 Pour Jherimg, les Cérithes sont orthoneures et dépourvues de commissure viscérale croisée; dans le C. vulgatum, l’ortho- neurie serait réalisée par un connectif allant du ganglion pal- léal droit au ganglion sous-intestinal. Or on à vu plus haut que cette union directe entre les deux ganglions n’existe pas; on observe seulement une relation indirecte entre les deux ganglions, établie par deux nerfs palléaux gauches issus lun du ganglion palléal droit, l’autre du ganglion sous-mtestinal. Ces deux nerfs se confondent dans les parois du corps, à une grande distance du ganglion sous-intestinal. Évidem- ment, Jhering a méconnu cette anastomose, et, pour con- sidérer les Cérithes comme des Prosobranches orthoneures, il a dû supposer qu’un connectif, unissant les deux ganglions, devait exister dans les Cérithes comme dans les Potamides ou les Pyrazus. Autres espèces de Gérithes. — En résumé, le Cerithium vulgatum doit être rangé parmi les Cérithidés dialyneures les plus éloignés de la zygoneurie : les deux nerfs palléaux droits, lun assez grêle issu des parois du corps, l’autre puissant, issu du ganglion sous-intestinal, se confondent sans intermé- diaire dans les parois du corps. — Les otocystes sont en con- tact avec les ganglions pédieux sur leur bord postérieur et inférieur; elles renferment de très nombreuses otolithes de taille très inégale ; les unes sont absolument minuscules et sans forme déterminée, d’autres sont assez grosses, rectangu- laires, assez allongées et un peu arrondies à leurs extré- mités. Le C. Mediterraneum peut être, au point de vue anato- mique, considéré comme un représentant de petile taille de l'espèce précédente. Tout est identique dans l’organisation, et je ne m’arrêterai pas à en faire une description mutile. Les otocystes sont sur le bord postérieur des ganglions pédieux, elles renferment de nombreuses otolithes de petite taille et une otolithe beaucoup plus grosse. Gette dernière à un volume sept à huit fois plus considérable que les autres, on y voit très bien des stries concentriques. Tandis que les 140 E.-L. BOUVIER. autres otolithes ont une forme rectangulaire qui passe à l'ovale, la grosse est moins allongée et beaucoup plus sensi- blement rectangulaire. Tous les exemplaires que J'ai étudiés présentaient cette grosse otolithe au milieu des petites; c’est un caractère spécifique qui aura son importance quand il faudra discuter la valeur systématique des ololithes. Le C. erythronense se rapproche beaucoup des deux espèces précédentes par la position de l’anastomose palléale droite. Son système nerveux présente quelques particularités, peu importantes d’ailleurs. Ainsi, le nerf palléal droit, issu du ganglion palléal droit, émet une branche avant de se réunir au nerf palléal droit issu du ganglion sous-intestinal ; en outre, il y a deux nerfs columellaires de grosseur assez différente, qui paraissent avoir leur origine dans le ganglion sous-intestinal. Les-ganglions buccaux (fig. 31) sont plus allongés dans cette espèce que dans toutes les autres et ne laissent que peu de place à la commissure qui les réunit; d’ailleurs, cette com- missure se dédouble en deux nerfs parallèles. Je n'ai pas étudié les otolithes. Dans cette espèce, les bords du manteau ont des franges un peu plus grosses que dans les espèces pré- cédentes, mais la masse buccale est la même, c’est-à-dire qu’elle est relativement bien développée et s'étend assez lom en arrière des tentacules. La Cérithe chenille de Quoy et Gaymard est intéressante parce qu’elle fournit le passage naturel des Gérithes aux Ver- tagus, au point de vue du système nerveux. Les deux nerfs palléaux droits se confondent à une distance moins considé- rable du ganglion sous-intestinal, ce qui nous rapproche de la zygoneurie. La commissure pédieuse est encore plus courte que dans les espèces précédentes. Le mufle est plus grand que celui des autres Cérithes, mais la masse buccale est un peu moins volumineuse. Les festons des bords du manteau sont très sensiblement les mêmes que ceux du C. erythronense. Tympanotomus. — J'ai étudié dans ce genre le T. fus- catus Linn. sur des exemplaires presque frais, récemment arrivés au Muséum et recueillis sur la côte du Sénégal. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 141 L’opercule corné est intermédiaire entre ceux des Cérithes et des Struthiolaires, le manteau a des franges nombreuses, longues et épaisses, les tentacules sont étirés en pointe à leur extrémité, mais les yeux sont situés à une certaine distance de la base renflée des tentacules : 1l n’y a pas de saillie oculaire. Le mufle est relativement court, beaucoup plus étroit en avant qu’en arrière, à peine échancré; ses pa- rois sont excessivement épaisses. [Il est traversé dans toute sa longueur par une masse buccale longue et fort étroite. Les glandes salivaires sont très développées, mais rattachées aux téguments comme dans un très grand nombre de Cérithidés. Le système nerveux est presque absolument identique à celui des Cerithium, mais la cavité du mufle étant fort étroite, les nerfs proboscidiens se groupent en faisceau pour la parcourir, Le système nerveux est aussi franchement dialyneure que celui des Cérithes, car l’anastomose palléale droite se produit dans les parois des corps. Les otocystes renferment de nombreuses otolithes rectangulaires, courtes, et à faces si fortement con- vexes qu'elles paraissent presque globuleuses. Les Tympanotomus habitent quelque temps des eaux peu saumâtres etle reste de l’année les eaux douces; c’est pourquoi M. Fischer les range dans son grand genre Potamides. Par leur masse buccale étroite et très allongée, 1ls se rapprochent de certains Cerithidea; mais tous leurs autres caractères et surtout le système nerveux très franchement dialyneure doivent les faire ranger dans le grand genre Cerithium de M. Fischer. Vertaqus , Potamides, Cerithidea. — Le Vertaqus linettus Bruguière a un système nerveux presque identique à celui de la Gérithe chenille; l’anastomose palléale droite n’est pas plus rapprochée du ganglion sous-intestinal; elle est dissi- mulée sous une couche musculaire et conjonctive assez épaisse. Il y a toujours deux nerfs columellaires qui pa- raissent naître du ganglion sous-intestinal, l’un d’eux pour- tant est excessivement rapproché du ganglion palléal gauche. Le ganglion sus-intestinal est très allongé et étroit, mais les 142 E.-L. BOUVIER. oanglions buccaux sont massifs et bien distincts de leur com- missure. Le mufle est large et déjà beaucoup plus développé que celui des Gérithes, mais la masse buccale est très réduite absolument et relativement. Les centres antérieurs entourent par conséquent l’œsophage, fort loin en arrière de cette masse. Tandis que, chez les Cérithes, les yeux sont situés sur une saillie externe des tentacules, ils sont ici portés par les tentacules eux-mêmes qui s’acuminent brusquement vers leur milieu. Les bords du manteau sont découpés très peu profon- dément; c’est un reste des franges qui existent dans les Céri- thes. Les otocystes sont dans leur position ordinaire, elles renferment d'assez nombreuses otolithes de différente taille ; ces otolithes sont assez allongées, fortement convexes sur les cûLés, coupées presque carrément en avant. Le système nerveux (fig. 28) du Potanides ebeninum Reeve présente plusieurs caractères qui le rendent tout particulièrement intéressant. Le principal est tiré du point où se fait l’anastomose palléale droite : la rencontre des deux nerfs palléaux se fait à un demi-millimètre à peine du ganglion sous-intestinal, de sorte que les Potamides sont presque com- plètement zygoneures. Avant de se confondre avec le nerf pal- léal droit postérieur (#), le nerf palléal droit antérieur (2) émet un nerf pariétal (d:). Des connectifs courts, mais très nets, rattachent les ganglions palléaux aux ganglions céré- broïdes. Le ganglion sous-intestinal (SD) est très allongé et divisé par des étranglements peu profonds en deux ou trois masses assez bien distinctes; il s’en détache deux gros nerfs columellaires (/, :) et un plus petit. Les otocystes (0) sont situées sous les ganglions pédieux à une faible distance de leur bord postérieur; elles renferment de nombreuses oto- lithes semblables à celles des Vertagus, mais beaucoup moins arquées latéralement. Le mufle est plus court et moins large que dans le genre précédent, la masse buccale plus dévelop- pée; les yeux occupent presque la même position que ceux des Cérithes, Les bords du manteau ne sont plus frangés, mais présentent de gros plis. L’opercule ovale et à nueléus ARTICLE N° 1. | SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 143 submarginal des Gérithes et des Vertagus est devenu circu- laire, spiralé avec un nucléus central. Les feuillets branchiaux sont très modifiés; ils sont bas, et se prolongent en dessus, tandis qu’ils ont une haute pointe libre dans les genres pré- cédents. Le siphon est fort peu développé. Avec les Cerithidea nous voyons la zygoneurie s'achever, mais rappeler encore le système nerveux des Potamides. Dans la Cerithidea obtusa Petit (fig. 29) le nerf palléal droit antérieur vient se confondre avec le ganglion sous-imtestinal au point même où celui-ci émet son nerf palléal droit, très puissant puisqu'il correspond en fait à la réunion de deux nerfs paliéaux. Ici, par conséquent, le nerf palléal antérieur est devenu le connectif de la zygoneurie (2). [1 en sera de même dans tous les Cérithidés que nous avons encore à étu- dier. Le connectif de la zygoneurie émet un nerf pariétal droit. Comme chez les Potamides, le ganglion sous-intes- tinal (Sb) est formé par deux ganglions bien distinets, et le nerf columellaire (/) a son origine sur celui des ganglions qui est en rapport avec le ganglion palléal gauche. L’innerva- tion du mufle et des lèvres est très facile à étudier; elle se fait aux dépens de quatre nerfs qui ont leur origine dans les ganglions cérébroïdes. Le nerf le plus interne (p1) est essen- tiellement proboscidien, les trois suivants (ÿ2, ps, ps) sont essentiellement labiaux et à leur extrémité envoient un paquet de rameaux dans les lèvres. Les connectifs buccaux (#) viennent ensuite, pénètrent comme toujours dans la masse buccale en avant, et reviennent en arrière en passant sous les muscles buccaux superficiels, pour se terminer dans les sanglions buccaux. Ceux-ci ressemblent complètement aux ganglions du Cerithium vulgatum. Le mufle est beaucoup plus grand que celui des Potamides, il est arrondi, échancré en avant, étranglé en arrière au voisinage des tentacules. La masse buccale est assez réduite et ne s’étend pas en arrière jusqu’au niveau des tentacules. Geux-ci sont cylindriques à leur base, puis brusquement deviennent filiformes ; les yeux sont à l'extrémité de la partie renflée, Le manteau est abso- 144 E.-L. BOUVIER. lument uni sur les bords. L’opercule ressemble à celui des Potamides. La Cerithidea varicosa Sowerby a une coquille assez diffé- rente ; son labre notamment ne s’évase pas en pavillon. La zygoneurie se fait absolument de la même manière que dans l'espèce précédente, mais il n’y a qu’un ganglion sous-intes- tinal. Les ganglions pédieux sont en rapport plus étroit que ceux de la C. oblusa. Le mufle et les tentacules sont peu diffé- rents dans les deux espèces, mais 1ei la masse buccale est étroite et allongée. Le bord du manteau est uni. J'ai étudié les otocystes de la C. obtusa. Elles occupent la position ordinaire et renferment de nombreuses otolithes rec- tangulaires assez allongées, un peu convexes sur les côtés. Ces otolithes sont petites et toutes égales. Pyrazus. — La zygoneurie est définitivement établie dans les Pyrazus et le connectif zygoneure s’insère sur le ganglion sous-intestinal à une certaine distance du nerf palléal droit unique. | Dans le Pyrazus sulcatus Reeve (fig. 30), le nerf pariétal qui se détache normalement du nerf transformé en connectif a son origine dans le connecuf de la zygoneurie (2) au voisinage du point où 1l s'attache au ganglion sous-intesti- nal (Sb). Outre la branche sous-intestinale de la commissure viscérale (4) et le grand nerf palléal droit (æ'), ce dermer ganglion émet un nerf pariétal (d:) et un ou deux nerfs colu- mellaires. Ce qui caractérise essentiellement le système ner- veux de cette espèce, c’est la longueur des connectifs qui rattachent les ganglions cérébroïdes aux ganglions palléaux ; ils sont très courts et très larges dans [a plupart des espèces éludiées ci-dessus; ils sont étroits et larges d’un millimètre environ dans l'espèce qui nous occupe; le gauche est un peu plus grand que le droit. Dans les Potamides, ces conneeuifs sont un peu moins longs et plus larges. Les ganglions cérébroïdes (CG), comme les ganglions pédieux (P), ne sont séparés que par des étranglements. Les otocystes (0) sont appuyées sur le bord postérieur des ganglions pédieux; elles ARTICLE NON" SYSTÉME NERVEUX DES PROSOBRANCIIES. 145 renferment de nombreuses otolithes rectangulaires, peu allon- oées, très convexes sur leurs longues faces. Ces otolithes ont toutes les dimensions dans une même otocyste; quelques-unes sont énormes, d’autres se présentent comme de fins granules sans forme bien distincte. Le mufle est peu développé, arrondi, sans échancrure bien visible; la longue masse buccale le rem- plit tout entier. Les tentacules sont longs, étirés à leur extré- mité, sans saillie oculaire bien distincte; les yeux occupent le milieu de leur longueur. Le siphon palléal est presque nul; le bord du manteau est crénelé. L’opercule est circulaire, spiralé. Le P. palustris Bruguière présente les mêmes caractères. Mais un nerf pariétal se détache du connectif de la zygoneurie au voisinage du ganglion sous-intestinal, un autre du bord interne du ganglion palléal gauche. Je n’ai pu étudier les oto- cystes. La masse buccale est énorme. Telescopium (fig. 32 et 37). — Le système nerveux du Te- lescopium fuscum Ghemnitz est un système nerveux de Pyra- zus avec des connectifs cérébro-palléaux beaucoup plus courts et plus épais. Il est franchement zygoneure (fig. 32). Deux nerfs pariétaux se détachent, l’un du ganglion palléal droit, l’autre du connectif de la zygoneurie. Comme dans les Ceri- thidea et les Potamides, le ganglion sous-imtestinal (S b) est divisé en deux partes, dont la plus rapprochée du ganglion gauche émet le nerf columellaire (/). Avant de former le gan- glion sus-intestinal (Sp), la branche sus-intestinale (k) de la commissure viscérale parcourt un long trajet très oblique; lanastomose palléale gauche se fait à la base du manteau, comme dans les autres Cérithidés. Les otocystes occupent la position qu’elles ont chez les Pyrazus; elles renferment de nombreuses otolithes, relativement allongées, convexes à leurs deux extrémités et de dimensions très différentes, L'animal est tout à fait typique. Le mufle notamment est extrèmement long, spatuliforme, élargi en avant, sans échan- crure apparente. Ses parois sont très épaisses ; 1l renferme à son extrémité antérieure une très petite masse buccale. Les ANN, SC. NAT., ZOOL., 1887. ut. 10, — anT. N° 1. 146 E.-L. BOUVIER. tentacules larges et épais sont à la base du mufle ; ils devien- nent plus grêles dans la seconde moitié de leur longueur; les yeux sont à l'extrémité de la moitié renflée. Les colliers ner- veux sont, comme d'ordinaire, un peu en arrière des tenta- cules, par conséquent très éloignés de la masse buccale. Aussi les connectifs buccaux sont-ils très longs et les nerfs labio- proboscidiens réunis en paquet dans le mufle. Les connectifs buccaux traversent la masse buccale comme ceux des autres Cérithidés; les ganglions buccaux sont très réduits. Le tube anal est rejeté assez loin en arrière dans la cavité palléale ; la branchie a des feuillets qui se prolongent indéfiniment en dessus; le bord du manteau est très finement crénelé. Le siphon palléal est très faible; l’opercule est circulaire, spiralé à nucléus central, beaucoup plus noir et plus épais que celui des Pyrazus. : Ceratoptilus lœvis E.-L. Bouvier; Cerithium leve Quoy et Gaymard (Voyage Astrolabe, 1. XIE, pl. 106, p. 54, fig. 1 à 3, 1833) ; Telescopium leve Reeve (Conch. Icon., t. XN, Gen. Te- lescopium, fig. 2, «, b, 1865) (fig. 33 et 38). — Je fais un genre très distinct, dans la famille des Cérithidés, pour le Cerithium leve de Quoy et Gaymard, et je propose pour ‘ce genre le nom de Ceratoptilus tiré à la fois de la coquille et de la fausse branchie. M. Fischer (103) laisse le Ceratoptilus lœvis, dans le genre Cerithium, à côté du grand C. giganteum fossile ; Reeve en fait, au contraire, un Telescopium. J'ai publié la diagnose et les caractères anatomiques principaux du nouveau genre dans le Bulletin de la Société philomathique de Paris (2), je ne décrirai ici que les caractères essentiels qui justifient l’éta- blissement du genre et permettent sa comparaison avec les formes voisines. La coquille est conique, pyramidale, peu épaisse; elle compte de vingt à vingt-cinq tours un peu aplatis, ornés de cordons décurrents assez nombreux, peu apparents, à l’excep- tion de l’inférieur et du supérieur bien développés sur chaque tour et limitant très nettement l’espace occupé par la suture. L'ouverture, presque verticale, a une forme rhomboïdale, des ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 147 bords disjoints; l’externe, plus ou moins échancré à sa jonction vers la paroi aperturale, s’avance et se prolonge en avant à peu près comme le fait le bord externe des espèces du genre Pleurotoma. En outre, l’ouverture se termine par un canal court, tordu, rejeté sur la gauche, très ouvert chez les vieux individus, mais ayant, vu de face chez les jeunes, un peu la forme d’un entonnoir. La columelle est nue. L’opercule est subrhomboïdal, corné, assez fort, orné de stries radiales, trois ou quatre fois spiralé, à nucléus subcentral impres- sionné. Le mufle est très court, dépassé en avant par les tentacules. La masse buccale est extrêmement développée, beaucoup plus que celle du Pyrazus; elle est longue et beaucoup moins large en avant qu’en arrière; elle s'étend à 7 ou 8 millimètres au moins en arrière des tentacules. Ceux-ci ont une forte saillie oculaire à une faible distance de leur base; ils sont relative- ment épais. Le: bord du manteau m’a paru simple ; le siphon palléal est très peu saillant. La fausse branchie ressemble à celle d’un Casque ou d’un Triton; elle est localisée en avant, large et fortement bipectinée. La branchie a des feuillets trian- gulaires médiocrement élevés qui ne se prolongent pas en dessus. À droite, le tube anal est rejeté assez loin en arrière du bord du manteau; une lamelle fine, qui correspond proba- blement au bourrelet dorsal des Paludines, Bythinies, Ampul- laires, Solarium, Turritelles, etc., accompagne le rectum d'avant en arrière et limite avec lui une gouttière ; en arrière, dans cette gouttière, on voit une série de lamelles transver- sales qui ressemblent beaucoup à des feuillets branchiaux. L’organe de Bojanus occupe la position ordinaire, et s'ouvre par une fente en boutonnière au fond dela cavité palléale. La radule (fig. 38) est si peu développée qu’elle fait à peine saillie derrière la masse buccale. Sa formule radulaire est celle des Ténioglosses normaux 2, 1. 4. 1. 2. La dent centrale est large, subtrapézoïdale, assez longuement acuminée dans ses deux angles basilaires, munie d’une grande cuspide moyenne et de plusieurs denticulations latérales assez faibles et mousses ; 148 E.-L. BOUVIER. les dents latérales sont bicuspidées, la cuspide terminale est, beaucoup plus large et plus haute que l’autre ; les dents mar- ginales sont arquées, assez étroites, bicuspidées, la dernière presque unicuspidée. C’est, jusque dans les détails, une radule d’Ampullaire, surtout d’Ampullaria ‘globosa. La radüle du Telescopium fuscum n’a été décrite qu'une fois, et très incom- plètement, par Gray (45). Je la figure dans un dessin (fig. 37) pour la comparer avec la précédente. La dent centrale est assez étroite, ovalaire, munie d’une courte cuspide moyenne et de quatre denticulations latérales mousses sur chaque côté; les dents latérales sont relativement courtes, larges, avec une longue cuspide terminale aiguë et deux ou trois denticu- lations latérales de chaque côté; la dent marginale interne est longue, trapézoïdale, terminée par quatre cuspides mousses situées en avant ; la dent marginale externe est plus longue encore, rétrécie à ses deux extrémités, en apparence évidée dans son milieu, terminée par une longue cuspide aiguë et par trois autres cuspides aiguës et postérieures. [1 n’est pas possible de trouver une radule témioglosse plus différente de celle du Ceratoptilus. La radule de ce nouveau genre res- semble essentiellement, je le répète, à celle des Ampullaires ; elle n’est pas sans analogie non plus avec celle des Calyp- tréidés et des Naticidés ou même des Vermétidés; dans la famille des Cérithidés, elle ressemble assez à celle du Geri- thium vulgatum, avec une différence importante : les dents marginales et latérales ont d'assez nombreuses cuspides dans le C. vulgatum, tandis que les cuspides sont réduites à deux au maximum dans la radule du Ceratoptilus lœvis. D'ailleurs, c’est le caractère propre des Cérithidés d’avoir quatre ou cinq cuspides au moins sur les dents latérales et marginales, et comme 1l y en a deux au plus dans notre genre, on sera tenté de conclure, d’après ce seul caractère, qu’il s'éloigne nota- blement des autres Cérithidés. Les glandes salivaires sont situées en avant de colliers ner- veux, contre la masse buccale, avec des conduits extrêmement courts; elles surmontent deux petits appendices sacculaires ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES. PROSOBRANCHES. 149 très fréquents chez les Cérithidés. L’œsophage se renfle très sensiblement en arrière de la masse buccale. Le système nerveux (fig. 33) offre des caractères tout parti- culiers qui le rendent fort différent de celui des Gérithidés. Les ganglions cérébroïdes (C) se trouvent à une très faible distance en arrière de la masse buccale; ils sont unis par une longue commissure cérébroïde (c). Ils émettent quatre nerfs labio-proboscidiens et le connectif buccal (4); celui-ci pénètre en avant et sur les côtés dans la masse buccale, revient en arrière en passant sous les muscles buccaux super- ficiels, et se termine dans les ganglions buccaux; ces der- niers ont la même forme et les mêmes relations que ceux du Cerithium vulgatum. Les ganglions palléaux (Gg, Gd) sont en relation avec les ganglions cérébroïdes par des connectifs très nets : le connectif droit est court et épais, le connectif gauche est long et grêle. Les ganglions pédieux (P) sont unis par une assez . et grêle commissure ; ils sont fort éloi- gnés des centres supérieurs ; les connectifs latéraux ont donc une grande longueur : le connectif antérieur est beaucoup moins gros que le postérieur. Les otocystes sont sur le bord postérieur des ganglions pédieux; elles renferment de très nombreuses otolithes courtes, rectangulaires, mais très con- vexes sur les côtés. Ces otolithes ont des dimensions qui peuvent varier du simple au sextuple au moins : les plus petites sont presque ovales. Je n'ai pas suivi le nerf acous- tique. Mais les autres nerfs des sens spéciaux ont leur origine habituelle sur es ganglions cérébroïdes: le nerf optique (f) envoie un rameau à la base du tentacule. À la base du connectif cérébro-palléal gauche se trouve une longue et épaisse masse ganglionnaire qui correspond au gan- ghon palléal et au ganglion sous-intestinal. Elle est renflée à son extrémité postérieure (Sb) qui correspond essentielle- ment au ganglion sous-intestinal. Ge ganglion se rattache au ganglion palléal droit par un court mais très épais connectif de la zygoneurie (2), qui émet un fin nerf pariétal. De la masse ganglionnaire palléo-sous-intestinale naissent, d'avant 150 E.-L. BOUVIER. en arrière, les nerfs suivants : un fin nerf pariétal (d,) gauche qui a son correspondant chez les Cérithidés, le grand nerf palléal gauche (m), deux nerfs columellaires (4, /:), la branche sous-intestinale de la commissure viscérale (4), un nerf pariétal droit et le grand nerf palléal droit (#'). La branche sus-intestinale (k) de la commissure viscérale se détache du ganglion palléal droit et forme un ganglion sus-intestinal (Sp) très allongé dans les parois gauches du corps. Outre la commissure viscérale, ce ganglion émet trois nerfs branchiaux ; le nerf branchial antérieur (,) est énorme et envoie une forte et courte branche d’anastomose au nerf palléal gauche. La commissure viscérale croisée et le ganglion viscéral n’offrent rien de particulier. Si l’on compare maintenant le genre Ceratoptilus aux autres Gérithidés, on trouve qu'il est essentiellement carac- térisé par les différences suivantes : 1° la grande et large fausse branche bipectinée, remplacée chez tous les Gérithidés par une fausse branchie filiforme, à lamelles nulles ou à peine indiquées, occupant presque toute la longueur de la branchie; 2% le connectif court et épais de la zygoneurie et la longueur des connectifs et commissures, surtout de la commissure cérébroïde et de la commissure pédieuse. Les Cérithidés, ou bien sont dialyneures, ou bien ont une zygoneurie à peine formée et caractérisée par la longueur du connectifzygoneure. En outre, la caractéristique essentielle du système nerveux des Cérithidés est la concentration des centres cérébroïdes, pal- léaux et sous-intestinal avec des commissure cérébroïdes et pédieuses nulles ou presque nulles; 3° la radule qui présente un très petit nombre de cuspides et une dent centrale trés srande, tandis que les cuspides sont nombreuses et la dent centrale assez réduite dans les Cérithidés ; # le très faible dé- veloppement du mufle contrastant avec les dimensions consi- dérables de la masse buccale ; le mufle est toujours plus développé chez les Cérithidés et la masse buccale moins volu- mineuse. Les Cérithidés dont le mufle est très fort (Telesco- pium, Vertaqus) sont ceux qui ont précisément la masse ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 151 buccale la plus faible ; 5° les glandes salivaires dont les très courts conduits ne traversent pas les colliers nerveux, les olandes se trouvant comprises entre ces colliers et la masse buccale. Les glandes salivaires des autres Cérithidés sont en arrière des colliers nerveux, et leurs conduits traversent les colliers ; 6° la forme de la coquille, qui n’est pas plus celle d’une Cérithe que celle d’un Telescopium, mais qui offre des affinités avec l’une et l’autre; 7° l’opercule dont la forme et l’épaisseur sont tout à fait caractéristiques. Dans les considé- rations générales qui font suite à la partie descriptive de ce travail, je mettrai en relief les caractères essentiels des Proso- branches, et l’on verra qu'il faut attribuer une importance considérable à ceux tirés de la fausse branchie, du connectif de la zygoneurie, de la longueur des commissures et con- necbfs, et des rapports des glandes salivaires avec les colliers nerveux. S'il n’est pas difficile d'établir le genre Ceratoptilus, il est beaucoup moins commode de trouver ses véritables affinités. M. P. Fischer en fait une Cérithe; Reeve en fait un Telesco- pium; tous deux s'appuient uniquement sur la coquille qui offre en effet des caractères communs à ces deux genres. Je crois que le GC. lœvis offre plus d’affimités avec les Ceri- thium qu'avec les autres Cérithidés; les Gérithes ont un mufle court, une masse buccale assezconsidérable, des feuillets branchiaux assez semblables à ceux des Ceratoptilus, et un opercule ovale et mince, qui n’a, il est vrai, que des ressem- blances lointaines avec l’opercule épais et un peu piriforme du Geratoptilus. Le nouveau genre s’éloigne beaucoup plus des Telescopium, un peu moins peut-être des Pyrazus, assez nota- blement des Vertagus et des Gerithidea. Je considère les Geratoptilus comme les Cérithidés les plus éloignés des Cérithidés typiques, et les plus rapprochés des Ténioglosses plus élevés en organisation. Ils ne rappellent les types plus simples que par la longueur de leurs connectifs et de leurs commissures, surtout par la longueur de la commis- sure cérébroide. À 152 E.-L. BOUVIER. : Historique et conclusions. — Les travaux sur les Cérithidés se limitent à une étude inexacte et superficielle de Jherimg sur le Cerithium vulgatum et le Pyrazus palustris (80) et à une monographierudimentaire de Berkeley (13) sur le Telescopium. J'ai parlé de ces travaux en traitant du C. vulgatum. J'ai suivi, dans la description des genres, la classification de Reeve. Pour les espèces que j'ai étudiées, M. P. Fischer ne fait que deux genres subdivisés en de nombreux sous-genres. Son genre Gerithium renferme les Cerithium et les Vertagus de Reeve, ainsi que le nouveau genre Ceratoptilus. Son genre Po- tamides renferme les Potamides, Cerithidea, Pyrazus et Te- lescopium de Reeve. Les observations précédentes justifient ja classification de M. Fischer ; son genre Cerithium serait carac- térisé par un système nerveux franchement dialyneure, un seul ganglion sous-intestinal, un manteau frangé, des feuillets branchiaux triangulaires et élevés, un opercule ovale. Il fau- drait, bien entendu, en séparer complètement le genre Gera- toptilus qui n'offre aucun de ces caractères. Les Potamides de M. Fischer, à l'exception des Tympanotomus qui doivent se placer dans le premier groupe, auraient un système nerveux très voisin de la zygoneurie (Potamides) , ou à peine zygoneure (Gerithidea), ou franchement zygoneure (Pyrazus, Telesco- pium), on trouverait presque toujours deux ganglions sous- intestinaux, un manteau nu ou peu frangé, une masse buccale souvent réduite, des feuillets branchiaux assez bas, et un opercule circulaire. Les Cerithium sont marins, comme les Ceratoptilus; les Potamides habitent les eaux saumâtres ou les eaux douces ; les Gerithium apparaissent dans le Trias où ils sont représentés par de vraies Cérithes; les Potamides dans le Crétacé avec les Potamides vrais et les Pyrenella. Les relations entre les Gerithium et les Potamides s’établissent par les Vertagus dont le système nerveux, le mufle, les feuillets branchiaux, la masse buccale offrent des affinités nombreuses avec les Polamides et les Gerithidea. Les Telescopium seraient, parmi les formes que j'ai étudiées, les plus modifiés de tous les Potamides. Quant aux Ceratopiilus, ils formeraient un ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES,. 453 genre isolé, détaché du genre Cerithium et resté complète- ment marin. On voit, par conséquent, que les vraies Gérithes forment à tous les points de vue, un centre primitif qui a donné naissance au moins à trois tronçons différents : les Gerithium, les Cera- toptilus et les Potamides; deux tronçons restent dans la mer, l’autre s’est retiré dans les eaux saumâtres et dans les eaux douces. Une question se pose maintenant, et bien plus délicate que les précédentes. À quelles formes se rattachent les vraies Cérithes qui ont servi de point de départ au groupe? Il est impossible de contester les ressemblances profondes qui existent entre les Mélaniidés et les Cérithidés au point de vue anatomique comme au point de vue conchylhiologique; on a réuni dans une même famille des genres qui présentaient des ressemblances bien moins grandes. La différence essen- tielle consiste peut-être dans le ruban radulaire qui m'a toujours paru plus long chez les Mélaniidés que chez les Cérithidés. Ces ressemblances frappantes dans l’organisation paraissent indiquer une convergence des deux familles vers une forme commune plus ancienne. Or tous les conchylio- logistes sont d'accord, avec beaucoup de raison, pour rap- procher les Mélannidés d’une famille éteinte, celle des Pseu- domélannidés. Malgré leur bouche un peu élargie en avant, on n'hésite pas à rattacher les Wacrocheilus et les Loxonema paléozoïques aux Pseudomelania (Chemnitzia) secondaires et tertiaires dont la bouche est simplement ovale. On peut donc admettre, jusqu’à preuve du contraire, que les Pseudomé- lanïidés paléozoïques se sont continués, probablement à l’époque triasique, dans deux rameaux différents, confondus à leur origine. Un de ces rameaux serait formé par les Pseu- domélanndés secondaires et tertiaires, les Pseudomelania notamment, qui commencent dans le Trias et s’éteignent avant la fin du Tertiaire : la Pseudomelania Calypso d’Orb. ressemble presque complètement à un Macrocheilus et rap- pelle les formes paléozoïques auxquelles se rattachent les 154 E.-L. BOUVIER. Pseudomeliana. Pendant le Trias, l’autre rameau formé par les Mélanidés et les Cérithidés se serait détaché du rameau des Pseudomeliana; confondues à l’origine dans des formes marines, probablement peu ou pas siphonées, les deux familles se seraient séparées peu à peu, les Mélaniidés passant presque immédiatement dans les eaux saumâtres (Hanthenia), et surtout dans les eaux douces; les Cérithidés restant dans la mer et ne donnant que plus tard des formes émigrées dans les eaux saumâtres (la plupart des Potamides) ou parfois dans les eaux douces. Les Tympanotomus sont des types montrant avec une évidence frappante la possibilité d’une acclimatation dans les eaux saumâtres et dans les eaux douces : pendant neuf mois de l’année, ils vivent dans les eaux douces des marigots du Sénégal, et, pendant les trois mois de pluie, dans une eau un peu saumâtre amenée par la rivière grossie et envahie à son embouchure par la mer(*). D'ailleurs, les Mélantidés ont subi dans la suite une différenciation progres- sive comme les Cérithidés; si, d'après M. P. Fischer, il est quelques Cérithidés dont la coquille est dépourvue de siphon, on trouve aussi quelques Mélaniidés siphonés, les Welunopsis, les Melania canalicula Say, elongata Lea, coronia Morelet, et surtout les Typhobia du lac Tanganyika. Les Mélannidés apparaissent à la fin de l’époque jurassique; on doit leur rattacher très étroitement les Pleurocéridés, animaux d’eau douce, tantôt holostomes (Goniobasis), tantôt siphonostomes (Pleurocera). Les Gérithidés apparaissent dans le Trias avecles formes marines; les formes saumâtres n’appa- raissent que dans le Crétacé. [faudra sans doute en distraire les Triforis, et à coup sûr les Planaxis; ces derniers se rat- tachent directement aux Littorinidés. Toutes les fois qu’on rattache un groupe vivant à un groupe éteint, on demeure presque forcément dans le domaine de l'hypothèse, surtout en ce qui concerne les Mollusques; car (*) Je dois ces renseignements sur les Tympanotomus à l’obligeance de M. le D' T. de Rochebrune. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 155 deux coquilles identiques peuvent protéger des animaux fort différents. Rattacher les Cérithidés et les Mélanndés aux Pseudomélanidés, c’est se placer précisément dans ce cas, et ne résoudre d’ailleurs que très incomplètement la question, puisqu'on ignore tout à fait les affinités réelles des Pseudo- mélanïidés avec les Gastéropodes paléozoïques. On regardera donc les conclusions précédentes comme probables, mais non comme définitivement établies. Ge qui est certain et ce que je tiens surtout à bien indiquer ici, ce sont les ana- logies étroites qui existent entre les Mélaniidés et les Céri- thidés et l’origine des Cérithidés saumâtres et d’eau douce, dérivés des Cérithidés marins. Les Mélanidés et les Cérithidés, par leurs modifications parallèles, établissent en même temps, et chacun de leur côté, un passage naturel entre les holostomes et les sipho- nostomes, entre les dialyneures et les zygoneures, entre les Pectinibranches à fausse branchie filiforme et les Pectini- branches à fausse branchie bipectinée. Il est intéressant de remarquer combien sont corrélatives ces modifications, l’une entraînant pour ainsi dire l’autre, De même qu'on voit le siphon se former progressivement et pas à pas dans les deux familles, de même aussi on voit tous les degrés s’établir entre les systèmes nerveux dialyneures et les systèmes nerveux zygo- neures. Les vraies Cérithes sont très fortement dialyneures ; chez les Vertagus, l’anastomose des deux nerfs palléaux droits est déjà plus rapprochée du ganglion sous-intestinal ; elle en est excessivement voisine chez les Potamides vrais; les Cerithidea nous montrent la zygoneurie au moment où elle vient à peine de se former; les Pyrazus et les Telescopium ont une zygoneurie très nette, et les Ceratoptilus une zygo- neurie plus avancée encore et caractérisée par le rapproche- meut très sensible du ganglion sous-intestinal et du ganglion palléal droit. Les formes marines sont les plus anciennes et dialyneures, les formes saumâtres et d’eau douce sont plus récentes et zygoneures ou peu s’en faut. Dans la famille des Mélanidés, les Mélanies et les Pyrènes sont dialyneures, les 156 E.-L. BOUVIER. Melanopsis sont zygoneures, mais je n’ai pu étudier assez de formes pour trouver tous les intermédiaires. SOLARIDÉS ET SCALARIDÉS Mes recherches sur le système nerveux des Solaridés et des Scalaridés ont été entreprises à une époque où j'étais loin de me faire une idée exacte du système nerveux des Prosobranches. Je savais déjà que tous sont chiastoneures, à l'exception des Néritidés et des Hélicinidés, mais je ne soup- connais pas encore l’existence si constante des deux anasto- moses palléales dans toute l'étendue de l’ordre. Ayant eu fort peu d’exemplaires à ma disposition, j'aurais tout parti- culièrement porté mon attention sur l’anastomose palléale droite, si javais eu à celte époque des connaissances plus étendues. Cette anastomose est parfois très difficile à mettre en évidence, et je n’ai pu la découvrir dans ces deux familles. L'étude que je présente ici ne peut être qu’une ébauche; toutefois, elle jette assez de lumière sur les affinités des deux familles pour qu’on puisse les ranger à coup sûr parmi les Ténioglosses et presque certainement parmi les formes dia- lyneures. C’est une conclusion que j'ai essayé d'établir dans un mémoire publié avec les figures nécessaires dans le Bulletin de la Société malacologique de France (118). Solaridés. — Mes recherches se limitent au seul Solarium trochleare Hindes, recueilli à Zanzibar par M. Rousseau, en 1841. Comme la connaissance des Solaridés est à l’heure actuelle encore très incomplète, je crois devoir donner quel- ques détails sur l’organisation de l’animal. Le pied est relativement peu développé, très mince sur les bords, épais au point où il s’attache au corps, en arrière de la tête ; il ne paraît pas être divisé en deux lobes. L’épipodium fait défaut. La tête est des plus bizarres; elle apparaît comme un triangle dirigé en avant avec un sillon longitudinal; en réalité, elle est formée par les deux gros tentacules rapprochés sur leur face interne canaliculée. Sur le milieu de leur bord externe, ces tentacules présentent une échancrure en arrière ARTICLE N° 1, SYSTÉME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 1957 de laquelle se voient les yeux. Dans la cavité palléale, le dos présente une crête dorsale longitudinale, haute, bifurquée au sommet, qui commence en arrière, au fond de la cavité pal- léale, et se termine en avant, derrière le tentacule droit; un canal la parcourt au-dessous de la crête bifurquée, mais je n'ai pu savoir si c'était le conduit génital mâle, comme dans la Paludine. Dans tous les cas, je n’ai pas trouvé de pénis, et Claus (102) attribue ce caractère négatif à tous les Pténo- glosses. Un pareil bourrelet se retrouve dans les Turritelles, les Paludines, les Ampullaires et jusqu'à un certain point dans les Cérithes. La branchie est très longue, et ses feuillets, peu saillants, portent à leur base une houppe de petites lamelles demi- circulaires qui donnent à la branchie un aspect tout parti- culier. La fausse branchie est absolument caractéristique; elle a la forme d’un demi-cercle et se compose de bourrelets qui rayonnent autour d’un centre. En arrière et immédiate- ment en contact avec le bord gauche de la branchie se trouve une poche très allongée. L’orifice de cette poche est en avant, mais non tout à fait à son extrémité. Lorsqu’on ouvre cette poche, on la voit tapissée par des lamelles ou des trabécules qui rappellent complètement l'organe de Bojanus. Comme la partie antérieure du tortillon ne présentait rien qui füt analogue au rein, je n'hésite pas à prendre cette cavité trabé- culaire pour un rein qui s’est considérablement avancé en avant et à gauche. La partie antérieure du tube digesuf est extrêmement curieuse. Sa description demanderait des détails minutieux. Je me contenterai de dire qu’à l’état de rétraction où Je lai étudiée, elle comprend d’abord une trompe extraordinaire- ment longue, protractile, retirée dans le corps, où elle forme de nombreuses sinuosités chez l’animal où elle est rétractée. À sa partie postérieure se trouve une masse buccale à peine sensible, et, sur le plancher de cette masse buccale, une radule qui atteint à peine quelques millimètres de longueur. Les dents sont arquées, simples, parfois bifides, disposées de 158 E.-L. BOUVIER. chaque côté en rangées obliques. Dans la masse buccale débouche le conduit impair des deux glandes salivaires; ce conduit est formé par la réunion des deux conduits sali- vaires en un seul. Il est absolument impossible de séparer les deux glandes salivaires. Ce sont des glandes en grappe qui forment une masse, dans laquelle se contourne la trompe à l’état de rétraction. Je renvoie, pour de plus amples détails, au mémoire cité plus haut. Système nerveux. — Les ganglions cérébroïdes et palléaux sont situés immédiatement en arrière de la tête, au-dessous du point de jonction des tentacules. Ils sont enveloppés par du tissu conjonctif qu'il faut enlever avec précaution. Les gan- glions cérébroïdes sont ovoides, en contact intime par une grande partie de leur bord interne. Ils donnent chacun nais- sance à six nerfs. Les deux antérieurs se rendent au pourtour de l’orifice intertentaculaire pseudo-buceal, et probablement à la trompe qui se projette par cet orifice; deux autres nerfs beaucoup plus gros innervent les tentacules où ils se rami- fient. Un nerf optique assez fort se rend à l’œil, tandis qu'un autre nerf plus grêle innerve la partie postérieure du tenta- cule. L'importance des nerfs tentaculaires se mesure sur l'importance des tentacules. Des connectifs fins et assez longs, un de chaque côté, rat- tachent les ganglions cérébroïdes aux ganglions pédieux. Ceux-ci sont ovoides et en contact intime par leur bord interne. Chaque ganglion pédieux émet cinq nerfs principaux; un gros nerf se rend à la partie antérieure du pied; trois autres, plus petits, aux parties latérales ; enfin un dernier gros nerf innerve les régions postérieures du pied. Les otocystes, très rappro- chées, sont en contact avec la face inférieure des ganglions pédieux. Je n’ai pu suivre le nerf acoustique. Les ganglions palléaux sont presque confondus avec les ganglions cérébroïdes. Un simple étranglement sépare à peine le ganglion cérébroïde droit du ganglion palléal correspon- dant. Ce dernier envoie un très gros connectif au ganglion pédieux droit, et donne naissance en outre à la branche sus- ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 159 intestinale de la commissure viscérale, très grosse, qui aboutit, après un long trajet oblique par-dessus la trompe rétractée, au ganglion sus-intestinal logé à gauche dans les parois du corps, au niveau de la fausse branchie. Le ganglion palléal gauche se sépare un peu plus nettement du ganglion céré- broïde ; d’ailleurs, il est assez mal défini, puisqu'ilse continue, par des transitions ménagées, dans un très gros cordon ner- veux, d'apparence ganglionnaire, quin’estautre que la branche sous-intestinale de la commissure viscérale. Celle-ci aboutit, après un très court trajet, au ganglion sous-imtestinal situé sous la trompe. En somme, l’ensemble des ganglions que je viens de décrire, avec leurs connectifs et commissures, rap- pelle d’une manière assez frappante Les centres nerveux anté- rieurs du Telescopium fuscum. Dans sa partie la plus renflée, et sur sa face externe, le ganglion palléal gauche sert d’origine au nerf palléal gauche, qui se dirige en arrière, et, arrivé à quelques millimètres du ganglion sus-intestinal, se recourbe assez brusquement, tra- verse. les parois du corps et va innerver le bord gauche du manteau. À la base du même ganglion palléal, de l’épais cordon sous-intestinal, se détache le puissant nerf columel- laire, qui se dirige et plonge en arrière dans le muscle colu- mellaire. Un connectif aussi long et aussi fort que celui du côté droit rattache le ganglion palléal gauche au ganglion pédieux du mème côté. Deux nerfs importants ont leur origine dans le ganglion sus-intestinal. C’est, en avant, le nerf branchial antérieur qui pénètre au centre de la fausse branchie, où il paraît former un ganglion. Ce nerf a un trajet parallèle à celui du nerf palléal gauche, quand ce dernier se recourbe pour pénétrer dans le manteau. À n’en pas douter, ces deux nerfs doivent s’envoyer une anastomose, comme dans les autres Prosobranches chias- toneures ; mais je n’ai pu élucider cette question. Un autre nerf se détache du ganglion en arrière du précédent, et se rend à la branchie. Quant au ganglion sous-intestinal, il donne naissance à deux nerfs; l’un d’eux est très développé et se 160 E.-L. BOUVIER. rend immédiatement à droite dans le manteau : c’est le nerf palléal droit ; l’autre, beaucoup plus fin, m’a paru être pariétal. Enfin, du ganglion sous-intestinal comme du ganglion sus- intestinal partent en arrière les branches correspondantes de la commissure viscérale, que j'ai pu suivre très loin; sans toutefois atteindre le ganglion viscéral, très éloigné des centres antérieurs à cause de la grande profondeur de la cavité pal- léale. Quand j'étudiais le Solarium, mon but principal était de voir si cet animal est dialyneure ou zygoneure. Or un Proso- branche zygoneure est facile à reconnaitre, surtout quand le ganglion sous-intestinal est très rapproché du ganglion palléal droit, ce qui est précisément le cas du Solarium. En pareil cas, le connectif de la zygoneurie est un nerf court et épais qui s'étend directement entre le ganglion palléal droit et le oanglion sous-intestinal; il suffit de séparer les ganglions cérébroïdes pour l’apercevoir, et le travail de Jhering prouve suffisamment qu’on met très facilement ce connectif en évi- dence. Or j'ai étudié le Solarium, pour cette question spéciale, avec tous les soins et toutes les précautions possibles, et j'ai acquis la certitude absolue que le connectif de la zygoneurie fait défaut. Si j'avais su alors qu’une relation indirecte, par l'anastomose de deux nerfs palléaux, met toujours, chez les Prosobranches chiastoneures, les deux ganglions en rela- tion, j'aurais alors cherché si un nerf ne partait pas du gan- olion palléal droit pour aller s’anastomoser dans les parois du corps avec le grand nerf palléal droit issu du ganglion sous-intestinal. Des recherches ultérieures montreront, j’en suis persuadé, que cette anastomose existe bien réellement. Dans tous les cas, je puis affirmer que cette anastomose ne peut avoir lieu que sur le nerf palléal, assez loin du ganglion sous-Intestinal. En résumé, les Solaridés sont chiastoneures et dialyneures, et leur système nerveux se rapproche beaucoup de celui des Mélanies ou des vraies Cérithes. J’établirai plus loin l’impor- tance de cette conclusion, ARTICLE N° {, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 161 Scalaridés. — Autant les coquilles de Scalaires sont com- munes sur nos côtes, autant l’animal vivant est rare. Pourtant l'étude de cette famille est très intéressante, et c’est avec regret qu'il me faut exposer ici une ébauche très incomplète du système nerveux de la Scalaria communis Lam. J’ai eu seulement à ma disposition deux échantillons recueillis à la Rochelle (*). L'animal est petit; la dissection de son système nerveux est extraordinarement difficile. Les Scalaires sécrè- tent une liqueur pourprée, qui donne sa coloration à tous les tissus, surtout quand les animaux ont été conservés dans l’alcool. Les nerfs, et surtout les centres nerveux, sont imprégnés par cette pourpre, et l'acide oxalique lui-même n'arrive pas à les faire trancher sur les tissus environnants. En outre, la région très restreinte où se trouvent localisés les centres nerveux est remplie par un tissu conjonctif abon- dant qui masque les centres et rend la dissection des nerfs très difficile. Dans le Mémoire cité plus haut (118), j'ai donné tous les détails que j'avais recueillis sur les Scalaires ; je dirai seulement ici que la branchie est celle des Pectinibranches typiques, que la fausse branchie est longue, finement bipec- tinée, recourbée en crosse en avant, et que la trompe pro- tractile est au moins aussi longue que la coquille. L’extrémité postérieure, un peu renflée, de la trompe correspond à la masse buccale dans laquelle viennent déboucher deux paires de glandes salivaires en tubes simples, une grande et une très petite. Je limiterai ma description du système nerveux aux centres sanglionnaires et à leurs commissures. Les centres cérébroïdes et palléaux sont très rapprochés et englobés dans un même tissu conjoncüuf qui empêche de les bien distinguer sans une dissection délicate. Le mieux est d'enlever cette masse et de l’étudier au microscope dans la glycérine. Le pigment qui gênait si fort dans la dissection (*) M. Durègne, directeur de la station zoologique d'Arcachon, et M. l’abhé Guimet, viennent de me procurer un certain nombre de Scalaires, sur lesquelles je n'ai pu étudier encore que la branchie. ANN, SC. NAT., ZOOL., 1887. Il, 14, — ART. N° 1. 102 E.-L. BOUVIER. devient alors très avantageux, car le tissu conjonctif prend une transparence assez grande, tandis que les nerfs, et surtout les centres, apparaissent très nettement, grâce à leur colo- ration. On dessine le tout à la chambre claire. Les centres antérieurs sont situés à 4 ou 5 millimètres en arrière dés ten- tacules. Les ganglions cérébroïdes sont en contact intime sur une partie deleur bord interne, mais ils sont néanmoins très faciles à distinguer l’un de l’autre. Celui de droite est assez réguliè- ment ovalaire, celui de gauche est piriforme. Tous deux donnent naissance, en avant et en dehors, à un gros nerf que je considère comme le nerf tentaculaire. Sur la face infé- rieure des ganglions se détachent les très longs connectifs cérébro-buceaux; ils se rendent après un long trajet aux gan- glions buccaux, situés à la partie inférieure et postérieure de la très petite masse buccale; ces ganglions sont reliés par une commissure assez courte. Le ganglion palléal droit est fusiforme comme celui des Cérithes ; il n’est séparé du ganglion cérébroïde correspondant que par une profonde échancrure. Un connectif court, mais fort large, rattache au contraire le ganglion palléal gauche au ganglion cérébroide du même côté. Une courte commissure unit entre eux les ganglions pédieux. Chacun d’eux se rattache aux ganglions palléal et cérébroïide du même côté par d’assez longs connectifs. Le connectif palléo-pédieux est plus fort que l’autre. Du ganglion palléal droit se détache la branche sus- intestinale de la commissure viscérale; elle passe presque transversalement au-dessus du tube digestif, et aboutit, à gauche, au ganglion sus-intestinal logé dans les parois du corps; une partie des nerfs branchiaux et la branche gauche de la commissure ont leur origine dans ce dernier ganglion. Du sanglion palléal gauche se détache le fort nerf palléal gauche et aussi la branche sous-intestinale de la commissure viscérale; celle-ci se dirige presque transversalement à droite en passant au-dessous du tube digestif, et se rend au ganglion sous-intes- tinal logé à droite dans les parois du corps. Il donne nais- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 163 sance à deux nerfs qui se rendent probablement dans le manteau. La branche droite de la commissure viscérale se détache, comme c’est la règle, de ce ganglion. Il n’a été impossible de suivre cette commissure en arrière jusqu’au gan- olion viscéral. D’un autre côté, je n’ai pu mettre en évidence le connectif de la zygoneurie, malgré mon attention qui se portait tout spécialement sur ce point. Se fixerait-1l à gauche du ganglion sous-intestinal, sur la branche sous-intestinale de la commissure viscérale, comme dans la Janthine? C’est ce que mes dissections rendent peu probable. Je crois plutôt qu'il v a relation indirecte entre le ganglion palléal droit et le gan- olion sous-intestinal, par l’intermédiaire des nerfs palléaux, comme dans les dialyneures. Je dirai donc, pour conclure, que la Scalaire est chiastoneure et très probablement dialy- neure. Mais je ne saurais être affirmatif, comme pour le Solarium. Historique et conclusions. — Jherimg a seul étudié le sys- tème nerveux des Solaridés et des Scalaridés. Dans la famille des Solaridés, il a porté ses recherches sur le Solarium pers- pectivum (80). Il n’a pas observé suffisamment les ganglions cérébroides pour donner leurs relations. Il décrit exactement les ganglions pédieux et les ganglions palléaux; mais sa des- cription nous fait croire qu'il n’a exactement étudié ni le ganglion sous-imtestinal ni la commissure viscérale. Il fait du Solarium un ivpe orthoneure, c’est-à-dire zygoneure, et nous avons vu qu’il est dialyneure; en outre, il ne décrit pas les rapports curieux du ganglion sous-intestinal avec le ganglion palléal gauche. Il décrit les otocystes avec leurs otolithes. Dans son grand travail (80), il n’avait pu observer le système nerveux des Scalaridés. Dans la suite (81), il a pu étudier le système nerveux de la Scalaria communis. Mais, pour les points que j'ai très nettement élucidés, il a commis des erreurs très graves. Ainsi les ganglions cérébroïdes seraient unis par une longue commissure, tandis qu’ils sont en contact intime; il sépare beaucoup trop les ganglions cérébroïdes des ganglions palléaux, et cependant il fait naître à tort le grand nerf palléal 164 E.-L. BOUVIER. gauche dans le gaaglion cérébroïde gauche. Enfin, 1l fait de la Scalaire un type nettement orthoneure, c’est-à-dire zygoneure ; mais, si l’on remarque qu’il fait aussi des Natices, des vraies Cérithes, des Solarium, etc., des types zygoneures, on pourra n’accorder qu'une très faible créance à des observations erro- nées sur beaucoup d’autres points bien plus faciles à observer. D’après Jhering, les otocystes renferment une grosse otolithe ronde ; d’après Macdonald, dont les observations sont en général très exactes (52), elles renfermeraient de nombreuses otolithes. Il n’est pas facile de fixer la place des deux familles dans la série des Proschranches ; leurs caractères sont en apparence si différents de ceux de tous les autres animaux de l’ordre qu’on ne sait guère où les rattacher. Troschel (41) a tranché la question en faisant de ces formes bizarres un groupe équi- valent à celui des Ténioglosses, et fondé sur la seule radule æ Ü © ; il adopta pour ce groupe le nom de Péénoglosses, créé par Gray. Ce groupe comprenait d’abord les Gassididés, Actéonidés, Solaridés, Scalaridés et Janthinidés. Il fallut d’abord en distraire les Cassididés, et ensuite les Actéonidés. Ces derniers sont des Tectibranches, que la radule avait fait ranger parmi les Prosobranches. Restent, par conséquent, les Solaridés, les Janthinidés et les Solaridés; mais il est impos- sible de citer un caractère commun à toutes les formes qu'ils renferment. Parmi les caractères connus, Je relève les prin- CIPaUX : Radule. — Scalaridés : rad. cæ. 0. œ, dents allongées simples. Sola- ridés : rad. co. O0. œ chez les Solarium avec dents allongées simples, bicuspides ou tricuspides ; mais chez les Torinia rad. 2. 1. 1. 1.2, de Ténioglosse avec une petite dent centrale. — Janthinidés : rad. co. 0. co, dents en crochets assez courts, presque bicuspides. Système nerveux. — Scalaridés : dialyneures? — Solaridés : dialy- neures; Janthinidés : zygoneures. Branchie. — Lamelles peu saillantes chez les Solaridés ; Scalaridés : lamelles triangulaires médiocrement élevées; Janthinidés : très hautes lamelles triangulaires feuilletées sur leurs faces. Fausse branchie. — Scalaridés : fausse branchie filiforme très étroite- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 165 ment bipectinée; Solaridés : très courte fausse branchie à bourrelets rayonnants; Janthinidés : fausse branchie longue déjà sensiblement bipectinée. Mufle. — Scalaridés : un court mufle et une très longue trompe protrac- tile ; Solaridés : pas de mufle, trompe protractile extrêmement longue ; Janthinidés : très fort mufle contractile et pas de trompe. Masse buccale. — Scalaridés : très réduite; Solaridés : excessivement réduile ; Janthinidés : énorme. Glande salivaire. — Scalaridés : deux paires de glandes salivaires en tube s’ouvrant' chacune par un orifice distinct dans la masse buccale, les deux grandes se continuent à l'extrémité postérieure; Solaridés : deux énormes glandes salivaires en grappe dont les conduits se réu- nissent en un seul ; Janthinidés : deux paires inégales de glandes sali- vaires en tube. Œsophage. — Scalaridés : simple et étroit; Scalaridés : simple et étroit ; Janthinidés : énorme jabot. Pied. — Scalaridés : bilobé, tronqué en avant, pas d’épipodium; Sola- ridés : simple, pas d’épipodium; Janthinidés : bilobé, tronqué en avant, un épipodium. Bourrelet dorsal. — Scalaridés : nul; Solaridés : très développé, bifide; Janthinidés : nul. Otocystes. — Scalaridés : nombreuses otolithes (Macdonald ; Solaridés : nombreuses otolithes ; Janthinidés : une seule otolithe (Macdonald) ou pas d’otocysle. De cette longue énumération de caractères très différents, on peut déjà conclure que le groupe des Pténoglosses ne ren- ferme que des formes qu’on n’a pu classer ailleurs. Dans les Prosobranches, ils ont subi le sort des anciens Vers de Linné ; nos connaissances étant encore très limitées, Troschel a tourné la difficulté en créant son groupe uniquement d’après la radule. Or c’est la radule elle-même qui permet de porter les pre- miers coups à un édifice d’ailleurs élevé sans beaucoup de pee et formé de résidus. La radule des Solaridés n’a pas toujours pour formule cæ. 0. ; les Torinia, quisont de vrais Solaridés avec un appendice sacciforme œsophagien, ont une formule radulaire 2, 4. 4. 4.2, et cette radule est celle des Ténioglosses. Si d’autres caractères séparaient franchement les Solaridés des Ténioglosses, on n’hésiterait pas à maintenir 166 E.-L. BOUVIER. le groupe des Pténoglosses, en dépit de la radule ; mais ces caractères n’existent pas, ou plutôt ils font des Solaridés de vrais Ténioglosses. Les glandes salivaires sont très dévelop- pées, mais ce sont des glandes salivaires typiques de Ténio- olosses et surtout de Ténioglosses dialyneures ; la branchie, d'après Troschel lui-même, n’est pas sans analogie avec celle des Littorinidés ; quant à la fausse branchie, elle est encore très peu développée et Intermédiaire entre celle des dialyneures (Cérithes) et des zygoneures. D'ailleurs, le système nerveux est très franchement dialyneure et rappelle celui des Cérithidés dialyneures par les relations des centres nerveux. Quand on voit le système nerveux conserver intactes les traces des affi- nités entre des formes essentiellement différentes en appa- rence, comme les Paludines et les Cyclophores d’un côté, les Littorines et les Gyclostomes de l’autre, sans citer de plus nombreux éxemples, on doit lui accorder une importance très grande et le prendre pour guide quand la plupart des autres caractères sont variables, comme c’est ici le cas. Je rappro- cherai, par conséquent, les Solaridés des Témioglosses dialy- neures et, autant que possible, des Cérithidés. Il est impos- sible, pour le moment, de préciser davantage, car les familles étudiées jusqu'ici n’offrent aucune affinité intime avec les Solaridés, et d’un autre côté la paléontologie ne peut pas nous servir de guide, car on a coutume de ranger parmi les Solaridés des Gastéropodes paléozoïques (Euomphalus, Coelo- centrus, Straparollus, etc.), qui pourraient tout aussi bien être placés parmi les Trochidés. C’est ainsi que Hœrnes range les Straparollus parmi les Solaridés, et M. P. Fischer parmi les Delphinulidés, voisins des Troques. Quoi qu’il en soit, la radule ne suffit pas pour laisser les Solaridés parmi les Ténioglosses; elle fournit elle-même au contraire un des liens qui les rattachent aux Ténioglosses. M. Fischer a donné le premier l’exemple de cette disjonction, en plaçant les Sola- ridés à côté des Littorinidés. Évidemment, ce rapprochement ne doit être considéré que comme provisoire. Restent les Scalaridés. On les a très longtemps ran ARTICLE N° 1. La és À SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 167 côté des Turritellidés, et Jhering (80) fait remarquer avec raison ‘que les Scalaridés fossiles, surtout les plus anciens, sont beaucoup plus difficiles à distinguer des Turritellidés que les Scalaridés actuels. Dans son second travail (81), Jhe- ring s’appuie surtout sur le système nerveux pour justifier Îles affinités des Scalaires avec les Janthinidés, mais on a vu plus haut qu’il avait très inexactement étudié le système nerveux des Scalaridés. En réalité, si le système nerveux est dialy- ‘ neure, les Scalaires se rapprocheraient à ce point de vue des Cérithidés dialyneures et des Solaridés; s’il est zygoneure, elles se rapprocheraient bien plus des Turritellidés que des Janthinidés, dont le système nerveux est, tout à fait différent. En fait, les affinités des Scalaridés sont multiples : ils ont les glandes salivaires, la fausse branchie et le pied des Janthini- dés, mais sans-épipodium ; les branchics, la trompe, la masse buccale, les otolithes et l’œsophage des Solarium; les bran- chies, les tentacules, le pied, et peut-être le système nerveux des Turritellidés. L'étude exacte du système nerveux est done indispensable pour établir à peu près leur position systéma- tique ; on peut tout simplement remarquer qu’il n’y a pas plus de raison pour les laisser à côté des Janthinidés que les Sola- rium et les Torinia, et que leurs affinités avec les Janthinidés sont tout à fait restreintes. Par leur trompe, leur radule, leur masse buccale, ils se rapprochent des Solaridés. Leur trompe, extrêmement longue, leur mentum et leur masse buccale, rapprochent étroitement les Scalaridés des Pyramidellidés, comme le fait avec raison remarquer M. P. Fischer. Les Solaridés offrant d’ailleurs des affinités évidentes avec les Scalaires, il sera bon de former un groupe spécial dans les Ténioglosses pour les genres pourvus d’une trompe analogue à celle des Scalaires et d’une radule nulle ou très réduite. Ce groupe se rattachera probablement aux Cérithidés primitifs, ce qui permettra de justifier les caractères que les Scalaridés présentent en commun avec les Turritellidés et les Cérithidés. Je renvoie, pour plus de détails, au chapitre de la classification, traité à la fin de ce travail. 168 E.-L. BOUVIER. B. — PROSOBRANCHES ZYGONEURES. TÉNIOGLOSSES ZYGONEURES a Nous avons été conduit, degré par degré, du système ner- veux dialyneure des Aspidobranches au système nerveux franchement dialyneure d’un certain nombre de Cérithidés. Dans le groupe des Ténioglosses dialyneures, nous avons pu établir, d'après leurs affinités naturelles, plusieurs séries qui se terminent, les unes dans le groupe lui-même, les autres dans les groupes que nous allons étudier. Parmi ces dernières, il faudra citer tout particulièrement la série des Cérithidés, que nous allons continuer la première. D’autres séries pren- dront naissance dans le groupe lui-même et seront étudiées ensuite. Mais, si nous avons pu trouver des genres et même des familles zygoneures parmi les Ténioglosses dialyneures (Ampullaridés, Melanopsis, Telescopium, ete.), nous devrons nous attendre à trouver 1ci quelque genres dialyneures. Le cas est à coup sûr très rare, mais il faut le signaler : dans la série des Naticidés, les Naticidés sont dialyneures, tandis que les Lamellarndés sont zygoneures. STRUTHIOLARIDÉS (fig. 85, 94, 95). Dans cette famille très curieuse, je n’ai pu que jeter un coup d'œil sur un échantillon de la Séruthiolaria nodulosa Lam., recueilli dans la Nouvelle-Zélande et déposé, après avoir été ouvert, dans les collections du Muséum, par Quoy et Gay- mard. Ges savants ont donné de cette espèce une description, qu'il n’est pas mutile de compléter. La sole pédieuse est rattachée au corps par un long et énorme col pédieux, beaucoup plus large que la tête. La sole pédieuse est allongée et, chez les animaux conservés dans l'alcool, tronquée carrément en avant et munie en cette région ARTICLE N° 4. | SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 169 d’un sillon marginal transversal. Le pied s’élargit très sensi- blement en arrière et s’arrondit en avant ; l’opercule est ovale, échancré et onguiculé, aigu ; il est corné. Il rappelle tout à fait l’opercule des Strombidés, et à certains égards l’opercule des Cérithidés, surtout celui des Tympanotomus et Ceratop- tilus. Le mufle (fig. 95, M’) est long, fortement rétréci en avant, large en arrière ; les tentacules ({) sont simples, et les yeux sont portés sur leur bord externe à une assez grande dis- tance de leur base. On trouve à droite, sur le dos, un bour- relet dorsal génital assez fin, presque idéntique à celui des Cérithidés; la gouttière (7) qu'il forme passe au-dessous du tentacule droit et se termine sur le cou-de-pied par un appen- dice hbre, long déjà de 4 à 2 millimètres (L). Quoy et Gay- mard ne le considèrent pas comme un pénis, en quoi ils ont certainement tort. J'ai observé, en effet, sur une S. crenulata Lamarck, un très long pénis situé (fig. 93, L) à la même place que l’appendice signalé ci-dessus. L’animal que J'ai étudié avait 2 centimètres de longueur à l’état contracté et le pénis était sensiblement plus long que le corps. Ce pénis est grêle, surtout dans sa dernière moitié ; il est comprimé latéralement. Une gouttière (/) parcourt toute la longueur de son bord postérieur ; elle est plus profonde que celle des Strombes. Par tous ses autres caractères extérieurs, la S. crenulata ressemble à la S. nodulosa. Son intérêt spécial est de montrer que, dans la famille des Struthiolaridés, on assiste aux différentes phases de la formation du pénis. La masse buccale est très étroite, allongée, située un peu en arrière de l'extrémité antérieure du mufle. La branchie (fig. 94, Br) est formée de longs feuillets filiformes, très longuement saillants dans la cavité palléale ; Quoy et Gaymard ont fait remarquer, avec raison, qu’elle rappelait, à certains égards, la branchie des Calyptréidés. Le siphon palléal (Si) est à peine sensible. La fausse branchie (br), assez éloignée de la branchie, se termine à la base du siphon et n'atteint pas son extrémité. Elle est très longue, filiforme, beaucoup moins arquée en avant que chez les Strombidés ; 170 E.-L. BOUVIER. elle n’est pas bipectinée ou du moins les feuillets qui se trouvent de chaque côté du bourrelet médian n’affectent pas encore une régularité assez grande et sont beaucoup trop réduits pour qu’on puisse faire de cet organe une branchie bipectinée. À droite, l’espace compris entre le bourrelet géni- tal et le rectum est gonflé et rempli de nombreuses lamelles, comme dans la plupart des Cérithidés (Ceratoptilus), c’est du moins ce que j'ai observé dans la S. nodulosa. Dans l'animal ouvert par Quoy et Gaymard, la plus grande partie du système nerveux avait été sacrifiée; les ganglions cérébroides étaient disjoints. À droite, le ganglion cérébroide est uni par un court connectif au ganglion palléal ; à gauche, j'ai vu seulement deux ganglions intimement unis, le premier envoyant un fort nerf au manteau à gauche, l’autre la com- missure sous-intestinale. Ainsi, le ganglion sous-intestinal est accolé au ganglion palléal gauche. C’est ce que j'ai pu constater en effet en étudiant le système nerveux de la S. cre- nulata. Le système nerveux, dans cette espèce, ressemble complètement à celui de la S. nodulosa et l’on voit très nette- ment le ganglion sous-intestinal (S b) intimement uni au ganglion palléal gauche (Cg) avec un connectif de la zygo- neurie (z) allant directement du ganglion palléal droit (G d) au ganglion sous-intestinal. C’est un système nerveux de Céri- thidé zygoneure et non un système nerveux de Strombe (fig. 85). Quoy et Gaymard (12) ont seuls donné une description succincte de l’animal. CHÉNOPIDÉS J'ai étudié dans ses traits généraux le système nerveux du Ghenopus pes carbonis Bruguière, sur des exemplaires recueil- lis, 1l y a quelques mois, au laboratoire maritime d'Arcachon. Le mufle, la branchie, la fausse branchie, le tentacule, sont ceux des Strombes, mais le pied est tout à fait différent et con- formé pour la reptation. Le pénis a une gouttière comme celui des Strombes. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 14 Le système nerveux est presque identique à celui des Strom- bidés, mais les ganglions palléaux sont séparés des ganglions cérébroïdes par de courts connectifs ; le connectf droit est un peu plus long que celui de gauche. Sur la commissure viscé- rale croisée, les ganglions sus-intestinal et sous-imtestinal sont très éloignés des ganglions cérébroïdes ; le ganglion sous-intes- tinal est un peu plus rapproché des centres antérieurs que le ganglion sus-intestinal, il se rattache au ganglion palléal droit par un long et gros connectif de la zygoneurie. Ge connectif émet un nerf assez puissant, qui est probablement pariétal. En arrière, je n’ai vu sur la commissure qu’un seul ganglion vis- céral situé à droite de la ligne médiane. Le ganglion sus-intes- tinal émet deux nerfs branchiaux ; le nerf branchial antérieur s’anastomose à la base du manteau avec le nerf palléal gau- che issu du ganglion palléal gauche. Le ganglion sous-intes- tinal envoie deux nerfs au manteau à droite. Les ganglions buccaux sont situés sur le bord postérieur de la masse buc- cale ; les connectifs buccaux se rendent directement des gan- oglions cérébroïdes aux ganglions buccaux sans traverser d'avant en arrière la masse buccale. I y à une longue com- missure entre les ganglions buccaux. Les ganglions pédieux sont déjà rejetés à droite de la ligne médiane; les connectifs latéraux sont assez longs ; les otocystes sont sur le bord pos- térieur des ganglions pédieux et renferment une seule otolithe ronde. Le nerf pénial se détache du ganglion pédieux droit. Historique et conclusions. — Jhering (80) a étudié le système nerveux de l’Aporrhais (Ghenopus) pes pelecani; pour lui, le système nerveux est identique à celui du Strombe, c’est- à-dire orthoneure (zygoneure). Il n’a pas suivi la commissure en arrière des deux ganglions antérieurs, 1l ne fait pas remar- quer davantage la particularité intéressante offerte par les connectifs buccaux. Les ganglions ont une couleur très pâle dans le C. pes carbonis, et leur névrilème n’offre que de vagues taches rougeätres; dans le C. pes pelecant 11s seraient parfai- tement rouges, d’après Jhering. Le Chenopus pes carbonis paraît se rapprocher beaucoup des 172 E.-L. BOUVIER. Strombidés du genre P{erocera, par son labre, très largement et fortement ailé. D'ailleurs, les Struthiolaridés et les Ghéno- pidés se rapprochent si étroitement des Strombidés, que l'étude de leurs affinités trouvera naturellement sa place après la description de cette famille. : STROMBIDÉS (fig. 43, 51). J'ai étudié dans cette famille les caractères généraux seule- ment du système nerveux. Mes recherches se sont limitées à un exemplaire du Strombus gigas Linn., des collections du Muséum, du S. luhuanus Linné, et du Pferocera lambis Linné. Le S. gigas et le P. lambis appartenaient aux doubles du Muséum, le S. luhuanus m'avait été envoyé de la Nouvelle- Calédonie, par M. Deferrière. Strombus gigas. — L’asymétrie du système nerveux est la même que chez les Cyprées, mais moins accentuée ; la masse cérébro-palléale est un peu rejetée à gauche, la partie droite surplombant un peu la partie gauche. Les ganglions pédieux (fig. 51, P), étroitement unis sur la ligne médiane, sont rejetés à droite à la naissance du pied, un peu en arrière du point où la tête se réunit au pied. Les ganglions palléaux (Gy, Gd) et les ganglions cérébroïdes (CG) sont beaucoup plus nettement distincts que dans les Cyprées, quoique étroitement unis; les ganglions palléaux occupent le bord postérieur des ganglions cérébroïdes. De chaque côté, ils se rattachent par deux connectifs assez longs aux ganglions pédieux. À leur bord antérieur, les ganglions cérébroïdes émettent quatre nerfs puissants qui se distribuent aux parois de la trompe et aux lèvres; en dehors de ceux-ci prend son origine le connectif buccal, qui se rend directement aux ganglions buccaux (B). Ges derniers reposent sur la masse buccale, au-dessus de la très courte gaine radulaire ; leur commissure est assez longue. Trois autres nerfs impor- tants ont leur origine sur les ganglions cérébroïdes en arrière des précédents : ce sont le nerf tentaculaire, le nerf ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. à 115 optique et le nerf acoustique. Le nerf tentaculaire (4) est très gros, il pénètre presque immédiatement dans le gros ten- tacule cylindre; il s’y bifurque et s’y ramifie très richement. Le nerf optique (f) a son origine au même point que le nerf tentaculaire, mais il est absolument indépendant; 1l se rend directement à l'œil, situé à l’extrémité de la grosse branche du tentacule bifurqué. Il ne parait pas se ramifier. Le nerf acous- tique doit avoir son origine sur les ganglions cérébroïdes au même point que les deux précédents, mais il ne sort des gan- glions qu’au niveau du connectif cérébro-pédieux, on le suit un instant dans le triangle latéral, puis il passe sur le con- nectif palléo-pédieux et se rend à Potocyste (0), située un peu au-dessous des ganglions pédieux. L’otocyste renferme une seule otolithe ronde. Quelques autres nerfs cérébroides se rendent aux parois céphaliques. Les ganglions pédieux n’offrent rien de bien partüculier; les nerfs qu’ils envoient aux deux lobes du pied sont peu nom- breux mais très puissants; on en compte cinq ou Six ImMpor- tants de chaque côté. Le ganglion pédieux droit émet sur son bord postérieur le puissant nerf pénial (1), qui plonge bientôt dans les parois du corps, se bifurque et innerve, non seu- lement le pénis, mais les muscles situés à la naissance du pied. À l'extrémité postérieure des ganglions palléaux se dé- Llachent les deux branches de la commissure viscérale. La branche sus-intestinale de commissure viscérale (2) part du ganglion palléal droit, elle passe très obliquement au- dessus de l’œsophage, et, après un long trajet, aboutit au gan- glion sus-intestinal (S p), situé à gauche contre les parois du corps; elle se continue en arrière jusqu’au ganglion viscéral; elle est très facile à suivre dans ce trajet, car elle est presque superficielle. La branche sous-intestinale (k') passe oblique- ment sous l’œsophage et atteint le ganglion sous-intesti- nal (Sb), plus rapproché de la masse cérébro-palléale que le ganglion sus-intestinal. Le ganglion sous-intestinal est visible à droite sur le plancher de la cavité générale; après lavoir 174 E.-L. BOUVIER. quitté, la branche sous-intestinale se continue en arrière jusqu'aux ganglions viscéraux (”). Un long et fort connectif de la zygoneurie (2) unit le ganglion sous-intestinal au ganglion palléal droit; ce con- nectif a un développement presque égal à celui du nerf pal- léal droit (#') auquel il sert d’origine en même temps que le ganglion sous-intestinal. Les nerfs émis par le ganglion pal- léal gauche sont très importants. Cinq surtout méritent d’être signalés. Les deux antérieurs sont des nerfs palléaux qui se distribuent à gauche dans le manteau et le siphon. Ils tra- versent parallèlement les épaisses parois du corps, se con- fondent en un seul tronc (#) et se dirigent en avant à la base du siphon. Là ils se divisent en trois branches principales : la branche antérieure envoie des filets nerveux à la base du siphon; la branche moyenne, de beaucoup la plus grosse, envoie une forte branche au bord du manteau et se réunit ensuite à la première pour innerver le siphon; la branche postérieure est uniquement palléale; je l'ai vue s’anastomoser à la base du manteau avec une branche nerveuse assez puis- sante. Cette branche appartient peut-être au nerf branchial antérieur, mais je ne puis l’affirmer, car 1l v avait une forte déchirure au manteau dans cet endroit. Les deux nerfs sui- vants (2 ete.) sont essentiellement pariétaux, mais leurs derniers rameaux pourraient bien atteindre la base du repli palléal; ils se dirigent en arrière, cachés très profondément dans les épaisses parois du corps, passent sous le nerf bran- chial antérieur et distribuent au fur et à mesure leurs rameaux aux muscles pariétaux. Le plus gros de ces deux nerfs envoie une assez forte branche, presque superficielle, au ganglion sus-intestinal; cette branche (z') établit l’'anastomose gauche qui caractérise le système nerveux des Prosobranches. Le cinquième nerf (/) se rend au muscle columellaire. Le ganglion sus-intestinal sert d’origine à deux nerfs bran- (*) Le ganglion viscéral droit (Vi) est très développé; le ganglion gauche (V2) est diffus et très allongé sur la commissure (fig. 43). ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 179 chiaux très puissants. Le nerf branchial antérieur (4) est parallèle aux nerfs palléaux ; le nerf branchial postérieur (2) est d’abord parallèle à la commissure viscérale, puis il se recourbe à gauche et se distribue à la branchie et à la fausse branchie. Quelques nerfs branchiaux et pariétaux se détachent à gauche de la commissure viscérale; à droite ce sont des nerfs pariétaux et palléaux. La fausse branchie des Strombes est très caractéristique et établit le passage entre les fausses branchies filiformes et les fausses branchies bipectinées. Elle occupe toute la longueur de la branchie et se prolonge en avant en décrivant une courbe; elle se termine sur le bord siphonal du manteau. Elle est relativement très étroite, mais on aperçoit, même à l’œil nu, ses deux rangées de feuillets. Les différences offertes par Les autres espèces de Strombes et par les Ptérocères sont d'ordre secondaire. Il n’y à pas lieu d’insister. Historique et conclusions. — Poli (8), Quoy et Gaymard (12) et Jhering (80) ont étudié les Strombidés. Poli a étudié le Sérombus (Aporrhais) pes pelecani, Quoy et Gaymard le Sérombus (Pterocera) lambis ; ils se bornent à indiquer la masse cérébro-palléale. Jhering a porté ses recherches sur deux espèces : le S. gigas et le S. gibberulus. IL n’a pas étudié le nerf optique dans les Strombes, mais il l’a trouvé distinct du nerf tentaculaire chez les Aporrhais. Pour lui les Strombidés sont orthoneures; et il ne s’occupe pas de la partie postérieure de la commissure viscérale. L’anastomose entre le ganglion palléal gauche et le ganglion sus-intestinal n’est pas signalée. Les nerfs princi- paux sont assez exactement décrits, je signalerai seulement une erreur importante ; Jhering fait du nerf palléal gauche un nerf columellaire, ce qui le conduit à faire naître les nerfs palléaux droits du connectif de la zygoneurie. Jhering s’est appuyé sur le système nerveux pour rapprocher les Strombidés des Cérithidés, mais entre ces deux familles existe une différence essentielle et qu'il ne signale pas : chez les Cérithidés, le ganglion sous-intestinal est en contact 176 E.-L. BOUVIER. intime avec le ganglion palléal gauche; chez les Strombidés, il est logé assez loin à droite contre les parois du corps. J’ai comblé cette lacune en mettant en évidence l’analogie com- plèle qui existe entre le système nerveux des Struthiolaires et celui des Cérithidés zygoneures, et l’on peut dès lors affirmer à coup sûr que les Struthiolaridés rattachent étroitement les Strombidés aux Cérithidés, car les affinités des Struthiolaires avec les Strombidés sont incontestables. I ne sera pas inutile d’insister sur les rapports qui existent entre ces diverses familles. La sole pédieuse des Struthiolaires n’est pas sans ressemblance avec celle des Gérithidés ; la fausse branchie est filiforme et s'arrête dans la gouttière du siphon; ce dernier est extrêmement court, un bourrelet dorsal for- mant gouttière génitale se voit à droite; l’anus se trouve à l'extrémité d’un court tube rectal; le mufle est très déve- loppé, comme chez certains Cérithidés, et la masse buccale est étroite et allongée, comme dans la Cerithidea varicosa. Les tentacules sont presque semblables à ceux du Vertagus et l’œsophage rappelle à tous égards celui des Cérithidés. Les Cérithidés sont dépourvus de pénis, mais celui de la Séru- thiolaria nodulosa est si court qu'il doit être considéré comme un pénis annonçant celui de la S. crenulata et des Strombi- dés. Les Struthiolaires se rapprochent des Strombidés par leur branchie qui rappelle celle des Chenopus, leur fausse branchie, leur mufle, leur long col pédieux, leur opercule, la forme, la position et l’origine du pénis. Les caractères qui font de cette famille un intermédiaire entre les deux précé- dentes sont les suivants: 1° le long col pédieux qui, s’allon- geant et se rétrécissant un peu, deviendra un pied de Strombe, la sole pédieuse rappelant d’ailleurs les Cérithidés ; 2 l’opercule corné qui rappelle par sa forme et sa structure celui des Ceratoptilus, par son ongle aigu celui des Strom- bidés; 8° le mufle et la masse buccale qui établissent un intermédiaire entre les deux familles ; 4° les tentacules dont les veux occupent la même position que dans les Vertagus; les yeux des Chenopus sont placés comme ceux des vraies ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 177 Cérithes et établissent une transition qui conduit aux Strom- bidés; 5° la fausse branchie, filiforme dans les trois familles, arquée en avant chez les Cérithidés, arquée aussi, mais attei- gnant la base du siphon chez les Struthiolaires, beaucoup plus arquée et se prolongeant fort loin dans la gouttière siphonale chez les Strombidés; 6° le pénis nul chez les Cérithidés, très réduit chez la Séruthiolarianodulosa, puissant chezles Strom- bidés et la S. crenulata; T° le siphon nul ou court chez les Cérithidés, court chez les Struthiolaridés, plus développé chez les Strombidés. On pourrait aussi trouver de nombreux carac- tères dans la coquille. La radule des Struthiolaires sert aussi d’intermédiaire entre les deux familles, mais elle offre de chaque côté cinq dents marginales presque pectinées. Par cette multiplication des dents marginales, les Struthiolaridés offrent des analogies avec les Solaridés. Par de nombreux caractères, les Chénopidés se présentent comme des intermédiaires entre les Struthiolaridés et les Strombidés. Le pied est encore un pied disposé pour la repta- tion comme celui des Struthiolaires, mais il a déjà un col plus long et plus étroit; la branchie a des feuillets moins longs et plus larges que ceux des Struthiolaires, mais ils sont plus longs et plus filiformes que les feuillets branchiaux des Strombes; la fausse branchie est un peu plus épaisse et plus longue que celle des Struthiolaires, mais elle n’est pas encore franchement bipectinée et n’envahit pas encore le siphon comme celle des Strombes; les tentacules portent déjà les yeux sur une forte saillie basilaire qui n’existe pas dans les Struthiolaires, mais n’est pas énormément développée comme celle des Strombes ; enfin la coquille de Chenopus établit un intermédiaire naturel entre les Struthiolaridés et les Strom- bidés. Le tableau suivant résumera d’ailleurs tous ces caractères. Cérithidés. — Dialyneures ou zygoneures, ganglion sous-intestinal rapproché du ganglion palléal gauche; fausse branchie filiforme avec de fines lamelles; pied rampant à col assez court; opercule corné, ovale ou ANN. SC. NAT., ZOOL,, 1887. I. 192.0 ART. N° 1. 178 E.-L. BOUVIER. rond. Mufle de longueur variable; un bourrelet génital dorsal, pas de pénis. Siphon très court, laissant loin en arrière l'extrémité antérieure arquée de la fausse branchie. Lèvre extérieure du labre souvent évasée. — Trias. É Struthiolaridés. — Zygoneures, ganglion sous-inteslinal rapproché du ganglion palléal gauche. Fausse branchie filiforme avec des lamelles latérales. Pied rampant à col épais et long; opercule corné, ovale, onguiculé. Mufle long, un bourrelet génital dorsal, pénis rudimentaire ou très développé. Siphon très court, atteint à sa base par l’extrémité antérieure arquée de la fausse branchie. Labre épaissi, sinueux. — Crétacé (Hœrnes). Chénopidés. — Zygoneures, ganglion sous-intestinal éloigné du gan- glion palléal gauche. Fausse branchie filiforme très indistinctement bipectinée. Pied rampant à col long et assez grêle; opercule corné, ovale. Mufle long; bourrelet génital dorsal très réduit, pénis bien déve- loppé. Siphon médiocre pénétré dans sa gouttière par la fausse branchie. Lèvre extérieure évasée et ailée. — Jurassique. Sirombidés. — Zygoneures, ganglion sous-intestinal éloigné du gan- glion palléal gauche. Fausse branchie filiforme, distinctement bipectinée. Pied long, étroit, arqué, disposé pour le saut; opercule corné, ovalaire allongé, plusieurs fois unguiculé. Mufle long; bourrelet génital dorsal très réduit, pénis très fort. Siphon médiocre, traversé presque complète- ment par la fausse branchie. Labre plus ou moins dilaté, ailé, simple ou digité. — Crétacé. L'apparition géologique de ces genres est tout à fait en rapport avec leurs affinités naturelles ; toutefois les Struthio- laridés n'apparaissent qu'après les Chénopidés, soit qu'on n’ait pas trouvé jusqu'ici leurs représentants fossiles localisés pour la plupart en Californie et en Nouvelle-Zélande, soit qu’on ait confondu leur coquille avec celle des Rachiglosses Jurassiques, soit enfin, ce qui est moins probable, que les Struthiolaires forment un rameau particulier détaché des Cérithes, les Strombidés se rattachant directement alors aux Cérithidés par les Chénopidés. TRITONHDÉS (fig. 44, 45, 46, 47 et 54). J'ai porté mes recherches, dans cette famille, sur un indi- vidu médiocrement développé du Triton varieqatum Lam., conservé dans les collections du Muséum, et sur des exem- ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 179 plaires de la Ranella gigantea Lamarck (, que j'avais reçus d'Arcachon. Triton variegatum.— Les Tritons ont unetrompe bien déve- loppée (fig. 46, T), traversée par l’œsophage, qui serenfle en avant et renferme une masse buccale de dimensions très mé- diocres. Les tentacules épais (f) sont situés à la base de la trompe et portent les yeux sur une saillie basilaire. La fausse branchie (br) est bipectinée, assez éloignée de la vraie bran- chie (Br) et assez peu allongée. Le rectum (R) se termine en avant par un long tube anal (a) non adhérent au manteau; il renfermait chez l’individu que j'ai étudié des piquants d'Oursins parfaitement conservés. Le conduit génital (G) est accolé au rectum, l’orifice génital femelle (y) est à droite et en arrière du tube anal. Les glandes salivaires sont énor- mes, bien limitées ; leurs conduits traversent les colliers ner- veux. Le siphon est large et assez long. Les ganglions nerveux offrent presque identiquement les mêmes rapports que ceux des Strombes, ce qui me dispensera d’insister. Je signalerai seulement quelques particularités intéressantes. Les ganglions pédieux sont sur la ligne médiane en avant de la masse cérébro-palléale. Les ganglions buccaux se rattachent aux ganglions cérébroïdes par des connectifs qui pénètrent en avant dans la masse buccale et reviennent profondément en arrière pour se terminer aux ganglions buc- caux. Le ganglion sus-intestinal (S p) se rattache directement au ganglion palléal gauche (Gg) par un fin nerf. Une autre relation bien plus importante s’établit entre les deux ganglions par l’intermédiaire d’une très grosse branche anastomotique (z) qui réunit le nerf branchial antérieur (4,) au nerf palléal sauche(#).On trouve en arrière, sur la commissure viscérale, deux ganglions viscéraux (V, V,). Ganglions cérébroides et pédieux (Gg. 46, 45 et 54). — Les nerfs suivants sont émis par les ganglions cérébroïdes, sur leur bord antérieur, de dedans en dehors : (#) Triton giganteum Lamarck. 180 L.-L. BOUVIER. (p1) Fin nerf qui se rend à la base de la trompe. (ps) Gros nerf proboscidien et labial. Ce nerf se bifurque bientôt ; sa branche externe innerve surtout la trompe; sa branche interne, plus grosse, se distribue surtout dans les lèvres (extrémité buccale de la trompe). k (p:) Gros nerf proboscidien dont les deux branches externes innervent la base de la trompe, tandis que la grosse branche interne ne seramifie qu'en avant dans la trompe et peut-être dans les lèvres. (p:) Nerf proboscidien et labial, (ps) Nerf essentiellement labial. Entre les deux nerfs précédents se trouve le connectifbuceal (4) relativement grêle, accolé pendant une partie de son trajel au dernier nerf. Trois nerfs principaux se détachent sur la face externe des ganglions cérébroïdes, non loin de leur bord inférieur; ce sont le nerf tentaculaire, le nerf optique et un nerf céphalique pariétal. Ces trois nerfs forment un faisceau, externe par rap- port aux nerfs précédents. Le nerf tentaculaire (f) est très gros et se ramifie bien avant d’avoir atteint le tentacule, ses ra- meaux forment un faisceau et divergent en avant pour se rendre les uns aux parois céphaliques, les autres dans le tentacule. Le nerf pariétal céphalique (pc) est nettement séparé du nerf tentaculaire, 1l se ramifie dans les téguments céphaliques en arrière du tentacule. Le nerf optique (7) est accolé au nerf tentaculaire ; 1l s’en sépare à la base du ten- tacule et se rend à l’œil sans paraître se ramifier. Quelques autres nerfs assez fins partent aussi des ganglions céphaliques et se rendent à la base de la tête. Je n'ai vu ni le nerf acoustique n1 les otocystes. Les ganglions cérébroïdes (C) se confondent intimement sur la ligne médiane ; ils se séparent des ganglions palléaux (Gg, Gd) par de simples étranglements. La masse cérébro- palléale envoie de chaque côté deux connectifs qui se dirigent en avant et aboutissent aux ganglions pédieux (P) assez pro- fondément situés. Les connectifs issus des ganglions céré- ARTICLE N° f. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 181 broïdes sont moins gros que les connectifs palléo-pédieux. Les ganglions pédieux (fig. 46) sont allongés, fusiformes, intimement unis sur leur bord interne, ils se continuent, en arrière, dans les connectifs précédents, en avant, dans les deux énormes nerfs pédieux antérieurs (w). Ces deux nerfs ont à eux seuls sous leur dépendance tout le lobe anté- rieur du pied; ils se dirigent en avant, divergent sans se ramifier et, par leur grosseur et leur disposition, rappellent les cordons pédieux de la Paludine. Mais ils ne sont pas réunis par des commissures transverses, et, après un assez long trajet, on les voit se diviser en un paquet de nerfs pédieux qui se distribuent dans le lobe antérieur du pied. Sur les côtés, les ganglions émettent chacun cinq ou six gros nerfs pédieux latéraux; en dessous et en arrière, ils donnent nais- sance l’un et l’autre à un paquet serré de nerfs pédieux posté- rieurs (#,) assez puissants, qui se dirigent en arrière et se distribuent dans le lobe postérieur du pied. Chaque paquet comprend au moins une dizaine de nerfs importants, sans compter les filaments plus grêles. Ganglion palléal gauche et ganglion sus-intestinal (fig. 46 et 54). — La branche sus-intestinale (4) de la commissure viscérale, issue du ganglion palléal droit, n’atteint le gan- glion sus-intestinal (Sp), caché à gauche dans les parois du corps, qu'après un long trajet oblique par-dessus l’œso- phage. Elle se continue en arrière dans les parois gau- ches du corps et va former au fond de la cavité palléale les deux ganglions viscéraux. Le ganglion sus-intestinal est arrondi et n’émet qu'un nerf important, le nerf bran- chial antérieur (b,), dont la description se rattache étroite- ment à celle du nerf palléal gauche (m) issu du ganglion palléal gauche. Ce dernier se dirige d’abord superficiel- lement en arrière, traverse les parois du corps et atteint la base du siphon ; là il envoie une forte branche en arrière (z) qui se continue avec le nerf branchial antérieur. Cette branche correspond à l’anastomose gauche des Prosobran- ches, elle forme une anse très forte qui met en relation 182 E.-L. BOUVIER. indirecte les deux ganglions chargés d’imnerver la partie gauche du corps. Cette anse innerve en avant le siphon, au milieu le manteau, en arrière la fausse branchie et l’extrémité antérieure de la branchie. Je l’ai vue émettre dix branches principales, dont la distribution est exactement représentée dans ja figure 47. Les nerfs de la fausse branchie se ter- minent brusquement au bourrelet axial de l’organe. Le ganglion palléal gauche envoie aux parois gauches du corps, en avant, un certain nombre de nerfs pariétaux assez crêles; il en est de même du ganglion sus-intestinal. 1 faut sans doute considérer comme résultant de l’anastomose entre deux nerfs pariétaux le filet nerveux (4) qui unit directe- ment le ganglion palléal gauche au ganglion sus-mtestinal. Il correspond au nerf anastomotique plus développé des Strombes et met en évidence, comme la grande anse anastomotique, la communauté de distribution qui s’est établie secondairement entre le ganglion palléal gauche et le ganglion sus-intestinal. Deux autres nerfs importants ont leur origine dans le ganglion palléal gauche ; je les appellerai pariéto-columel- laire gauche et columellaire. Le nerf pariéto-columellaire gauche (/) se ramifie déjà avant de plonger dans le muscle; il envoie quelques rameaux aux parois gauches du corps, mais se ramifie surtout en arrière dans le muscle colu- mellaire. Quant au nerf columellaire (/), 1l plonge avant de se ramifier et innerve la partie moyenne du muscle. On doit considérer comme un nerf issu du ganglion sus-intestinal, le nerf branchial postérieur (b,); 1l se détache de la commis- sure un peu en arrière du ganglion, se dirige vers le fond de la cavité palléale avec la commissure, puis se dirige brusquement à gauche; 1l envoie quelques rameaux à la fausse branchie, mais se distribue surtout dans la partie moyenne de la branchie. Ganglion palléal droit et ganghon sous-intestinal (fig. 46 et 54). — Le ganglion sous-mtestinal (S b) est situé presque superficiellement dans les parois du corps, à droite, beau- coup plus en avant que le ganglion sus-intestinal. Il est ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 183 allongé et étroit, et se continue en arrière et latéralement avec la branche sous-intestinale (k') de la commissure qui le rattache, d’un côté, au ganglion palléal gauche; de l’autre, aux ganglions viscéraux. Il se met en relation en avant, par le très gros connectif de la zygoneurie (2), avec le ganglion palléal droit. Ce dernier ganglion n’émet que quelques fins, nerfs pariétaux. Quant au ganglion sous-intestinal, 1l donne naissance à deux nerfs importants. Le nerf palléal droit (#') se détache sur le côté externe du ganglion sous-intestinal. Il a tout au plus les dimensions du connectif de la zygo- neurie, envoie quelques branches pariétales et se ramifie abondamment sur le bord du manteau à droite, en avant du rectum. Le deuxième nerf peut être appelé pariéto- columellaire droit (2), en ce sens qu'il se ramifie aussi bien dans le muscle columellaire que dans les parois du corps à droite. Il a son origine à l'extrémité postérieure du ganglion sous-intestinal. On doit considérer comme ayant son origine dans le même ganglion, le grand nerf recto-palléal (#',) qui se détache de la commissure, assez loin en arrière du gan- olion. Ce nerf passe sous le conduit génital et se dirige vers le rectum, d'avant en arrière. Il innerve la masse recto-génitale et probablement aussi la glande à mucus (Y). La commissure viscérale et ses ganglions (fig. 44 et 46). — En arrière des ganglions sous et sus-intestinal, la commis- sure viscérale émet des nerfs assez nombreux, avant d’avoir atteint les ganglions viscéraux. On peut les diviser en six groupes d’après leurs champs d’innervation. Ge sont : 1° des nerfs pariéto-dorsaux qui se rendent en dedans parmi les muscles dorsaux; 2° de fins nerfs columellaires, également internes, qui plongent dans les muscles du plancher de la cavité générale ; 3° quelques fins nerfs aortiques, les uns internes, les autres externes; ils se détachent de la branche commissurale gauche et innervent l'aorte anté- rieure qui passe obliquement sous cette branche; 4 des nerfs pariétaux externes issus des deux branches ; 5° des nerfs recto-palléaux (#2, 3, m4), au nombre de trois, qui 184 E.-L. BOUVIER. se détachent de la branche commissurale droite ; 6° des nerfs branchiaux (43, b,) qui se détachent de la branche commis- surale gauche. Les deux derniers groupes doivent nous arrêter un instant. Les nerfs recto-palléaux passent au-dessous de la masse recto-génitale, entre celle-ci et le manteau,-lui envoient probablement quelques branches et innervent la _ glande à mucus; parmi ces nerfs, le plus important est Île nerf antérieur (#2), formé par l’union de deux racines assez grosses. Quelques branches de ces nerfs se ramifient sur la masse recto-génitale. On compte, à droite, deux nerfs bran- chiaux (b:, 0) qui forment un plexus à la base de la bran- chie; ce plexus continue ses mailles en avant avec celles formées par le nerf branchial postérieur. Les deux ganglions viscéraux (fig. 35) sont assez éloignés l’un de l’autre, et la partie de la commissure qui les sépare passe au-dessus de l’æsophage. Ces deux ganglions sont trian- gulaires, le ganglion viscéral droit (V) est environ trois fois plus volumineux que le gauche (V,). Le ganglion viscéral droit donne naissance au nerf rénal très puissant et abondamment ramifié (1), au grand nerf viscéral (7) qui plonge au-des- sous du péricarde dans les viscères du tortillon, à un fin nerf recto-génital (/:), à quelques filets péricardiques (j;) et à deux nerfs que je n’ai pu suivre dans la dissection, mais qui paraissent être des branches du nerf rénal. Entre les deux ganglions, la commissure viscérale émet trois nerfs qui vont de droite à gauche : le nerf du ventricule (js), le nerf de l’oreillette (7:) et le nerf de la veine bran- chiale (j.). Le nerf du ventricule est très rapproché du gan- glion viscéral droit qui lui sert vraisemblablement d'origine. Il passe sous le cœur, dans le plancher péricardique, et atteint l'aorte peu après sa sortie du cœur. Les deux nerfs suivants sont plus rapprochés du ganglion viscéral gauche : l’un d’eux se ramifie très abondamment sur l’oreillette, l’autre sur la veine branchiale, à son extrémité postérieure. Le ganglion viscéral gauche sert d’origine à trois nerfs, dont l’un a été signalé plus haut en parlant des nerfs branchiaux. Des deux ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 185 autres (7;) lun innerve la veine pulmonaire et lextrémité postérieure de la branchie, Pautre (7:) plonge dans les tissus et envoie des rameaux à l’aorte antérieure. Ge dernier nerf m'a paru atteindre l’aorte postérieure, mais je ne saurais affirmer s’il l’innerve réellement. Ganglions buccaux (fig. 47). — On connait déjà la courbe, en partie profonde, décrite par le connectif cérébro-buccal. Ce connectif (4) envoie un nerf (s:), à la masse buccale, au point où il devient récurrent. Les ganglions buccaux (B) sont unis par une longue et épaisse commissure sous-œsopha- gienne. [ls sont arrondis et émettent sur leur bord postérieur deux nerfs œsophagiens importants qui sont inclus dans Îles parois épaisses de l’œsophage, où on les distingue pourtant par transparence. Les deux nerfs œsophagiens internes (s2) sont les plus importants et innervent aussi les glandes sali- vaires et leurs conduits. Les deux nerfs externes (s;) se pro- longent beaucoup moins loin en arrière. D’autres nerfs plus fins se détachent des ganglions sur leurs bords externes et se distribuent à la naissance de l’œsophage. Sur leur bord anté- rieur, les ganglions émettent trois nerfs spécialement destinés à la musculature buccale ; deux (s:,s:) se détachent à la base même du connectif, le troisième (s;) à l’origine de la com- missure sur les ganglions; ces deux derniers sont profonds et innervent la masse buccale. Les nerfs œsophagiens, surtout les nerfs Internes, se pro- longent très loin en arrière sur l’œsophage où 1ls forment un réseau. J'ai vu se rendre sur l’espèce de jabot formé par l’æsophage, en arrière des centres nerveux, deux nerfs qui s’anastomosent avec les précédents. Ils paraissaient naître sur le bord postérieur de la masse cérébro-palléale gauche. Mais cette origine me paraît très anormale et en contradiction avec tout ce que l’on connaît sur le système nerveux des Gastéro- podes. J’ai pu me tromper et prendre pour des nerfs céré- broïdes ou palléaux, des branches détachées des nerfs œso- phagiens. Les deux nerfs dont je parle sont assez grêles, et les centres nerveux sont entourés par une épaisse gaine con- 186 E.-L. BOUVIER. jonctive à demi gélatineuse, qui rend les recherches très dif- ficiles. Des recherches sur un autre individu permettront bien certainement de trouver l’origine réelle de ces deux filets nerveux et d'étudier plus complètement le système des gan- glions buccaux. : Ranella gigantea Lamarck. — Le système nerveux de la Ranelle ressemble presque complètement à celui des Tritons. Les nerfs proboscidiens et labiaux sont moins nombreux, mais le connectif buccal est toujours compris entre le der- nier et l’avant-dernier, accolé à ces deux nerfs. Le connectif buccal offre les mêmes rapports que celui des Tritons, c’est- à-dire qu'il atteint la masse buccale vers le tiers antérieur et revient en arrière jusqu'aux ganglions buccaux, caché sous les muscles buccaux supérieurs. Je n’ai pu trouver la fine anastomose qui unit directement le ganglion palléal gauche au ganglion sus-intestinal, mais la grosse anse anastomique gauche est bien développée. Il y a deux ganglions viscéraux. Le nerf pénial est très gros comme le pénis qu'il innerve. Il a son origine dans le ganglion pédieux droit à la base des con- nectifs qui se rendent de la masse cérébro-palléale aux gan- glions pédieux. Le pénis est très large ; la gouttière profonde et très large qui le parcourt jusqu’à son extrémité chez les Tritons, est ici étroite et fort réduite. Les nerfs pédieux sont absolument les mêmes que ceux des Tritons, seulement Îles troncs pédieux antérieurs sont un peu plus courts. Les gan- olions palléaux sont nettement séparés des ganglions céré- broïdes. Historique et conclusions. — Poli et Delle Chiaje ont étudié le système nerveux du Triton variegutum (8), Quoy et Gay- mard (12) celui du Triton grimaçant, Jhering (80) a étudié le Triton nodiferum. Quoy et Gaymard n’indiquent que la masse cérébro-pal- léale et quelques-uns des nerfs qui en partent. Poli et Delle Chiaje donnent la représentation la plus com- plète et la plus exacte du système nerveux qui ait été connue jusqu'ici; elle a été reproduite dans Bronn et Keferstein (55). ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 187 Malgré les indécisions qui résultent du dessin, on peut con- clure de leurs travaux que les Tritons sont chiastoneures, qu'ils ont deux ganglions viscéraux, et que le connectif de la zygoneurie est parfaitement développé. Les ganglions céré- broïdes ne sont pas séparés des ganglions palléaux, et le connectif buccal se rend directement aux ganglions buccaux. L'étude des nerfs est à peine ébauchée. Jhering ne cite pas le travail précédent, quoiqu'il indique ailleurs les publications de Poli et Delle Chiaje. À cinquante années d'intervalle, il est resté bien loin en arrière des auteurs italiens et fait du Triton un Gastéropode orthoneure. Pour- tant il a vu le ganglion viscéral droit qu’il appelle ganglion oénital. L'étude des nerfs est encore plus incomplète que dans Poli et Delle Chiaje. Il fait du nerf optique une branche du nerf tentaculaire et ne décrit pas les anastomoses entre le ganglion palléal gauche et le ganglion sus-intestinal. Dans un travail antérieur (73) il indique une seule otolithe dans les otocystes ; cette remarque avait été faite, en 1857, par Mac- donald (42). Ultérieurement, Spengel (89) fait remarquer purement et simplement que les Tritons sont chiastoneures,appuyant ainsi de son autorité les observations de Poli. Il décrit d’ailleurs la disposition générale du système nerveux chiastoneure dans les Gassidaires et combat les conclusions de Jhering, qui con- sidérait les Tritons, les Tonnes et les Cassidaires comme des Prosobranches orthoneures. La chiastoneurie et la zygoneurie des Tonnes (Doliuim) ont été très exactement et très nettement représentées par Poli et Delle Chiaje, dans le travail ci-dessus signalé, et Spengel n’a fait que confirmer les observations de ces deux savants. Au point de vue anatomique et même dans la coquille, il existe les ressemblances Les plus étroites entre les Tritoniidés et les Cassididés. Le système nerveux est identiquement le même ; le tube digestif, la branchie, la fausse branchie large et bipectinée, le siphon développé, la trompe, le jabot et les glandes salivaires, tout indique les affinités les plus étroites. 188 E.-L. BOUVIER. La trompe des Cassidaires est certainement beaucoup plus longue que celle des Tritons; mais, en ce qui regarde le tube digestif, il y a peut-être plus de ressemblance entre une Ranelle et une Cassidaire qu'entre une Cassidaire et une Tonne. C’est par les Ranelles et les Cassidaires que les Trito- niidés se rattachent aux Cassididés; les Cassididés se ratta- chent d’ailleurs très étroitement aux Dolüdés : il y a tous les passages dans l’anatomie et dans la forme de la coquille. D'un côté, les Tritontidés se rattachent par les Ranelles et surtout par les Columbellinidés aux Chénopidés. Les Diartema jurassiques ont une coquille de Ranelle et un com- mencement de sinus qui annonce déjà les Ranelles et les Columbellinidés; d’un autre côté, certaines Spinigera ont une double rangée de varices comme les Ranelles. On peut done établir la filiation suivante entre les diffé- rentes familles du groupe esquissé ci-dessus : Chénopides : Jurassique. Columbellinidés : famille localisée dans le Jurassique et le Crétacé. Tritonidés, rares espèces crétacées. Doliidés, très rares espèces crétacées. On peut suivre, par conséquent, le rameau des Cérithidés dans toute l'étendue du groupe des Ténioglosses et le voir se terminer par les Tonnes et par les Pyrules. C’est sans doute dans la famille des Columbellinidés qu’a dù s'effectuer la transformation de la fausse branchie, filiforme mais déjà bipectinée des Strombidés, en une fausse branchie courte et très largement bipectinée comme celle des deux dernières familles. Nous avons déjà vu ce changement s’accomplir dans l’intérieur d’une même famille, celle des Cérithidés. DOLIIDÉS. Ayant un mémoire en préparation sur les Doliidés, je ne relèverai ici que les détails qui peuvent servir à l’ensemble de ce travail. La trompe et le siphon ont acquis dans cette famille un développement beaucoup plus considérable que dans les ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 189 familles précédentes; ces deux organes atteignent le maximum de leur longueur chez les Pyrules. La masse buccale est excessivement réduite, le ruban radulaire est très court. La fausse branchie est forte, bipectinée, fortement séparée de la branchie, assez courte et fort large chez les Dolium, assez rap- prochée de la branchie, plus longue et plus étroite chez les Pyrules. Les glandes salivaires ont des conduits très longs, surtout dans les Pyrules; ils traversent les colliers nerveux. Ces glandes ont chacune un sac glandulaire ovoide à l’ex- trémité de leur conduit, rappelant ainsi les Xénophores. Mais ces sacs sont énormes et forment, en outre, un petit renflement à l’origine de leur conduit chez les Dolium; ils sont assez réduits et simples chez les Pyrules. Dans les deux senres, l’œæsophage se renfle très sensiblement en arrière des centres nerveux, exactement comme celui des Tritons et les Ranelles. La description précédente se rapporte aux deux espèces suivantes : Dolium galea Linn. et Ficula (Pyrula) reticulata Lamarck. L'étude succincte du système nerveux doit être faite séparément pour les deux espèces. Dans le Dolium galea les ganglions cérébroïdes, situés à la base de la trompe, assez loin en arrière des tentacules, sont unis par une courte et large commissure; les ganglions pal- léaux se séparent des ganglions cérébroïdes par de simples étranglements. Les ganglions cérébroïdes envoient de très longs connectifs aux ganglions buccaux. Les Tongs connectifs latéraux forment, avec les ganglions cérébroïdes, palléaux et pédieux, deux larges colliers. Le ganglion palléal droit donne naissance à la branche sus-intestinale de la commissure vis- cérale qui passe obliquement sur l’œsophage, se dirige en arrière et à gauche et, après un très long trajet, forme dans les parois du corps le ganglion sus-intestinal dont le nerf branchial antérieur s’anastomose, par une branche assez forte, avec le puissant nerf palléal gauche issu du ganglion palléal gauche. Après avoir quitté le ganglion sus-intestinal, la branche sus-intestinale se dirige en arrière, puis oblique fortement 190 E.-L. BOUVIER. à droite et se termine dans le ganglion viscéral. La branche sous-intestinale a son origine dans le ganglion palléal gauche, se dirige très obliquement à droite sous l’œsophage, puis, après un trajet un peu plus long que celui des connectifs latéraux, forme le ganglion sous-intestinal qui se rattache par le connectif de la zygoneurie au ganglion palléal droit. Le ganglion sous-intestinal est relativement peu éloigné des centres antérieurs, il est complètement libre sur le plancher de la cavité générale; ses rapports et sa position sont absolument identiques à ceux observés chez les Cônes. Il donne naissance à un puissant nerf palléal droit, et à la branche sous-intesti- nale qui va se terminer en arrière dans les ganglions viscéraux. Le système nerveux des Dolium est encore un système nerveux de Tritoniidé, mais le ganglion sous-intestinal n’est plus contre les parois du corps, il s’est rapproché des centres anté- rieurs et est devenu libre sur le plancher de la cavité générale. Le système nerveux de la Ficula reticulata est chiastoneure et zygoneure comme celui des Dolium; mais il en diffère nota- blement par la concentration beaucoup plus grande des cen- tres nerveux. Par la disposition générale des ganglions, c’est un système nerveux de Volute. Les ganglions cérébroiïdes se séparent par de simples étranglements et ils se séparent de la même manière des ganglions palléaux. La branche sous-intes- tinale forme le ganglion sous-intestinal sous l’œsophage, après un court trajet, et ce ganglion se rattache au ganglion palléal droit par un très court, mais assez épais connectif de la zygo- neurie; quant au ganglion sus-intestinal, 1l est encore logé dans les parois gauches du corps, mais beaucoup plus rappro- ché des centres antérieurs que celui des Dolium. Les connectifs latéraux sont extrêmement courts et les triangles latéraux fort étroits ; les ganglions pédieux sont intimement confondus sur leur bord interne et forment avec les centres supérieurs un étroit collier œsophagien. En rapport avec le puissant développement du manteau qui recouvre en partie la coquille, les nerfs palléaux sonténormes ; lenerf palléal droitse détache du ganglion sous-intestinal, il est beaucoup-plus gros que ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 191 la commissure viscérale; quant au nerf palléal gauche, il a son origine ordinaire dans le ganglion palléal gauche et s’ana- stomose à la base du manteau avec le nerf branchial, beaucoup moins gros que lui, issu du ganglion sus-intestinal. Le système nerveux de la Pyrule est un système nerveux de Dolium, dont la concentration s’est étendue à tous les gan- olions antérieurs, sauf le ganglion sus-intestinal. Mais c’est beaucoup plus un système nerveux de Volute ou de Turbimelle ; c'est, en un mot, un système nerveux de Rachiglosse, avec un ganglion sus-intestinal un peu plus éloigné pourtant des centres antérieurs. Le fait mérite qu’on le signale : les Ténio- olosses à système nerveux concentré de Rachiglosses sont excessivement rares et se limitent aux Lamellariidés, aux Calyptréidés, et jusqu’à un certain point aux Turritelles et au Ceratoptilus. é Historique et conclusions. — Le système nerveux du Dolium a été très exactement étudié dans ses traits généraux, par Poli (8). C’est dans la figure qu’il donne qu'ont été repré- sentées, pour la première fois, la chiastoneurie et la zygoneurie. Quant aux Pyrules, dont Jhering fait une famille spéciale d’après les frères Adams (celle des Sycotypidés), elles n’ont été étudiées que fort incomplètement par Jhering, qui les rapproche des Vélutinidés avec lesquels elles n’ont aucune affinité directe. B. Haller a donné du système nerveux de la Cassidaria echniophosa une description qui paraît très exacte dans ses traits généraux (98). Je n'ai pas étudié en détail l’innervation des Cassididés. J’ai déjà dit plus haut comment les Doliidés et les Cassididés se relient aux Tritoniidés. Je ferai seulement remarquer 1ci que, par leur concentration beaucoup plus grande du système nerveux, les Pyrules ont un degré d'organisation plus élevé que les Tonnes. Sans doute, ce sont encore des Dolidés, et M. Fischer a eu raison en les rangeant dans la même famille, mais ils sont très nettement distincts de ceux-ci et établissent probablement le passage des Ténioglosses à certains Rachi- glosses, sinon à tous, 192 E.-L. BOUVIER. Depuis Lamarck jusqu’à Souleyet, on a rangé dans une même famille, sous le nom de Pyrules, d’abord les vraies Pyrules à radule ténioglosse, puis un très grand nombre de Turbinellidés et de Fusidés à radule franchement rachiglosse. Dans son traité récent de paléontologie (108), Hærnes place encore les Pyrules dans les Fusidés à côté des Turbinelles. Il est certain qu'une ressemblance très grande existe entre ces différentes formes et suppose des affinités incontestables ; si la radule seule différenciait ces familles, on hésiterait à les séparer, mais Je montrerai plus loin que le caractère rachi- glosse coïncide avec d’autres particularités importantes, et Je souscris de grand cœur à la classification nouvelle, qui range une partie des anciennes Pyrules parmi les Rachiglosses et les autres parmi les Ténioglosses à côté des Tonnes. XÉNOPHORIDÉS (fig. 48, 49, 50, 55). « Les Xenophoridæ, dit M. P. Fischer (103), présentent des caractères très remarquables : ainsi leur coquille ressem- ble à celle des Trochus, mais n’est jamais nacrée; leur pied est construit comme celui des Sérombus ; leur radule rappelle celle des Chenopus, Strombus, Calyptræa; enfin leur oper- cule se rapproche de celui des Purpura. » Ces caractères semblent indiquer des affinités multiples et rendent au moins indécise la place attribuée jusqu'ici aux Xénophoridés dans la classification. L’anatomie de ces intéressants Prosobranches, étant com- plètement inconnue, ne pouvait permettre de trancher la question. J’ai pu l’esquisser très brièvement dans ses carac- ières généraux, et assez complètement en ce qui est relatif au système nerveux, pour apporter à la systématique des documents qui lui manquaient complètement jusqu'ici. Je dois les échantillons qui ont servi à mes recherches à l'obligeance aimable de M. le docteur T. de Rochebrune, aide- naturaliste au Muséum. Ils proviennent du Sénégal et appar- üennent à l'espèce Xenophorus Cavalier: de Rochebrune. ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 193 Notions anatomiques essentielles (fig. 48 et 50). — La coquille fortement agglutinante du X. Cavalier: est très largement trochoïde; elle ressemble assez à celle d’un Solu- rm, mais l’ombilic fait défaut. Le mufle est relativement court. Les tentacules sont latéralement situés : une saillie portant les yeux se trouve à leur base. Au-dessous et un peu en arrière du mufle est le pied, rattaché au corps par un col épais et assez long ; il est très nettement trilobé ; le lobe anté- rieur (F,) est le plus petit, il domine de beaucoup les deux autres. Ceux-ci sont en continuité, mais un étranglement latéral les sépare en dehors, leur face inférieure forme, à vrai dire, la sole pédieuse; le plus étendu (F,) est en avant, l’autre en arrière; c’est celui-ci qui porte l’opercule. Ce pied ne ressemble que très imparfaitement à celui des Strombes; il est beaucoup plus large et plus développé. On doit consi- dérer son lobe antérieur comme l’homologue du lobe anté- rieur et supérieur très réduit des Strombes; quant aux deux lobes inférieurs en continuité, ils correspondent au long pied simple, étroit et cylindrique des Strombes. En arrière de Ja tête, on voit l'anneau palléal formé par le bord antérieur du manteau. Par-dessous, le manteau forme un bourrelet peu prononcé, mais en dessus la chambre palléale est très longue et occupe les deux tiers du dernier tour de spire. La bran- chie (Br) rappelle celle des Calyptrées; elle est formée de feuillets allongés, presque filiformes, qui flottent dans la cavité palléale par leur longue pointe libre. Cette branchie est très longue; après avoir parcouru la cavité palléale d’arrière en avant sur toute sa longueur, elle se recourbe en avant, paral- lèlement au bord du manteau, et ne vient se terminer qu’à droite. Quand on ouvre le manteau sur la ligne médiane dorsale, on sépare toujours la branchie en deux tronçons ; l’un de ces tronçons est rejeté à droite quand on a étalé les deux segments du manteau (fig. 48). La fausse branchie est filiforme (br), très longue, située sur le bord inférieur de la branchie; elle est un peu sinueuse. Le siphon fait absolument ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. IT, 15. — ART. N° 1. 194 E.-L, BOUVIER. défaut. Le rein s'ouvre par une fente en boutonnière (r) au fond de la cavité palléale ; cette fente est un peu rejetée à droite, au voisinage du toit de la cavité palléale. À gauche, à l'extrémité de la branchie et'au fond de la cavité palléale, on voit le péricarde avec le cœur. à La masse buccale occupe à peu près en entier la cavité du mufle ; l’œsophage (0) à son orifice en arrière sur la face supérieure de cette masse. Les conduits salivaires («) s’ouvrent dans la masse sur les côtés de cet orifice ; 1ls sont relativement lonss, assez grêles; celui de gauche est plus long que celui de droite. Les glandes salivaires (4,) sont des sacs ovoides à parois glandulaires, elles sont tout à fait caracté- ristiques de l’espèce. La glande salivaire droite repose sur l’œsophage et recouvre en partie la glande gauche. Celle-ci est rejetée latéralement à gauche par rapport à l’œsophage, au niveau du ganglion sus-intestinal (Sp). L’œsophage a un diamètre un peu plus étroit en arrière qu'en avant; il se continue assez loin dans le tortillon au-dessous de les- tomac. L’estomac est noyé dans le foie ; il est très vaste et fort nettement trilobé. Deux lobes sont dirigés en avant, l’un à droite, l’autre à gauche, le troisième est dirigé en arrière. C’est à la naissance du lobe antérieur droit que commence l'intestin recouvert par un organe de Bojanus très allongé; il se continue en avant par le rectum (R). Celui-ci est un gros conduit à parois épaisses qui devient beaucoup plus étroit en avant et se termine par l’anus (4) un peu en arrière du prolongement branchial. Le conduit génital (G) est accom- pagné d’une grosse glande annexe (Gr), située à sa base au-dessous du rectum. Le conduit génital est complètement séparé du rectum en avant; l’orifice femelle est en arrière et au-dessous du rectum. Le pénis, assez gros et remarquable- ment long, est sur le côté droit du corps, dans la région qui rattache la tête au pied. Plan général du système nerveux (fig. 48 et 55), — Les gan- glions cérébroïdes (CG) ne se séparent que par un profond ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 195 étranglement ; 1ls rappellent ceux des Cérithidés; on les trouve à quelque distance en arrière de la masse buccale. Au-dessous d'eux etun peu en arrière sont les ganglions palléaux (Cd, Cg) rattachés aux ganglions cérébroïdes par des connectifs courts et larges. Une très courte commissure postérieure unit entre eux les ganglions pédieux (P) qui se rattachent par des con- nectifs assez longs aux ganglions cérébroïdes et palléaux. La branche sus-intestinale de la commissure viscérale (4) passe très obliquement au-dessus de l’œsophage, et sous les conduits salivaires, se dirigeant en arrière et à gauche. À une grande distance du ganglion palléal droit, elle forme le gan- glion sus-intestinal (Sp), puis elle se continue en arrière et, après un long irajet, se termine dans le ganglion viscéral (V), situé au fond de la cavité palléale, au-dessus du tube digestif. La branche sous-intestinale de la commissure (4) se dirige en arrière et un peu à droite par-dessous l’œsophage etles conduits salivaires ; après un long trajet, elle forme le ganglion sous-intestinal (S b) logé à droite dans les parois du corps, un peu plus en avant que le ganglion sus-intestinal. Elle va se terminer en arrière dans le ganglion viscéral. La commissure viscérale forme, par conséquent, une anse très allongée, caractérisée par l’écartement considérable des trois ganglions situés sur la commissure. Un long connectif de la zygoneurie (2) rattache le ganglion palléal droit au ganglion sous-intestinal. À gauche, le nerf palléal gauche (#) se met en relation par une très courte branche d’anastomose avec le nerf branchial antérieur. La description qui précède indique suffisamment que :e Xéno- phore est nettement chiastoneure et zygoneure. Ganglions cérébroïides, pédieux et palléaux.— Les ganglions cérébroides sont franchement ovalaires ; ils émettent en avant quatre nerfs proboscidiens et labiaux (p1, 2, ps, p.). Sur la face externe des ganglions se détachent les trois nerfs de la sensibilité spéciale. Le plus gros est le nerf tentaculaire (4) qui, après avoir plongé dans le tentacule, forme un ganglion (4) d’où s'échappe un faisceau de fins nerfs. Le nerf optique 196 E.-L. BOUVIER. (f) à un trajet flexueux ; ilne se ramifie pas. Le nerf acoustique (fig. 49, 0°) a son origine sur les ganglions à peu près au même point que les deux précédents ; 1l se dirige en dessous, croise en dehors le connectif palléo-pédieux et se termine à l’otocyste (0) située immédiatement en arrière des ganghions pédieux correspondant. Les otocystes sont grosses et réunies par un cordon fibreux; elles renferment une grosse otolithe ronde. Chaque ganglion palléal donne naissance à un nerf pariétal (di, 2) qui se distribue dans les parois du corps en arrière de la tête. À gauche, ce nerf a son origine dans le gan- glion lui-même, à droite à la base du connectif palléo- pédieux. Le ganglion palléal gauche émet en outre deux autres nerfs qui ont leur origine dans le ganglion au même point que la branche sous-intestinale de la commissure vis- cérale. L'un d’eux est le nerf palléal gauche (#); il se dirige en arrière en suivant les parois du corps; puis, arrivé au niveau du ganglion sus-intestinal, il se recourbe à angle droit et pénètre à gauche dans le manteau. Alors 1l devient parallèle au nerf branchial antérieur (4) et s’en rapproche beaucoup en certains points; la branche anastomotique qui unit ces deux nerfs est, par conséquent, très courte. À droite le connectif de la zygoneurie sert d’origine réelle au nerf palléal (#') droit. L'autre nerf issu du ganglion palléal gauche est le puissant nerf columellaire (/). Les nerfs pédieux du Xénophore sont peu nombreux, mais assez puissants. On en compte quatre principaux pour chaque ganglion. L’un d'eux se ramifie dans le lobe antérieur du pied, deux autres dans le gros lobe inféro-antérieur, le dernier dans le lobe inféro-postérieur. Le grand nerf pénial (i) a son origine sur la face externe du ganglion pédieux droit. La commissure viscérale et ses ganglions. — Le ganglion sous-intestinal ne n’a jamais montré qu'un seul nerf, le nerf palléal droit (#'), dont le champ d’innervation est beaucoup plus étendu que celui du nerf palléal gauche. Son trajet est ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 197 assez curieux ; il passe sous le prolongement antérieur de la branchie sans paraître lui donner aucun rameau et se ramifie au delà dans le bord du manteau. Il est peu d'exemples qui permettent de justifier davantage la loi des connexions. Cenerf, avant d'atteindre la branchie, envoie au bourrelet inférieur du manteau un rameau assez puissant ; un autre va Innerver un peu en arrière le manteau et l'extrémité antérieure du rectum. Trois ou quatre nerfs, issus de la branche commissurale droite, ont la même distribution que le rameau précédent. Le ganglion sus-intestinal émet au moins deux nerfs bran- chiaux. Le nerf branchial antérieur (4) est le plus fort, il se bifurque et envoie ses rameaux à l’extrémité antérieure de la branchie et de la fausse branchie. Le nerf branchial pos- térieur (b.) est plus grêle; d’autres nerfs issus de la com- missure viscérale forment un réseau à la base de la branchie, et ce réseau s’unit en avant à celui formé par le nerf branchial postérieur. Ce réseau s'aperçoit sans dissection sur le manteau des individus bien préparés. Le ganglion viscéral envoie quatre nerfs aux viscères. Le grand nerf viscéral (j) se rend en arrière dans les parties les plus reculées du tortillon. Un nerf superficiel (j,) suit le fond de la cavité palléale, passe à côté de l’orifice rénal et innerve l'organe de Bojanus, peut-être aussi le péricarde. Deux autres nerfs (2, j:) moins puissants se rendent au rectum et aux annexes de l’appareil génital. Ganglions buccaux (fig. 55). — La direction des connectifs qui vont des ganglions cérébroïdes aux ganglions buceaux est fort trompeuse. On voit ces connectifs (#) se détacher des ganglions cérébroïdes parmi les nerfs proboscidiens ; suivre le plancher du mufle éomme ces nerfs et se perdre, en appa- rence au moins, dans la partie antérieure de la masse buccale. En réalité, les connectifs pénètrent simplement dans Îles muscles buccaux inférieurs de cette région, se recourbent, reviennent en arrière dans un plan supérieur et finalement font saillie au dehors pour se terminer dans le ganglion buccal (B) du même côté. Ceci rappelle à tous égards les 198 E.-L. BOUVIER. Aspidobranches et la très grande majorité des Ténioglosses. Les ganglions buccaux, petits et arrondis,fsont unis par une assez longue commissure. [ls émettent trois nerfs, deux se rendent à la masse buccale, l’autre à l’œsophage. Dans leur trajet à l’intérieur de la masse buccale, les connectifs déta- chent trois nerfs qui se rendent aux muscles et aux tissus des régions qu'ils traversent. Historique et conclusions. — On n’a pas étudié jusqu'ici l’anatomie des Xénophoridés, on ne connaît guère que leur coquille, leur radule, et quelques détails extérieurs de Pa- nimal. M. Fischer les place à la suite des Galyptréidés et Jhering leur attribue, mais avec doute, la même place. Leur position zoologique est à côté des formes qui présentent avec eux le plus grand nombre de caractères communs, et je pense qu’à ce point de vue ils se rapprochent [surtout des animaux de la série des Strombidés. Leur mufle et leurs tentacules avec la saillie oculaire sont intermédiaires entre ceux des Struthiolaridés et ceux des Strombidés ; leur bran- chie rappelle celle des Struthiolaires et leur fausse branchie est intermédiaire entre celle des Cérithidés et celle des Stru- thiolaridés. Leur long pénis pédieux est creusé d’une gouttière, et cette gouttière se prolonge sur toute la face dorsale posté- rieure comme chez les Strombidés.,On a remarqué depuis longtemps que le pied et la radule sont presque identiques aux mêmes organes des Strombes. L’opercule rappelle à cer- tains égards celui des Chénopidés. Enfin le système nerveux est presque identiquement le mème chez les Xénophoridés et les Strombidés. Ge système nerveux est très caractéristique et localisé, parmi les formes étudiées jusqu'ici, dans les six familles précédentes. Il se distingue par la fusion très avancée des deux ganglions cérébroïdes , leur union intime avec les ganglions palléaux, la distance fort grande qui sépare les gan- glions viscéraux antérieurs, et surtout le ganglion sous-intes- tinal, des ganglions palléaux et, par conséquent, la longueur du conuectif de la zygoneurie. Comme chez les Ranelles et les Doliidés, les glandes salivaires sont en sac etasymétriques, ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 199 mais l’œsophage ne présente pas de renflement appréciable ; les connectifs buccaux traversent la masse buccale avant d'atteindre les ganglions cérébroïdes : toutefois, ce dernier caractère a moins de valeur pour cette famille, si l’on songe que le connectif buccal présente une disposition contraire chez les Strombidés. Malgré les analogies tirées de la coquille, il est tout à fait impossible de rapprocher les Xénophoridés des Trochidés. On ne pourra leur trouver des analogies, en dehors de celles citées plus haut, qu'avec les Calyptréidés. Les branchies, le mufle, les tentacules oculaires, la masse buccale et le trajet des connectifs buccaux, l’œsophage dépourvu de renflement, enfin une certaine ressemblance dans la coquille de quelques Xénophores (X. Helveacea Philippi) avec les Calyptrées; tous ces caractères réunis semblent indiquer des analogies avec les Calyptréidés. Malheureusement les dissemblances sont nom- breuses; la fausse branchie, qui est toujours un caractère de orande valeur, est assez courte et très nettement bipectinée chez les Calyptréidés ; le pénis est rudimentaire et céphalique, l’épipodium des Calyptréidés manque aux Xénophores, les Calyptréidés sont dépourvues de gouttière dorsale, les glandes salivaires (caractère important) ne traversent pas les colliers nerveux chez les Crépidules, la forme du pied est essentielle- ment différente, et il en est de même du système nerveux. Je ne parle pas de la forme du corps qui ne rappelle en rien celle des Calyptréidés, de l’opereule qui est calcaire ou fait défaut chez les Calyptréidés ; quant aux analogies tirées de la coquille, elles sont tout à fait 1llusoires, puisque la coquille calyptréi- forme de certains Xénophores a toujours un assez grand nombre de tours de spire, tandis que ceux-ci font presque complètement défaut aux Calyptréidés. Ainsi, les plus grandes analogies et les différences les plus faibles sont en faveur du groupe formé par les Struthiolaridés, Chénopidés et Strombidés, etc. Il est difficile de dire comment les Xénophoridés se rattachent à ces familles; on peut sim- plement indiquer leurs affinités avec la série à laquelle ils 9200 E.-L. BOUVIER. appartiennent. On serait d’ailleurs bien plus embarrassé pour indiquer comment ils pourraient se rattacher aux Calyp- tréidés. L’avenir précisera des rapports que je ne puis qu’in- diquer 1c1. La paléontologie ne peut être, dans cette question, d'aucun secours. On fait remonter les ncoones au Dévonien (Fis- cher, Hœrnes) ou au Crétacé (Jhering); mais on peut tout au plus se ranger à l’opinion de Jhering, car les Xénophores paléozoïques sont presque certainement des Trochidés. TURRITELLIDÉS (fig. 98). J’ai seulement étudié les caractères généraux du système nerveux de la Turritella rosea Quoy et Gaymard, sur des exemplaires conservés dans les collections du Muséum. Les ganglions cérébroïdes piriformes sont tout à fait sem- blablet à ceux des Cérithes, mais unis par une commissure large et très courte; ils se séparent des ganglions palléaux par de profonds étranglements. Ganglions cérébroïdes et gan- olions palléaux se rattachent aux ganglions pédieux par des connectifs latéraux d’une longueur assez faible ; le connectif palléo-pédieux est deux fois aussi fort que le connectif cérébro- pédieux. Les ganglions pédieux sont intimement confondus sur leur bord interne en arrière. La branche sous-intestinale de la commissure viscérale est d’abord très épaisse et forme le ganglion sous-intestinal sous l’œsophage, après un très court trajet. Celui-ci se rattache au ganglion palléal droit par un connectf de la zygoneurie long de quelques millimètres à peme. Deux nerfs pailéaux et la branche sous-intestinale de la commissure viscérale se déta- chent du ganglion sous-intestinal. La branche sous-intestinale va se terminer au fond de la cavité palléale dans le ganglion viscéral. La branche sus-intestinale se détache du ganglion palléal droit, passe obliquement sur l’œsophage et forme le ganglion sus-intestinal un peu avant Feteni les parois gauches du corps. Elle va ensuite se réunir à l’autre branche ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIIES. 201 dans le ganglion viscéral. Le ganglion sus-intestinal émet deux nerfs branchiaux ; le plus antérieur s’anastomose à la base du manteau avec le nerf palléal gauche, issu du ganglion palléal gauche. La branchie a de longs filets filformes libres sur une grande partie de leur longueur ; néanmoins elle res- semble beaucoup plus à une branchie de Cérithe qu’à une branchie de Xénophore ou de Calyptrée. La fausse branchie est excessivement longue, onduleuse et rappelle complète- ment la fausse branchie des Cérithes et des Mélanies. Les otocystes occupent la même position que celles des Cérithidés, sur le bord postérieur des ganglions pédieux. Les otocystes renferment une très grosse otolithe ronde à stries concentriques et radiales et de nombreuses petites otolithes rectangulaires (fig. 98) un peu arrondies sur leur face, sem- blables à celles des Gérithes. Ge sont des otocystes de Litto- rine renfermant des otolithes de Cérithes. Le nerf acous- tique suit le même trajet, entre les deux connectifs latéraux, que celui des Cérithidés. Historique et conclusions. — Jhering (81) a très exactement étudié le système nerveux de la T. communis qui ressemble complètement à celui de la T. rosea. Il a même décrit cer- taines parties de l’innervation qui ne rentrent pas dans le plan de cette étude. D’après Jhering, les otocystes renferme- raient une seule grosse otolithe ronde dans la T. communis ; iln’en est pas de même de la T. rosea, mais nous avons vu des différences bien plus grandes s’établir dans l’intérieur du seul genre Melania. Ayant trouvé le connectif de la zygoneurie, qu’il appelle commissure interviscérale, Jhering range néanmoins les Turri- tellidés parmi ses chiastoneures. La découverte du connectif de la zygoneurie chez les Turritelles ne l’a pas conduit à rechercher la chiastoneurie dans ses Orthoneures ; mais ayant étudié le Vermetus gigas, 11 pense que le système nerveux dialyneure de cette espèce peut servir à expliquer la dispo- sition des Turritelles. S'appuyant d’ailleurs sur les analogies nombreuses qui existent entre les Turritelles et les Vermets, 9209 E.-L, BOUVIER. il pense que les seconds sont les ancêtres des premières. Avant de discuter cette question, il est bon de signaler les points de contact qui existent entre les Cérithidés et les Turri- tellidés. Le système nerveux est presque identiquement le mème que celui des Cérithidés zygoneures ; la branchie, la fausse branchie sont identiques dans les deux familles. Les Turritellidés ont, comme les Cérithidés, un bourrelet génital; mais il est beaucoup plus développé et remarquablement bifurqué dans les Turritelles. La forme du pied, du mufle, des tentacules et des saillies oculaires sont presque les mêmes dans les deux familles, seulement le pied et la masse buccale sont, en général, plus développés dans les Cérithidés. Le bord du manteau est frangé chez la plupart des Cérithidés ; chez les Turritelles, les franges sont extraordinairement déve- loppées et se transforment en panaches et en saillies qui ont une apparence branchiale. Le pénis est absent dans les deux familles, et l’opercule des Potamides ressemble presque com- plètement à celui des Turritelles. Enfin les otocystes occupent la même position dans les deux familles, et au point de vue des otolithes on trouve tous les passages entre les Cérithidés et les Turritellidés. Le Cerithium Mediterraneum a une très grosse otolithe rectangulaire avec de nombreuses otolithes beaucoup plus petites ; il ne faut qu’un pas pour arriver à l’otocyste si curieuse de la T. rosea, et celle-ci conduit natu- rellement à l’otolithe unique de la T. communis. On rattachera, par conséquent, les Turritellidés aux formes holostomes qui ont donné naissance aux Cérithidés à mesure qu’un siphon se formait dans leur coquille et dans leur manteau. Ces formes devaient être dialyneures, et 1l est plus que probable que, dans les très nombreuses espèces de la famille des Turritellidés, la zygoneurie a dû se former progressivement comme chez les Cérithidés. Les Vermétidés, qui sont dialyneures et rappellent tout à fait les Turritellidés dans leur jeune âge ou dans l’extrémité encore enroulée de leur coquille, se rattacheraient directement aux formes dialyneures et, par conséquent, les plus anciennes, des ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 9203 Turritellidés. La forme déroulée de la coquille n’empèche pas ce rapprochement, car on sait que cet état de disjonc- tion des tours peut se montrer dans beaucoup de familles ; ainsi les Magiles se placent naturellement au voisinage des Pourpres et des Buccins. Quant aux longs tentacules pédieux des Vermets, qui manquent absolument aux Turri- tellidés, ils n’ont pas l’importance qu’on pourrait leur accorder, car ils sont encore tout à fait rudimentaires chez les Vermétidés du genre Teganodes. NATICIDÉS (fig. 39). Jai étudié le système nerveux de la Natica monilifera Lamarck sur des exemplaires venant de Saint-Waa et recueillis par M. Poirier, aide-naturaliste au Muséum, qui me les a très gracieusement communiqués. Je me suis borné à l'étude des traits généraux du système nerveux. Les centres nerveux antérieurs sont situés très profondé- ment sur le plancher de la cavité du corps, dans un repli formé par l’œsophage, qui descend dans cette cavité, après avoir quitté la masse buccale. Ils sont complètement recou- verts par une masse épaisse de tissu conjonctif et, en outre, par l’énorme jabot fortement glandulaire qui débouche dans l’œsophage en arrière des centres nerveux et remplit presque complètement la cavité antérieure du corps. Les ganglions cérébroïdes (C) sont séparés par de simples étranglements sur la ligne médiane; ils se séparent de la même manière des ganglions palléaux (Gy, Gd). Les gan- glions buccaux se confondent en une masse fortement bilobée sur la ligne médiane. Ils se rattachent aux ganglions céré- broïdes par de longs et fins connectifs (4) qui ne traversent pas la masse buccale, mais forment pourtant un arc au voi- sinage des ganglions, retenus par quelques fibres conjonc- tives ; trois nerfs labio-proboscidiens (1, p:, p:) et le puissant nerf tentaculaire £ très ramifié sont émis essentiellement par les ganglions cérébroïides. Les ganglions cérébroïdes et les 204 E.-L. BOUVIER. ganglions buccaux se rattachent de chaque côté aux gan- glions buccaux par les connectifs latéraux assez courts. De nombreux nerfs pédieux, qui demanderaient à être éludiés en détail, ont leur origine dans ces ganglions. Je tiens seulement à faire remarquer ici que, malgré l'importance excessive du pied, on ne trouve pas chez les Natices de cordons ganglion - naires pédieux unis par des anastomoses transversales. La branche sus-intestinale (k) de la commissure viscérale se détache du ganglion paltéal droit, se dirige très peu oblique- ment d'avant en arrière et de droite à gauche, puis, après un trajet assez long, forme le ganglion sus-intestinal (Sp) sur les parois gauches du corps, à une distance assez faible du bord antérieur du manteau. Ce ganglion est assez gros, sensi- blement triangulaire ; 1l reçoit un très gros connectif de la zygoneurie gauche (z,) issu du ganglion palléal gauche; ce connectif correspond au nerf palléal gauche. Cette anastomose curieuse, et que nous voyons ici pour la seconde fois, est un caractère de l’espèce, du genre et de la famille. Je l’ai retrouvé dans tous les mdividus de l'espèce, chez de nombreuses espèces de Natices exotiques et dans les Sigarets. Mais partout la zygo- neurie typique (celle de droite) fait défaut. | Le nerf palléal gauche (m) semble, par conséquent, avoir son origine dans le ganglion sus-intestinal ; il est assez peu développé et passe sur le bord antérieur de la fausse bran- chie. Deux nerfs branchiaux, dont l’un très important (hi), ont leur origine dans le ganglion sus-intestinal ; trois autres nerfs branchiaux se détachent, en outre, de la branche sus- intestinale de la commissure viscérale, en arrière du ganglion. Tous ces nerfs branchiaux innervent à la fois la branchie et la longue fausse branchie bipectimée. La branche sous-intestinale de la commissure viscérale (4) se détache du ganglion palléal gauche et, après un trajet assez court, forme le ganglion sous-intestinal (Sb) au-dessous et un peu’ en arrière du ganglion palléal droit. Trois nerfs se détachent du ganglion sous-intestinal, sans compter la branche récurrente de la commissure viscérale, qui va se ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 203 réunir à celle du côté opposé dans le ganglion viscéral (V), visible par transparence au fond de la cavité palléale, à droite de l’æsophage. Ces nerfs sont essentiellement palléaux et envoient aussi quelques branches à la masse recto-génitale et aux parois du corps. Le nerf le plus antérieur m'a paru envoyer une branche d’anastomose assez peu importante vers un nerf palléal (#') issu du ganglion palléal droit ; mais je n'ai pu constater l’anastomose. Un nerf pariétal plus fin se détache en outre du ganglion palléal droit. En résumé, les Naticidés sont dialyneures ; c’était là le fait important à établir. Historique et conclusions. — Poli et Delle Chiaje (8), Garner (18), Souleyet (27) et Jhering (80) ont étudié le système ner- veux des Naticidés. La figure de Poli est trop vague pour qu’on puisse en tirer quelque profit. Celle de Garner est beaucoup plus nette et met très bien en relief les ganglions buccaux, cérébroïdes et les deux ganglions viscéraux antérieurs ; les origines croisées de la commissure viscérale sont nettement indiquées dans la figure donnée par ce savant. La figure et la description de Souleyet n’ajoutent rien au travail de Garner. Jhering fait de la Natice un prosobranche orthoneure, c’est-à-dire zygoneure ; mais mes observations étendues à un très grand nombre de formes contredisent nettement les siennes à cetégard. Il décrit, en outre, des relations inexplicables entre les ganglions palléaux sous la face inférieure de l’œsophage. B. Haller dit avoir observé la chiastoneurie chez les Naticidés (106). Macdonald (42,59), M. de Lacaze-Duthiers (64) et Jhering (73,80), décrivent une seule otolithe dans les otocystes des Natices; ces otocystes sont assez éloignées des ganglions pédieux. Malgré leur peu d’étendue, mes recherches sur les Naticidés auront eu cet avantage, considérable au point de vue du pro- blème des affinités : 1° de prouver, contre Jhering, que les Naticidés sont dialyneures et, par suite, n'auraient pas dû ôtre rangés parmi ses orthoneures; 2° de montrer qu’en l’ab- sence de la zygoneurie typique droite, une zygoneurie gauche 206 E.-L. BOUVIER. s’est établie d’après les procédés normaux qui conduisent à la formation de la première. Pour l’examen des affinités, je renvoie à l'étude des Lamel- larnidés. LAMELLARIDÉS (fig. 40, 41). J'ai recueilli plusieurs exemplaires de la Lamellaria per- spicua Linn., dans le port de Boulogne, sous l'excellente direction de M. Sauvage ; cette espèce ne découvre qu'aux orandes marées. Les Lamellaires ont'un manteau très développé, qui recouvre complètement la mince coquille de l'animal; celle-ci a beau- coup d’analogie avec celle des Sigarets. Les tentacules portent les yeux à leurbase sur une assez forte sailieoculaire ; le mufle est déjà un peu rétractile, long et à moitié proboscidiforme. La branchie, par ses feuillets assez grêles et libres sur une grande partie de leur longueur, rappelle plus celle des Crépi- dules que la branchie des Naticidés. La fausse branchie est assez allongée, très large et fortement bipectinée; elle res- semble assez, par sa forme, à une fausse branchie de Cassidaire, mais ses feuillets sont plus saillants et moins épais. Les ganglions cérébroïdes (C) sont en relation par une courte et large commissure ; ils se trouvent avec les centres antérieurs tout à fait en arrière de la tête, à la même place, d’ailleurs, que chez les Naticidés. Ils émettent un très fort nerf tentaculaire (f), un fin nerf optique (/) non ramifié, trois nerfs labio-proboscidiens et le connectif buccal. Le gan- olion palléal droit {(Gd) fait complètement corps avec le ganglion cérébroïde du même côté, 1l s’en sépare à peine par une échancrure interne; le ganglion palléal gauche (Cg) se rattache au ganglion cérébroide du même côté par un très court ettrès large connectif. La branche sus-intestinale de la commissure viscérale (4) se détache de l’angle interne du ganglion palléal droit; elle est très grosse à son origine et forme après un court trajet le ganglion sus-intestinal (Sp) situé exactement au-dessus du ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 207 ganglion palléal gauche ; 1l se rattache à ce dernier par un très court connectif (2) qui établit, par conséquent, une zysoneurie gauche, comme chez les Natices etles Sigarets. La zygoneurie typique droite existe également; la branche sous- intestinale de la commissure viscérale (4°), assez grèle, se dé- tache du bord interne du ganglion palléal gauche, passe trans- versalement de gauche à droite sous l’œsophage au-dessus du ganglion pédieux, et forme immédiatement à droite de ceux-ci le ganglion sous-intestinal (Sb), qui se rattache à l'angle externe du ganglion palléal droit par un très court et assez oros connectif de la zygoneurie (z). Ce connectif est, comme d'ordinaire, formé par le nerf palléal droit issu du ganglion palléal droit; en fait, le nerf se confond simplement avec Île bord antérieur du ganglion sous-intestinal, et il le quitte bientôt pour aller se répandre à droite dans le manteau. Les ganglions pédieux (fig. 41) sont très sensiblement triangu- laires ; leur base est tournée en avant, et c’est par làäqu'ils se mettent en relation par une commissure courte et assez étroite. Les otocystes (0) sont très éloignées des ganglions pédieux et placées en dehors de ceux-ci; elles sont visibles sans dissection ainsi que le nerf acoustique. Les otocystes renferment une seule otolithe ronde. Ainsi se forment quatre colliers autour de l’œsophage, un de plus que dans les autres Pectini- branches. Le collier antérieur formé par les ganglions céré- broïdes et buccaux est assez large ; mais les trois autres sont fort étroits, très rapprochés, et donnent au système ner- veux des Lamellaires un aspeet si spécial que Jhering, n’a pas su l’interpréter. Le premier collier est formé par les ganglions cérébroïdes et pédieux, le second par les ganglions palléaux et pédieux; le troisième, que l’on peut appeler collier palléo- viscéral, est formé par les ganglions palléaux, le ganglion sus- intestinal et le ganglion sous-intestinal. Ces quatre colliers appartiennent aussi aux Cyprées et jusqu’à un certain point au Strombus gigas ; ls sont très modifiés chez les Ampullaridés. En arrière des ganglions sus-intestinal et sous-intestinal, les deux branches de la commissure viscérale se prolongent 208 E.-L. BOUVIER. en arrière dans les parois du corps; on peut suivre la branche droite jusqu’au fond de la cavité, et étudier les deux nerfs branchiaux qu’elle émet, mais il m’a été impossible, Jusqu'ici, de suivre les deux branches jusque dans le ganglion viscéral. Ce ganglion se trouvera, à coup sûr, comme dans les Infun- dibulum, sur la saillie verdâtre et incrustée de corpuscules calcaires, qui est formée par le foie au fond de la cavité palléale. Quoi qu'il en soit, on peut dire que les Lamellaires sont chiastoneures et deux fois zySoneures. Le ganglion sus-intestinal émet un fort nerf branchial (4, qui se termine essentiellement dans le bourrelet de la fausse branchie et envoie aussi une branche au manteau. Le ganglion palléal gauche émet un très fort nerf palléal gauche (») qui se dirige à droite, atteint les parois du corps, se bifurque et suit le manteau sur la coquille; ses ramifications sont très nombreuses. Le nerf palléal droit (m') se comporlte de la même manière à droite; il a son origine apparente dans le ganglion sous-intestinal, mais son origine vraie principale est dans le ganglion palléal droit. Les nerfs pédieux (fig. 41) sont très faciles à étudier; trois se détachent du bord anté- rieur des ganglions, deux très puissants à leur extrémité pos- térieure, trois principaux sur les côtés. Historique et conclusions. — Dans deux travaux consécutifs, Bergh a étudié l’organisation des Lamellarudés. Dans le pre- mier il s'occupe, entre autres choses, du système nerveux de différents types de la famille, dans le second du système nerveux de la Marsenia prodita (31,37). D’après ses figures, le système nerveux de la M. maicromphala serait très différent et beaucoup moins concentré que celui de la M. prodita. Le système nerveux de la Marsenia (Lamellaria) perspicua comprendrait seulement un collier formé par les centres cérébroides, palléaux et pédieux. Le texte rendrait peut- être plus claire l’obscurité des figures, mais il est malheu- reusement écrit en danois (*). () Bergh vient de publier un nouveau travail sur les Marséniadés, où il a ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 209 Jhering a étudié le système nerveux de l'espèce même que j'ai décrite ci-dessus. Particularité curieuse, il à exactement décrit les quatre colliers nerveux, mais entraîné par une idée théorique que lui a suggérée à tort l'anatomie des Gypræidés, 1l interprète mal ce système nerveux. Ainsi, le ganglion sus-intestinal serait pour lui un ganglion siphonal, qui ne se rattacherait pas aux ganglions palléaux, mais aux ganglions cérébroides, comme il croit l'avoir observé chez les Cyprées. D’après lui, ce ganglion siphonal serait tout à fait caractéris- tique des Lamellariidés et des Cypræidés, et il part de [à pour rapprocher les deux familles. Entrainé par cette conclusion, il décrit tous les nerfs de ce ganglion siphonal comme se ren- dant au siphon, et ne parle pas de l’innervation des branchies ; la branche gauche de la commissure viscérale est pour lui un des nerfs siphonaux. Dès lors, il attribue aux Lamellaires un siphon, qu'il considère pourtant, avec beaucoup de raison, comme un simple pli du manteau. Les Lamellariidés se rattachent très étroitement aux Nati- cidés, dont ils dérivent par le développement excessif du man- teau et une atrophie incomplète de là coquille. Entre les . Lamellarudés et les Naticidés, 1l y a des différences de même nature qu'entre une Bulle et une Aplysie. Les traits essentiels de l’organisation sont les mêmes, avec des différences qui indiquent une forme dérivée plus élevée en organisation. La zygoneurie gauche existe dans les deux familles, mais la con- centration est beaucoup plus grande dans les Lamellaires que chez lesNaticidés ; quant à la zygoneurie typique, elle a dû se former très facilement, puisque déjà, chez les Natices, le ganglion sous-intestinal est excessivement rapproché du ganglion palléal droit ; du reste, la position du connectf de la zygoneurie est la preuve que les Lamellaires possèdent une zygoneurie qui vient à peine de se former. La branchie à des feuillets plus longs que ceux des Naticidés, et la fausse bran- étudié notamment la Lamellaria perspicua. Les centres nerveux sont très exactement représentés (voy. Reis. im Arch. d. Philippinen v. C. Semper; DE TR 2241680) ANN. SG. NAT., ZO0L., 1887. Lil. 44, — ART. N° {. 210 Ü.-L. BOUVIER. chie a une largeur et un développement quirappellent les types supérieurs. De même la trompe, les tentacules, la position des . otocystes et les otocystes elles-mêmes se rapprochent autant que possible des mêmes organes chez les Naticidés. Entre les Nacitidés et les Lamellarudés, les différences essentielles sont tirées du pied, qui est dépourvu de propodium dans les Lamellaires ; l’absence d'yeux chez les Naticidés n’a qu’une importance secondaire, puisqu'on voit fréquemment dans un même genre (Terebra) des espèces d’aveugles et des espèces pourvues d’yeux. D'ailleurs, l'absence des yeux chez les Nati- cidés s'explique très facilement par le puissant développement du pied qui se rabat sur la coquille et cache les tentacules. Dans la famille, les Lamellaires ont une radule anormale ayant pour formule 1-1-1 ; mais les autres genres ont la for- mule radulaire des Ténioglosses typiques 2. 4. 1. T. 2. De quelles formes se rapprochent le plus les Naticidés? Nous sommes à ce sujet dans l’incertitude la plus complète. L’orga- nisation toute particulière des Naticidés ne permet pas de les rattacher à des Ténioglosses actuellement vivants et, parmi les formes rangées dans les Ténioglosses, on n’en voit pas dont la coquille permette le moindre rapprochement. Il faut chercher : dans le groupe des Rhipidoglosses. L'existence de formes appartenant à ce groupe, et analogues par leur coquille aux Naticidés, est établie par les difficultés qu'on éprouve pour établir l’apparition des Stomatiidés, rhipidoglosses intermé- diaires entre les Haliotides etles Troques. Ainsi l’on trouve de soi-disant Stomatia dans les couches paléozoïques, dont l’iden- tité avec les Sigarets et autres genres semblables est presque complète. Il est probable que les Naticidés se rattachent à des formes éteintes, rhipidoglosses ou dérivées de rhipidoglosses, telles que les Naticopsis qui s'étendent du Dévonien au Trias et que M. P. Fischer range dans le groupe des Rhipidoglosses à la suite des Néritidés, tandis que Hoœærnes les place parmi les Naticidés. [l n’est pas impossible que les Naticopsis eux- mêmes se rattachent aux Craspedosioma siluriens. Évi- ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 211 demment, on est ici en pleine hypothèse, et ce qu’il importe de retenir comme résultat des observations faites jusqu'ici, c’est la différence considérable qui existe entre les formes de la série des Naticidés et les autres Ténioglosses. CYPRÆIDÉS (fig. 02, 06). Au point de vue du système nerveux, les Cypræidés sont d’un intérêt aussi puissant au moins que les Ampullaires. Ils offrent des caractères mixtes rappelant les Paludines et les Rhipidoglosses en même temps queles formes nettement zygo- neures. Mes recherches se limitent aux deux genres Cypræa et Trivia. Les espèces suivantes : C. arabica Linn., C. monceta Linn., C. caput-serpentis Linn., C. errones Linn., m’avaient été envoyées, avec quelques autres, de la Nouvelle-Calédonie par M. Defferrières. J’ai vérifié sur toutes ces espèces l’identité de plan dans le système nerveux, dirigeant surtout les recher- ches de détail sur la C. arabica. Pour certaines particularités, J'ai dù avoir recours à la C. cervus Linn., à la C. panihe- rina Solander et à la C. testudinaria Linn., des doubles du Muséum. Les Cyprées ont un manteau très développé qui recouvre plus ou moins la coquille ; sur les bords etsur sa face interne, il est garni de nombreux filaments tentaculaires qui exercent leur action tactile en toussens quand le manteau est appliqué sur le test. Le lobe inférieur du manteau (WU), celui qui, chez la plupart des Prosobranches, est réduit à un simple bourrelet palléal situé au-dessous du pied, offre ici un développement considérable ; 1} est garni de tentacules aussi bien que le lobe dorsal (U:). Le siphon (S;) est très peu développé. La fausse branchie est triangulaire (br), la vraie branchie arquée (Br) est garnie d’un seul rang de lamelles. Le rein s'ouvre par une fente en boutonnière (r) au fond de la cavité palléale, à droite du péricarde (S). La trompe (T) est médiocrement développée ; elle se rétracte complètement chez les animaux conservés dans l’alcool; il n’y a donc pas lieu de distinguer 212 E.-L. BOUVIER. une gaine à la base de la trompe. J'ai eu la bonne fortune d’avoir une Cyprée arabique avec la trompe dévaginée, elle m a pernus d'étudierles vrais rapports des centres et des nerfs; la figure 56 a été relevée à la chambre claire sur cet indi- vidu. La masse buccale est assez bien développée (M), elle occupe l’extrémité antérieure de la trompe. La radule est longue et rubanée. Le pied (F) est rejeté latéralement à droite comme celui des Cônes, il se rattache par un ruban long et étroit au corps. Pour bien étudier les nerfs pédieux, on sépare le pied en coupant ce ruban, puis on le fixe sur sa sole ventrale. On voit alors qu’il est triangulaire, la base du triangle est en avant, le sommet en arrière. Cypræa arabica.— Disposition générale du système nerveux. — Les trois colliers nerveux (cérébro-buccal, cérébro-pédieux et palléo-pédieux) sont très grands et couchés sur le plancher de la cavité du corps, en arrière de la masse buccale, quand la trompe est rétractée. Les ganglions cérébroïdes (C) et palléaux (Gg, Gd) sont à gauche contre les parois du corps, à une faible distance de la fausse branchie, ils forment une masse glandulaire dans laquelle les quatre ganglions ne sont guère séparés que par de faibles étranglements. Cette masse est large, mais peu épaisse; elle est placée latéralement à gauche de l’œsophage et forme une lame recourbée sur la gauche de ce conduit; on ne peut donc voir par-dessus que le ganglion cérébroïde droit et le ganglion palléal droit; le gan- glion cérébroïde gauche et le ganglion palléal du même côté sont au-dessous, cachés par les ganglions précédents et par l’œæsophage. Par rapport aux ganglions cérébroïdes, les gan- glions palléaux sont placés latéralement et un peu en arrière. Les connectifs cérébro-buceaux (4) se détachent du bord anté- rieur des ganglions cérébroïdes ; ils se rendent directement aux ganglions buccaux (B) qui reposent sur la face postérieure de la masse buccale. La comnmussure buccale est assez longue. Les ganglions pédieux sont remplacés, chez la Gyprée, par deux longs cordons ganglionnaires pédieux (P). Ges cordons sont placés à la naissance du pied, parallèles et réunis par ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIIES. 913 de nombreuses anastomoses transversales ou commissures. Ils ressemblent à s’y méprendre aux deux cordons nerveux paral- lèles de l’'Haliotide, mais ils sont un peu plus rapprochés. Ces deux cordons sont jaunes et recouverts d’un névrilème tacheté comme la plupart des ganglions des Cyprées. Ils se dirigent d'avant en arrière dans le pied. La commissure viscérale a ses deux origines dans les gan- glions palléaux. Sa branche sus-intestinale (2), issue du gan- olion palléal droit, se dirige à gauche et forme presque aussitôt le ganglion sus-intestinal (Sp) situé au-dessus du ganglion pal- léal gauche et à moitié compris dans les parois du corps. Ge ganglion se rattache par un connectif (2) court et relative- ment large au ganglion palléal gauche (Gg), de sorte qu'il parait avoir deux origines dans la masse cérébro-palléale. Cette relation directe entre le ganglion sus-intestinal et le ganglion palléal gauche est typique pour le genre et se rencontre dans toutes les Gyprées; elle est excessivement rare chez les Pro- sobranches. Elle donnerait à elle seule au système nerveux de la Cyprée un aspect caractéristique; elle correspond morphologiquement à la branche anastomotique qui unit à sauche, chez les autres Prosobranches, le nerf branchial antérieur au nerf palléal gauche. C’est un vrai connectif gauche de la zygoneurie. Le ganglion sous-intestinal est très éloigné de la masse cérébro-palléale. Rejeté à droite et en arrière sur le bord de la cavité du corps, ce ganglion (S b) se rattache au ganglion palléal gauche par la branche sous-intestinale de la commis- sure viscérale. La commissure viscérale se ferme en arrière et passe comme de coutume au-dessus du tube digestif. A droite du péricarde, au-dessous de l’orifice du rein, elle forme un oros ganglion viscéral (V). Elle peut former en outre deux autres ganglions viscéraux accessoires, l’un droit (V,), l’autre gauche (V:); ces deux ganglions sont très réduits, fort variables ; ils ne se rencontrent guère que dans la C. arabica et non chez tous les individus. J’en parlerai plus loin avec quelques détails. 214 E.-L. BOUVIER. Je n'ai pu mettre en évidence le connectif de la zygoneurie de la C. arabica; j'ai disséqué ses deux origines sans arriver à les suivre jusqu’au point où elles se réunissent. Ge connectif, pour une raison que j'indiquerai plus loin, est excessivement grêle chez les Cyprées. Pourtant, il est assez bien développé dans la grosse C. cervus, et surtout dans la C. testudinaria, beaucoup plus petite que la précédente. Je l’ai disséqué com- plètement dans ces deux espèces, et j’ai pu conserver les échan- tillons. On le met en évidence sans la moindre difficulté chez la C. testudinaria. Il a son origine dans le ganglion palléal droit, suit un instant le bord postérieur du connectif palléo- pédieux, s’en écarte, envoie une branche aux parois du corps et vient se confondre avec la branche sous-intestinale de la commissure viscérale, un peu avant qu’elle ait atteint le ganglion sous-intestinal. Dans la C. cervus, le connectif est beaucoup plus long et plus grêle, par suite un peu plus diffi- cile à disséquer. Il se détache aussi du ganglion palléal droit, suit le bord postérieur du connectif palléo-pédieux à peu près sur la moitié de sa longueur, plonge dans un faisceau muscu- laire issu des parois droites du corps, abandonne ce faisceau, atteint les parois du corps, se recourbe en arrière, et, tantôt caché, tantôt superficiel, aboutit au bord antérieur du gan- glion sous-intestinal. Le connectif est très difficile à aperce- voir sans dissection quand il est accolé au connectif palléo- pédieux, mais on peut le séparer très facilement de celui-ci en déchirant l'enveloppe conjonctive qui les réunit. Sa dis- section dans le muscle est très facile, quand on la commence à partir du ganglion sous-intestinal. Chez la C. arabica, le connectif est très visible et plonge aussi dans un muscle libre parallèle au connectif palléo-pédieux, c’est dans ce muscle qu’on le perd; il est si grêle, qu’on ne le sépare pas des fibres musculaires. Je pense qu’il va se joindre, après un long cir- cuit, au nerf palléal inférieur droit (#:), mais je ne veux point l’assurer. Il m'est impossible de ne pas signaler ici, dans le plan du système nerveux de la Cyprée, une disposition bizarre qui ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 915 explique, dans une certaine mesure, les faibles dimensions du connectif de la zygoneurie. Cette disposition est caractéris- tique, puisqu'elle appartient à toutes les espèces du genre. Elle consiste dans l’union intime de deux nerfs palléaux dans le lobe inférieur du manteau. L’un de ces nerfs à son origine dans le ganglion palléal gauche, je l'appelle nerf palléal inférieur gauche (#,) ; 1l plonge dans le plancher de la cavité du corps et atteint, sans se ramifier, le lobe inférieur du manteau en avant. L'autre est le nerf palléal inférieur droit (n',), qui se détache du ganglion sous-intestinal et plonge sans se ramifier dans les parois du corps jusqu’au moment où il atteint le lobe inférieur du manteau en arrière. Arrivés dans cette partie du manteau, les deux nerfs marchent à la ren- contre l’un de l’autre et se confondent en formant une anse épaisse, bien visible sans dissection quand on examine le lobe inférieur du manteau sur un individu tué depuis quelque temps ou bien conservé dans l'alcool. Cette anse envoie de très nombreux nerfs au lobe inférieur du manteau et aux ten- tacules qui le tapissent. Ges deux nerfs ont leurs correspon- dants chez les autres Pectinibranches ; le nerf palléal inférieur gauche a généralement la même origine, mais le nerf palléal inférieur droit n’est qu'une branche issue du grand nerf palléal droit. En outre, chez les autres Pectinibranches, l’anastomose se fait normalement par un réseau, tandis qu'elle est directe ici. Toutes ces modifications, fort intéressantes, doivent être attribuées au puissant développement du lobe inférieur du manteau chez les Gyprées. Ganglions cérébroïides. — Les deux ganglions cérébroïdes (C) sont intimement unis sur la ligne médiane, une échan- crure les sépare à peine en avant, il est impossible de distin- guer leurs limites en arrière. Le ganglion droit surplombe le ganglion gauche. Chacun d’eux donne naissance à neuf nerfs, y compris le connectif cérébro-buccal. Ces nerfs forment deux paquets peu serrés; en raison de l’asymétrie à gauche des ganglions cérébroïdes, le paquet droit recouvre le paquet gauche et passe obliquement sur l’œsophage et la masse buc- 916 E.-L. BOUVIER. cale, allant de gauche à droite et d’arrière en avant. Quand la trompe est rtractée, ce qui est le cas le plus fréquent, on voit ce paquet s’étaler sur la trompe et la masse buccale. Les nerfs de la sensibilité spéciale sont au nombre de trois, ils ont leur origine en avant, sur la face supérieure des gan- olions. Le nerf tentaculaire (£) est puissant, 1l se ramifie dans le long tentacule situé à la base de la trompe. La saillie oculaire est sur le bord externe du tentacule, assez loin de la base; le nerf optique (/) est assez fin et parallèle au nerf tentaculaire ; il ne se ramifie pas. Les otocystes (a) sont très éloignées des ganglions cérébroïdes ; elles reposent sur la face supérieure des ganglions pédieux à leur origine, au point où ceux-ci vont se bifurquer. Elles sont asymétriquement situées (c’est ainsi qu’elles se présentaient du moins dans l’exemplaire où je les ai étudiées), car elles sont fortement rejetées à droite, comme l'indique la figure 52. Elles sont très petites et fort difficiles à apercevoir, étant cachées sous le névrilème épais des ganglions. Un cordon fibreux les réunit. Elles ren- ferment une seule otolithe ronde, qui se brise souvent en secteurs radiaux dans les préparations microscopiques. Le nerf acoustique (’) traverse d’abord le névrilème des gan- glions et se rend ensuite aux ganglions cérébroïdes entre les connectifs cérébro-pédieux et palléo-pédieux. On le perd dès qu’il a atteint les ganglions cérébroïdes. Les autres nerfs se détachent du bord antérieur des ganglions. Les deux plus internes sont des nerfs proboscidiens (p,, p.), le suivant est un nerf labial (p:), il est très rapproché d’un autre nerf (p,) à la fois proboscidien et labial, mais surtout labial. Un nerf plus fin (p:) envoie des filets aux muscles rétracteurs de la trompe et aux parois céphaliques. Ganglions pédieux. — Les ganglions pédieux forment deux gros et longs cordons ganglionnaires (P), assez fortement renflés à leur origine. Ils sont situés à la naissance du pied en avant, un peu plus profonds en arrière. Ils sont paral- lèles, peu éloignés l’un de l’autre, un peu plus rapprochés en arrière qu'en avant. À leur naissance dans la région ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 917 élargie, ils sont largement fusionnés sur leur bord interne ; cette union intime des ganglions à leur origine correspond à la commissure pédieuse proprement dite. Les ganglions sont un peu comprimés latéralement, mais je n'ai pu y distin- euer des sillons latéraux comme chez les Haliotides, les Turbo et les Trochus. Outre leur fusion en avant, ils sont unis en arrière par des commissures transverses qui donnent à l’ensemble une apparence assez nettement scalariforme. Ces commissures ne sont pas également écartées et toutes n’ont pas le même diamètre; les unes ont leur origine à quelque distance du bord supérieur des cordons, les plus nombreuses à quelque distance du bord inférieur, il en est même qui sont inclinées par rapport à l'horizontale, une de leurs origines étant rapprochée du bord supérieur, l'autre du bord inférieur. Toutes n’ont pas une direction perpendiculaire à celle des ganglions, il en est qui sont inclinées d'avant en arrière. Certaines commissures sont simples, d’autres émettent des filets nerveux plus ou moins importants. Des sinus sanguins, qui plongent verticalement dans le pied, séparent les commissures les plus antérieures. J'ai trouvé dix commissures dans un exemplaire de C. ara- bica; j'ai pu conserver ces dix commissures intactes dans une préparation qui se trouve actuellement dans les collections du Muséum ; cette préparation est représentée dans la figure 52. Ces commissures sont assez faciles à disséquer, mais on peut en rompre, et je considère le nombre dix comme un minimum très voisin du maximum. J’en ai pu préparer neuf chez la C. cervus. J'ai constaté la présence des cordons pédieux et des commissures dans les autres Cyprées que J'ai étudiées, mais Je n'ai pas déterminé le nombre des commissures. À leur origine, les cordons pédieux sont en relation avec les ganglions cérébroïdes et palléaux par deux connectfs (41, #:) pour chaque cordon. Ces connectifs sont très longs et dirigés transversalement de droite à gauche sur le plancher de la cavité antérieure du corps. Les connectifs gauches sont cachés sous les muscles rétracteurs de la trompe qui les séparent des con- 218 E.-L. BOUVIER. necüis droits. Ces derniers s’aperçoivent sans préparation dans les animaux dont la trompe n’est pas rétractée; chez les autres, on les met en évidence en rejetant la masse buccale et la trompe en avant. Le connectif palléo-pédieux (4) est beaucoup plus gros que le connectif cérébro-pédieux (4). : On peut diviser les nerfs pédieux en deux groupes, ceux qui sont émis par la face supérieure des cordons et ceux qui sont émis par leur face inférieure. Les nerfs pédieux supérieurs sont peu nombreux et peu importants; ils se distribuent dans la partie supérieure du pied, celle qui rattache au corps cet organe. Comme cette partie est plus développée en avant qu’en arrière, les nerfs pédieux supérieurs sont plus déve- loppés dans la portion renflée et antérieure des cordons qu’en arrière. Les nerfs pédieux inférieurs sont très nombreux et fort importants; ils ont leur origine sur la face externe des ganglions, au voisinage de leur bord inférieur. Ils innervent la sole pédieuse, beaucoup plus large en avant qu’en arrière. Dans cette région élargie se rendent de chaque côté deux ou trois gros nerfs qui se ramifient très richement sur les bords du pied. Les autres nerfs pédieux inférieurs ont la même distribution que les précédents, sur les parties latérales du pied; quant à la pointe postérieure du pied, elle est inner- vée par les nerfs qui continuent les cordons pédieux en arrière. Parmi les nerfs issus des ganglions pédieux, il faut citer encore quelques filets qui ont leur origine sur la face interne des cordons, il faut citer aussi le nerf pémial (4). Ce nerf est émis par la partie renflée du cordon pédieux droit, il envoie des rameaux aux muscles situés à la base du pénis avant de pénétrer dans l'organe. Chez une C. cervus mâle, les rameaux de ce nerf contractaient des anastomoses avec les rameaux d’un nerf pédieux supérieur, rameaux qui s’anasto- mosaient à leur tour avec une branche issue du connectif de la zygoneurie. Ganglions palléaux, sous-intestinal et sus-intestinal. — Les nerfs issus de ces quatre ganglions ont entre eux des relations ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 219 si étroites qu'il est impossible de les séparer dans une descrip- tion. | On sait déjà que le connectif de la zygoneurie, très grêle, met en relation le ganglion palléal droit et le ganglion sous- intestinal. Le ganglion palléal droit (G d) n’émet pas d’autres nerfs. Le ganglion palléal gauche (Gg) est beaucoup plus impor- tant. Il envoie d’abord une courte, mais forte branche d’ana- stomose (z')au ganglion sus-intestinal, puis 1] donne naissance à deux nerfs importants. Le premier est le nerf palléo-sipho- nal (m). Il envoie d’abord une forte branche (m.) au bord interne du siphon et au lobe inférieur du manteau en avant. Les rameaux nombreux de cette branche s’anastomosent avec ceux émis par le nerf palléal inférieur gauche (m,). Une autre branche du nerf palléo-siphonal se rend au siphon; quant au nerf lui-même, il va distribuer de nombreux rameaux dans le bord du manteau à gauche, au voisinage du siphon. L'autre nerf issu du ganglion palléal gauche est le nerf palléal inférieur gauche (#,). Ge nerf est presque aussi gros que le précédent; on le voit se diriger en arrière et plonger bientôt dans le plancher de la cavité générale. I traverse obliquement ce plancher et atteint le lobe inférieur du manteau; 1l se dirige alors en arrière dans ce lobe en formant une courbe dont la convexité regarde le bord du lobe; il se continue avec le nerf palléal inférieur droit (#”,) issu du ganglion sous- intestinal. Cette anse appartient, par conséquent, aux deux nerfs, et met en relation le ganglion palléal gauche avec le ganglion sous-intestinal. Elle envoie six ou sept grosses branches dans le lobe inférieur du manteau; ces branches se ramifient abondamment et forment un réseau qui se continue à gauche et en avant avec le réseau du nerf palléo-siphonal. Un nerf columellaire peu développé (/) se détache aussi du ganglion palléal gauche. Outre la branche sus-intestinale de la commissure viscérale, le ganglion sus-intestinal émet deux nerfs importants. Le plus antérieur est le nerf palléo-branchial (,). Il est énorme à 290 E.-L. BOUVIER. son origine, mais se bifurque après un très court trajet. Sa branche antérieure est de beaucoup la plus grosse; elle passe sous l'angle antérieur de la fausse branchie et de la branchie, continue son chemin parallèlement au bord du manteau, le suit en dessus, redescend à droite et ne se ter- mine qu'un peu avant d'arriver à l’anus. Ce nerf innerve presque les trois quarts des bords du lobe palléal supérieur ; il leur envoie de très nombreux rameaux qui s’anastomosent et forment un réseau; il distribue aussi deux ou trois fortes branches anastomotiques au nerf palléo-siphonal. Il passe sous la fausse branchie sans paraître lui donner de nerfs, 1l envoie un rameau à la branchie avant de l’atteindre et deux autres quand 1l l’a traversée. Par son étendue et sa distribu- tion, ce nerf est un des plus intéressants de la Gyprée; c’est aussi un des plus faciles à étudier. L'autre branche de ce nerf est essentiellement branchiale, elle suit le plus grand bour- relet de la fausse branchie et lui envoie d'assez nombreux rameaux, ses autres rameaux se rendent à la branchie. L'autre nerf issu du ganglion sus-intestinal est un nerf branchial (/:) important; il envoie de très nombreux rameaux au bour- relet inférieur de la fausse branchie, d’autres rameaux à la branchie. Reste à étudier le ganglion sous-intestinal (Sb). Il est formé, comme on sait, par la branche sous-intestinale de la commissure viscérale et en relation avec le connectif de la zyaoneurie. Il émet deux nerfs très constants. Le moins déve- loppé est Le nerf palléal inférieur droit (#/,), qui envoie ordi- nairement une branche libre au lobe inférieur du manteau en arrière et va former l’anse palléale dont J'ai parlé plus haut. L'autre nerf est le nerf pailéal droit (#). Il envoie d’abord une forte branche au manteau en arrière de l’anus; l’origine de cette branche est très variable, elle peut se déta- cher fort loin du nerf ou partir du ganglion lui-même; une autre branche va passer sous l’extrémité libre du rectum, le tronc principal se ramifie dans l’angle où se réunissent à droite le lobe inférieur et le lobe supérieur du manteau. Ses ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 291 rameaux nombreux forment un réseau qui se continue, d’un côté avec le réseau du nerf branchio-palléal, de l’autre avec celui du nerf palléal droit inférieur. Ainsi s’établit un réseau absolument continu, qui entoure le corps entier sur le bord du manteau. Ce réseau met en relation les cinq nerfs sui- vants : palléo-siphonal, branchio-palléal, palléal inférieur gauche, palléal inférieur droit, palléal droit. J’ai déjà signalé un pareil réseau chez le Buccin, mais il est loin d’être aussi facile à préparer que dans la Cyprée. Ce qui doit frapper dans cette étude, c’est l'importance excessive qu'ont prise les nerfs palléaux du côté gauche. Ces nerfs sont au nombre de trois : branche antérieure du nerf branchio-palléal, palléo-siphonal et palléal inférieur droit; ils innervent à eux seuls les deux tiers au moins du manteau. Le ganglion palléal droit et le ganglion sous-intestinal ont à peine un üers du bord palléal à innerver. Or le connectif de la zygoneurie n’est qu'un nerf palléal qui passe par le gan- glion sous-intestinal avant d'arriver à son champ de distri- bution; on sait en outre que ce nerf a une importance d’au- tant plus faible que l’animal est plus élevé en organisation, l'importance qu’il perd étant acquise par le nerf palléal droit, issu du ganglion sous-mtestinal. La Cyprée étant un pectini- branche déjà très élevé en organisation, et le tiers seulement du manteau devant être innervé par les nerfs palléaux droits, on ne s’étonnera pas de trouver ici un connectf fort grèle de la zygoneurie, et la Cyprée servira d'exemple, au con- traire, pour montrer l’importance et la stabilité de ce con- neclif. L'anatomie seule ne peut expliquer le développement excessif pris par les nerfs palléaux du côté gauche, mais elle peut donner Îes raisons qui justifient la distribution en appa- rence anormale du nerf branchio-palléal. En général, ce nerf innerve essentiellement la branchie, et les rameaux qu’il envoie au manteau sont Loujours peu nombreux et de faible impor- tance. [ei, c’est précisément le contraire : la branche anté- rieure du nerf, la plus importante des deux, passe sous la 292 E.-L. BOUVIER. fausse branchie (*) sans l’innerver, elle envoie à peine quel- ques rameaux assez grêles à la branchie, etse distribue presque entièrement au lobe supérieur du manteau, dont elle innerve les trois quarts. On expliquera sans peine cette anomalie en remarquant qu'une anastomose courte et forte unit le gan- olion palléal inférieur au ganglion sus-intestinal. Cette bran- che d’anastomose n’est rien autre chose qu’un nerf palléal qui correspond à l’anastomose palléale gauche des autres Proso- branches. Une disposition analogue s’observe dans les Ampul- laires dextres, avec cette différence que, chez celles-ci, e’est le nerf palléal gauche tout entier qui vient passer dans le gan- glion sus-intestinal, tandis que chez les Cyprées c’est sim- plement une forte branche du nerf palléo-siphonal. Mais ce qui s’est produit dans les Ampullaires se produit encore dans les Gyprées, le nerf palléal ne quitte pas le nerf comme il y est entré, il en sort confondu avec le nerf branchial anté- rieur, formant un gros tronc que j'ai appelé nerf branchio- palléal. Alors même qu’il s’est séparé du nerf branchial, il a vardé quelque chose de ses relations ultérieures, et avant de se rendre au manteau, on le voit envoyer quelques filets nerveux à la branchie. Cette interprétation ne saurait être contestée, elle est du reste appuyée par l’existence des anasto- moses nombreuses et puissantes qui s'élablissent entre ce nerf et le nerf palléo-siphonal. Je reviendrai sur cette particularité de la Gyprée pour contester les conclusions de Spengel sur le système nerveux des Mollusques. La commissure viscérale et ses ganglions; ganglions buccaux. — J'ai déjà dit qu’on pouvait trouver trois ganglions sur la commissure viscérale, mais qu’un seul ganglion est constant, les deux autres pouvant disparaître complètement, L'étude des deux ganglions accessoires se rattache imtime- ment à celle des nerfs issus de la commissure viscérale. Au moment où elle quitte le ganglion palléal gauche, la branche sous-intestinale de la commissure viscérale émet un nerf (*) Cest-à-dire entre les feuillets et le manteau qui les porte. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 2928 pariétal (d,) assez fin qui se distribue dans les parois du corps à droite, et les innerve en même temps que certains filets issus du nerf palléal droit. Après avoir quitté le gan- glion sous-intestinal, elle donne naissance à un nerf (#:), à la base duquel se trouve un ganglion accessoire. Le nerf se rend à droite au manteau et à la masse recto-génitale. Dans la GC. arabica, ce nerf peut se trouver à des distances fort variables du ganglion sous-intestinal, et le ganglion peut manquer ; 1l fait toujours défaut quand le nerf est remplacé par deux autres nerfs plus petits. À gauche, les nerfs de la commissure viscérale sont plus nombreux et plus intéressants. Au voisinage et un peu en arrière du ganglion sus-intestinal, elle émet un nerf pariéto- dorsal très fin (e,), un peu plus loin un nerf branchial assez important (b.); ce nerf innerve la partie postérieure de la branchie. Quand elle à atteint l'extrémité postérieure de la branchie, la branche sus-intestinale de la commissure viscé- rale se dirige assez brusquement à droite; mais, avant de se couder, elle émet un nerf branclo-palléal (4:) assez puis- sant qui passe sur le bord postérieur de la branchie, entre celle-ci et le péricarde. A Ia base de ce nerf se trouve parfois un petit ganglion viscéral accessoire. Avant d'atteindre le ganglion viscéral, la branche commissurale émet un ou deux nerfs assez fins (/:) qui se rendent très probablement à l'oreillette. Le ganglion viscéral (V) est triangulaire, en relation par deux de ses angles avec la commissure viscérale. [1 donne naissance à quatre nerfs : le plus important est, sans contredit, le nerf réno-cardiaque (7); il continue le troisième angle du triangle et distribue ses nombreux rameaux dans l'organe de Bojanus ; deux de ses branches rampent sur le péricarde et s’aperçoivent sans aucune dissection chez certains indi- vidus. Je n’ai pu voir si elles serendent au ventricule. À droite, le ganglion émet deux nerfs (72, 7:) de grosseur bien inégale ; ils Imnervent la masse recto-génitale à son origine et une partie du rein. Le quatrième nerf est le grand nerf viscéral (}), 294 E.-L. HBOUVIER. assez peu important ; il a son origine sur la face inférieure du ganglion ; il plonge dans le tortillon sous le rein et se distribue au foie et aux glandes génitales, très probablement. Restent à étudier les ganglions buccaux (B). Le connectf cérébro-buccal (k) a son origine dans les ganglions cérébroïdes parmi les nerfs proboscidiens; c’est le plus externe des nerfs émis par le bord antérieur des ganglions cérébroïdes. Avant d'arriver au ganglion buccal du même côté, 1l devient plus puissant et envoie deux nerfs (s,,s,) aux parois latérales et Infé- rieures de la masse buccale. Le premier de ces nerfs se ramifie très richement au point où la masse buccale se rattache à la trompe. Les ganglions donnent chacun deux nerfs (s,,8:), un en avant et un en arrière. Le nerf antérieur se rend aux mus- cles postérieurs de la masse buccale, le nerf postérieur à Pœso- phage. Les nerfs buccaux ne m'ont pas occupé au même degré que le reste du système nerveux; la description résumée que j'en donne a été faite d’après un individu dont la trompe avait été dévaginée. Cyprœa (Trivia) Europæa Montagu. — Une mention spéciale doit être accordée, dans la famille des Cypræidés, à la petite Cyprée de nos côtes. Les caractères généraux de son système nerveux sont les mêmes que ceux des espèces précédentes, à une différence près : les cordons pédieux scalariformes n'exis- tent plus et sont remplacés par des ganglions pédieux très allongés en arrière et se divisant à leur extrémité postérieure en un faisceau de nerfs qui se distribuent dans le pied. Par ce caractère, les Trivia se différencient des autres Cypræidés et sont plus éloignés de la forme primitive. Du reste, le système nerveux de notre petite Cyprée est excessivement facile à étudier ; il n’est pas dans toute la famille de forme plus commode pour les recherches. Les ganglions sont jaunes, bien espacés (même les centres cérébro-palléaux de chaque côté), dégagés du tissu conjonctif. On peut faire sans difficulté, avec les petites Trivia, d'excellentes prépara- tions microscopiques. Les exemplaires que j'ai étudiés venaient du Pouliguen; je les avais reçus il y à quatre ans, quand Je ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 295 commençai ce travail. Gonservés depuis longtemps dans lal- cool, ils étaient excellents pour la préparation de l’innervation tout entière du manteau, l’anse palléale inférieure notam- meut se voyait sans préparation. Le ganglion sus-intestinal et le ganglion sous-intestinal sont plus éloignés des centres supérieurs que dans les autres Gyprées, et la zygoneurie gauche se voit avec la plus grande facilité. Historique. — Trois savants ont étudié le système nerveux de la Cyprée : Poli et Delle-Chiaje (8) la C. lurida?, Quoy et Gaymard (12) la G. tigris, et Jhering (80) la C. arabica, l’es- pèce même queje viens de décrire. Quoy et Gaymard n'ont représenté que la masse cérébro- palléale. Poli et Delle-Chiaje donnent une figure plus détaillée, assez peu facile à comprendre. On y voit bien représentés les ganglions buccaux, la masse cérébro-palléale, le ganglion palléal gauche, le ganglion sus-intestinal et les relations de ce ganglion avec la masse cérébro-palléale et le ganglion palléal gauche. Le ganglion sous-intestinal est représenté avec ses nerfs, mais ses relations ne sont pas exactement indiquées. Les ganglions pédieux sont arrondis. En somme, malgré son peu de précision et ses lacunes très nombreuses, cette description vaut celle de Jhering, car elle renferme moins d’inexactitudes. Il n’est pas, en effet, de système nerveux qui ait été étudié par Jhering avec aussi peu de succès que celui de la Cyprée. Jhering fait de la Cyprée un type orthoneure, bien qu’il n'ait pas observé le vrai connectif de la zygoneurie. Il prend pour ce connectif un nerf proboscidien rampant sur la trompe rétractée. [l ne pouvait pas observer la commissure viscérale croisée, puisque, d’après ses idées théoriques, la Gyprée devait être orthoneure; aussi n'est-il pas fait mention de cette com- missure m1 du ganglion viscéral. Il n’a pas vu davantage les cordons ganglionnaires pédieux et leurs anastomoses ; il signale pourtant deux nerfs pédieux postérieurs. Sans insister davantage, Je passe à l'étude des parties que Jhering à observées. ANN. SC. NAT., ZOOL., 1881. IL. 19. -— ART. N° 1. 296 E.-L. BOUVIER. Le ganglion sus-intestinal serait pour Jhering un ganglion siphonal très évidemment double, et ayant deux racines sur le cerveau, une grosse et une petite, de sorte que Jhering a confondu les ganglions cérébroïdes avec les ganglions palléaux. En outre, il fait partir trois nerfs (commissure viscérale, nerf branchial et branchio-palléal) du ganglion siphonal, ce qui est exact; mais ces trois nerfs se rendraient tous au siphon, qu’il considère comme un organe sensitif important, à cause de sa richesse d’innervation. Or aucun de ces trois nerfs ne se rend au siphon, et Jhering n’a pas signalé le nerf palléo- siphonal, dont une branche suffit pour innerver l’organe. Jhering a encore été moins heureux, si c’est possible, en étudiant le ganglion sous-intestinal. Puisque le ganglion sus-intestinal est censé ne desservir que le siphon, il faut bien trouver une origine aux nerfs branchiaux. Jhering place cette origine dans le ganglion sous-intestinal, qui se trouve du côté opposé aux branchies. Ce ganglion inner- verait aussi le manteau (il ne dit pas quelle partie), le musele columellaire et l'appareil génital. Il est bien difficile d’être plus éloigné de la vérité. Jhering a décrit exactement les nerfs cérébroïdes principaux, le nerf acoustique et les otolithes. | Par les traits principaux de leur organisation, les Cypræidés se rattachent étroitement à la série des Naticidés. Le pied des Gyprées ressemble à celui des Lamellaires ; très large et tronqué carrément en avant, il s’acumine et se rétrécit en arrière pour former une sole pédieuse triangulaire. Le mufle est identiquement le même dans les Lamellaires et les Cypræidés ; 1l se rétracte à l’intérieur du corps depuis son extrémité, et c’est le caractère qui le différencie d’une vraie trompe. La masse buccale est forte dans les Cypræidés comme dans les deux autres familles ; toutefois, elle est relativement plus développée chez les Cypræidés; d’ailleurs, les connectifs buccaux se rendent directement aux ganglions buccaux chez les Naticidés et chez les Cypræidés ; comme on le verra dans la suite, ce caractère a une véritable importance systématique. ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIIES. 997 Les saillies oculaires des Lamellaires sont simplement exagé- rées dans les Gyprées, et les tentacules sont situés à la base du mufle rétractile. Le jabot glandulaire des Natices est remplacé par un énorme renflement œsophagien dans les Cyprées ; les glandes salivaires sont très réduites, si tant est qu’elles existent chez tousles représentants de ces diverses fanulles. La branchie arquée des Cyprées rappelle singulièrement la branchie des Lamellaires, et surtout des Natices ; quant à la fausse branchie triangulaire et vaste des Gyprées, elle offre un développement semblable à celle des Lamellaires, et une forme à laquelle conduit la courbure antérieure de la fausse branchie des Naticidés. La radule est très sensiblement la même dans les trois familles, et 1l y a beaucoup moins de différence entre la radule d’un Erato et la radule d’une Vélutine qu'entre la radule d’une Vélutine et la radule d’une Natice. Je ne parle pas, bien entendu, de la radule des Lamellaires, qui est anor- male dans une série fort homogène d’ailleurs, mais je ferai simplement remarquer que les anomalies qui se produisent dans un sens chez les Lamellaires se produisent dans un sens radicalement inverse chez les Cypræidés. Ainsi les Lamelleria ont pour formule 1. 1. 4, et les Pedicularia (Cypræidés) 3.1. 1.1.3; dans le premier genre, l’anomalie coïncide avec le puissant développement du manteau ; dans le second, avec le parasitisme. Des ressemblances plus grandes encore, et qui vont jusqu’à la similitude presque complète, sont tirées du système nerveux. Même rapprochement des ganglions cérébroides et palléaux, mêmes relations des ganglions buc- caux avec les ganglions cérébroïdes et du ganglion sous- intestinal avec le ganglion palléal gauche. Dans les grosses Cyprées, le ganglion sous-intestinal est un peu plus éloigné du ganglion palléal gauche que dans les Natices et les Lamel- laires; mais chez les petites espèces de Cyprées, c’est presque identiquement la même chose. Ge qui est plus important, c’est l’existence des deux zygoneuries droite et gauche chez les Gyprées et les Lamellaires, ou tout au moins de la zygo- neurie gauche, qui caractérise les Cypræidés, les Naticidés 998 E.-L. BOUVIER. et les Lamellariidés. La zygoneurie droite est évidemment dans une période de formation chez les Cypræidés; car, si elle existe chez les Cypræa cervus et C. testudinaria, elle fait place à une dialyneurie ‘très voisine de la zygoneurie chez la C. arabica; à ce point de vue, les Cyprées sont intermédiaires entre les Naticidés et les Lamellaridés. Remar- quons enfin, pour terminer, que la coquille est recouverte par un manteau extraordinairement développé chez les Cyprées et les Lamellaires, et que le siphon assez développé des Gyprées est annoncé déjà par le pli siphonal gauche du manteau des Lamellaires. Les différences qui séparent les Gypræidés des Naticidés et des Lamellaires sont beaucoup moins importantes que les res- semblances qui viennent d’être indiquées. La coquille des Cyprées adultes ne ressemble en aucune manière à celle des Natices et des Lamellaires ; mais je ferai remarquer qu’elle ne ressemble pas davantage à celle des Guprées jeunes (coquille oliviforme), et que ces différences sont peu importantes, puisque les Lamellaires elles-mêmes ont d’abord une coquille nautiloïide, puis une coquille épineuse de Carinaire, enfin, à l’état adulte, une coquille de Sigaret. Les cordons ganglion- naires pédieux des Cyprées n’ont pas leurs correspondants dans les Natices et les Lamellaires, mais les Trivia ont déjà des ganglions pédieux concentrés; enfin, les otocystes n’oc- cupent pas la même place chez les Cyprées et chez les Natices, mais elles renferment également une seule otolithe. La conclusion, c’est que les Cypræidés sont les Ténioglosses qui se rapprochent le plus des Naticidés et des Lamella- riidés. Je ne crois pas pourtant qu'ils dérivent des Nat- cidés, mais je pense qu'ils se rattachent aux mêmes formes que les Natices, et, par l'intermédiaire de celles-ci, aux La- mellaires. Ces Rhipidoglosses avaient des cordons ganglion- naires pédieux qui ont disparu chez les Natices et les Lamel- laires, mais que les Oyprées ont conservés. Les Natices apparaissent dans le Trias, les Cyprées dans le Crétacé. M. P. Fischer place les Cypræidés entre les Doludés et les ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 9299 Cassididés, excessivement loin des Natices; Jhering les rap- proche des Lamellaires, mais place les Vélutines et les Lamel- laires dans deux ordres différents. HIPPONYCIDÉS ET CAPULIDÉS (fig. 35). Je n'ai pu, dans ces deux familles, qu’étudier d’une façon très sommaire le système nerveux du Capulus (Pileopsis) hungaricus Linn. sur un des exemplaires bien conservés dans les collections du Muséum. Au point de vue des affinités, ce système nerveux est d’un grand intérêt. Les ganglions cérébroïdes (CG) sont ovoïdes et unis à leur extrémité postérieure par une très courte et très large com- missure; ils donnent naissance aux nerfs du long muñle et aux nerfs tentaculaires et optiques; les connectifs buccaux se rendent directement aux ganglions buccaux (B) en formant un petit coude comme ceux des Natices et des Cyprées. Les ganglions palléaux (Cg, Cd) se séparent des ganglions céré- broïdes par d'assez profonds étranglements. Les ganglions pédieux se rattachent par de longs connectifs aux ganglions cérébroïdes et palléaux; le connectif latéral postérieur est plus gros que l’antérieur; les ganglions pédieux sont un peu plus en arrière que les centres supérieurs et en relation étroite par leur bord interne et postérieur; entre autres nerfs, ils donnent naissance aux nerfs de la languette sous-buccale, qui correspond ainsi au propodium très développé chez les Naticidés. Du ganglion palléal droit se détache la branche sus-intes- tinale de la commissure viscérale qui forme, à une faible dis- tance du ganglion palléal gauche, le ganglion sus-intestinal (Sp), puis se continue en arrière pour former au fond de la cavité palléale, à droite du tube digestif, le ganglion viscéral. La branche sous-intestinale de la même commissure se détache du ganglion palléal gauche et forme le ganglion sous- intestinal ($S b) en arrière du ganglion palléal droit; elle va se terminer ensuite dans le ganglion viscéral. 9230 E.-L. BOUVIER. La zygoneurie gauche n’existe pas, et le nerf palléal gauche (m),1issu du ganglion palléal gauche, s’anastomose avec le nerf branchial issu du ganglion sus-intestinal, avant d'arriver au manteau. Il n’y a pas de zygoneurie à droite, mais le nerf palléal antérieur (2,) issu du ganglion palléal droit, s’anasto- mose directement avec le nerf palléal postérieur issu du gan- glion sous-intestinal. Ainsi, les Capulus sont chiastoneures et dialyneures, mais leur anastomose palléale droite est très voisine de la zygoneurie, car elle se fait au voisinage du gan- glion sous-intestinal. Entre les Natices et les Capulus, il y a la même différence qu'entre un Tympanotomus et un Pota- mides. Les otocystes (0) ont été exactement décrites par M. de Lacaze-Duthiers (64) ; elles occupent, par rapport aux centres, la même position relative que dans les Naticidés et les Lamel- lariidés. L’otocyste renferme une seule otolithe ronde. La branchie a des feuillets aussi saillants mais plus épais que ceux des Lamellaires. La fausse branchie est médiocrement longue, rejetée en arrière, bipectinée et tout à fait analogue par sa structure à celle des Naticidés. Les yeux sont portés par les tentacules eux-mêmes, sans saillie oculaire sensible ; la masse buccale est assez forte, mais rejetée en arrière du mufle proboscidiforme, en arrière même des tentacules. Deux énormes muscles latéraux la rattachent aux parois du corps. Les centres nerveux principaux sont à quelques millimètres en arrière de la masse buccale. Je n'ai pu qu'étudier très superficiellement un exemplaire non déterminé d’Hipponyx, qui se trouvait parmi un envoi d'animaux que M. Defferrière m’a adressé de la Nouvelle- Calédonie. Il était fixé sur une coquille et dépourvu de valve ventrale, sa valve dorsale patelliforme était échancrée en avant. Son muscle columellaire en fer à cheval se continuait inférieurement et sans transition avec le bord épais du pied, également en fer à cheval. Le manteau relie par-dessus les bords internes du muscle columellaire ; il enveloppe le muscle et forme un bourrelet palléal. Le pied se comporte identi- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 931 = quement de la même façon sur la sole ventrale : le fer à cheval inférieur réunit ses bords internes par une mince mem- brane pédieuse, 1l se prolonge aussi en dehors et forme un bourrelet pédieux qui ressemble complètement au bourrelet palléal. L'animal est donc pourvu d’un vrai pied, disposé comme celui des Patelles et des Navicelles, mais ce pied est très mince dans sa région moyenne et se prolonge en un épipodium sur les bords. L’animal est pourvu d’un long mufle proboscidiforme comme les Capulus, mais la masse buccale assez forte est située à l’extrémité du mufle et non plus à sa base comme dans les Capulus; par conséquent la trompe, au lieu d’être acuminée en avant, sera renflée en massue. Les tentacules ont la même forme que ceux des Capulus, les yeux occupent Ia même place. Les différences essentielles sont tirées de la branchie; elle est assez peu développé, arquée, et ses feuillets sont peu élevés, courts et un peu libres à leur extrémité supérieure ; la fausse branchie est filiforme et ondulée. Le système nerveux était assez mal conservé, il m'a paru très franchement dialyneure. La lan- guette sous-buccale est plus développée que dans les Capulus. L'identité presque absolue des deux familles ressort de la description précédente, et je n’ai pas même parlé des affinités très grandes que l’on peut établir entre les deux familles d’après la coquille. Par leur branchie peu développée, et sur- tout par leur fausse branchie filiforme, les Hipponyx ont une organisation inférieure à celle des Capulus. Les deux familles doivent se rattacher à une même forme dont certains individus se seraient fixés, ce qui aurait arrêté leur développement mor- phologique et donné naissance aux Hipponycidés, les autres auraient conservé une existence plus libre et continué leur évolution, ce qui aurait donné naissance aux Capulidés. Cette forme doit se rattacher elle-même à la forme mère dont se détache le rameau des Naticidés, Lamellarndés et Cypræidés. Les affinités avec les Natices et les Lamellaires sont incontestables, mais ces affinités paraïtront avec une bien plus grande évidence quand nous aurons étudié la famille des RO 32 E.-L. BOUVIÉR. Calyptréidés; je renvoie, par conséquent, à létude de cette fami 2. CALYPTRÉIDÉS (fig. 36 et 42). L'Infundibulum tomentosum Montford (Calyptrée tomen- teuse, quelquefois appelée trochiforme, fig. 42), a un mufle médiocrement développé, bilobé et tronqué en avant; il doit être très contractile si l’on juge des dimensions diverses qu’il présente chez les animaux conservés dans l'alcool; la masse buccale assez réduite se trouve à l'extrémité du mufle comme dans les Hipponyx, la saillie oculaire du tentacule est à peine sensible; le pénis est en arrière du tentacule droit; il est extrêmement peu développé. En arrière du mufle, les tégu- ments forment de chaque côté une mince expansion latérale qui a la valeur d’un épipodium, puisqu'elle est innervée par les ganglions pédieux, comme Jai pa m'en assurer sur la Cregidula (fornicata?) Linn. La branchie (Br) recouvre la tête, ses feuillets sont extrêmement longs, filiformes et longuement libres à leur extrémité supérieure. La fausse branchie (br) est située à l'extrémité antérieure de la branchie, au-dessus et un peu à gauche de la tête par conséquent; elle est courte et bipectinée ; par sa structure, elle ressemble à celle des Natices. La cavité palléale est très vaste, et le foie (H) recouvre la plus grande partie de son plancher Jusqu'à une distance assez faible en arrière des centres antérieurs. Ceux-ci sont étroitement groupés autour de l’œsophage, tout à fait à l’extrémité postérieure du cou. Les ganglions cériproïdes (C) sont unis par une courte et large commis- sure. Ils émettent quelques fins nerfs proboscidiens et labiaux et un fort nerf tentaculaire qui détache une branche optique. Le pénis doit très probablement être innervé par les ganglions cérébroïdes, mais il est si réduit que ses branches nerveuses sont fort difficiles à distinguer. Les ganglions buccaux sont unis par une courte commissure, et le connectif buccal, issu des ganglions cérébroïdes, après avoir atteint la masse ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIHES. 933 buccale en avant, pénètre dans celle-ci et revient se terminer en arrière dans les ganglions buccaux. Les ganglions palléaux (Gg, Gd) se séparent des ganglions cérébroïdes par de pro- fonds étranglements, et le ganglion sus-imtestinal (Sp) se rattache au ganglion palléal droit par un connectif très court. La branche sous-intestinale de la commissure viscérale passe transversalement sous les centres supérieurs et, après un court trajet, forme le ganglion sous-intestinal (Sb) au-des- sous et un peu à droite et en arrière du ganglion palléal droit ; le ganglion sous-intestinal se confond largement par son bord antérieur avec ce dernier, pour former une zygoneurie aussi étroite que celle des Lamellaires et des Rachiglosses. L’anse formée par la commissure viscérale croisée est re- marquable par son peu de largeur. Sa branche sus-intestinale se dirige presque directement en arrière, atteint le bord anté- rieur du foie, pénètre dans celui-ci et se dirige alors de gauche à droite pour se terminer dans le ganglion viscéral situé à droite, dans l’angle antérieur du foie, à un millimètre à peine de son bord; quant à la branche sous-intestinale, elle se rend directement du ganglion sous-intestinal au ganglion viscéral; elle est, par conséquent, beaucoup plus courte que la branche sus-intestinale. Le nerf branchial antérieur (), issu du ganglion sus-intestinal, est presque exclusive- ment destiné à la fausse branchie, il à un trajet parallèle à celui du nerf palléal gauche (m) issu du ganglion palléal gauche ; au voisinage du manteau, ces deux nerfs sont si rap- prochés qu’on pourrait les croire confondus ; ce rapprochement excessif ne m'a pas permis de mettre en évidence l’anastomose palléale gauche. La branchie est essentiellement innervée par un gros nerf branchial postérieur (b.,) qui se détache de la commissure viscérale (branche sus-intestinale) au moment où celle-ci pénètre dans le foie. Le nerf se dirige à gauche, se bifurque avant de quitter le foie et innerve par de nombreux rameaux toutes les parties de la branchie qui se trouvent en arrière du foie. On voit par transparence ce nerf dans les ani- maux bien préparés. 934 E.-L. BOUVIER. Dans sa courbe postérieure, la même branche émet un fort nerf hépatique (7) qui se dirige en arrière à la surface du foie. Les nerfs du ganglion viscéral sont beaucoup plus difficiles à étudier, car ils sont très grèles. J’en ai vu deux, un qui se dirige à droite dans la masse recto-génitale, un autre qui se dirige en arrière et pourrait bien attemdre le cœur. Un seul nerf a son origine dans le ganglion sous-intestinal; c’est le nerf palléal droit, issu en réalité du ganglion palléal droit ; il se ramifie dans le bord du manteau à droite (#'). Les ganglions pédieux se rattachent aux ganglions céré- broides et palléaux par des connectifs latéraux très courts et peu épais; les triangles latéraux sont presque aussi étroits que chez les Rachiglosses. Situés au-dessous des ganglions céré- broïdes et séparés de ceux-ci par un œsophage étroit, les gan- glions pédieux sont unis par une courte commissure ; ces ganglions sont très sensiblement ovoïdes. Les otocystes sont en arrière des ganglions pédieux assez loin de ceux-ci; dans la plupart des individus, je les ai trouvées en contact avec la commissure sous-æsophagienne qui unit le ganglion palléal gauche au ganglion sous-intestinal. Elles renferment une seule otolithe ronde. Par son système nerveux, ses expansions épipodiales, sa branchie et sa fausse branchie, le Crutibulum ferrugineum Reeve ressemble presque complètement à l’espèce précé- dente. Le mufle est un peu plus court. Ge qui caractérise ce genre et le rend intéressant, c’est la présence de deux glandes salivaires en tube; chaque glande est simple et sensiblement renflée à son extrémité postérieure. Ces glandes salivaires sont encore peu développées, et il se peut qu’elles existent, mais très rudimentaires, dans l’Infundibuluin tomentosum. Ces glandes n’atteignent pas les colliers nerveux et ne sauraient, par conséquent, les traverser. Chez la Crepidula (fornicata?) Linn. (fig. 36), la masse buccale est plus réduite, mais les deux glandes salivaires sontextrèmement développées et sont renflées fortement en sac à leur extrémité postérieure ; elles ne traversent pas les colliers ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 935 nerveux bien qu’elles s'étendent jusqu'à leur niveau et même plusenarrière. Gette particularité importante donne aux Crépi- dules une certaine analogie avec les Rachiglosses. Le mufle est court et très large dans les Crépidules et la saillie oculaire des tentacules est bien développée; les expansions épipodiales se prêtent très bien à l’étude de l’innervation en raison de leur grand développement; elles reçoivent chacune deux nerfs des sanglions pédieux. La branchie et la fausse branchie rappellent à tous égards les genres précédents. La C. fornicata m'a offert, dans la plupart des individus, une particularité fort instructive. Le système nerveux, qui est presque identique à celui des Infundibulum, est tout à fait semblable à celui des Lamellaires, en ce sens qu’il existe deux zygoneuries, une à droite et une à gauche. Le ganglion sus- intestinal (S p), qui reposesur le ganglion palléal gauche (Cy), se rattache par un connectif (2) à ce dernier ganglion. En réa- lité, ce connectif correspond virtuellement au nerf branchial antérieur, et chez les individus qui présentent cette disposi- tion, le très gros nerf palléal gauche (#) se bifurque au voisi- nage du manteau, et innerve à la fois celui-ci et la fausse branchie; du reste, le ganglion sus-intestinal ne paraît plus donner naissance à un nerf branchial. Il serait curieux de voir si cette particularité ne devient pas un caractère spéci- fique dans les autres Crépidules. Historique et conclusions. — R. Owen a publié une courte monographie de la Calyptrée (14) ; je n’ai pu me la procurer. Macdonald à indiqué des otocystes à une seule otolithe chez les Calyptréidés (49, 52). M. de Lacaze-Duthiers a aussi trouvé une seule otolithe dans le Capulus hungaricus et la Calyptræa sinensis, 11 décrit en outre le nerf acoustique dans ces deux espèces, et donne avec raison au Capulus un système nerveux chiastoneure ana- logue à celui du Cyclostome ; dans la figure, la languette sous- buccale est innervée par les ganglions pédieux (64). Jhering (80) a aperçu et bien dessiné l’anastomose palléale droite si voisine de la zygoneurie dans le Capulus. C’est précisément la 9236 E.-L. BOUVIER. découverte de cette anastomose qui l’a fait ranger le Capulus parmi les Orthoneures. Dès lors Jhering conteste les observa- tions de M. de Lacaze-Duthiers qui aurait pris à tort ce que Jhering appelle ganglion branchial pour un ganglion sus- intestinal. Mais les ganglions branchiaux, siphonaux et supra- intestinaux de Jhering sont une seule et même formation qui est indiquée dans toutes mes descriptions sous le nom de gan- elion sus-intestinal. M. de Lacaze-Duthiers ne s’est donc pas trompé, au contraire ; seulement 1l a disséqué complètement la commissure viscérale croisée que Jhering n’a pas suivie sur toute sa longueur. Après Jhering, M. B. Haller (106) a vérifié l'exactitude des observations de M. de Lacaze-Duthiers relatives à lachiastoneurie, maisilne parle pas de la curieuse anastomose palléale droite. Les Capulidés et Galyptréidés sont des Prosobranches extrè- mement voisins des Naticidés et Lamellariidés; aussi ces différentes familles sont-elles rapprochées dans la plupart des ouvrages malacologiques. Je crois que les raisons principales qui plaident en faveur de ce rapprochement sont tirées de la branchie, de la fausse branchie surtout et du système nerveux. Chose curieuse, la fausse branchie, si caractéristique dans ces deux familles, a été méconnue jusqu'ici; M. P. Fischer (103), qui attribue comme Jhering à la fausse branchie la valeur d’une branchie, dit que ces animaux ont une branchie unique et partant sont dépourvus de fausse branchie. Bien plus encore à été méconnue la fausse branchie des Hipponycidés qui est filiforme. Les Capulidés et les Calyptréidés se rappro- chent des Naticidés et des Lamellaridés par les caractères suivants : 1° branchie, — la branchie des Lamellaires se rap- proche au moins autant de celle des Crépidules que la branchie des Capulus et surtout des Hipponyx; 2° rudule —, la radule des Naticidés offre les plus plus grandes analogies avec celle des Capulidés et des Calyptréidés; entre la radule d’une Natice ou d’une Vélutine et celle d’un Capulus, il y a beau- coup moins de différence qu'entre la radule d’un Capulus et celle d’un Hipponyx; 3° la fausse branchie des Naticidés est ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 237 déjà bipectinée, mais encore peu développée, il en est absolu- ment de même dans les Capulidés et les Calyptréidés ; la seule différence consiste dans la plus grande longueur de la fausse branchie des Naticidés; 4° les expansions latérales du cou se retrouvent avec le même caractère chez les Naticidés et les Calyptréidés; 5° le système nerveux est absolument du même type dans toutes ces familles et caractérisé par un grand rap- prochement des centres antérieurs ; les Naticidés correspondent aux Capulus et aux Hipponyx, les Lamellarndés aux Crépi- dules. Les différences tirées du tube digestif ne sauraient avoir une bien grande importance, puisque les Lamellariidés diffèrent autant des Naticidés, sous ce rapport, que les Capu- lidés et les Calyptréidés. La direction du connectif buccal est la même dans les Capulus et les Natices ; elle diffère considé- rablement de celle qu’on observe dans les Calyptréidés. On devra, par conséquent, réunir dans deux séries naturelles très voisines les Naticidés, Lamellariidés, Gypræidés, Hippo- nycidés, Gapulidés et Galyptréidés. Au point de vue des rela- tions, on pourra croire que ces deuxséries ont le même point de départ, mais qu’elles ont divergé de très bonne heure, gardant des traits communs indiquant leur origine commune. La série des Naticidés sera plus complexe que celle des Hipponycidés, puisque les Gyprées y formeront un tronçon parallèle à celui des Natices et des Lamellariidés. La série des Hipponycidés sera au contraire continue, comprenant successivement les Capu- lidés avec le rameau fixé des Hipponyx, puis les Infundibulum, les Crucibulum et les Crépidules. La paléontologie n'offre dans cette question que des secours peu importants. Ainsi les Hipponyx apparaitraient dans l'Éocène, les Capulus dans le Silurien, les Crucibulum dans le Tertiaire, les Crépidules dans la craie. Il est certain que les Capulus paléozoïques diffèrent des Capulus actuels, et qu'on a dù confondre avec les Capulidés des fossiles rhipidoglosses à coquille patelliforme et capuliforme. Si parmi les animaux vivants, on Compare la coquille d’une Scutelline à celle du Capulus, on verra de très grandes ressemblances, et si ces 938 E.-L. BOUVIER. deux formes ont existé à l’état fossile, on se demande comment feront les paléontologistes pour les distinguer ; or la Scutelline est presque une Fissurelle, c’est-à-dire un rhipidoglosse à deux branchies, à cœur traversé par le rectum, etc., et lon voit à quelles erreurs paléontologiques peut conduire la détermi- nation de ces formes critiques. L'apparition paléontologique des Hipponyx n’est pas du tout en rapport avec leur organisation plus primitive et plus simple que celle des Capulus (fausse branchie filiforme); mais, s’il n’est pas toujours facile de distinguer les Capulus actuels des Hipponyx, d’après la coquille, la difficulté doit être encore bien plus grande quand il s’agit de fossiles. On peut en croire un malacologiste français très expert en ces questions : « Ilest probable, dit M. P. Fischer, qu’un grand nombre de prétendus Capulus devront être classés parmi les Hipponyx, et restent toujours fixés à leur substratum par le muscle adducteur. » La conclusion, c’est que beaucoup de prétendus Capulus paléozoïques sont des Aspidobranches plus ou moins voisins des Patelles ou des Fissurelles, que les autres sont précisément les formes éteintes qui rattachent les formes actuelles à la forme mère et qui devaient être très voisines des Aspido- branches ou aspidobranches elles-mêmes, que les Hipponyx enfin ont dû avoir une apparition sinon antérieure, au moins simultanée à celle des Capulus. Les formes qui nous occupent sont caractérisées par un polymorphisme remarquable qui se manifeste à un degré au moins aussi grand dans les Naticidés, Lamellaridés et Cypræidés. Ge polymorphisme se manifeste jusque dans les organeset conduità de bien curieux rapprochements. La glande spéciale des Rachiglosses, qui correspond à la glande à venim des Toxiglosses, a son équivalent chezles Naticidés ; un carac- tère typique des Rachiglosses, les colliers nerveux non tra- versés par les glandes salivaires, se rencontrent chez les Caly- ptréidés et chez les Calyptréidés seulement ; par le nombre des dents 1.1. 1, les Lamellaires ont la formule normale des ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 939 Rachiglosses ; enfin il est impossible de ne pas être frappé par la ressemblance absolue qui existe entre le système nerveuxsi concentré des Rachiglosses et celui des Lamellaires et des Calyptréidés. Je reviendrai plus loi sur tous ces rapports in- téressants. JANTHINIDÉS Pour la grosse anatomie des Janthinidés, je renvoie à un travail sur les Pténoglosses publié récemment dans le Bul- letin de la Société malacologique de France (118). TI est inutile de revenir ici sur les détails que j'ai relevés dans cette mono- graphie. Je dirai seulement que le mufle proboscidiforme est très développé, la masse buccale énorme; que l’on trouve chez les Janthines deux paires de glandes salivaires en tubes, et que l’œsophage se renfle en un vaste jabot à une faible dis- tance de la masse buccale. Le pied est surmonté par une col- lerette épipodiale non frangée, très développée en arrière. L’organe de Bojanus s’ouvre par une fente en boutonnière au fond de la cavité palléale, la fausse branchie est très longue, étroite, finement bipectinée ; le pénis n’existe pas. J'ai étudié plusieurs espèces de Janthines ; la description suivante s'applique tout spécialement au système nerveux de la Janthina globosa Swainson. Disposition du système nerveux. — Les ganglions céré- broïdes sont rejetés sur les côtés de la tête, au niveau des ten- tacules; une très longue commissure les réunit. De chaque côté, ils sont presque confondus avec le ganglion palléal cor- respondant; l’origine des connectifs et des nerfs permet seule de distinguer la région cérébroïde de la région palléale. Nulle part, Je crois, la fusion n’est poussée aussi loin. Ainsi se forme de chaque côté une masse ganglionnaire en apparence homogène, double en réalité; cette masse envoie en dessous, au ganglion pédieux correspondant, deux connectifs très longs ; le connectif antérieur est le connectif cérébro-pédieux, l’autre est le con- nectif palléo-pédieux. Les ganglions pédieuxsont unis par une longue commissure. Les ganglions buecaux sont placés sur les 240 . E.-L. BOUVIER. deux saillies postérieures de la masse buccale ; la commissure | buccale passe sous l’œsophage, elle est assez longue. On trouve de chaque côté deux connectifs cérébro-buccaux sur lesquels je reviendrai plus loin. Du ganglion palléal droit part la branche sus-intestinale de la commissure viscérale ; elle est d’abord parallèle à la com- missure cérébroïde, puis elle se dirige en arrière et à droite; après un long trajet, elle aboutit au ganglion sus-intestinal, logé à gauche dans les parois du corps, au niveau de la branchie. Ensuite la commissure continue son trajet en arrière, mais en obliquant un peu à droite; elle passe à côté du cœur et se termine dans le ganglion viscéral, situé à droite de Ja ligne médiane, au-dessous de lorifice du rein. La branche sous-intestinale de la même commissure se dirige obliquement à droite et en arrière; elle suit le plancher de la cavité géné- rale et aboutit à droite, dans les parois du corps, au ganglion sous-intestinal ; elle se continue ensuite en arrière jusqu’au œanglion viscéral. Le connectif de la zygoneurie est très long ; il a son origine dans le ganglion palléal droit, suit la paroi droite du corps et se termine dans la branche sous-intestinale de la commissure viscérale, un peu à gauche du ganglion sous-intestinal. À gauche, une branche d’anastomose, courte et forte, unit le nerf branchial antérieur au nerf palléal gauche. Masse ganglionnaire cérébro-palléale. — Mis en relation par une longue commissure qui passe au-dessus de l’œso- phage, à une certaine distance en arrière de la masse buccale, les ganglions cérébroïdes sont appliqués de chaque côté contre les parois céphaliques à la base des tentacules, si bien que le nerf tentaculaire plonge presque immédiatement dans les tissus après avoir quitté le ganglion cérébroïde du même côté. Tous ces caractères rappellent les Aspidobranches. De chaque coté, une seule masse ganglionnaire renferme un ganglion cérébroïde et un ganglion palléal ; à droite, la séparation des deux ganglions est à peine indiquée ; elle ne l’est pas du tout à gauche. Ces deux masses sont loin d’avoir la mème forme ; ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 941 celle de droite est ramassée et quadrangulaire ; celle de gauche est allongée et triangulaire. Ces différences de forme doivent être attribuées, pour une faible part aux différences de formes qui caractérisent les ganglions palléaux, pour une part beau- coup plus grande aux différences dans le degré de concen- tration des ganglions cérébroïdes et des ganglions palléaux. Cette interprétation est justifiée par la symétrie absolue qui existe dans le nombre et l’origine des nerfs issus des ganglions cérébroiïdes des deux côtés. Chaque ganglion cérébroïde donne naissance à trois nerfs proboscidiens. L’un d’eux innerve presque exclusivement les parois supérieures du mufle ; c’est à peine si quelques-uns de ses filets atteignent le bord supérieur; il a son origine sur le ganglion à la base de la commissure cérébroïde. Les deux autres se détachent du même bord, mais au-dessous du nerf précédent; leurs très nombreux rameaux se distribuent, en partie aux parois inférieures du mufle, en partie aux lèvres ; elles contractent entre elles des anastomoses très variables en nombre et en position. A la base du nerf inférieur, le ganglion émet un fin nerf qui se dirige en bas; plonge dans les tissus et se dirige vers son congénère du côté opposé. Je ne sais si une anastomose existe entre ces deux nerfs ; 1l m’a été impossible de la mettre en évidence. Le nerf tentaculaire est le plus puissant de tous les nerfs cérébroïdes ; il a son origine sur la face externe des ganglions, plonge dans les tissus situés à la base des tentacules, leur envoie quelques rameaux etse divise en deux branches iné- gales. La petite se rend dans le petit tentacule où elle ne parait pas se ramifier; elle correspond morphologiquement au nerf optique, quoique l'œil fasse défaut chez les Janthines. La grande se ramifie, au contraire, abondamment dans le tenta- cule et s’atténue à mesure qu’elle approche de son extrémité. Les otocystes n'existent très probablement pas. J'ai dit plus haut que deux connectifs se rendaient de chaque côté des ganglions cérébroïdes aux ganglions buccaux. L'un d’eux se détache du bord inférieur des ganglions, immé- ANN. SC. NAT., ZOOL., 1881. IL. 16, — ART. N° 1. 249 £.-L. RBOUVIER. diatement en avant du connectif cérébro-pédieux, l’autre, du bord supérieur en arrière de la commissure céréboïde. [ls sont donc séparés à leur base par toute la largeur des ganglions cérébroïdes. De tous les Prosobranches étudiés jusqu'ici, la Janthine est le seul qui possède deux connectifs allant aux ganglions buccaux. : Les connectifs palléo-pédieux ont leur origine sur le bord inférieur des ganglions palléaux. Ils donnent naissance tous deux à un nerf pariétal qui se ramifie abondamment dans les parois du corps, au niveau et en arrière des tentacules; leurs branches les plus avancées s’anastomosent très nette- ment avec les rameaux les plus reculés du nerf proboscidien supérieur. Le ganglion palléal droit sert en outre de point de départ au connectif de la zygoneurie et à la branche sus-intestinale de la commissure viscérale. Le connectif de la zygoneurie ne se ramifie pas dans la J. globosa; mais, avant d’atteindre la com- missure viscérale, il envoie une forte branche aux parois du corps à droite, dans la J. trochoidea Reeve et la J. plami- spirata Reeve et Adams. Le ganglion palléal gauche, de son côté, sert de point de départ au nerf palléal gauche et à la branche sous-intestinale de la commissure viscérale. Le nerf palléal gauche est mor- phologiquement l’homologue du connectif de la zygoneurie ; 1l se dirige en arrière en suivant les parois gauches du corps et, au niveau du ganglion sous-intestinal, se courbe brusquement à gauche, envoie un court rameau d’anastomose au nerf bran- chial antérieur, et va se distribuer dans le bord du manteau à gauche. Le nerfcolumellaire à son origine sur la branche sous-intestinale de la commissure viscérale, à une grande distance du ganglion palléal gauche. La commissure viscérale et ses ganglions. — Le ganglion sus-intestinal est très sensiblement piriforme , sa base élargie est tournée contre la branchie, c’est elle aussi qui donne naissance aux nerfs branchiaux. Ces nerfs sont au nombre de trois : le nerf branchial antérieur est Le plus puissant de tous ; ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 943 la branche anastomotique qu’il envoie au nerf palléal gauche est si courte et si rapprochée du ganglion, que la Janthine réalise presque la zygoneurie gauche, comme les Ampullaires dextres. Il n’est pas démontré que ce nerf envoie des rameaux à la fausse branchie ; les deux branches de sa bifurcation innervent l’extrémité antérieure de la branchie, la branche antérieure innerve aussi le manteau. Le nerf branchial postérieur se distribue à la branchie en arrière. Au milieu, la branchie reçoit deux rameaux issus du nerf branchial moyen ; mais ce nerf est essentiellement destiné à la fausse branchie, et son tronc principal aboutit au milieu de l’organe où il se termine brusquement. Le ganglion sous-intestinal est fusiforme ; il se continue à ses deux extrémités avec la commissure viscérale, sur son bord externe, avec le nerf palléal droit. Ce nerf innerve richement le bord du manteau à droite, et envoie une branche marginale au bourrelet inférieur de celui-ci. Avant de pénétrer dans le manteau, 1l envoie en avant une branche aux parois droites du corps. Cette branche n’existe pas à gauche; par sa distribution elle remplace le nerf pariétal, issu du connectif de la zygo- neurie, dans les J. érochoidea et planispirata. Un autre nerf palléal droit plus réduit se détache aussi du ganglion sous- intestinal, il innerve le manteau en arrière du précédent. Entre le ganglion sous-intestinai et le ganglion viscéral, la branche commissurale droite envoie au manteau et à la masse recto-génitale trois nerfs importants, assez rapprochés du ganglion sous-intestinal. On trouve aussi quelques autres filets nerveux trop fins pour être utilement suivis. Le ganglion viscéral est sensiblement triangulaire ; les nerfs qu'il émet sont très difficiles à disséquer ; ils sont au nombre de trois : le nerf rénal suit le fond de la chambre palléale et se bifurque avant d'arriver à l’orifice rénal. Le grand nerf viscéral est plus difficile à découvrir, caril est plus profondément situé ; après un court trajet, 1l plonge dans le foie au-dessous du rein et innerve les principaux viscères du tortillon. Un autre nerf, plus fin, innerve la base de la masse recto-génitale. e 244 E.-L. BOUVIER. Quels sont maintenant les nerfs cardiaques ? Je n'ai pas réussi à les trouver, et je ne pense pas que le nerf rénal envoie des rameaux au cœur. J’ai trouvé deux filets nerveux qui se détachaient de la branche commissurale gauche, entre le ganglion sus-intestinal et le ganglion viscéral ; ils se dirigearent en arrière vers le cœur, mais 1l m'a été impossible de les suivre jusqu’à cet organe. Ganglions pédieux. — Les ganglions pédieux sont très sen- siblement triangulaires ; unis par une longue commissure, ils reposent sur le plan supérieur du pied, recouverts par des faisceaux musculaires qui se terminent en arrière dans le muscle columellaire. [ls reçoivent de chaque côté deux con- nectifs venant, l’un des ganglions cérébroïdes, l’autre des ganglions palléaux. Très distincts à leur origine, et sur une grande partie de leur longueur, ces connectifs se réunissent parfois avant d’avoir atteint les ganglions pédieux. Chaque ganglion pédieux donne essentiellement naissance à trois nerfs importants. Deux de ces nerfs sont affectés au pied, l’autre à l’épipodium. Ce dernier a son origine sur le bord externe des ganglions, à quelque distance des connectifs ; il se dirige en arrière en suivant la ligne d'attache, sur le pied, de l’épipodium; il envoie en dehors et en dedans de très nombreuses branches à cet appendice pédieux. Ge fait est important. Chez les Aspidobranches, il est relativement dif- ficile de fixer l’origine des nerfs épipodiaux, parce que les ganglions pédieux ne se séparent pas nettement des ganglions palléaux; chez la Janthine, au contraire, la séparation est aussi nette que possible. Nous pouvons donc établir, avec notre mollusque, un point très contesté jusqu'ici, à savoir que l'épipodium est innervé, chez la Janthine, par les ganglions pédieux, d’où il résulte que, dans ce genre, il faut le consi- dérer comme une dépendance du pied, et non comme un dédoublement du manteau. C’est en arrière, dans la région où 1l offre la plus grande surface libre, que l’épipodium est le plus développé. Ganglions buccaux. — Les ganglions buccaux sont sensi- ® ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 245 blement ovoïdes; ils reposent sur les masses musculaires laté- rales et postérieures de la masse buccale. Une longue com- missure sous-æsophagienne s'étend de l’un à l’autre. Les deux connectifs cérébro-buccaux aboutissent de chaque côté au bord externe des ganglions. L’un d’eux ne donne pas de ramifications, et aboutit purement et simplement au gan- glion; l’autre, beaucoup moins épais, paraît au contraire se comporter comme un nerf issu des ganglions cérébroïdes, qui enverrait une très courte branche d’anastomose dans le ganglion, et se continuerait ensuite pour se ramifier plus loin. Ce connectif se comporte, en effet, comme un nerf buccal très rameux, issu des ganglions cérébroïdes. Avant de s’anastomoser avec le ganglion buccal, on le voit envoyer deux filets nerveux qui s’épanouissent sur le paquet formé par les deux tubes sali- vaires de chaque côté. Au point même où s'effectue l’anasto- mose, naît un autre nerf qui se comporte de même. Après avoir dépassé en avant les ganglions buccaux, le connectif devient un vrai nerf qui se bifurque, envoie une de ses branches à l’œsophage (une branche récurrente, par conséquent), l’autre branche se distribue aux faisceaux musculaires qui occupent la face supérieure de la masse buccale. L’innervation des glandes salivaires est complétée par le nerf buccal externe. Avant d'envoyer ses trois rameaux prin- cipaux dans les parois supérieures, latérales-et inférieures de la masse buccale en avant, ce nerf envoie une branche assez forte à la partie antérieure des glandes salivaires. Le nerf buccal moyen n’est pas superficiel comme le précé- dent, et ses deux branches principales plongent bientôt dans les muscles de la masse buccale. La branche antérieure, la plus forte, va se ramifier dans les muscles compris entre les replis de chaque lame radulaire; la branche postérieure se dirige au-dessous et en arrière dans la bosse musculaire qui termine en arrière la masse buccale, et c’est dans cette masse musculaire très accentuée qu'il se ramifie. Toutefois, c’est la partie inférieure seulement de la bosse qui est innervée par cette branche; la partie supéricure est innervée par le nerf 246 E.-L. BOUVIER. buccal interne, dont l’origine sur le ganglion est au voisinage de la commissure buccale. Dès sa base, le nerf buccal interne envoie un rameau aux muscles profonds qui unissent les deux lames radulaires. Je n’ai trouvé qu’un seul connectif de chaque côté, dans la J. trochoidea. Historique et conclusions. — Cuvier (6) a représenté quel- ques-uns des ganglions nerveux de la Janthine. Garner en a donné un dessin et une description très estimable et voisine de la vérité, en dépit des erreurs qui auraient pu facilement être évitées (18). Jhering a donné du système nerveux de la J. pla- nispirata une description qui peut passer, je crois, pour une de ses meilleures. Il a décrit exactement la plupart des nerfs issus des centres antérieurs et pédieux, surtout ceux qui se rendent à l’épipodium. Mais il fait de la Janthine un type orthoneure, omet de signaler la position un peu anormale du connectif de la zygoneurie, et ne signale pas la très instruc- tive anastomose palléale gauche qui fait de la Janthine un type presque deux fois zygoneure. Je n’ai pas plus trouvé les yeux que les otocystes, et Jhering, Quoy et Gaymard (12) n’ont pas été plus heureux que moi. Mæreh (51) dit que Lesson et Rang placent les yeux à l'extrémité des petits tentacules (Rang les a même dessinés), tandis que d’Orbigny les place à leur base externe. Macdonald a trouvé des otocystes dans une espèce de Janthine qu’il ne désigne pas; elles renferment une seule otolithe (52). Comme la plupart des animaux pélagiques, les Janthines présentent des caractères complexes qui rendent l’étude de leurs affinités difficile. Guvier les rangeait parmi les Tro- choïdes, Woodward à côté des Haliotides ; Gray les plaça d’abord parmi les Ptéropodes, les frères Adam et Chenu parmi les Hétéropodes. Troschel (41) à tranché la question en les mettant, d’après leur seule radule, dans un groupe formé tout exprès pour des formes difficiles à classer et d’ailleurs mal étudiées, le groupe des Pténoglosses. Macdonald (42, 52), de son côté place, comme Troschel les Janthines, les Scalaires ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIIES. 947 et les Solarium dans une même section de son tableau ; d’après lui, les Scalaires seraient plus voisines des Solarium en raison de leur coquille et de leurs otolithes nombreuses ; il pense, d’ailleurs, que ce groupe permettra d'établir un passage aux Opisthobranches. Nous avons vu, enfin, que M. P. Fischer a démembré le premier le groupe des Pténoglosses en plaçant les Solarium parmi les Ténioglosses. J’ai suivi son exemple en m'appuyant sur des raisons multiples; et j'ai fait remar- quer que si l’on enlève les Solarium du groupe des Pténo- glosses, les Scalaires doivent les suivre de bien près, car les affinités entre les deux genres, signalées par Macdonald, sont incontestables. En somme, Troschel n’a fait que tourner la difficulté; ayant à déterminer les affinités d’un groupe aberrant, il a employé un moyen artificiel et réuni des formes disparates d’après leur radule. Si la radule normale est un excellent caractère de classification qui permet d'établir des groupes bien naturels, il n’en est pas de même des radules aberrantes si l’on s’en tient à elles seules, car il faudrait séparer les Lamellaires des Vélutines, puisqu'elles n’ont plus que trois rangées de dents comme les Rachiglosses, séparer les Drillia des Pleurotomes, puisqu'elles ont eimq rangées de crochets au lieu de deux, les Pedicularia des Cyprées, puisqu'elles ont neuf rangées de dents au lieu de sept, placer dans trois groupes différents la Turri- tella acicula (0. 4. 1.1.0), la T. ungulina (2. 1. 1.1. 2) et la T. triplicata (3. À. 1. 1. 3), enfin séparer les Ovules des Cyprées, à cause de leurs dents marginales pectiniformes. Il nous reste, par conséquent, à chercher les affinités des Janthines. Elles ne présentent aucun caractère commun avec les Solaridés, pas même les caractères tirés de la radule, car cet organe est essentiellement différent dans les deux familles. Avec les Scalaridés, elles présentent en commun la forme des dents, jusqu’à un certain point celle du pied, et surtout la présence de deux paires de glandes salivaires en tubes, une grande et une petite ; la fausse branchie des Scalaires offre beaucoup de ressemblance avec celle des Janthines. D'ailleurs, 948 L.-L. BOUVIER. dans ces caractères communs s’introduisent des différences essentielles : la masse buccale et la radule sont extrêmement réduites dans les Sealaires, énormes dans les Janthines, enfin le pied des Janthines est muni d’un grand voile épipodial qui manque aux Scalaires. fn - Les analogies avec les Trochoïdes sont nulles; on en pour- rait trouver quelques-unes avec les Ampullaridés et les Céri- thidés, surtout avec le Ceratoptilus lævis, dont le système nerveux présente de grandes analogies avec celui des Jan- thines. On en trouverait de bien plus grandes avec les animaux de la série des Naticidés : 1° même mufle rétractile tenant le milieu entre le mufle simplement contractile et la trompe; 9 même position des tentacules à la base du mufle et large- ment séparés; 3° branchie presque identique caractérisée par des feuillets triangulaires épais, plissés sur leurs faces, large- ment fixés par leur base, très élevés dans les Janthines, un peu moins dans les Natices; 4° même fausse branchie allongée, un peu moins bipectinée chez les Janthines que chez Îles Natices, un peu plus arquée chez les Natices; 5° énorme ren- flement œsophagien dans les Natices, les Cyprées et les Jan- thines; le renflement des Janthines est presque identique à celui des Gyprées, mais celui des Natces se présente sous la forme d’un sac dépendant de l’œsophage; 6° système ner- veux deux fois zygoneure dans les Lamellaires et dans les Cyprées, une fois seulement dans les Natices (à gauche), zygoneure à droite et presque zygoneure à gauche chez les Janthines; toutefois le système nerveux des Janthines est essentiellement distinct par la longueur des commissures cérébroïdes et pédieuses; le ganglion sus-intestinal est très éloigné du ganglion palléal droit dans les Janthines, un peu moins dans les Natices; il en est de même du ganglion sous- intestinal; 7° otocystes renfermant une seule otolithe chez les formes qui en sont pourvues; 8° absence des yeux dans les Janthines et les Natices; 9° pied divisé comme celui des Natices en un propodium et un métapodium; c’est le propo- dium des Janthines qui se reploie pour saisir les bulles d’air ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIHES. 249 renfermées dans le flotteur, c’est lui qui se rabat sur la coquille en avant chez les Natices; l’épipodium postérieur des Jan- thines a pour homologue les deux voiles épipodiaux latéraux des Naricidés, prosobranches très voisins des Naticidés. Sans doute, le pied des Natices est énormément plus développé que celui des Janthines, mais il est déjà très réduit chez les Nari- cidés et les Lamellaires ; vue par la face ventrale, la sole pédieuse des Janthines est triangulaire, tronquée en avant, et ressemble tout à fait à celle des Lamellaires et des Cyprées. De tous les caractères tirés de la coquille, un seul permet de différencier complètement les Janthinidés des Naticidés: c’est l'échancrure du labre si peu développée d’ailleurs dans beaucoup de Janthines; l’épaisse coquille des Natices est mince dans les Narica, très mince chez les Lamellarndés, enfin l’ombilic des Natices est souvent recouvert (Ampullina ou très étroit (Sigaretus) ou nul (Lamellarndés). Les carac- tères différentiels les plus importants sont tirés des glandes salivaires très caractéristiques chez les Janthimidés, et sur- tout de la radule, qui est franchement ténioglosse dans les Natices, franchement pténoglosse dans les Janthines. Mais on se demandera s’il faut accorder une grande importance à la radule anormale dans un groupe qui présente à ce point de vue des anomalies considérables dans la forme et le nombre des dents (Lamellaires, Pédiculuires) (). En présence d’une série aussi polymorphe que celle des Natices (Natices, Cyprées, Lamellaires, Vélutines), mais manifestement homogène en dépit de certains caractères aberrants, on se demande s’il serait bien téméraire d'ajouter à cette série une forme pélagique, celle des Janthinidés. Si l’on accorde de l’importance à la réunion d’un grand nombre de caractères et non à un seul, on n’hésitera pas à le faire, en (*) 1l est très probable que la saillie arrondie interne qui forme presque une cuspide dans les Janthines n’est qu'une proéminence du talon; or, si l’on supprime les trois cuspides latérales dans une dent latérale de Natica moni- lifera, il restera une dent de Janthine. Cette suppression des cuspides est un fait fréquent, elle est normale et peut se produire, non seulement dans une même famille, mais dans un même genre. 950 E.-L. RBOUVIER. remarquant toutefois que nos connaissances sont encore fort restreintes et que des rapports étroits pourront être précisés dans les études ultérieures, peut-être avec les Scalaridés. Si, comme le dit Spengel (89), les Hétéropodes sont chiasto- neures comme les Prosobranches, c’est dans ce groupe qu'ils viendront se ranger comme annexe, et DENLE Nue par l’inter- médiaire des Janthinidés. On pourrait tirer à ce sujet de très utiles comparaisons entre le groupe des Natices et le groupe des Hétéropodes, et trouver des analogies dans le pied, la masse buccale, la position et la nature des otocystes. Je ferai seulement remarquer que les feuillets branchiaux de la Cari- naire ressemblent à ceux de la Janthine, que les glandes salivaires sont en tubes dans les deux genres, que les tenta- cules sont assez semblables, que la masse buccale est très développée et le jabot très proéminent. Spengel (89) a exac- tement considéré les deux ganglions abdominaux de la Cari- naire comme les correspondants des ganglions sus-intestinal et sous-intestinal des Prosobranches et le ganglion anal comme un ganglion viscéral; il a admis en outre que les ganglions palléaux sont confondus avec les ganglions pédieux; mais le fait est assez rare chez les Ténioglosses (Ampullaire, Cyclophore) pour qu’on se demande si les ganglions palléaux ne seraient pas plutôt normalement confondus avec les gan- glions cérébroïdes. Ces ganglions sont aussi manifestement bilobés de chaque côté que les ganglions pédieux et en relation avec les ganglions sus-intestinal et sous-intestinal, au moins chez la Carinaire, aussi bien que les ganglions pédieux. Aux arguments données par Spengel pour indiquer une torsion de la commissure viscérale dans les Hétéro- podes, je crois devoir ajouter les suivants qui me paraissent compléter utilement les siens. Milne Edwards (19) dit que le ganglion anal (viscéral) de la Carinaire est situé sur la face inférieure de l'abdomen, ee qui implique nécessairement une position dorsale par rapport au tube digestif; en outre, dans une figure représentant l'extrémité de la commissure viscérale avec ses trois ganglions, la commissure est manifestement ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 251 croisée. Il en est de même sur la figure du système nerveux de la Firola Fredericiana donnée par Leuckart (53) ; la torsion est manifeste; en outre, dans deux figures représentant le nucléus viscéral et ses nerfs dans la Firoloides Lesueuri et la Firola mutica, le même savant montre, avec toute l'évidence possible, que les ganglions terminaux de la commissure viscé- rale sont au-dessus du tube digestif, dans l’anse que forme ce dernier en se rendant à l'anus. Or, dans une commissure viscérale droite, ou si l’on aime mieux avec un système nerveux orthoneure, il est impossible que les ganglions viscéraux postérieurs soient sur la face dor- sale du tube digestif. Si l’on suppose une longue commissure viscérale orthoneure avec trois ganglions viscéraux posté- rieurs rapprochés comme dans la Carinaire, de deux choses l’une : si l’on déplace ces ganglions du côté droit de manière à amener le ganglion médian sur la face dorsale de l’intestin, la branche droite et le ganglion viscéral droit iront à gauche par- dessus le tube digestif, la branche gauche etle ganglion viscéral gauche iront à droite par-dessus, et il y aura croisement ; si le mouvement s'effectue du côté gauche, ce sera l’inverse, mais le croisement des deux branches se produira encore. Dans le cas du mouvement à droite, le ganglion viscéral droit deviendra gauche et correspondra au ganglion sus-intestinal des Proso- branches, le ganglion viscéral gauche deviendra droit et correspondra au ganglion sous-intestinal, le ganglion médian restera le ganglion viscéral des Prosobranches. En outre, la commissure étant très longue et les ganglions sus-intestinal et sous-intestinal très éloignés des origines de la commissure, le croisement devra être presque insensible. Dans la Patelle, les ganglions sus-intestinal et sous-intestinal sont très rapprochés du ganglion viscéral, et la torsion de la commissure esttrès peu marquée; or la disposition offerte par la Patelle est exagérée dans des proportions énormes chez les Hétéropodes, le croisement doit être à peine distinct et la torsion de la commissure ne peut être indiquée que par la position des ganglions viscéraux postérieurs au-dessus de l'in- 959 E.-L. RBOUVIER, testin. Ges ganglions occupant en effet cette position, la chiastoneurie des Hétéropodes s'impose absolument. Dès lors, si la torsion ou, ce qui revient au même, le déplace- ment s’est effectué du même côté que dans les Prosobranches, c’est-à-dire du côté droit, le ganglion situé à gauche, ou sus- intestinal, devra innerver la fausse branchie (organe cilié) des Hétéropodes. C’est ce qui résulte, en effet, des observations et des figures de Leuckart. Dans la Carimaire, d’après Gegen- baur (32), c’est le ganglion du côté droit qui innerve l'organe cilié, et l’on ne peut attribuer cette différence qu’à une torsion moins avancée ou à une erreur d'observation. D'ailleurs, le système nerveux des Hétéropodes demande encore des études sérieuses ; Leuckart n’a pas trouvé de com- missure entre les ganglions cérébroïdes et les ganglions sus- intestinal et sous-intestinal, ceux-ci se rattachant directement et seulement aux ganglions pédieux, qui seraient alors néces- sairement palléo-pédieux, comme le dit Spengel. C’est un point important à vérifier, mais qui est tout à fait indépendant des conclusions précédentes, puisque celles-ci seront les mêmes, que la longue commissure viscérale naisse des ganglions cérébroïdes ou des ganglions pédieux. En admettant même que le système nerveux des Hétéropodes soit un peu différent de celui des Prosobranches typiques, la raison ne serait pas suffisante pour les éloigner des Proso- branches, et dans les Prosobranches, des Ténioglosses dont ils se rapprochent énormément. Les Rhipidoglosses orthoneu- roides sont bien plus modifiés par rapport aux Turbo et on les place néanmoins dans le même groupe. On doit agir de même pour les Hétéropodes. RACHIGLOSSES TURBINELLIDÉS ET FUSIDÉS M. J. Defferrière m’a envoyé plusieurs beaux échantillons de Turbinelles de la Nouvelle-Calédonie. J'ai commencé l'étude ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 253 de la T'urbinella polygona Lamarck, et je relève ici les traits principaux de son organisation. Les Turbinelles ont une trompe extrèmement longue et un siphon bien développé. La masse buccale est très réduite, mais on distingue à la base de la trompe, immédiatement en avant des cenires nerveux, un petit renflement œsophagien qui se rencontre, du reste, dans les autres Rachiglosses. Les glandes salivaires en grappe sont fortement développées et situées sur les côtés des centres nerveux antérieurs : leurs conduits ne traversent pas les colliers nerveux. Une très longue glande spéciale impaire, en tube fort large et de diamètre très irré- guher, s’étend en arrière parallèlement à l’œsophage et s’ouvre dans celui-ci un peu en arrière des centres nerveux antérieurs. Ces derniers, par leurs relations, rappellent presque com- plètement ceux des Pyrules : les ganglions cérébroïdes et palléaux sont réunis en une masse sus-æsophagienne dans laquelle de simples étranglements séparent seulementles gan- glions. Les ganglions pédieux sont relativement assez éloignés des centres supérieurs et les triangles latéraux sont beau- coup plus larges que ceux des autres Rachiglosses. Le gan- glion sus-intestinal est situé à gauche de l’æsophage, rattaché au ganglion palléal droit par une portion assez courte de la branche sus-intestinale de la commissure viscérale. Le ganglion sous-intestinal est un peu plus éloigné des ganglions palléaux que celui des Pyrules ; sa forme est identiquement la même que dans ce dernier genre ; il est relativement assez éloigné du ganglion palléal gauche, et le court connectif dela zygoneurie aboutit au connectif palléo-pédieux droit. Les ganglions buccaux se rattachent par de très courts connectifs aux gan- glions cérébroïdes ; leur commissure est peu développée. Du même envoi de la Nouvelle-Calédonie, j'ai également étudié la Fasciolaria filamentosa Lamarck. Dans une des- cription sommaire du système nerveux, je ne ferais que répéter mot pour mot la description du F. syracusanus, de M. B. Hal- ler (95). Je renvoie à cet auteur. Je dirai seulement que les ganglions pédieux, cérébroïdes, palléaux, sus-intestinal et 954 E.-L. BOUVIER. sous-intestinal sont beaucoup plus rapprochés que dans l’es- pèce précédente et même beaucoup plus que dans la Pyrule. Les glandes salivaires en grappes n’offrent rien de particulier ; mais, si la glande spéciale ressemble à celle des Turbinelles, elle est beaucoup moins développée. On n’attribuera, du reste, à ce dernier caractère qu’une valeur toute relative, car j'ai vu cette glande impaire offrir des volumes très variables dans le Buccin. Historique et conclusions. — ai déjà cité le travail de B. Haller (98) sur le Fusus syracusanus ; Jhering se contente de dire que le système nerveux du F. antiquus est presque com- plètement semblable à celui du Buccin (80). Souleyet (27) à donné une figure d’un Turbinellidé, la Pyrula (Semifusus) tuba, mais il serait très difficile d’interpréter cette figure. Le système nerveux des Turbinelles ressemble presque com- plètement à celui des Pyrules; sil est un peu plus condensé d'un côté (rapprochement plus grand des centres antérieurs et du ganglion sus-intestinal), il Pest beaucoup moins de l’autre (longueur des connectifs latéraux et plus grand éloi- gnement du ganglion sous-intestinal). Ce sont là des différences secondaires qui n’altèrent en rien l'identité du plan. Ce qui est plus important, c’est le rapprochement excessif des gan- olions buccaux et cérébroïdes. Dans la Pyrule, ces ganglions sont situés sous la masse buccale, c’est-à-dire fort loi des sanglions cérébroïdes; ici, ils sont presque en contact avec eux. Gette différence est importante, car elle est commune à tous les Rachiglosses, et se joint à plusieurs autres caractères qui sont exclusifs ou presque exclusifs à ces derniers : réduc- tion considérable de la masse buccale, radule rachiglosse, renflement œsophagien en contact avec les centres nerveux, glandes salivaires dont les conduits passent en dehors des centres nerveux, glande spéciale impaire. De tous ces carac- tères, les plus importants sont à coup sûr ceux relatifs au rapprochement des centres buccaux et à la position des con- duits salivaires par rapport aux centres nerveux; les autres sont accessoires. En effet, la masse buccale est déjà extrème- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 955 ment réduite dans les Pyrules, et ces dernières sont pourvues d’un puissant renflement œsophagien qui correspond proba- blement à la glande impaire des Turbinelles. Il est probable que ces rapprochements deviendront plus sensibles quand on aura étudié des Turbinellidés pyruliformes, car la T. Poly- gona est une grosse Turbinelle tuberculeuse ne ressemblant en rien à une Pyrule par sa coquille. Si les Turbinellidés se rattachent assez directement aux Pyrules, les Fusidés se lient beaucoup plus étroitement aux Turbimellidés. Toutefois, les Fusidés, par la concentration ex- trème deleurscentres nerveux, sont beaucoup plusfranchement rachiglosses, L'étude des diverses espèces de ces deux familles permettra sans doute d'établir les passages qui manquent encore aujourd'hui. MITRIDÉS Je n’ai malheureusement pu qu’ébaucher l'étude de cette curieuse famille. M. Defferrière m'avait envoyé de la Nou- velle-Calédonie un exemplaire de grande taille de la Mira episcopalis Lamarck; malheureusement, il avait omis de casser le sommet de la coquille et la putréfaction avait envahi les viscères. L’extrémité antérieure du corps, elle-même, était assez mal conservée. La trompe extraordinairement longue était presque com- plètement dévaginée. À la base de Ia trompe on voyait les deux glandes salivaires en grappe. Ces glandes sont unies en une seule masse autour de l’œsophage et englobent complète- ment les centres nerveux antérieurs Les conduits salivares sont d’une finesse extrême, ils ne paraissent pas traverser les colliers nerveux; dans la trompe ils décrivent un trajet très flexueux. Je ne connais pas de type où la dissection des centres ner- veux soit aussi difficile, Ils sont au milieu des glandes sali- vaires et revêtus par un tissu conjonctif épais et adhérent qui les masque complètement. Quand on enlève morceau par morceau les glandes salivaires, on n’aperçoit qu’une masse 9256 | E.-L. BOUVIER. informe autour de l’œsophage. Cette masse correspond aux centres antérieurs. Il faut enlever avec précaution le tissu adhérent qui les environne, et il est bien difficile de ne pas léser plus ou moins les ganglions. On voit alors que les centres antérieurs offrent un degré de concentration rappelant les ganglions des Harpes. Le ganglion sus-intestinal est très nette- ment séparé par un élranglement du ganglion palléal droit. Il émet deux nerfs comme celui des Olives ; l’un d’eux corres- pond à la branche sus-intestinale de la commissure viscérale, l’autre au nerf branchial. Ce dernier est énorme et ne se divise en plusieurs rameaux qu’au voisinage de la branchie. Le nerf palléal gauche est complètement caché sous les faisceaux rétracteurs de la trompe. Les autres nerfs w’offrent rien de parüuculier; d’ailleurs, je n’ai pu les étudier que très incom- plètement. Historique et conclusions. — Par leur système nerveux et leurs glandes salivaires, les Mitridés paraissent se rattacher étroitement aux Fusidés. Si la famille des Mitridés est réelle- ment homogène (on en pourrait douter en voyant le polymor- phisme des espèces qu’elle renferme), elle se rapproche presque certainement des Fusidés par les Turricules et surtout par les Fusomitra qui, par leur coquille, ressemblent beaucoup à des Fuseaux. L'étude de l’appareil digestif, surtout de la glande spéciale impaire, sera d’un très grand intérêt pour justifier ou détruire ce rapprochement adopté par le plus grand nombre des mala- cologistes. Les Turricules surtout, qui ont la forme de Fuseaux et une radule trisériée, donneront de très utiles renseigne- ments. BUCCINIDÉS : Buccinum undatum Linn. (fig. 53, 57 et fig. 58 à 64). J'ai étudié le système nerveux du Buccin dans tous ses détails ou peu s’en faut, et l’on verra, d’après cet exemple, quelle complexité peut atteindre le système nerveux d’un prosobranche de l’organisation la plus élevée. On peut se pro- ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES,. 957 curer aisément des Buccins aux Halles centrales; ils sont en bon état pendant l'hiver, mais la décomposition atteint vite les viscères en été. Pour la commodité de la description, on peut diviser les centres nerveux du Buccin en deux groupes : les centres anté- _rieurs situés dans la région céphalique de l'animal et les cen- tres postér ieurs rejetés en arrière et rattachés aux premiers par la commissure viscérale. | Centres antérieurs (fig. 59). — Les centres antérieurs sont au nombre de dix; ils occupent le plancher de la cavité anté- rieure du corps, sous la trompe, à l’angle formé par lœso- phage se repliant pour la troisième fois avant de se diriger en arrière vers l’estomac. Je suppose, bien entendu, la trompe rétractée, comme elle se présente ordinairement dans les ani- maux préparés pour la dissection. | Quelques détails sur la position de la trompe et sur sa structure ne seront pas inutiles ici; ils trouveront, du reste, leur application dans l'étude de presque tous les Proso- branches pourvus d’une trompe. La bouche se trouve à l’extrémité antérieure du corps, au- dessus du pied, terminant l’appareil protractile appelé trompe. Celle-ci, est constituée, comme le montre nettement l'étude de son innervation, par une double invagination du tégument céphalique. Une première invagination, dirigée d'avant en arrière sur une longueur de 5 .à 6 centimètres, forme ce que j'appellerai la gaine de la trompe. A l'extrémité posté- rieure de l’invagination, le tégument revient d’arrière en avant sur la même longueur formant les parois de la trompe. Celle-ci se présente, par conséquent, sous la forme d’un boyau protractile. De sorte que la cavité antérieure du corps empri- sonne la gaine de la trompe, laquelle se continue en avant avec les téguments céphaliques, en arrière avec les parois de la trompe. La trompe est entourée par la gaine, continue avec elle en arrière, libre à son extrémité buccale, c’est-à-dire en avant. La gaine de la trompe est rattachée aux parois latérales du corps, sur toute sa longueur, par de nombreuses brides ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. 1. 17. — ART. N° 1. 258 £.-L. BOUVIER. musculaires qui deviennent surtout fort nombreuses à la partie postérieure de l'organe. C’est par la contraction de ces divers muscles que la trompe peut faire saillie au dehors ou rentrer dans sa gaine. Dans la trompe, on voit sur la ligne médiane orsale l’œso- phage (fig. 61, O, 0', 0"), et au-dessous la gaine de la radule. Cette gaine s'ouvre au-dessous de l’orifice æsophagien, dans un atrium buccal à peine sensible. Arrivé à l’extrémité posté- rieure de la trompe, l’œsophage se recourbe parallèlement à lui-même, en suivant la face inférieure de la gaine sur la ligne médiane, puis se dirige en avant. Avant d’avoir atteint l’ex- trémité antérieure de la tête, le tube œsophagien se recourbe de nouveau parallèlement à ses deux directions antérieures, et se dirige vers le tortillon sur le plancher du corps. Les centres antérieurs se trouvent à l’angle formé par ce dernier repli. Ils comprennent : 1° Deux ganglions cérébroïdes (GC), réunis par une très courte commissure qui regarde la partie postérieure du corps, comme les ganglions qu’elle unit ; 2 Deux ganglions pédieux (P), reposant sur le plancher de la cavité antérieure du corps; ces ganglions sonten contact intime en dedans, vers leur partie postérieure, ils se rattachent aux ganglions cérébroides par un connectif cérébro-pédieux (41) assez court. 3° Deux ganglions palléaux (CG, Cd), qui se séparent des ganglions cérébroïdes par de simples étranglements, et se rat- tachent aux ganglions pédieux par les connectifs palléo-pé- dieux (Z.) aussi courts à peu près que les connectifs cérébro- pédieux. Ces triangles latéraux (*) sont donc très étroits et se réduisent à de simples fentes. 4 Un ganglion sus-intestinal (Sp), en relation par un très court connectif, avec le ganglion palléal droit. 9° Un ganglion sous-intestinal (Sb) rattaché au ganglion (*) M. de Lacaze-Duthiers appelle triangle latéral l’espace compris entre les ganglions pédieux, cérébroïdes et palléaux d’un côté, et les connectifs qui unissent ces ganglions. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES, 259 palléal gauche par un très court et très épais connectif, con- fondu avec le ganglion palléal droit, dont il ne se distingue que par un étranglement. 6° Deux ganglions buccaux (B) situés au-dessus des gan- glions cérébroïdes auxquels ils se rattachent par de courts connectifs ; ces ganglions sont unis par une commissure assez longue. Les commissures et connectifs qui unissent ces divers gan- glions étant en général assez courts, la conséquence est une grande concentration de tous ces centres nerveux. Un névri- lème épais recouvre la masse. Les glandes salivaires, au nom- bre de deux, et très asymétriques, se trouvent de chaque côté des centres, et les recouvrent presque complètement; elles se confondent en avant. Quand, pour la dissection, on a ouvert l’animal sur la ligne médiane dorsale, rejeté la trompe en arrière et fendu la gaie de la trompe au-dessus des centres nerveux, on n’aperçoit guère que les ganglions buccaux, avec les gros paquets de nerfs qui vont au pied ou à la trompe. Centres postérieurs (fig. 60 et 64). — La cavité anté- rieure du corps, celle qui renferme l’appareil proboscidien, se ferme presque complètement en arrière, et ne laisse guère qu'un passage étroit pour l’œsophage qui plonge dans le tor- tüllon. C’est un peu en arrière de ce cul-de-sac, à gauche du gros muscle columellaire et assez près du cœur, que se trouvent les centres postérieurs ou viscéraux. Les centres, au nombre de deux, sont situés au-dessus du tube digestif, sur la portion la plus reculée de la commissure viscérale. La branche sus-intes- tinale (k) de celle-ci à son origine dans le ganglion palléal droit ; après avoir formé le ganglion sus-intestinal, elle se dirige obliquement en arrière et à gauche en passant au-des- sus de l’æsophage et se termine dans les ganglions viscéraux. La branche sous-intestinale (4°) de la même commissure commence au ganglion palléal gauche en formant le ganglion sous-intestinal ; elle se continue en arrière et à droite après avoir passé sur l’œæsophage, puis se termine comme la branche 960 E.-L. BOUVIER. précédente ae les ganglions viscéraux (V, V:). Ici encore, la commissure viscérale est croisée. Ganglions cérébroïides (fig. 53, 57 et 59). — Vus par leur face supérieure, les ganglions cérébroïdes (CG) ont la forme d’un ovale allongé. Leur commissure est masquée par l’æso- phage, et il faut couper celui-ci au niveau des ganglions pour l’apercevoir. Elle est très courte, médiocrement épaisse, mais recouverte par un épais névrilème ; elle regarde la partie postérieure du corps. En arrière, les ganglions cérébroïdes envoient un court et gros connectif aux ganglions pédieux ; au-dessus, un connectif très court allant aux ganglions buc- caux. Les deux ganglions cérébroïdes sont égaux en dimen- sion, mais sensiblement asymétriques par ce fait que la partie postérieure du ganglion cérébroide gauche contracte des rela- tions étroites avec le connectif palléo-pédieux, tandis que rien de semblable ne se présente à droite. | Les nerfs assez nombreux qui partent des ganglions céré- broïdes peuvent se diviser en trois groupes : nerfs L la sensi- bilité spéciale, nerfs des téquments céphaliques et nerfs pro- boscidiens. 1° Nerfs de la sensibilité spéciale. — Les nerfs de la sensi- bilité spéciale sont au nombre de trois de chaque côté ; 1ls ont leur origine sur la face externe des ganglions. Le nerf tentaculaire ({) est très gros. À gauche, il est à peine masqué à sa base par les glandes salivaires; à droite, au contraire, il traverse les glandes et n’en sort qu’après avoir parcouru la moitié de son trajet. C’est alors seulement qu'il se ramifie. Une branche très forte se rend aux téguments céphaliques antérieurs, d’autres assez nombreuses, mais plus petites, à la base du tentacule ; enfin le nerf pénètre dans le tentacule auquel il distribue des filets nerveux en abondance. Il n’est pas rare de voir une des branches du nerf pénétrer avec lui dans le tentacule et s’enrouler en spirale autour du nerf pour se ramifier ensuite. Je n'ai pas vu de renflement ganolionnaire à l'extrémité du tentacule. Le nerf optique (f) est très fin et se détache du ganglion ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 261 au même point que le nerf précédent, auquel il s’accole pen- dant les deux tiers de son trajet. Il s’en écarte ensuite pour se diriger un peu en dehors, pénétrer dans le tentacule et se rendre à l’œil situé latéralement sur une saillie du tentacule. Quant au nerf acoustique (9'), un examen superficiel ferait croire qu'il a son origine dans le ganglion pédieux, mais il n’en est rien. On le voit s'élever des otocystes vers l'extrémité postérieure du ganglion pédieux : là il suit la face externe du connectif palléo-pédieux, passe sous le grand nerf latéral (d,, e) et pénètre ensuite dans le ganglion palléal. Ainsi l’origine du nerf acoustique serait plutôt, en apparence, sur le ganglion palléal ; mais, par une dissection délicate, on peut le suivre dans les ganglions palléaux et cérébroïdes jusqu’à une faible distance du nerf optique (fig. 97). Le nerf acoustique ne se ramifie pas, non plus que le nert optique. Les otocystes (0) sont situées assez profondément, bien au-dessous de la partie antérieure des ganglions pédieux. 2 Nerfs des téquments céphaliques. — Ces nerfs se rédui- sent à deux, l’un à droite, l’autre à gauche ; ils naissent par un gros tronc sur le connectif cérébro-pédieux,; le nerf de droite passe au-dessous de la glande salivaire du même côté, celui de gauche un peu en avant de la glande salivaire gauche. On peut donner à chacun de ces nerfs le nom de nerf nuqual (pc). À peu de distance de leur origine, ces nerfs se bifurquent, et chacune des branches de la bifureation donne de nombreux rameaux aux téguments latéraux et supérieurs de la région céphalique, en arrière des tentacules. 3° Nerfs proboscidiens. — Ces nerfs se détachent tous de la partie postérieure des ganglions cérébroiïdes. Ils forment à droite et à gauche un gros faisceau qui se dirige directement en arrière. Ils se divisent en deux groupes assez nettement distincts; les uns innervent la gaine de la trompe et les mus- cles qui la rattachent aux parois du corps, les autres innervent les parois de la trompe. Les nerfs de la gaine sont au nombre de quatre pour cha- que côté; ils sont en général beaucoup moins gros que les 262 E.-L. BOUVIER, nerfs proboscidiens. Ils se séparent d’ailleurs très rapidement de ceux-e1 pour se ramifier dans la gaine et dans les muscles de la gaine. Le plus fin et le plus court de tous a son origine dans les ganglions cérébroïdes à une faible distance du con- nectif buccal ; un autre s’anastomose fréquemment, par de petites branches, avec le précédent, ses rameaux atteignent presque la partie postérieure de la gaine ; les deux derniers sont les nerfs de la gaine les plus gros et les plus longs, leurs branches s'étendent jusqu'à la partie postérieure de la gaine. Les nerfs proboscidiens proprement dits sont en général très gros ; ils suivent, en un seul faisceau, la face inférieure de la gaine, parallèlement aux conduits salivaires, sans donner aucun rameau. [Il y en a trois de chaque côté. Ils s’anastomosent fréquemment, non seulement entre eux, mais avec les nerfs buccaux qui se rendent aux organes contenus dans la trompe. Je reviendrai sur ces anastomoses curieuses en parlant du système buceal ; elles n’ont d’ailleurs qu’une importance très limitée, puisqu'elles varient beaucoup d’un individu à l’autre. Je ne décrirai ici que les particularités qui m'ont paru constantes ou à peu près. Le nerf (71) est le plus petit des nerfs proboscidiens ; non loin de son origine sur le ganglion cérébroide, il s'anastomose avec un nerf buccal; vers la partie postérieure de la trompe, le tronc commun qui en résulte, s’anastomose en outre avec le grand nerf proboscidien (p:) qui naît de la partie posté- rieure du ganglion cérébroïde. On a alors un très gros nerf, simple en apparence, très complexe en réalité, qui se divise en quatre branches quand il se recourbe pour pénétrer dans la trompe, à la partie postérieure de la gaine. L’une de ces branches ne fait que prolonger le nerf buccal et se rend à l'appareil radulaire. Des trois autres, la plus petite et la plus courte innerve les parois de la trompe à sa base; les deux dernières, beaucoup plus grandes et plus longues, se rami- fient dans les parois inférieures de la trompe ; leur ramifica- tion est extrêmement riche vers l'extrémité de celle-cr. ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOPRANCHES. 263 Le nerf (p.) est presque aussi gros que le nerf (p.) et s’ana- stomose avec le nerf buccal, à l’extrémité postérieure de la gaine. Cette anastomose, quim’a toujours offert une constance très grande, se poursuit à peu près jusqu'à l'extrémité du tiers postérieur de la trompe. Puis la séparation se pro- duit, le nerf(p+) innervant les parois supérieures de la trompe, et le nerf buccal l’œsophage. Comme les deux autres nerfs proboscidiens, ce nerf (p,) se ramifie très richement à l’extré- mité antérieure de la trompe, tout autour de la bouche. Ganglions pédieux (fig. 53, 57, 59, 62). — Les deux gan- ghons pédieux (P), parfaitement symétriques dans la femelle, présentent une forte asymétrie chez le mâle, par suite de la naissance du gros nerf pénial (2) sur le ganglion droit. Ce sont les plus gros de tous les ganglions du Buccin. Ils ont une forme franchement ovalaire et sont en contact direct, par une large surface, sur leur bord interne et postérieur. On connaît leurs relations avec les ganglions cérébroïdes ; ils se rattachent en outre aux ganglions palléaux par deux con- nectifs un peu plus gros que les connectifs cérébro-pédieux. L’artère pédieuse (fig. 61, 63, À p) suit leur face supérieure, dans le sillon qui les sépare. Avant de les quitter et de se bifur- quer, elle donne deux petites branches, l’une à droite, l’autre à gauche. Ces branches, embrassant, par-dessus, la pointe des ganglions pédieux, y produisent une dépression qui donne l'apparence d’un petit ganglion pédieux antérieur. Les nerfs des ganglions pédieux, au nombre d’une cinquan- taine environ pour chaque ganglion, peuvent se diviser en trois groupes, suivant la partie des ganglions où ils prennent naissance. Les nerfs pédieux antérieurs (w) sont les plus gros et les plus nombreux. [ls forment un fort paquet à la partie anté- rieure des ganglions pédieux, se dirigent en avant, et plongent dans la masse musculaire du pied. Ils sé groupent de chaque côté en deux faisceaux assez nets. L’un d'eux est supérieur et comprend environ dix nerfs qui Imnervent plus particuliè- rement la partie antérieure du pied ; l’autre comprend au moins 9264 E.-L. BOUVIER. douze nerfs, il a son origine un peu plus bas et imnerve surtout la partie postérieure du pied. Les nerfs pédieux supérieurs (#,) sont au nombre de deux de chaque eôté et naissent du ganglion au voisinage de l’étran- lement supérieur dont j'ai parlé plus haut. Le plus petit se dirige immédiatement en avant, et un peu en dessus pour distribuer ses rameaux au-dessous de la tête, entremêlant ces rameaux avec les branchesles plus antérieures du nerf nuqual. Le plus grand se dirige en avant; il passe au-dessous du précédent et se ramifie dans la partie supérieure du pied, celle qui est la plus voisine de la bouche. Les nerfs pédieux inférieurs (#) sont peu nombreux. Je n’en ai comptéque trois de chaque côté, dont un beaucoup plus gros que les deux autres. Ces nerfs se dirigent immédia- tement à droite et à gauche, et se ramifient en partie dans cette région superficielle du pied qui constitue le plancher de la cavité antérieure du corps. Aux nerfs précédents il faut ajouter, chez le mâle, les nerfs du pénis. Ils ont leur origine dans la partie postérieure ,et externe du ganglion pédieux droit; ils produisent là un ren- flement qui se prolonge dans le grand nerf pénial et-sert aussi de base au petit nerf pénial (ÿ). Ce dernier se rend aux muscles de la base du pénis el, par quelques-unes de ses branches, s’étend comme ceux-ci assez loin en avant. Le grand nerf pénial (4) est certainement le plus puissant de tous les nerfs du Buccin. Il pénètre dans le pénis etmarche parallèlement au canal déférent. Les nombreux rameaux qui s’en détachent sont parfois réunis en faisceaux de deux, trois ou quatre filets; ils se ramifient beaucoup dans les muscles, mais je ne les ai jamais vus se rendre au canal déférent. La disposition du nerf pénial près de son extrémité est des plus curieuses (fig. 58, t). Le nerf se bifurque, et les deux branches de la bifurcation se rejoignant par intervalles, il se forme des losanges de la plus grande régularité. Plus loin, 1l y a trifur- cation, puis réunion des trois branches, ce qui produit un losange avec sa grande diagonale. Plus loin enfin, les filets ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 965 nerveux naissent de petits renflements, peut-être ganglion- naires. C’est surtout dans la région des losanges et des ren- _ flements que la ramification du nerf pénial est très riche. Les branches nerveuses qui en partent sont nombreuses, se rami- fient beaucoup, s’anastomosent, et l’on peut dire sans exagé- ration que l'extrémité du pénis est la région du corps la mieux innervée. Innervation de la partie gauche du corps (fig. 60 et 62). — La partie gauche du corps, en arrière de la tête et jusqu'au tortillon, est innervée aux dépens du ganglion palléal gauche et du ganglion sus-intestinal. Nerfs du ganglion palléal gauche. — Les nombreux nerfs issus du ganglion palléal gauche (Cg) se rendent les uns aux parois de la cavité antérieure du corps, les autres au muscle columellaire, les plus gros enfin au siphon et au manteau. Les nerfs des parois du corps sont au nombre de quatre. — Le plus antérieur et le plus grand, que j'appellerai grand nerf latéral (e,), a son origine sur le connectif palléo-pédieux, au voisinage du ganglion palléal, sur le bord externe du con- nectif. C’est d'abord un très gros nerf, quise bifurque très vite, une branche antérieure se rendant en avant sous les rameaux du nerf nuqual, l’autre sur les côtés et en arrière jusqu'au niveau de la branchie. Ce nerfétablit le passage de l’innervation des ganglions palléaux à celle des ganglions cérébroïdes, comme les nerfs pédieux supérieurs établissent le passage de l’innervation des ganglions cérébroiïdes à celle des gan- glions pédieux. — Les autres nerfs (e,, e,, etc.), qu'on peut appeler pariétaux postérieurs, ont leur origine sur les bords externes et postérieurs du ganglion; leur champ de distribu- tion est en arrière des branches du nerf précédent. Le nerf (e.) est le plus grand de tous, il atteint la partie la plus reculée des parois du corps, à gauche. Le nerf columellaire (/) se détache du bord postérieur du ganglion. Il va droit en arrière sur le plancher du corps et se continue assez loin sans se ramifier; puis il se divise en plusieurs branches qui plongent toutes dans le muscle çolu- 266 E.-L. BOUVIER. mellaire. Deux autres nerfs plus fins ont probablement aussi la même distribution, mais ne vont pas aussi loin en arrière. Les nerfs palléaux et siphonaux sont au nombre de deux; ils ont leur origine sur l’angle externe du ganglion, entre les nerfs pariétaux. [ls se dirigent à gauche et en arrière, traver- sent les parois du corps sans contracter d’adhérence avec elles et ne commencent à se ramifier et à se séparer l’un de l’autre, qu’un peu avant d’avoir atteint le niveau du siphon. L'un d’eux est le grand nerf palléo-siphonal (m); arrivé à la base du siphon, il envoie une et plus souvent deux branches d’anastomose au nerf branchio-palléal (b;), puis va seramifier très abondamment dansle siphon quise présente ainsi comme une région probablement très sensible. Un rameau du nerf se rend au manteau. | L'autre nerf est plus petit. Je l’appellerai nerf palléal infé- rieur (7% ,), car il se rend au bourrelet palléal qui entoure le corps par-dessous, en arrière du pied. Il forme sur les bords du bourrelet un réseau d’anastomoses sur lequel je revien- drai plus loin. La première branche de ce nerf paraît se rendre à la base du siphon. Nerfs du ganglion sus-intestinal. — Ge ganglion donne nais- sance à trois nerfs, ainsi qu'à la branche sus-intestimale de la commissure viscérale. L’un de ces nerfs, le pariétal supérieur (e&), est peu important. Il est grêle et s’accole souvent à la commissure viscérale sur une grande partie de sa longueur. Son champ d’innervation est au-dessus des nerfs pariétaux postérieurs. Les deux autres nerfs offrent, au contraire, un grand intérêt, tant par les parties du corps qu’ils desservent que par les rela- tions curieuses qu'ils contractent avec certains autres nerfs. Avec la commissure viscérale et le nerf précédent, ils forment d’abord un faisceau qui passe obliquement au-dessus du tube digestif, d’avant en arrière, pour se diriger vers la branchie. Bientôt ces nerfs se séparent de la commissure viscérale et, sans adhérer, traversent la paroi du corps pour devenir super- ficielssh mesure qu'ils approchent des branchies, ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 967 Le plus puissant des deux est le nerf branchio-palléal (b,). Il innerve surtout la fausse branchie et le manteau, mais envoie aussi quelques filets nerveux à la grande branchie. Sa distribution mérite d’être étudiée avec détails. Arrivé sur le plafond de la cavité branchiale, il se bifurque ; la branche pos- térieure, assez forte, se rend directement à la fausse branchie sans se ramifier et se termine brusquement dans le bourrelet médian de celle-ci. Quant à l’autre branche, elle envoie de nombreux et gros rameaux dans le bourrelet médian de la fausse branchie, quelques-uns à la grande, puis se dirige en avant à la rencontre du grand nerf siphonal. Elle contracte une ou deux anastomoses (z,) avec ce dernier, puis se recourbe parallèlement au bord du manteau, en effleurant l'extrémité antérieure de la branchie. De nombreux rameaux, plus ou moins fins, se dirigent en avant et forment un réseau d’anastomoses qui est surtout très serré au voisinage des bords du manteau. De très petits ganglions se voient à certains angles des mailles; mais jamais je n’ai pu apercevoir de cel- lules nerveuses aux points où le nerf branchio-palléal se met en relation avec le nerf siphonal. Le second nerf, un peu moins fort que le précédent, est le nerf branchial postérieur (4). Il diverge un peu en arrière du précédent et envoie bientôt de très nombreux rameaux du côté de la fausse branchie. Ces rameaux, pour la plupart, s’anastomosent entre eux et se terminent, moitié dans le bourrelet de la fausse bran- chie, moitié à la base de la branchie vraie. Ceux qui se rendent à la vraie branchie doivent, par conséquent, traverser la fausse branchie tout entière ; l’un d’eux se prolonge assez loi en arrière sur l'organe respiratoire. En résumé, nous avons deux nerfs branchiaux principaux, l’antérieur plus spécialement destiné à la fausse branchie, le postérieur à la branchie vraie. La fausse branchie est relati- vement beaucoup mieux innervée que la branchie et les nerfs qui s’y rendent se terminent tous brusquement dans le bour- relet médian, comme s’ils aboutissaient à un ganglion nerveux. 268 E.-L. BOUVIER. Tnnervation de la partie droite du corps (fig. 60, 69). — L’innervation de la partie droite du corps est dévolue au gan- glion palléal droit et surtout au ganglion sous-intestinal. Nerfs du ganglion palléal droit. — Un seul nerf est à signaler ici, C’est le grand nerf latéral droit (d,), dont l’origine est sur le bord externe du connectif palléo-pédieux. Sa distribu- tion est à peu près la même à droite que celle de son homo- logue à gauche. Les autres nerfs ont tous leur origine dans le ganglion sous- intestinal et sur la branche sous-intestinale de la commissure viscérale. Nerfs du ganglion sous-intestinal. — Les nerfs issus de ce ganglion sont très nombreux et correspondent assez bien à ceux de la partie gauche du corps. Mais, comme le siphon fait défaut à gauche, le nerf siphonal est remplacé par un nerf palléal; d’ailleurs, les nerfs branchiaux n’existent pas. Les nerfs pariétaux sont au nombre de cinq (,, d., d,, ete.) ; ils sont de dimensions fort différentes, et leurs rameaux s'étendent d’autant plus loin en arrière que leur origine sur le ganglion est plus reculée. Les branches extrêmes des deux derniers (d,, d;) doivent certainement envoyer leurs rameaux au muscle columellaire. D'ailleurs, il existe ici un nerf columellaire assez fin, qui se distingue à peine, par son trajet et sa distribution, du dernier nerf pariétal. Le ganglion sous-intestinal sert en outre d’origine à deux nerfs palléaux; beaucoup plus gros que les autres nerfs du même ganglion, ils se rendent au manteau à droite, en tra- versant les parois du corps. | Le plus antérieur est le grand nerf palléal droit (m'); il se dirige à droite parallèlement au bord du manteau. Il donne en avant de nombreuses branches qui forment vers le bord du manteau un réseau d’anastomoses pourvues de ganglions à certains angles, au moins dans la région dorsale. Les mailles de ce réseau se continuent directement avec les mailles for- mées à gauche par le nerf branchio-palléal. Les deux ou trois premières branches de ce nerf se prolongent en dessous dans ARTICLE N° f{. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 9269 le bourrelet palléal ; elles se ramifient, et là encore se pro- duisent des anastomoses en continuité directe avec celles du nerf palléal inférieur. Il en résulte ce fait curieux et impor- tant à signaler, c’est que les nerfs palléaux de droite et de gauche formant des réseaux qui communiquent entre eux, le corps tout entier est entouré par un réseau nerveux continu qui suit le bord du manteau. Bien plus, dans la région dorsale, le nerf palléal droit envoie en arrière d’assez fortes branches, qui forment aussi un réseau se continuant avec les mailles d’anastomoses développées par le petit nerf palléal dans la partie antérieure de la glande à mucus. Le petit nerf palléal (m1) est, chez la femelle au moins, d’une dissection beaucoup plus difficile que le précédent. Il se sépare déjà du grand nerf palléal dans la cavité antérieure du corps, et se dirige beaucoup plus obliquement en arrière. Un peu en arrière de la poche copulatrice musculaire de la femelle, 1l se divise en deux branches; l’une passe sous l’extrémité du rectum, l’autre entre le rectum et le manteau. C'est le caractère propre de ce nerf d’embrasser le rectum entre ses deux branches principales. Dans le mâle, la grande branche passe en arrière de l'anus, où elle se bifurque à son tour. On peut suivre les ramifications de ces deux branches sur la partie antérieure de la glande à mucus, où elles forment le réseau dout j'ai parlé tout à l'heure. Dans la femelle, au contraire, la branche antérieure passe, en partie au moins, en avant de l’anus, entre la glande de l’albumine et la poche copulatrice ; elle est très difficile à disséquer dans cette région. La poche copulatrice est innervée par ce nerf. Quant au rec- tum et à la glande de lalbumine, on peut supposer qu'ils sont innervés par les branches du petit nerf palléal; mais c’est en se reportant à d’autres types où la chose est plus nette, car il n’est guère possible ici de trouver les rameaux propres à ces deux organes. La commaissure viscérale; ses ganglions et ses nerfs (fig. 60, 64). — La branche sous-intestinale (4') de la com- missure viscérale se détache du bord postérieur du ganglion 970 E.-L. BOUVIER. sous-intestinal, à une faible distance du ganglion palléal gau- che. C’est un très gros cordon qui se dirige un peu à droite sur le plancher de la cavité antérieure du corps. On l’aperçoit par transparence à travers une mince couche de tissu conjonctif, quand on a enlevé le tube digestif, l’aorte et la glande spéciäle impaire (fig. 61, «°). Vers le fond de la cavité, la commissure envoie un assez gros nerf (7:) dans la direction du manteau; ensuite, elle se dirige assez obliquement à gauche et quitte la cavité antérieure du corps pour se terminer dans le gros ganglion viscéral (V). Quittant ce ganglion, la commissure revient un peu en avant, par-dessus le tube digestif, et atteint alors le petit ganglion viscéral (V.), où aboutit également la branche sus-intestinale de la commissure. On connaît le trajet de cette dernière branche, à partr du ganglion sus-intestinal, jusqu'aux parois du corps à droite; elle traverse ces parois d'avant en arrière et aboutit à son tour au petit ganglion vis- céral. La branche sus-intestinale de la commissure ne donne qu’un ou deux filets assez grêles, qui se rendent aux parois du corps à gauche, ainsi qu'à la branchie. Deux nerfs se détachent à droite de l’extrémité postérieure de la branche sous-intesti- nale, le plus fort (7:) à l’angle que fait la commissure pour se diriger en arrière de droite à gauche, le plus faible beau- coup plus près du gros ganglion viscéral; ce dernier nerf peut faire défaut. Quand il existe, il se confond toujours avec l’autre, après un certain trajet. Dans le mâle, la rencontre a toujours lieu entre lemanteau et Le canal déférent (X). Le tronc commun qui en résulte (7:) envoie d’abord une branche en avant, pro- bablement au conduit sexuel mâle, puis 1l se bifurque. Ses deux branches ont d’ailleurs la même distribution; elles passent entre le rectum, épaissi par des glandes, et la membrane pal- léale, se ramifient beaucoup, et leurs branches terminales se perdent dans la glande à mucus, Ici se pose une question. Ces nerfs innervent-ils le rectum ou simplement la membrane palléale et la glande muqueuse? Je crois pouvoir affirmer qu’ils innervent ici, comme chez la ARTICLE N° 4, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 971 plupart des autres Prosobranches, aussi bien l’une que l’autre. Dans le mâle, le fait est bien certain, car J'ai pu suivre des filets nerveux qui allaient se perdre dans la masse glandulaire du rectum. Mais, la femelle offre une difficulté beaucoup plus grande, en raison du grand développement des glandes géni- tales annexes, et je n’ai pu suivre sûrement aucun filet nerveux se rendant à ces glandes ou au rectum. Mais si l’on observe que les filets nerveux envoyés dans la glande à mucus sont assez peu nombreux et très grêles, on sera porté à admettre que, dans la femelle, les glandes de l’albumine et de la glaire, comme le rectum, sont innervés par les nerfs en ques- tion. Nerfs issus des ganglions viscéraux (fig. 60, 64). — La plupart des uerfs viscéraux ont leur origine dans le ganglion _viscéral principal (V). Ce ganglion est triangulaire, souvent un peu bilobé, en communication avec la commissure vis- cérale par ses angles de droite et de gauche, avec le nerf réno-cardiaque par son angle postérieur. Quand on a fendu le manteau sur la ligne médiane dorsale et bien lavé la prépara- tion, on peut l’apercevoir par transparence un peu à droite du cœur. Pour mettre en évidence et suivre les nerfs qui en partent, il faut enlever avec soin la membrane qui le recouvre. La dissection des nerfs viscéraux exige beaucoup de travail et de patience. Le nerf recto-génital (j.,) se détache du ganglion à droite, presque à la naissance de la commussure. Il se dirige vers le canal déférent qui, dans cette région, se renfle et se trouve encore accolé au rectum, puis envoie une branche d’anasto- mose aux nerfs commissuraux droits; cette branche émet quelques rameaux dans la direction du canal déférent. Le tronc principal du nerf passe entre le canal déférent d’une part, le manteau de l’autre, et se ramifie dans la face supérieure du rectum. Ordinairement, un autre petit nerf va se joindre à la branche d’anastomose du nerf reclo-génital. Le nerf rectal (7:) se détache du ganglion beaucoup plus à gauche; il passe au-dessous du rectum et du conduit génital 279 F E.-L. BOUVIER. et se distribue superficiellement sur la face inférieure du rectum. Le petit nerf viscéral a presque le même point d’attache que le précédent, mais il s’en sépare bientôt pour passer en dehors du nerf réno-cardiaque et plonger dans le foie. Je le considère comme un nerf hépatique, sans l’avoir pu suivre toutefois jusque dans ses derniers rameaux. Le nerf réno-cardiaque (72) est, à son origine, le plus puis- sant de tous les nerfs viscéraux. Mais il se ramifie si rapide- ment et avec une telle abondance, que sa dissection demande toujours un temps assez considérable. À peme s’est-1il détaché du ganglion qu'une branche assez forte (71) en part, se dirige un peu en avant et à gauche dans le plancher de la cavité péricardique, envoie quelques rameaux très fins à ce plancher, puis atteint le gros tronc aortique très près du cœur. Là, cette branche parait se terminer brusquement, mas il n’en est rien, et l’on peut suivre ses rameaux épanouis en éventail, wn ou deux sur Paorte, les autres dans les épaisses parois musculaires du ventricule. Cette branche importante ne fait jamais défaut. | Un peu plus loin, le nerf réno-cardiaque envoie un rameau péricardique, puis se bifurque ; entre ses deux branches se voit l’orifice en boutonnière (r') de l’organe de Bojanus. La branche supérieure se ramifie sur les parois de l’organe, dans la saillie qu'il forme entre la glande muqueuse et le rectum. La branche inférieure, beaucoup plus forte, innerve aussi l'organe au voisinage de son orifice ; mais bientôt elle pénètre dans sa profondeur, où elle se divise en trois rameaux ; deux sont uniquement destinés à l'organe ; l’autre suit, sur toute sa longueur, une glande qui enveloppe à demi le cœur et ressemble complètement au rein par sa structure, bien qu’elle soit d’un rouge assez prononcé. Ce rameau envoie un filet important aux veines voisines, et l’on peut suivre ce filet jusque vers loreillette. Le grand nerf viscéral (7) est probablement le plus long de tous les nerfs du Buccin, puisqu'il se prolonge dans toute ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 273 la longueur du tortillon. Il est très gros à son origine, mais on ne le voit pas au premier abord, car il se détache de la face inférieure du ganglion et plonge presque immédiatement dans le foie. Il marche d’abord parallèlement au conduit génital et fort près de celui-ci ; plus loin, il est plus facile à apercevoir, car 1l devient superficiel au-dessous de la membrane trans- parente qui enveloppe le tortillon. À peine a-t-1l pénétré dans le foie qu'il se divise en deux branches parallèles. La plus grêle est plus particulièrement destinée aux glandes et aux conduits génitaux ; l’autre envoie de nombreux rameaux dans le foie sur les conduits hépatiques et, autant que j'ai pu le voir, sur le conduit génital. C’est une ramification très abon- dante, mais toujours fort délicate ; elle produit par endroits des réseaux d’anastomoses. Nerfs du ganglion viscéral accessoire. — Le ganglion vis- céral accessoire (V,) est cinq ou six fois plus petit que le précédent ; 1l est triangulaire. Deux nerfs seulement s’en détachent, et encore faut-il remarquer que, dans la plupart des individus, le nerf postérieur (j;) à son origine entre les deux ganglions viscéraux. Les deux nerfs s’envoient toujours une ou deux anastomoses assez fortes; souvent aussi le nerf postérieur se met en relation directe, par de minces filets, avec les nerfs du ganglion principal, avant d’aller se diviser en trois ou quatre rameaux sur la veine qui conduit le sang des branchies au cœur ainsi que sur l'oreillette. Le nerf viscéral antérieur (7) est bien plus important. Il est très long, et se détache toujours d’un angle du ‘ganglion. Une anastomose le réunit au nerf précédent et envoie un filet nerveux à l'aorte postérieure. Plus loin le nerf s’accole à cette même aorte, puis se continue en se ramifiant dans la masse des viscères. Les points précis de son innervation sont plus difficiles à établir; 1l innerve les deux artères, une partie du foie et peut-être aussi estomac. Ganglions buceaux (fig. 59, 61). — Les ganglions buc- caux (B) sont situés, de part et d'autre, au-dessus des sanglions cérébroïdes ; un court connectif les rattache à ces ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887, HI, 18. — ART. N° 1. ® 274 E.-L. BOUVIER. derniers, tandis qu’ils sont unis par une commissure assez longue, comprise entre l'artère proboscidienne en avant et l en arrière. Les nerfs buccaux peuvent se diviser en deux groupes, ceux qui se rendent aux organes contenus dans la trompe, et ceux qui se distribuent aux organes situés au-dessous de la gaine. D’alleurs ces nerfs n’envoient jamais de branches qu’au tube digestif, à ses annexes et à l'aorte. Nerfs buccaux proboscidiens. — Les nerfs buccaux probos- cidiens naïssent, au nombre de trois, sur la face antérieure des ganglions buccaux. Ils peuvent se réunir, sur une partie de leur longueur, avec certains nerfs proboscidiens issus des ganglions cérébroiïdes. L’un d'eux se confond, à l’extrémité postérieure de la gaine, avec le nerf cérébroïde (73). Le tronc unique se bifurque bientôt et le nerf buecal, reprenant son autonomie, innerve l’œsophage jusqu’à la bouche. Il est très rapproché du conduit salivaire du même côté. — Le nerf suivanbse confond, peu après sa naissance, avec le nerf cérébroïde (pm), et le tronc commun qui en résulte se confond souvent à son tour avec le nerf (p2:). Mais, à l’extrémité postérieure de la gaine, le nerf buccal redevient libre et innerve, sur toute sa longueur, la gaine de la radule. — Le dernier nerf a la même distribu- tion, mais il reste libre. Nerfs buccaux situés au-dessous de la gaine. — Les trois nerfs précédents se mêlent aux nerfs proboscidiens céré- broïdes et forment un seul paquet avec eux, jusqu'à l’extré- mité postérieure de la gaine. Les nerfs suivants, au contraire, divergent presque aussitôt. Le ei œsophagien salivaire (s:, s:) se détache des ganglions un peu en avant du connectf cérébro-buccal. Il innerve à la fois les glandes salivaires et l’œsophage depuis sa sortie de la trompe jusqu'aux centres nerveux antérieurs. À une faible distance de son origine, 1l se divise en deux branches. L’une se dirige extérieurement dans la glande salivaire correspon- dante, l’autre sur l’œsophage, dans la partie ci-dessus indi- ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 979 quée, où elle forme deux longues branches. La distribution est très sensiblement la même à droite qu’à gauche. Le nerf œsophagien aortique (s:) m'a paru avoir une origine fort variable suivant les individus. Dans tous les cas, c'est un nerf impair formé par la réunion de deux troncs ayant leur base, l’un sur le ganglion de droite, l’autre sur le ganglion de gauche. Ce qui varie, c’est le lieu où se fait la fusion des deux troncs et la manière dont elle se fait. Tantôt elle se produit très près des ganglions, ce qui ferait croire à l'existence d’une seconde commissure buccale, c’est le cas le plus fréquent chez la femelle; tantôt elle se pro- duit beaucoup plus en arrière et non plus par une simple réunion, mais parfois par l'intermédiaire de deux ou trois anastomoses; dans ce cas, la seconde commissure est moins nette. Quoi qu’il en soit, on voit le nerf impair se diriger en arrière entre l’aorte et l’œsophage, envoyant d’abord des rameaux peu nombreux à l’une et à l’autre. Au point où la glande spéciale impaire se met en relation avec le tube digestif, elle reçoit un fin rameau difficile à suivre bien loin. Plus en arrière encore, un autre rameau s’accole à l’aorte antérieure et la suit au moins jusqu'au moment où elle s'enfonce à gauche dans les parois du corps. Puis le nerf se continue et alors se ramifie bien davantage, ses branches s’épanouissent en assez grand nombre sur la partie postérieure de l’æsophage et de la glande spéciale. Il est probable qu’elles vont plus loin, mais Je n’ai pu les suivre davantage. Un autre nerf impair, le nerf aortique, se détache du gan- olion buccal gauche et se ramifie en réseau sur les diverses branches que forme l'aorte antérieure, quand elle traverse les centres nerveux. Je n’ai pu lui trouver de correspondant à droite et en outre j'ai pu seulement le suivre en entier sur un individu femelle parfaitement injecté. Les nerfs se déta- chaient en blanc sur le fond bleu de l’injection. Historique. — Cuvier (6), Poli et Delle Ghiaje (8), Quoy et Gaymard (12), Swann (15), Garner (18), Sars, Koren et 276 E.-L. BOUVIER., Danielssen (38,43), enfin Jhering (80), ont étudié le système nerveux des Buccins. Les quatre premiers travaux ne nous apprennent pas orand’chose; 1ls indiquent seulement une masse nerveuse antérieure d’où partent en rayonnant des nerfs. : Garner se rapproche beaucoup de la vérité en donnant au Buccin un système nerveux semblable à celui des Natices. Sa figure des Natices est presque exacte en ce sens que le croi- sement est parfaitement représenté ; mais les deux branches de la commissure sont isolées et ne se rencontrent pas, en arrière, dans un ganglion viscéral. Malgré sa brièveté, la des- cription par analogie de Garner est la plus exacte de toutes celles connues jusqu’ier. Je dois dire toutefois que Spengel (89) considère le Bucein, sans autre indication, comme un proso- branche chiastoneure. Sars, Koren et Danielssen donnent une description et un dessin des centres nerveux embryonnaires du Buccin. Tous les centres antérieurs, sauf le ganglion sous-intestinal, sont représentés presque exactement dans leurs connexions vraies. Il n’est pas fait mention des autres parties du système nerveux. Les grands ganglions cérébroïdes de ces auteurs doivent cor- respondre aux ganglions palléaux, mais on en voit partir le nerf optique; par contre, le nerf acoustique à son origine dans les ganglions cérébroïdes. Les centres antérieurs du Buccin sont bien représentés par Jhering, mais on ne sait pas pourquoi il crée deux masses ganglionnaires dans le ganglion sous-intestinal. Les centres postérieurs sont également représentés; mais il ne les rattache pas au ganglion sus-intestinal, car il fait du Buccin un type orthoneure, dépourvu de commissure croisée. Sa description des nerfs est très incomplète et renferme de nombreuses erreurs. Ainsi, Jhering fait naître le nerf optique du nerf tentaculaire, et il appelle ganglion rénal le ganglion viscéral gauche qui, précisément, n’innerve pas le rein. Il ne signale pas l’anastomose gauche entre le nerf branchial anté- rieur et le nerf palléal gauche. La discussion détaillée du ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 77! travail de Jhering serait trop longue, je renvoie au mémoire de l’auteur. Nassa reticulata Linn. et N. mutabilis Linn. Les Nasses ne diffèrent que très peu des Buceins ; quelques mots suffiront pour signaler les traits les plus caractéristiques de animal, du moins en ce qui est relatif au système nerveux. La position des centres nerveux est exactement la même que dans le Buccin. La trompe a un développement égal dans les deux genres. Le système nerveux est presque identique à celui du Buccin. La position des otocystes, par rapport aux centres anté- rieurs, semble indiquer un passage aux Purpuridés. Chez la N. mutubilis, les otocystes sont, comme chez le Buccin, presque symétriquement situées, mais beaucoup plus rappro- chées des ganglions pédieux. L’otocyste droite est presque en contact avec le ganglion pédieux droit, tandis que l’otocyste gauche est un peu rejetée à gauche. Dans la N. reticulata, au contraire, l’asymétrie est complète : l’otocyste droite est immé- diatementau-dessous de la partie moyenne du ganglion pédieux droit, mais l’otocyste gauche est rejetée latéralement et un peu en avant, assez loin du ganglion gauche. Les otocystes sont beaucoup plus faciles à mettre en évi- dence que celles du Buccin : elles apparaissent avec une grande netteté quand on renverse d'avant en arrière les centres anté- rieurs avec leur névrilème. Les Buccins et les Nasses n’ont qu’une seule otolithe par otocyste; cette otolithe est arrondie. On la fait aisément sortir de l’otocyste par une pression de la pince. Le nerf acoustique se prépare très facilement; il tranche, par sa couleur blanche, sur le fond jaune des gan- glions, et plonge dans les centres palléaux avant d'atteindre les ganglions cérébroïdes. Le nerf optique est indépendant du nerf tentaculaire. Historique et conclusions. — J'ai résumé la bibliographie de cette famille en traitant du Buccin; les Nasses n’ont pas 278 E.-L. BOUVIER. été étudiées jusqu'ici; elles se rapprochent d’ailleurs considé- rablement des Buceins. La glande spéciale impaire des Buccins mérite d’être étu- diée ; elle est fort large, flasque, se rétrécit en un tube en arrière, et ce tube se termine par une ampoule qui rappelle la glande spéciale des Volutes à son extrémité. Par leur radule, par leur système nerveux très condensé, par leurs glandes salivaires et par leur très longue glande spéciale, les Bucci- nidés se rattachent très étroitement aux Fusidés, qu'ils rap- pellent d’ailleurs par la forme de la coquille. Is leur sont du reste postérieurs : les vrais Buccinidés apparaissent dans la Craie et atteignent leur maximum dans le Miocène et le Plio- cène, les Fusidés apparaissent certainement dans le Crétacé. MURICIDÉS J'ai étudié le système nerveux du Murex trunculus Linn. Il ressemble presque complètement à celui du Buccin et des Pourpres par la disposition et la concentration des centres nerveux. Je me bornerai à comparer les résultats auxquels je suis arrivé à ceux obtenus par B. Haller (98), qui a fait des recherches, en apparence très complètes, sur la même espèce. Je m’accorde complètement avec B. Haller en ce qui concerne les nerfs proboscidiens issus des ganglions céré- broïdes et les nerfs des ganglions buccaux, mais je ne comprends pas comment il se sert de ces observations pour critiquer celles de M. de Lacaze-Duthiers relatives au champ de distribution des nerfs issus des ganglions buccaux. Il est vrai que dans les Murex, comme dans les Buccins, ce sont des nerfs issus des ganglions cérébroïdes qui innervent la trompe, ses muscles rétracteurs et ceux qui se rattachent aux parois de la masse buccale. Ce sont ces muscles-là, je pense, que B. Haller désigne sous le nom de musculature buccale. Or B. Haller homologue ces muscles à ceux qui constituent la grosse masse buccale des Rhipidoglosses et, partant sans doute de cette homologation inexacte, prétend que la musculature buccale ARTICLE N° f. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 279 est toujours innervée par les ganglions cérébroïdes; M. de Lacaze-Duthiers a déerit, dans l’Haliotide et le Vermet, les nerfs _ de la masse buccale et des muscles puissants qui la consti- tuent ; il a toujours vu partir leurs nerfs des ganglions buc- caux; je suis arrivé au même résultat dans plus de cinquante espèces, tandis que B. Haller prétend que ces muscles sont innervés par les ganglions cérébroïdes chez les Rhipidoglosses. J'ai essayé, mais en vain, d’arriver à un accord avec B. Haller, sur ce point litigieux. Qu'en faut-il conclure? C’est que, chez les Prosobranches pourvus d’une masse buccale, cette masse buccale est toujours imnervée par les ganglions buccaux. Or cette masse buccale renferme des muscles puissants dans les Rhipidoglosses et la plupart des Ténioglosses; au contraire, elle est très peu musculaire et fort réduite dans les Prosobranches munis d’une trompe fort _ développée, et surtout dans les Rachiglosses. Ce que B. Haller appelle musculature buccale chez ces derniers n'appartient pas à la masse buccale, mais à la trompe, et correspond aux muscles moteurs de la masse buccale ét aux muscles du mufle chez les Prosobranches non proboscidifères ; ces muscles, chez tous les Prosobranches, sont innervés par les ganglions céré- broïdes. En résumé, la masse buccale et ses muscles intrin- sèques sont toujours innervés par les ganglions buccaux, tandis que ses muscles moteurs et les muscles du mufle ou de la trompe sont innervés par les ganglions cérébroïdes. Par con- séquent, si je suis d'accord avec B. Haller en ce qui concerne l’innervation de la trompe, je suis d’un avis opposé au sien en ce qui touche à l’innervation des museles de la masse buccale, et je pense que l’erreur de B. Haller est due à une confusion dans l’homologation de ces parties. B. Haller place les otocystes au voisinage des ganglions cérébroïdes; il leur donne un contour piriforme allongé tout à fait particulier. Jamais on ne voit rien de pareil dans les Pro- sobranches, et si la position est la même que dans les Hété- ropodes, la forme est absolument différente. En réalité, B. Haller a fait une singulière confusion. Il a pris pour des 280 E.-L. BOUVIER. otocystes deux petits corps allongés, piriformes, peut-être nerveux, plus probablement glandulaires, restés imaperçus jusqu'ici, et qui demandent une étude particulière. [ls émettent des filaments à leur extrémité rétrécie, et l’on pourrait les confondre avec les ganglions buccaux. On les voit sans dissec- tion dès qu’on a enlevé les glandes salivaires. Ils sont situés sur les côtés des ganglions cérébroiïdes, et un peu en avant. Au microscope, ces corps piriformes présentent une enve- loppe conjonctive avec un tissu franchement cellulaire à l’intérieur. Le tissu conjonctif se prolonge en avant dans les filaments dont j'ai parlé. Il n’y a rien là qui ressemble à des otocystes, et la figure comme les explications de B. Haller sont manifestement inexactes. Les otocystes, dans les Murex, sont très grosses, rondes, et situées dans le tissu con- jonctif qui protège la face inférieure des ganglions pédieux, presque en contact avec ceux-ci. On les aperçoit sans prépa- ration quand on renverse les centres antérieurs en avant. Elles renferment une très grosse otolithe ronde, qui présente des stries concentriques et radiales. Le nerf acoustique est relativement très gros; on le prépare sans difficulté : il se dirige en arrière sous les ganglions pédieux, passe sur la face externe des ganglions palléaux, et pénètre dans les ganglions cérébroïdes à une faible distance du nerf tentaculaire. Jai conservé des préparations du corps piriforme, des otocystes et un animal où l’on voit avec la plus grande évidence les oto- eystes avec le trajet du nerf acoustique. Ainsi M. B. Haller à pris un corps piriforme situé au voisinage des ganglions céré- broïdes et de nature probablement glandulaire pour les oto- -cystes; celles-ci sont situées sous les ganglions pédieux à une assez grande distance des ganglions cérébroïdes. B. Haller éloigne beaucoup trop le ganglion sus-intes- tinal du ganglion palléal droit; la distance est un peu plus grande que celle qui sépare les deux ganglions dans le Buccin. Du reste, de tous les ganglions, e’est le ganglion sus-intestinal qui varie le plus en position. D’après B. Haller, il n’émet- trait, outre la branche sus-intestinale de la commissure vis- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 281 cérale, que le nerf de la fausse branchie. En fait, on voit partir du ganglion tantôt un, tantôt deux nerfs branchiaux qui innervent à la fois la branchie et la fausse branchie. B. Haller figure le nerf unique comme un tronc simple se rendant, sans se ramifier, à la fausse branchie. En réalité, ce nerf émet assez loin de l’organe un certain nombre de rameaux dont quel- ques-uns vont à la branchie; il en est de même du nerf bran- chial accessoire, qui se détache souvent du ganglion. En outre, d’après B. Haller, le nerf branchial proprement dit naîtrait de la branche sus-intestinale de la commissure viscé- rale, et n’innerverait que la branchie. En réalité, on voit quatre, cinq ou six nerfs branchiaux se détacher de la com- missure, et les premiers envoyer encore des rameaux à la fausse branchie. Par conséquent, on ne saurait admettre, avec B. Haller, que le nerf branchial unique innerve aussi l’oreil- lette. Les nerfs branchiaux antérieurs n’ont rien à voir avec cet organe, et cetle observation du savant anatomiste ne peut être attribuée qu'à une déduction théorique dont la source est dans ses observations sur des formes beaucoup moins élevées. B. Haller décrit deux nerfs palléaux se détachant du gan- glion palléal gauche : c’est exact, mais il n’est pas vrai que le nerf palléal postérieur, le plus important des deux, soit destiné uniquement au manteau, à l'exclusion du siphon. Au point où il reçoit une branche anastomotique du nerf de la fausse branchie, on le voit émettre une très forte branche qui innerve le siphon tout entier; ensuite il envoie une autre branche au bord externe du siphon, puis il se ramifie dans le manteau, envoyant un ou deux rameaux à la branchie. B. Haller décrit un petit ganglion siphonal au point où ce nerf reçoit la branche anastomotiqne signalée plus haut; Je ne veux pas contester ce fait, que des études histlogiques très précises pourront seules éclairer; je dirai seulement que ce ganglion ne parait pas exister dans les Prosobranches étudiés jusqu'ici. D’après B. Haller, l’autre nerf palléal serait tout spécialement destiné au siphon; en fait, il ne lui envoie que Q 82 E.-L. BOUVIER. quelques rameaux peu importants, c’est essentiellement un nerf qui envoie des rameaux aux parois du corps et innerve le bord inférieur du manteau. Je n’insiste pas sur la division en deux parties que B. Haller a voulu établir dans les ganglions palléaux ; elle est arti- ficielle, et j'aurai occasion d’en parler plus loin. Je dirai seu- lement que les Murex ont une glande spéciale intermédiaire, par sa structure fortement glandulaire, entre celle des Muri- eidés et des Purpuridés. Du reste, la transition entre ces deux familles s'effectue naturellement par l'intermédiaire des Ocinebra, dont plusieurs espèces, d’après leur radule, sont ballottées entre les Muricidés et les Purpuridés. L'Ocinebra erinaceus Linn. a le système nerveux et la paire de glandes salivaires accessoire en tube des Pourpres et, au point de vue anatomique, se sépare difficilement de celles-ci. Les Tro- phons serviront probablement d’intermédiaire entre les Buccinidés et les Muricidés. Lo PURPURIDÉS J'ai étudié dans cette famille la petite Pourpre de nos côtes, et le Concholepas du Pérou. Les Pourpres avaient été recueil- lies au Pouliguen ; les unes étaient fraiches, les autres con- servées dans lalcool; les Concholepas étaient conservés dans les collections du Muséum. Purpura lapillus Linn. Les centres antérieurs occupent la même position, par rap- port à la trompe, que dans les Buccinidés ; seulement la trompe étant relativement assez réduite, les centres se trouvent à peu près au niveau de son extrémité postérieure. Ils sont recou- verls par une masse compliquée comprenant la radule beau- coup plus longue que la trompe et un ensemble de glandes qui doivent être signalées ici. Ge sont : 1° les glandes salivaires en grappe, très réduites, placées à droite et à gauche des ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 9283 centres ; elles vont s'ouvrir dans la masse buccale, un peu en arrière de la bouche, leurs conduits ne traversent pas les colliers nerveux ; 2° une paire de gros tubes glandulaires très sinueux, qui se réunissent dans un canal impair et filiforme, ce canal traverse les colliers nerveux et va s'ouvrir dans l’'æsophage à la naissance du sac radulaire; 3° une grosse glande spéciale qui remplit complètement toute la seconde moitié de la cavité antérieure du corps. Cette glande ne res- semble pas à la glande spéciale du Buccin; c’est une grosse olande massive ressemblant tout à fait à la glande spéciale du Murex. Son gros canal excréteur s'ouvre dans l'œsophage en arrière des centres nerveux. [l suffit d'enlever cette glande pour apercevoir le ganglion sus-intestinal. Avant de traverser les colliers nerveux, l’œsophage se renfle considérablement en une espèce de jabot, qu’on pourrait prendre pour une masse buccale ; ce jabotest beaucoup moins développé dans le Buccin. Les centres antérieurs sont un peu plus ramassés que ceux du Buccin. Les ganglions cérébroïdes sont relativement très oros, un étranglement profond les sépare; en écartant un peu les centres, on entrevoit une commissure très large et extrè- mement courte; leur couleur est le jaune pâle, les autres ganglions sont rosés. Les ganglions pédieux présentent en avant cet étranglement produit par des branches artérielles latérales, que j'ai déjà signalé en parlant du Bucein. Les ganglions palléaux se distinguent seulement des ganglions cérébroïdes par un étranglement. Les connectifs palléo-pé- dieux et cérébro-pédieux sont gros et très courts ; le triangle latéral est indiqué par un orifice étroit rempli par une branche latérale de l'aorte céphalique ; on n’aperçoit l’orifice que sur des animaux injectés, les branches artérielles colorées le mettent en évidence. Le ganglion sous-intestinal a une imdé- pendance relativement grande; il se ratlache au ganglion palléal gauche par une commissure très nette, quoique fort courte ; 1l est uni au ganglion palléal droit par le connectif de la zZygoneurie, court et étroit. Ses relations sont à peu près celles qui seront signalées en parlant des Volutes. 284 E.-L. BOUVIER. Le ganglion sus-intestinal est placé sur l’œsophage, à une très faible distance du ganglion palléal droit. Les ganglions buccaux sont au-dessus et en avant des centres cérébroïdes, auxquels 1ls se rattachent par des connectifs très courts ; leur commissure n’a pas un demi-millimètre, et 1l faut étudier les ganglions au plus fort grossissement de la loupe pour l’aper- cevoir. Ce caractère distingue essentiellement les Purpuridés des Buccinidés. à Tous les nerfs principaux issus de ces centres, dans le Buccin, se retrouvent dans la Pourpre. Le nerf optique est indépendant du nerf tentaculaire. L’asymétrie des otocystes, signalée pour la première fois par M. de Lacaze-Duthiers, est très grande. À droite, l’otocyste se trouve à une distance assez forte des centres nerveux, dans le tissu conjonctif abondant qui tapisse la cavité du corps dans cette région ; on la trouve en suivant le grand nerf latéral droit, qui occupe ici la même position que celui du Buccin; quand on a suivi ce nerf sur une longueur de quelques millimètres, on aperçoit l’otocyste au-dessous et un peu en avant. La dissection du nerf acoustique jusqu’au ganglion pédieux est très délicate, à cause de la finesse du nerf et du tissu conjonctf qu’il traverse ; elle devient plus facile ensuite, le nerf suit le connectif palléo- pédieux, la face externe du ganglion palléal droit et plonge dans sa masse avant d’avoir atteint le ganglion cérébroïde. À gauche, l’otocysle se trouve sur la face inférieure du ganglion pédieux gauche, il faut renverser les centres pour l’apercevoir. Le nerf acoustique suit encore ici le connectif palléo-pédieux et le ganglion palléal avant de plonger dans la masse de ce dernier. Cette asymétrie, dans la position des otocystes, dis- tingue fort nettement les Pourpres des Buceins. Le nerf pénial à son origine sur le bord postérieur du gan- glion pédieux droit; ses grosses branches contractent entre elles de nombreuses anastomoses dès la base du pénis. La branche sus-imtestinale de la commissure viscérale a son origine à l'extrémité du ganglion sus-imtestinal. Trois autres nerfs se détachent du même ganglion : le plus fin estun ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 285: nerf pariélal qui pourrait bien envoyer quelques rameaux à la fausse branchie ; les deux autres sont des nerfs branchiaux. Le nerf branchial antérieur envoie une forte branche anasto- motique au nerf palléo-siphonal, issu du ganglion palléal gauche. Comme toujours, les rameaux des nerfs branchiaux destinés à la fausse branchie se terminent brusquement au bourrelet médian de l'organe; cela est particulièrement évi- dent pour un très gros rameau détaché du nerf branchial antérieur. La branche sus-intestinale de la commissure viscérale suit à gauche les parois du corps et se dirige vers le fond de la cavité palléale ; son trajet est superficiel, et l’on peut presque toujours l’apercevoir sans dissection. La branche sous-intes- tinale, issue du ganglion sous-intestinal, est un peu plus profonde, elle envoie un nerf assez puissant au rectum et au manteau à droite. Sur la commissure viscérale se trouvent en arrière deux ganglions viscéraux ; le plus gros est très allongé, il est à droite comme dans le Buccin. Concholepas Peruvianus Lamarck (fig. 65 à 70). J'ai fait une étude assez complète du Concholepas, autant pour montrer l’indépendance du système nerveux, vis-à-vis de la forme du corps, que pour établir les variations que subis- sent les ganglions et leurs nerfs quand ils desservent des par- ties énormément développées. Par son aspect extérieur, le Concholepas ressemble assez bien à une Haliotide dont le musele columellaire (X), au lieu d’être localisé en une masse, aurait la forme d’un fer à cheval, ouvert en avant, comme celui des Patellidés et des Fissurel- lidés (fig. 65). Le pied (F) a pris un développement extraordi- iiaire et ressemble absolument au pied d’une Patelle ou d’un Ormier, seulement il offre en arrière une légère excroissance parallèle au bord inférieur du pied. Ses rapports avec le muscle columellaire sont ceux offerts par les Patelles, Fissu- relles et Navicelles. Le muscle limite en arrière, sur la face 286 E.-L. BOUVIER. dorsale du pied, une profonde cavité piriforme (V') dont la pointe est dirigée en avant et à droite ; cette cavité loge le tortillon dont l’enroulement est à peine indiqué ; ce tortillon est tout à fait indépendant de la cavité qui le renferme. Le manteau (U) forme un cercle continu autour du corps, comme dans les Patelles et les Navicelles ; 1l passe en avant au-dessus de la tête et forme une collerette autour du pied, au-dessous du muscle columellaire. La branchie (Br) est très longue et située à gauche au-dessus du musele; c’est une branchie normale de Pectimibranche ; la fausse branchie (br) bipectinée est en avant et au-dessous de la branchie, elle est relativement plus réduite que celle des Pourpres. La cavité palléale est assez large én avant, elle se rétrécit à gauche et en arrière et, très allongée, s'étend presque jusqu’à l’extré- mité postérieure du corps; elle est comprise entre la branchie et le tortillon. La cavité antérieure du corps lui correspond presque exactement, mais s'étend moins loin en arrière ; dans cette cavité cheminent l’œsophage et la commuissure viscérale qui sont, par suite, fortement rejetés à gauche. Cest au fond de la cavité antérieure du corps, tout à fait en arrière, que se trouvent les ganglions viscéraux (V, V,); c’est par là aussi que l’œsophage pénètre dans le tortillon. La trompe est normalement constituée; elle a les mêmes dimensions relatives que celle de la Pourpre. Quand elle est rétractée, son extrémité postérieure est recouverte par les glandes salivaires en grappe; ces glandes sont paires, de volume égal, mais asymétriquement situées; la gauche est fortement rejetée en avant. En contact par leur bord interne, ces glandes forment une espèce d’avant-toit au-dessus des centres antérieurs; leurs conduits ne traversent pas les colliers nerveux et viennent s’accoler à l’œæsophage à l'endroit où celui-ci quitte l2 trompe et se renfle en un jabot moins gros mais plus long que celui de la Pourpre. Les Concholepas ont aussi, comme les Pourpres, une paire de glandes salivaires en tubes très longs et sinueux,; ces tubes deviennent filformes en avant, traversent les colliers nerveux et se réunissent dans ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 287 un conduit impair qui s’accole à l'artère proboscidienne et va s'ouvrir dans la cavité buccale au voisinage de l’orifice antérieur du tube digestif. La glande spéciale a le même aspect, la même structure, et les mêmes rapports que celle de la Pourpre. La radule est beaucoup plus longue que la trompe et se mêle en arrière aux glandes précédentes. En avant, la cavité antérieure du corps est très profonde et ren- ferme toutes ces glandes; il faut user des plus grandes pré- cautions pour mettre à découvert, sans léser des filets nerveux, la masse ganglionnaire antérieure, qui repose sur le plancher de la cavité générale. L’anus et l’orifice génital femelle sont en avant et à droite sous le manteau. Le pénis céphalique (L) est médiocre ment développé. Le cœur est au fond de la cavité palléale, à gauche, à côté de l’orifice du rein; le rein lui-même occupe le bord gauche de la masse viscérale. Disposition générale du système nerveux. — La concentra- tion des centres nerveux antérieurs est très grande, et lon a des difficultés, au premier abord, pour reconnaitre les gan- glions qui les constituent. La plupart de leurs commissures et conneclifs sont chargés de cellules nerveuses, beaucoup plus que dans le Buecin et la Pourpre (fig. 65, 66 et 67). Les ganglions cérébroïdes (CG) ressemblent assez bien à un disque polygonal à angles mousses, fortement renflé au centre; ils sont en continuité de substance sur leur bord interne. Les ganglions palléaux (Cd, Gg) se séparent à peine des ganglions cérébroïdes par des étranglements peu marqués, et il n’est pas toujours facile de savoir où commence un ganglion cérébroïde et où finit un ganglion palléal. Celui de gauche est beaucoup plus développé que celui de droite; 1l occupe une position latérale et inférieure par rapport à l’œsophage; le ganglion droit est, au contraire, un peu au-dessus.il y a, par conséquent, une certaine obliquité dans les colliers : 1ls sont inclinés à gauche. Le ganglion sus-intestinal (Sp) regarde à gauche, il se rattache au ganglion palléal droit par une très large et très courte commissure ganglionnaire. Lo 88 E.-L. BOUVIER. Les ganglions pédieux (fig. 67, 68, 69) se trouvent immé- diatement au-dessous de tous les autres centres antérieurs. Ils ont un volume énorme, en rapport avec le développement extraordinaire du pied; leur masse égale au moins celle de tous les autres ganglions. Ils sont ovoides et se touchent par leur bord interne, mais la continuité de substance n'existe qu’en avant. Le connectif cérébro-pédieux (4,) est large et court : on peut dire que les ganglions cérébroïdes sont en continuité de substance avec les ganglions pédieux. Les con- nectifs palléo-pédieux (4) sont moins gros et un peu plus longs. Les triangles latéraux sont fort réduits et traversés par une branche latérale de l’artère antérieure. Le ganglion sous-intestinal (Sb) est rejeté latéralement à droite et au-dessous du tube digestif: c’est une conséquence de l’obliquité des colliers nerveux. Il est très mal limité et l’on ne peut guère le distinguer de la commissure qui le rattache au ganglion palléal gauche ; il est séparé du ganglion palléal droit par un léger étranglement qui correspond au connectif de la zygoneurie (z). Le ganglion sous-intestinal est énorme et très sensiblement piriforme; la commissure qui lunit au ganglion palléal gauche présente deux faibles renflements qui appartiennent au ganglion palléal gauche. Les ganglions buccaux (B) sont gros, ovoïdes, en continuité de substance sur leur bord interne, on les trouve en avant des ganglions pédieux, compris entre l'artère proboscidienne et l’œsophage. La commissure viscérale suit l’étroite gouttière formée à gauche par la cavité antérieure du corps; le fond de cette gouttière est sur un plan bien supérieur à celui qui supporte les centres dont je viens de parler. Elle forme en arrière deux ganglions viscéraux (fig. 65 et 70, V, V:) ; le plus petit est à gauche (V.) comme dans le Buccin et la Pourpre. Le croisement en huit des deux branches est un peu masqué par la position oblique des centres et de la commissure elle- même, en même temps que par la concentration très grande des centres nerveux: ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 289 Ganghons cérébroides. — Malgré les soins les plus minu- tieux, je n'ai pu trouver les otocystes du Goncholepas ; je les ai cherchées jusque dans les ganglions pédieux sans arriver à les découvrir. Deux nerfs de la sensibilité spéciale sont très distincts. Le nerf tentaculaire ({) innerve les mêmes parties que celui du Bucein; quant au nerf optique (f), il est absolument indépendant ; il a son origine sur les ganglions cérébroïdes à une petite distance de la base du nerf précédent. J'ai trouvé à droite deux nerfs (pc) qui correspondent par leur distribu- tion au nerf nuqual du Bucein, leur ramification est très riche, et leurs branches contractent de puissantes anasto- moses. À gauche, je n'ai trouvé qu’un nerf nuqual assez grêle, et Je me demande si, par mégarde, je n’aurais pas sacrifié le nerf nuqual le plus important. Un seul nerf (p,) se rend à la gaine de la trompe et aux muscles qui la font mouvoir; mais la gaine reçoit une forte branche d’un nerf proboscidien. Les nerfs proboscidiens pro- prement dits sont au nombre de trois de chaque côté; comme ceux du Buccin, ils se confondent plus ou moins sur leur trajet, soit entre eux, soit avec les nerfs buccaux qui se rendent aux organes contenus dans la trompe; ils rede- viennent indépendants quand ils approchent de leur champ de distribution. Le nerf (p.) est le plus gros des nerfs pro- boscidiens ; il a son origine à l'extrémité antérieure des gan- glions cérébroïdes et s’accole au nerf (p,) ; à son arrivée dans la trompe, le faisceau formé par ces deux nerfs s’accroit en outre d’un nerf buccal proboscidien. Un peu plus loin, le faisceau des trois nerts se divise : Le nerf (2) envoie une forte branche aux parois latérales de la trompe, une autre va se ramifier plus en avant et plus bas, à l'extrémité des parois de la trompe et dans les fibres qui rattachent les parois de la cavité buccale aux parois de la trompe. Je tiens à bien signaler une anomalie présentée par ce nerf; 1l se bifurque et se rend aux parois latérales et inférieures de la trompe, mais un rameau suit la face inférieure de l’œsophage et se ramifie ANN. SC. NAT., Z001., 1887. 1. 19, — ART. N° 1 290 E.-L. BOUVIER. dans les parois de la cavité buccale. Je considère cette branche comme un rameau buccal qui, restant confondu avec le nerf proboscidien plus longtemps que les autres, s'en sépare ensuite pour se rendre à la cavité buccale. La loi des connexions ne permet pas une autre interprétation. — Le nerf (p:) est le plus petit des nerfs proboseidiens, et son origine sur les ganglions cérébroïdes est fort rapprochée de celle du connectif qui se rend aux ganglions buccaux ; 1l ne se ramifie qu’à l'extrémité de la trompe. Ganglions pédieux. — Les ganglions (fig. 67, 68 et 69) étant laissés dans leur position naturelle, mais séparés des centres antérieurs qui les recouvrent, on en voit parür dans tous les sens, sur leurs bords libres, des nerfs extraordinairement nombreux. Très peu naissent de la face supérieure des gan- glions ; deux ou trois au plus de chaque côté ; ce sont des nerfs latéraux. Tous les autres naissent sur la face inférieure à une distance plus ou moins grande du bord des ganglions. On peut distinguer trois faisceaux à droite ; l’un antérieur (4), l'autre latéral (uw), le troisième (#:) postérieur ; il en est de même à gauche, avec cette différence que le faisceau latéral se divise lui-même en deux autres. Il est presque impossible de donner une description détaillée de tous ces nerfs. Je dirai seulement que chaque faisceau innerve des plans superposés dans la masse du pied, que ces plans correspondent à la position des faisceaux sur les gan- glions et sont innervés dans l’ordre même où sont placés les nerfs sur les ganglions, les supérieurs innervant les plans supérieurs, les inférieurs les plans inférieurs. J’ajouterai, en outre, que les plus gros nerfs pédieux ont leur origine à l'extrémité postérieure des ganglions ; ces nerfs ont, en effet, un très vaste champ de distribution, et l’on doit supposer que plusieurs se réunissent d’abord et divergent ensuite avant de se rendre aux parties qu'ils ont à innerver. Deux nerfs surtout (w), un de chaque côté, sont d’une grosseur remarquable ; ils se dirigent parallèlement en arrière et ne se ramifient que dans la masse postérieure du pied. ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 291 Le nerf pénial (i) a son origine en avant sur la face supérieure du ganglion pédieux droit; il envoie deux bran- ches aux muscles céphaliques situés à la base du pénis; il se ramifie ensuite dans le pénis lui-même. Ganglions palléaux, sous-intestinal et sus-intestinal (fig. 65, 66, 67). Innervation de la parte gauche du corps. — Les nerfs pariétaux de la région antérieure du corps sont fort peu développés, comme cette région elle-même ; J'ai trouvé un ou deux minces filets correspondant à ces nerfs; en outre, les nerfs branchiaux, le nerf siphonal et le nerf palléal inférieur envoient quelques rameaux dans cette région. Le nerf palléo-siphonal (#) a son origine sur le bord externe du ganglion palléal gauche; son trajet est presque entièrementsuperficiel ; 1l innerve à peu près exclusivement le siphon et reçoit une très courte branche anastomotique (22) du nerf branchial antérieur. — Le nerf marginal ou palléal inférieur (#.) est ici très développé; 1l se détache du gan- glion palléal gauche à peu près au même niveau que le pré- ‘“cédent, envoie plusieurs rameaux aux parois du corps, puis se bifurque au-dessous du nerf palléo-siphonal qui lui est parallèle au début. Alors il s’écarte de ce nerf, devient profond et se dirige en arrière dans l'épaisseur du muscle columellaire. Ses deux branches vont se ramifier dans le manteau à gauche, l’une un peu en avant, l’autre en arrière. Cette partie du manteau, qui est inférieure et entoure le corps en dessous, chez tous les Mollusques à tortillon normal, est ici très développée et forme la plus grande partie du manteau; on comprend dès lors le puissant développement du nerf marginal. — Enfin, l’un des renflements commissuraux du ganglion palléal gauche émet sur son bord supérieur un nerf assez puissant (/), qui se dirige en arrière. C’est l’homo- logue du nerf columellaire de la Pourpre et du Buccin; mais ce n’est pas le seul nerf columellaire. Le ganglion sus-intestinal (Sp) donne naissance à la branche gauche de la commissure viscérale et à deux nerfs branchiaux importants. Ges deux nerfs innervent les parois du 299 E.-L. BOUVIER. | corps et spécialement la fausse branchie et la branchie. Le nerf branchial postérieur (4:) est plus spécialement destiné à la branchie; le nerf branchial antérieur (b;:) à la fausse branchie. Ce dernier envoie une branche d’anastomose au nerf palléo-siphonal, et une branche puissante au manteau. Innervation de la partie droite du corps. — Le ganglion palléal droit (Cd) est fort réduit ; il n’émet pas de nerf latéral comme celui du Buccin. Tous les nerfs qui se rendent au côté droit du corps se détachent du ganglion sous-intestinal (Sb). Le ganglion se renfle et s’étire au point où ils prennent nais- sance. Moins nombreux que les nerfs correspondants du Buccin et de la Pourpre, ces nerfs sont beaucoup plus forts et ont un champ d’innervation très étendu. Quatre nerfs sur- tout ont une importance extrême, et ce sont ceux-là seulement que Je décrirai avec détails. - Le nerf palléal antérieur (m') correspond certamement au orand nerf palléal droit du Bucein. Il innerve la plus grande partie de la région du manteau qui recouvre la tête, il passe en avant du muscle columellaire et envoie un rameau à cer muscle. Le nerf palléo-columellaire (m',) se détache du gan- glion à côté du précédent, et leurs trajets se confondent sur une certaine longueur; il se bifurque ensuite et envoie de nombreux rameaux au muscle, quelques-uns aussi au manteau. Le nerf palléal postérieur (#'.,) a son origine immédiate- ment au-dessous des deux précédents. Il se dirige vers la dépression pédieuse qui loge les viscères et devient profond avant d'arriver au muscle. Puis il se bifurque et sa branche postérieure va très nettement s’anastomoser avec une branche du nerf palléo-columellaire postérieur (sur un individu, je n'ai pu retrouver cette anastomose). La branche libre du nerf, la plus importante, se divise en deux gros rameaux dans le mus- cle. Le rameau postérieur se dirige en arrière et suit longtemps la ligne d'insertion du manteau sur le muscle, l’autre revient un peu en avant; l’un et l’autre envoient de nombreuses bran- ches au manteau à droite, et quelques-unes plus fines en ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 903 dedans, probablement au musele columellaire. Le nerf palléo- columellaire postérieur (m',) a son origine à côté du nerf précédent. C’est le plus petit des quatre nerfs qui nous occu- pent ; il se dirige vers l'extrémité postérieure du corps, envoie d’abord quelques rameaux au muscle, pénètre dans celui-ci et innerve le bord postérieur du manteau. En résumé, il est probable que tous les nerfs palléaux du Concholepas, à droite comme à gauche, sont en même temps des nerfs columellaires. Tous ces nerfs envoient aussi des rameaux parlétaux. Commissure viscérale (fig. 65, 70). — La branche gauche de la commissure (k), celle qui passe en écharpe au-dessus du tube digestif, est presque superficielle ; elle est très facile à suivre. La branche droite (4') est, au contraire, fort difficile à disséquer sur les bords de la gouttière formée à gauche par la cavité antérieure du corps; la masse des viscères et la glande spéciale la recouvrent en partie ; en outre, le tissu conjonctif des parois du corps entrave la dissection. Avant d'arriver au ganglion viscéral droit (V), la branche droite de la commissure viscérale envoie un nerf qui se dirige en avant et innerve la masse recto-génitale et les parties du manteau qui la portent, par conséquent celle qui renferme la petite glande purpurigène du Concholepas. Le ganglion viscéra! droit a un contour triangulaire ; il est un peu aplati et placé de champ dans les parois de la gout- tière. Quand on a ouvert le plafond de cette gouttière sur la ligne médiane, on aperçoit sans grand effort de dissection le petit ganglion viscéral (V,), tandis que le ganglion viscéral droit, beaucoup plus gros, est bien plus difficile à mettre en évidence. Les deux branches de la commissure viscérale aboutissent aux deux angles inférieurs de ce ganglion; de gros nerfs partent de l’angle supérieur. Les nerfs issus du ganglion viscéral droit sont les suivants : 4° le nerf réno-cardiaque (j:) qui monte directement dans les parois du sac viscéral en arrière de l’orifice du rein; 1l inncrve l’organe de Bojanus, et probablement aussi le cœur ; 294 E.-L. BOUVIER. % le petit nerf viscéral (7,) qui se rend au foie, à l'extrémité postérieure de la masse viscérale. L'une des branches s’isole du nerf, tout près de sa racine, et se rend au foie par-dessous le plancher péricardique ; 3° le nerf rectal (2), un peu plusgrèle, va seramifier en avant à la base du rectum ; 4 le grand nerf viscéral (7) a son origine sur le ganglion au point où aboutit la branche gauche de la commissure; il plonge dans la partie inférieure de la masse viscérale, se bifurque et envoie des branches au foie et aux glandes géni- tales; 5° un nerf assez puissant (7,) a son origine à côté du précédent, et parait se distribuer dans la partie antérieure du rein ; 6° enfin trois fins nerfs ont leur origine sur la face interne du ganglion et vont se ramifier dans les tissus qui avoisinent les branchies; il m'est impossible de dire si ces nerfs énigmatiques sont des nerfs branchiaux. Le petit ganglion viscéral émet un nerf (7;) qui a tantôt deux origines, tantôt une seule sur le ganglion. Il se rend au foie; mais une branche importante m’a paru se diriger vers le cœur. Au voisinage du ganglion se détache, de la commissure, un nerf branchio-cardiaque (b.) important; ses trois bran- ches vont se distribuer sur le vaisseau qui circule à la base de la branchie, et l’une d’elles m’a paru attemdre l'oreillette. Quelques filets nerveux, issus du nerf, se rendent aussi aux parois du corps et au tissu conjonetif, dans cette région. Ganglions buccaux (fig. 67). —- Les nerfs qui partent des ganglions buccaux sont au nombre de sept, un nerf impair et six nerfs réunis en {rois paires. Les nerfs pairs sont les suivants : 1° nerfs proboscidiens, au nombre de deux de chaque côté. Ces nerfs sont parallèles aux nerfs proboscidiens issus des ganglions cérébroïdes. Le nerf (s,) a son origine sur le ganglion buccal, au point même où vient s’y rattacher le connectif cérébro-buccal ; au premier abord, on le prendrait pour la continuation de ce connectif. Il va s’accoler au faisceau des nerfs proboscidiens, il s’en sépare ensuite et s’accole à l’œsophage, qu'il innerve en même temps que la cavité buccale. Le nerf (s:) se détache du gan- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES, 295 glion en avant et en dessous, il innerve la gaine de la radule et les parois latérales de la cavité buccale; 2° nerf œsopha- gien et salivaire. Ce nerf est plus grêle que les deux précédents ; il se bifurque dès son origine ; une branche innerve les glandes salivaires en grappe, une autre l’œsophage, depuis la base de la trompe jusqu'aux centres nerveux. Je n’ai pu déterminer l’innervation de la glande salivaire en tube. Le nerf impair (s,), qui a son correspondant dans Îa Pourpre et le Bucein, se détache des ganglions buceaux, vers l’échancrure postérieure qui les sépare en arrière. C’est un gros nerf qui a un trajet récurrent, s’accole à l’œæsophage, tra- verse avec lui les colliers nerveux, puis abandonne l’æsophage et se bifurque. Une de ses branches pénètre dans les circonvo- lutions de la glande spéciale et s’y ramifie ; cette branche est assez forte. L'autre suit l’æsophage, qu’elle mnerve, et envoie aussi des rameaux à l’aorte antérieure, située au-dessus. On peut suivre ce nerf fort loin en arrière. Historique et conclusions. — L'organisation des Purpuridés n’a pas été étudiée jusqu'ici. Jhering (80) se contente, ea effet, de rapprocher le système nervéux des Pourpres de celui des Murex. Les Purpuridés ont été placés dans la famille des Bucei- nidés par Claus (102), dans celle des Muricidès par M. P. Fis- cher (103); je crois qu'il faut faire des Purpuridés une famille spéciale en signalant toutefois Les affinités étroites qui la rat- tachent aux Muricidés. M. Fischer fait remarquer que la sous- famille des Purpurinés diffère de celle des Muricmés par son nucléus operculaire latéral et les denticules externes supplémentaires de la radule. J’ajouterai, pour les deux genres que j'ai étudiés, deux différences importantes qui justifieraient, à elles seules, l'établissement d’une famille spéciale dans un groupe où les familles jusqu'ici acceptées se limitent pourtant avec beaucoup de difficultés. Ces deux caractères sont les suivants : 1° glandes salivaires : les olandes salivaires en grappe sont identiques à celles des Muri- cidés, de même que la glande spéciale impaire ; mais on trouve 296 E.-L. BOUVIER. en outre une paire de glandes salivaires accessoires en tube, dont les deux conduits se réunissent en un seul qui traverse les colliers nerveux; 2° ganglions buccaux : les ganglions buc- caux sont en contact intime au lieu d’être séparés, comme ceux des autres Rachiglosses. ; Par leur glande impaire, les Purpuridés se rattachent aux Muricidés bien plutôt qu'aux Buccinidés. Les Purpuridés apparaissent en même temps que les Muricidés, dans la Craie supérieure. Le genre Purpuroidea, jurassique et crétacé, est rangé parmi les Purpuridés d’après sa coquille. Un muricidé, l’Ocinebra erinaceus Linn., a des glandes salivaires acces- soires en tubes, et établit un passage entre les deux familles. Entre les Purpuridés et les Muricidés, on placera très pro- bablement, dans une famille spéciale, le genre Halia, dontun représentant, l’. priamus (111), a été supérieurement étudié par M. Poirier. On voit en effet apparaître, dans les Haliadés, une paire accessoire de glandes salivaires, renflées en sac à leur extré- mité postérieure, comme celles des Xénophores, des Tonnes et des Pyrules. En outre les ganglions buccaux sont unis en une seule masse sur la ligne médiane. Le système nerveux présente une particularité remarquable tirée du ganglion sus- intestinal ; ce ganglion est relativement très éloigné du gan- glion palléal droit, mais cette considération ne saurait suffire, à elle seule, pour éloigner les Halia des Purpuridés, puisque tous les autres ganglions sont extrêmement concentrés. La radule des Halia a trois rangées de dents comme celle des Rachiglosses les plus typiques; la dent médiane est jaune, assez réduite ; M. Fischer l’ayant méconnue avait donné aux Halia a formule radulaire 1.0.1, et rangé les Halia dans la famille des Conidés. Ce fait seul suffira pour montrer le peu d'importance qu’il faut attribuer à la division des Toxiglosses ; avec une classification fondée sur un ensemble de caractères sagement subordonnés, une erreur de cette nature ne serait pas possible. ARTICLE N° f. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 997 CANCELLARIIDÉS (fig.71, 12, 13, 76 et 711). Je suis resté très longtemps sans pouvoir me procurer d’exemplaire de cette famille. M. Viguier, professeur à l’École supérieure d'Alger, a bien voulu recueillir pour moi des Can- cellaires dans la baie d'Alger, et il m’a envoyé tout récemment trois superbes échantillons de la Cancellaria cancellata Linn. Je n’ai pas complètement terminé l’étude de cette inté- ressante espèce, Je relève ici les seuls résultats qui soient absolument nécessaires à ce travail. Cancellaria cancellata. — Les Cancellaires sont dépourvues d’opercule. Leur tête porte deux tentacules ; les yeux sont à une faible distance de la base de ces tentacules, sur une saillie à peine sensible. La trompe (T) est au moins aussi longue que celle des Pourpres; c’est une trompe normale, en continuité directe avec l’œsophage à son extrémité libre, fort différente par conséquent de celle des Terebra. La gaine de la trompe rétractée, ou base de la trompe dévaginée, est reliée aux parois du corps par de nombreux trabécules musculaires. Les centres nerveux antérieurs sont situés un peu en arrière des tenta- cules, c’est-à-dire à la base de la trompe quand celle-e1 est dévaginée, à l'extrémité antérieure de sa gaine quand la trompe est invaginée. Les rapports sont d’ailleurs les mêmes que chez le Bucein. L’œsophage (fig. 72, 0) parcourt la trompe, se renfle à peine avant de traverser les centres nerveux, et ne parait pas se renfler notablement en arrière de ceux-e1. À son extrémité antérieure, il forme une masse buccale (M) assez longue, mais fort étroite, surtout en avant, où elle se rétrécit progressive- ment pour acquérir finalement un diamètre égal à celui de l’æsophage. Deux paires de glandes salivaires en tube (a, «:) y débouchent et la glande spéciale (glande à venin) fait com- plètement défaut. Il n’est pas de Toxiglosse, et les Rachiglosses sont très rares, qui présentent un appareil semblable. Les glandes salivaires les plus allongées (4) atteignent à peine dans 298 E.-L. BOUVIER. leur longueur, ia moitié postérieure de la trompe, c’est dire qu'elles sont bien loin en avant des centres nerveux, qu’elles ne peuvent traverser par conséquent. Ge sont deux tubes blanes et étroits, qui passent sur les côtés de la masse buccale, puis se rétrécissent el deviennent capillaires, pour Iler débouchera à l'extrémité antérieure de la masse buccale. Ayant voulu garder une préparation intacte de Pappareil salivaire, je nai pu jusqu'ici disséquer leurs conduits filiformes, crainte de les briser. Autant que j'ai pu apercevoir sans pousser jusqu’au bout la préparation, ils m'ont paru indépendants. Une autre paire (a) est très réduite et forme deux appendices à l’extré- mité postérieure élargie de la masse buccale. Cette deuxième paire est encore tubulaire, mais jaunâtre et manifestement glandulaire. Deux longs tractus fibreux blanes (X) traversent la trompe dans toute sa longueur, se divisent en avant pour se raltacher à la masse buccale et se fixent en arrière aux parois de la cavité du corps. Sur le plancher de la masse buccale se trouve la radule (fig. 73, 76 et 77) excessivement réduite, dépourvue de dents médianes ; sa formule est par conséquent 1.0.1, comme celle de la plupart des Toxiglosses. Mais ses dents n’ont de correspondant dans aucun groupe et se font remarquer par leur extrême longueur. À un faible grossissement, ses deux moitiés réunies ressemblent à deux traits placés à la suite, séparés par un très léger intervalle et renflés dans leurs extré- mités en regard (fig. 77). Aux extrémités on aperçoit déjà les pointes libres et élargies des dents. À un grossissement plus fort, on voit que chacun des deux traits est formé par un faisceau de dents filiformes qui s’épanouit en éventail à l’in- térieur, forme un paquet au milieu et s’épanouit de nouveau à l'extérieur, les extrémités des dents devenant successive- ment libres (fig. 76). Enfin, à un grossissement encore plus puissant, on voit que chaque dent parcourt le faisceau dans presque toute sa longueur, qu’à leur origine les dents ne sont pas toutes également écartées de la ligne médiane, mais que les plus internes sont celles qui se terminent les premières à ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 9299 l'extrémité externe et épanouie du faisceau. À leur extrémité interne, les dents sont élargies en une palette assez longue, elles deviennent ensuite filiformes et flexueuses, et se terminent à l’autre extrémité par une palette moins large et plus courte que la première (fig. 73). Gette description ne ressemble en aucune façon à celle donnée par Troschel, et Je crois que cet auteur n’a décrit, dans son grand ouvrage, qu’une por- tion très faible des dents des Cancellaires (41). Les Toxiglosses n’ont pas plus que les Rachiglosses, de radule qui puisse Ôtre comparée, même de loin, à celle des Cancellaires. Le pénis des Gancellaires est énorme. Leur fausse branchie est piriforme, un peu acuminée en avant, large et très forte- ment bipectinée. Le siphon est médiocrement long, la bran- chie n'offre rien de particulier. Je me contenterai de donner ici une description très suc- cincte du système nerveux (fig. 71). Les ganglions cérébroïdes (G) sont ovoïdes et réunis par une très courte et très large commissure. Les ganglions palléaux sont en continuité de substance avec les ganglions cérébroïdes. Le ganglion palléal droit (Cd) continue en arrière le ganglion cérébroide du même côté et forme sur l’œsophage une très forte saillie qui se ter- mine en arrière et du côté gauche par la branche sus-intesti- nale de la commissure viscérale ; cette branche parcourt un long trajet avant d'atteindre les parois du corps pour y former le ganglion sus-intestinal (Sp). Le ganglion palléal gauche (C y) se sépare du ganglion cérébroïde du même côté par un simple étranglement. [l est situé sur les côtés de l’œsophage, et se prolonge un peu au-dessous et en dedans. Le ganglion sous- intestinal (Sb) se rattache aux ganglions palléaux par des connectifs très larges, mais extrêmement courts, ganglion- naires comme les centres nerveux. À partir des deux ganglions sus-intestinal et sous-intestinal, les deux branches de la com- missure se dirigent en arrière, et forment au fond de la cavité palléale, au-dessus du tube digestif, deux ganglions viscéraux, dont le plus fort est à droite. Les ganglions pédieux sont énormes, ovoides, très largement unis sur leur bord in- 300 E.-L. BOUVIER. terne (P); ils se rattachent par des connectifs très courts aux ganglions palléaux et cérébroïdes; ils font saillie en avant des ganglions cérébroïdes. Je n’ai pas encore pu exactement étudier les ganglions buccaux; c'est la partie la plus difficile à mettre en évidence de tout le système nerveux. l Les ganglions cérébroïdes émettent un fort nerftentaculaire, le nerf optique, quelques nerfs pariétaux et trois puissants nerfs proboscidiens (fig. 71, pa, ps, ps). Les ganglions pédieux donnent naissance à de très nombreux nerfs pédieux; celui de droite a sous sa dépendance l’innervation du pémis. Le ganglion palléal gauche sert de point de départ à un nerf pariétal (a), au nerf columellaire (l) et au gros nerf palléal gauche (#) qui se recourbe à la base du siphon et pénètre tout entier dans cet organe. À la base du siphon, il envoie deux fortes branches d’anastomose (z,) au nerf branchial antérieur (Ÿ,) issu du ganglion sus-intestinal; ce nerf (b,) envoie deux puissants rameaux à la branchie et surtout à la fausse branchie, et innerve ensuite le bord du manteau à gau- che. Un autre nerf branchial (b:) a aussi son origine dans le ganglion sus-intestinal, quelques autres filets plus grêles sont émis par la branche gauche de la commissure. Les nerfs viscéraux n'offrent rien de particulier. Le ganglion palléal droit n’émet qu’un nerf pariétal assez faible, mais le ganglion sous-intestinal donne naissance au grand nerf palléal droit et à un important nerf pariéto-columellaire (d:). Deux autres nerfs assez puissants se détachent de la branche droite de la commissure viscérale. Historique et conclusions. — Le système nerveux des Can- cellaires n’a jamais été étudié jusqu'ici. On sait comment Troschel a figuré leur radule, sans déerire du reste leur masse buccale ni leur appareil salivaire. On a coutume de ranger les Cancellaires parmi Toxi- olosses, mais il est impossible de fonder ce rapprochement sur autre chose que sur la formule radulaire 4.0. 4, car les dents des Cancellaires ne ressemblent en rien à celles des Toxi- olosses. Il est vrai qu’elles ne ressemblent pas plus à celles ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 301 des Rachigloss®s, mais cela prouve simplement que les radules aberrantes ne peuvent, à elles seules, servir de guide dans la classification, Il n’y a, parmi les Rachiglosses et les Toxi- glosses, que les Halia, Rachiglosses étudiés par M. Poirier, qui aient deux paires de glandes salivaires sans relation avec les colliers nerveux, en mêrne temps qu’un système nerveux caractérisé par un ganglion sus-intestinal situé à une distance considérable des centres nerveux principaux. D'ailleurs, les Halia ont un siphon œsophagien, qui correspond morpholo- giquement à la glande impaire des Purpuridés. Gette glande n'existe pas dans les Cancellaires, mais on la trouve sous la forme d’un renflement œsophagien, dentelé sur son bord libre, chez les Cancellarudés du genre Admete. Par conséquent, les Cancellariidés doivent se ranger à côté des Haliadés, parmi les Rachiglosses, dans un groupe spécial voisin des Purpuridés. VOLUTIDÉS (fig. 14, 15, 92 et 93). J’ai étudié, dans cette très intéressante famille, le système nerveux de la Vo/uta Neptuni Gmelin, des collections du Muséum. Le corps des Volutes offre deux traits fort caractéristiques. Le premier est la présence d’une espèce d’avant-toit qui s'étend en avant et au-dessus de la bouche, recouvrant en partie l'extrémité antérieure du pied; sur cet avant-toit on voit, à une faible distance du bord, en avant les tentacules très réduits et fort éloignés l’un de l’autre, sur les côtés et un peu en arrière des tentacules la saillie oculifère. Get avant- toit étant libre au-dessus de la bouche ne saurait être assi- milé à un mufle, d'autant que les Volutes sont pourvues d’une trompe ; l’innervation montre qu’on doit le considérer comme une formation due à la concrescence des tentacules très élargis à leur base. L'autre caractère des Volutes est tiré du siphon. Cet organe est large, massif et méciocrement long ; il présente à sa base, de chaque côté de la gouttière siphonale, deux fortes saillies atténuées à leur extrémité libre. 302 E.-L. BOUVIER. La trompe et sa gaine sont peu développées; la gaine de la radule est assez longue ; la radule elle-même est armée d'une seule rangée de dents noires fortement tricuspides. Ce caractère vaut qu'on le signale, car certaines Volutes ont une radule trisériée. Les glandes salivaires sont en arrière de la trompe rétractée, sur les côtés et en avant des centres nerveux. Elles ont une forme très bizarre, signalée déja par Quoy et Gaymard chez la Volute ondulée. Elles forment une masse glandulaire qui se prolonge en arrière dans un tube sinueux, en avant dans les conduits salivaires. Ceux-ce1 vont s’ouvrir en avant dans une masse buccale très peu marquée, üs ne traversent pas les colliers nerveux. En arrière des centres nerveux on voit sur les côtés de lœsophage un gros canal très sinueux, à parois épaisses et lustrées ; 1l se termine en arrière dans un assez gros renflement piriforme, lustré comme la glande. Il ressemble à s’y méprendre, à la glande à venin d’un Pleurotome ou d’un Térébra. Ses parois (fig. 92, 93) sont très épaisses, à la fois musculaires et conjonc- tives ; au centre se trouve la région glandulaire. Le conduit sinueux à la même structure que laglande; avant d'arriver au collier nerveux, ils’atténue progressivement, devient filiforme, s’'accolé aux parois de l’œsophage et traverse avec lun les colliers nerveux. Il pénètre de plus en plus dans les parois de l’œsophage et bientôt on ne l’aperçoit plus. Il est probable qu'il va s'ouvrir en avant dans la masse buccale, et bien cer- tainement Je l’aurais suivi jusque-là, si Je n'avais voulu con- server une préparation intacte de cette glande importante, qui, par tous ses caractères, rappelle la glande à venin des Pleurotomes. Ce n’est pas une formation caractéristique de l'espèce, car je lai retrouvée partout, chez la V. scapha Gmelin, la V. melo Solander et la Voluta undulata Lam. Dans ces trois espèces, le renflement piriforme est beaucoup moins développé que dans la V. Neptuni. Je dois ajouter que mon échantillon était jeune, sa taille était celle d’un escargot de Bourgogne, et l’on trouve des V. Nepuni énormes. La partie renflée s’atiénue peut-être un peu avec l’âge. ARTICLE N° 1. = SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIIES. 305 Le système nerveux (fig. 74, 79) est intéressant parce qu'il rappelle à certains égards celui des Pleurotomes. Les ganglions cérébroïdes (GC) sont très gros, piriformes, fusionnés sur leur bord interne, où une ligne droite médiane les sépare; ils forment une large bande trapézoïdale au-dessus de l’œso- phage, et la grande base du trapèze est tournée en avant. Cest du bord antérieur et sur les angles du trapèze que se détachent les nerfs cérébroïdes : deux gros nerfs probos- cidiens (71,2), deux nerfs tentaculaires très rameux (4. /f) innervent l’avant-toit buccal en même temps que les yeux et les tentacules, enfin un nerf pariétal (pe). Les ganglions palléaux (Cd, Gg) se séparent à peine, par des étranglements, des ganglions cérébroïdes. Le ganglion palléal droit s’atténue peu à peu en arrière, se recourbe à gauche au-dessus de l’œsophage et se continue par la branche sus-intestinale (4) de la commissure viscérale ; ce ganglion donne en outre naissance à quelques nerfs pariétaux (d,). Le ganglion sus-intestinal (Sp) est relativement très éloigné du . ganglion palléal droit, 1l est peu de Rachiglosses où la dis- tance entre les deux ganglions soit aussi grande ; le ganglion est piriforme et s'étire peu à peu pour se continuer avec la commissure qui le rattache au ganglion palléal droit. Le ganglion est appuyé contre les parois du corps, c’est lui qu’on aperçoit le premier quand on a ouvert la cavité antérieure du corps. Les nerfs qui en partent sont très nombreux; j'en ai compté dix dans l’individu que j’étudiais, huit chez un autre que j'ouvris uniquement pour examiner la constance de ce caractère. Il n’est pas un Prosobranche qui offre autant de nerfs issus du ganglion sus-imtestinal ; deux, trois ou quatre, c’est la règle; trois, le plus souvent. Ces nerfs sont presque tous égaux en grosseur, la commissure viseérale est un peu plus épaisse. Trois de ces nerfs, les plus antérieurs, paraissent se détacher d’un même tronc (bm) qui correspondrait par là au nerf branchial antérieur. Gelui qui est le plus avancé est presque.exclusivement un nerf palléal, les autres se rendent à la branchie et à la fausse branchie, beaucoup plus courte 304 E.-L. BOUVIER. que celle des Olividés. La multiplicité des nerfs doit être attribuée à une division, dès leur base, des troncs branchiaux principaux. Le ganglion palléal gauche est large et allongé, 1l émet trois nerfs principaux. Le nerf palléo-siphonal (#) est presque parallèle au nerf antérieur issu du ganglion sus-intestinal ; ces deux nerfs sont très rapprochés l’un de l’autre, et, à la base du siphon, s’envoient une courte branche d’anastomose. Le nerf palléo-siphonal innerve en grande partie le siphon et son appendice supérieur, c’est lui aussi qui se rend au bord du manteau à gauche. Le nerf suivant (#,) innerve aussi une partie du siphon, et probablement l’autre appendice siphonal. Le nerf columellaire (/) est très réduit et se détache du ganglion au voisinage du centre sous-intestinal. Quelques autres nerfs, beaucoup plus fins, se distribuent aux parois du corps et au muscle columellaire. Les ganglions cérébroïdes et palléaux se rattachent aux ganglions pédieux par de courts et larges connectifs qui for- ment un triangle latéral fort étroit, traversé par l'artère laté-. rale. Le connectif cérébro-pédieux est beaucoup moins épais que le connectif palléo-pédieux. Les ganglions pédieux (P) sont larges et puissants ; ils sont très sensiblement triangu- laires, se prolongent en pointe en avant et communiquent lar- sement sur leur bord interne. Les nerfs pédieux sont en très . orand nombre ; deux sont plus gros que tous les autres et continuent les ganglions en avant. Le ganglion sous-intestinal (S b) est à peu près triangulaire, il rappelle jusqu’à un certain point celui des Cônes. Un court et large connectif l’unit au ganglion palléal gauche ; le con- nectif de la zygoneurie (2) est plus long et moins large. La branche sous-intestinale de la commissure viscérale se déta- che de l’angle interne et postérieur du ganglion. Un fin nerf pariéto-columellaire (d:), deux nerfs pariétaux assez grêles, un gros nerf pariétal (#,) et le nerf palléal droit (m) ont leur -origine dans le même ganglion. Au fond de la cavité palléale, au-dessus du tube digestif, ARTICLE N° {, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 309 la commissure viscérale forme un ganglion viscéral trian- gulaire très important qui distribue de nombreux nerfs aux viscères du tortillon. En avant, les ganglions buc- caux (B) arrondis sont en relation par de très courts con- nectifs avec les connectifs cérébro-pédieux. Une assez longue commissure les réunit. [ls envoient trois nerfs principaux en avant à l’œsophage, à la masse buccale et aux glandes sali- vaires. Chacun d’eux émet en arrière un nerf impor- tant (S.) qui traverse les colliers nerveux et se comporte comme le nerf récurrent impair du Buccin, dont les deux racines forment une seconde commissure buccale. Historique et conclusions. — Le tube digestif si intéressant et le système nerveux des Volutes n’ont pas été étudiés jus- qu'ici ; on sait seulement que leur radule est tantôt trisériée, tantôt unisériée, et l’on connaît les particularités extérieures de Panimal. Par leur système nerveux, qui rappelle considérablement celui des Ficules et qui est encore relativement très peu con- densé, par leur trompe et leur siphon assez courts, les Volutes sont encore plus voisimes des Ténioglosses que les Turbinelles. Elles se rapprochent considérablement de ces dernières par leurs glandes salivaires et surtout par la longue glande spé- ciale. Toutefois par leur glande spéciale à parois minces et par leur trompe beaucoup plus longue, les Turbinelles se rappro- chent bien davantage des Rachiglosses les plus typiques. Les Turbinelles sont à la tête d’une série assez continue dans le oroupe des Rachiglosses, les Volutes sont à la tête d’une autre; en raison des grandes ressemblances qui existent au point de vue de lanatomie entre les Volutes et les Turbi- nelles, et des faibles différences qui les séparent des Ténio- olosses, 1l est permis de se demander si les deux séries des Volutes et des Turbinelles ne convergent pas vers une même forme ou vers des formes très voisines du groupe des Ténio- olosses. Il n’est pas possible, pour le moment, de fixer ces rapports avec plus de précision. D'un autre côté, les Volutes se rapprochent au moins autant ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. LL. 20. — aAnT, N° 1. 306 E.-L. BOUVIER. des Toxiglosses typiques, surtout des Pleurotomes, que des Turbinelles. Il y a identité presque absolue entre le système nerveux des Volutes et celui du Pleurotoma nodifera; d'ailleurs la glande spéciale des Volutes diffère assez peu de la glande spéciale (glande à venin) des Pleurotomes. Je préciserai plus loin ces ressemblances. On a coutume de rattacher les Mitridés aux Volutidés par l'intermédiaire des Volutomitra qui offrent en effet des carac- tères mixtes entre les deux familles. L'étude des Mitridés jus- tifiera peut-être ce rapprochement ; si j’ai rapproché provisoi- rement les Mitres des Fusidés, c’est en tenant compte de la trompe et du système nerveux. C’est une question qu'on réglera facilement plus tard. HARPIDÉS ET OLIVIDÉS J’ai étudié, dans ses traits généraux seulement, le système nerveux des deux genres principaux de cette famille, les Olives et les Harpes. Le système nerveux ressemble presque complé- tement à celui du Buccin; il n’en diffère que par une agglo- mération encore plus grande des centres nerveux et par des variations insignifiantes dans le nombre et la disposition des nerfs. Harpa ventricosa Lamarck. — J'ai eu à ma disposition un seul individu de cette espèce, provenant de Zanzibar, et conservé depuis longtemps dans les doubles du Muséum. La trompe, assez réduite et fort grêle, était complètement inva- ginée ; elle était rejetée à droite avec sa gaine et ne remplis- sait qu’une très faible partie de la cavité antérieure du corps. Au sortir de la trompe, l’œsophage assez grêle faisait deux coudes comme chez le Buccin. C’est au coude antérieur, tout à fait en avant, à la naissance du pied, que se trouvent les centres nerveux antérieurs. Ces centres comprennent les ganglions cérébroïdes, pé- dieux, sus-intestinal, sous-intestinal et palléaux. La zÿgo- neurie est portée presque à son plus haut degré, le ganglion ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 307 sus-intestinal ne se sépare que par un mince étranglement du ganglion palléal droit. En outre les ganglions pédieux sont si rapprochés des ganglions cérébroïdes et palléaux qu’on les croirait presque en contact avec eux. En fait les connectifs cérébro-pédieux et palléo-pédieux de chaque côté sont si larges et si courts, que le triangle latéral est D ne ou peu s’en faut. Les ganglions cérébroïdes sont réunis intérieurement par une large surface ; ils sont très nettement ovoides et situés sur l’œsophage. Les ganglions palléaux sont séparés des gan- olions cérébroïdes par de simples étranglements ; ils occupent les côtés et un peu la partie inférieure de l’œsophage. Celui de gauche est très développé et se distingue du ganglion sous- intestinal par une échancrure postérieure qui se voit à droite du grand nerf columellaire. Celui de droite se sépare à peine du ganglion cérébroïde et du ganglion sous-imtestinal; pour- tant on distingue assez aisément ces trois ganglions quand on relève un peu vers la gauche les colliers nerveux; un profond étranglement le sépare du ganglion sous-intestinal, mais la zygoneurie est très voisine de son maximum, puisque les deux ganglions sont en contact. Les ganglions cérébroïdes donnent naissance à trois petits nerfs proboscidiens, à quelques filets pariétaux et au très gros nerf tentaculaire. Celui-ci se ramifie à la base du tentacule et dans tout cet organe, qui est très long. Le nerf optique se détache du nerf tentaculaire à son entrée dans le tentacule, il est moins grêle qu’à l'ordinaire. Il se rend à l’œil situé sur le bord externe du tentacule à une certaine distance de son extrémité. Je n’ai pas trouvé les otocystes, car je tenais à conserver en place les centres antérieurs de mon spécimen ; mais autant que j'ai pu le voir, elles ne sont pas en contact avec les gan- glions et je pense qu’il faut les chercher à la même place que dans le Buccin. Toutefois je ne veux rien affirmer. Un énorme nerf palléo-siphonal, en rapport avec le puis- sant développement du siphon, se détache du ganglion palléal 308 E.-L. BOUVIER. droit, en compagnie de quelques nerfs pariétaux. Arrivé à la naissance de la gouttière siphonale, le nerf suit cette gouttière et, chemin faisant, reçoit un filet anastomotique antéro-posté- rieur du nerf branchial antérieur. Gette anastomose est très facile à mettre en évidence; le filet qui la forme est assez fort, mais beaucoup moins pourtant que chez des formes où le siphon est moins développé. Le nerf branchial antérieur envoie quelques filets au manteau à gauche, mais le bord du manteau de ce côté est tout particulièrement innervé par une branche du nerf palléo-siphonal. Le nerf branchial antérieur et le nerf branchial postérieur sont deux nerfs puissants, issus du ganglion sus-intestinal, qui se rendent à la fois à la bran- chie et à la fausse branchie. Cette dernière est bipectinée, très longue (elle s’étend presque sur les trois quarts de la lon- gueur de la branchie) et atténuée en arrière. Un trait de ressemblance frappant avec le Buccin, c’est la présence d’un grand nerf latéral issu du connectif palléo- pédieux. À gauche, ce nerf est énorme et son champ d’inner- vation très étendu ; il comprend toutes les parois gauches du corps depuis la base des tentacules jusqu'à une certaine dis- tance de l'extrémité postérieure de la fausse branchie. Là 1l est remplacé par quelques filets pariétaux issus du second nerf branchial. A droite, le nerf est moins développé et son champ d’innervation plus limité en arrière. Cela tient à la présence de deux nerfs pariétaux assez puissants issus du ganglion sous- intestinal, au voisinage du ganglion palléal droit. Le nerf pariétal antérieur innerve à peu près les mêmes parties du corps que le grand nerf latéral gauche. Le nerf pariétal pos- térieur se distribue beaucoup plus en arrière et, comme dans le Buccin, c’est aussi un nerf columellaire. Outre la branche sous-intestinale de la commissure viscérale, deux nerfs importants se détachent du ganglion sous-intes- tinal, à côté des nerfs précédents. Ils correspondent aux deux grands nerfs palléaux droits du Buccin. Le nerf palléal anté- rieur est le plus développé etinnerve le bord droit du manteau, en même temps que le bourrelet palléal qui entoure le corps ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 309 en dessous. L'autre a la même distribution que son corres- pondant dans le Buccin, c’est-à-dire qu'il atteint la partie antérieure de la masse recto-génitale, lui envoie des filets nerveux, et se distribue également à droite. La branche sous-intestinale de la commissure viscérale a son origine dans le ganglion sous-intestinal, au voisinage du ganglion palléal gauche. Elle offre d’abord un trajet super- ficiel sur le plancher de la cavité antérieure du corps, puis plonge peu profondément sous les téguments dorsaux de l'animal. Elle est très facile à suivre jusqu’au ganglion viscéral situé au fond de la cavité palléale, un peu à droite de la ligne médiane. La branche gauche ou sus-intestinale de la com- missure est le plus postérieur et le plus grêle de tous les nerfs issus du ganglion sus-intestinal; elle est beaucoup moins épaisse que la branche droite. Elle se dirige en arrière et un peu à gauche, presque superficiellement; on la suit sans difficulté jusqu’au fond de la chambre palléale. Là elle se recourbe à droite, passe sur l'aorte antérieure très développée et sur l’œsophage, et aboutit au ganglion viscéral. Un second ganglion viscéral n’existait pas dans l'individu que j'ai étudié. Les ganglions buceaux sont en contact presque intime avec les ganglions cérébroïdes; la commissure buccale est assez grosse et relativement courte. Les nerfs issus des ganglions pédieux sont très nombreux, mais leur description ne saurait trouver sa place ici. Je dirai seulèment qu’un paquet se rend au lobe pédieux antérieur, et un autre plus important au lobe pédieux postérieur. Le nerf columellaire se détache, comme de coutume, du ganglion palléal gauche, au voisinage du ganglion sous-intes- tinal. L’mdividu que j'ai disséqué étant une femelle, je ne puis rien dire du nerf pénial. Oliva guttata Lamarck. — J'ai pu étudier brièvement les traits généraux et les relations principales du système nerveux dans un individu de l'O. guttata, distrait pour cet usage des collections du Muséum. 310 E.-L. BOUVIER. La concentration des ganglions antérieurs est beaucoup plus avancée encore que dans les Harpes. Tous les connectifs, toutes les commissures qui unissent entre eux ces ganglions sont larges, épais et chargés de cellules nerveuses; on peut dire que tous ces ganglions sont en continuité parfaite et séparés seulement les uns des autres par des étranglements. Les triangles latéraux sont réduits à une perforation à peine sensible; le connectif cérébro-pédieux est un peu moins large que le connectif palléo-pédieux. Les deux ganglions buccaux sont arrondis, unis par une commissure assez longue et presque en contact avec la partie étranglée qui sépare les gan- glions cérébroïdes des ganglions pédieux. Les ganglions pédieux sont énormes, leur volume est presque égal à celui de tous les autres centres antérieurs. Ils sont fort nettement bilobés, grâce à une gouttière hori- zontale de leur bord antérieur; les deux lobes apparaissent seulement quand on regarde les ganglions pédieux sur leurs faces latérales. On voit alors un lobe supérieur et antérieur qui envoie en avant deux gros faisceaux nerveux, puis un lobe postérieur et inférieur qui envoie un très gros faisceau en arrière. Le ganglion sus-intestinal n’émet que deux nerfs; le moins puissant correspond à la branche sus-mtestinale de la com- missure, l’autre correspond aux nerfs branchiaux réunis dans un tronc unique. Ce nerf se bifurque assez loin de son ori- gine; le rameau situé en avant correspond au nerf branchial antérieur et envoie une branche anastomotique au nerf palléal gauche. Le nerf branchial innerve, par ses deux rameaux, la branchie et la fausse branchie. Cette dernière est très longue et occupe presque toute la longueur de la branchie. Le gan- glion palléal gauche donne naissance à trois nerfs; le plus important est le nerf palléo-siphonal, dont une branche innerve le filament tentaculiforme situé sur le bord du man- teau, à la base du siphon. Des deux autres nerfs, l’un est pro- bablement destiné au bourrelet inférieur du manteau et aux parois du corps, l’autre est un nerf pariétal, ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 311 Le nerf columellaire n’est pas très développé, il a aussi son origine dans le ganglion palléal gauche. Le nerf palléal droit, issu du ganglion sous-intestinal, envoie une très forte branche au filament tentaculiforme qui se trouve à droite, sur le bord du manteau. Un nerf pariétal et la branche sous-intestinale de la commissure viscérale ont leur origine dans le même ganglion sous-intestinal. On trouve en arrière, sur la commissure viscérale, deux ganglions viscé- raux. Le plus gros est situé à droite de l’œsophage, le plus petit sur l’œsophage lui-même; ce dernier n’émet que deux nerfs qui se dirigent vers le tortillon, l’autre donne naissance à quatre nerfs principaux qui correspondent assez exactement aux nerfs viscéraux du ganglion viscéral droit du Buccin. Je n'ai pas trouvé les otocystes. La trompe de l’Olive n’est pas très développée. Elle renferme une masse buccale assez puissante. Quand elle est rétractée, on voit à sa base deux glandes salivaires assez réduites dont les conduits ne traversent pas les colliers nerveux. En arrière des centres nerveux débouche, dans l’œsophage, une glande for- mant un sac allongé à parois glandulaires; elle correspond à la glande spéciale des Murex. Je n’ai pas trouvé cette glande chez les Harpes. D'ailleurs, les Harpes diffèrent des Olives par la présence de glandes salivaires plus compactes et bien déve- loppées. Ges glandes des Harpes recouvrent les centres ner- veux et leurs conduits ne traversent pas les colliers ner- veux. Les Marginelles ont un système nerveux presque aussi con- densé que celui des Olives; la trompe est assez réduite et les glandes salivaires sont peu développées; elles ont une glande spéciale en tube, étroite, arquée, flasque, qui pourrait bien communiquer avec l’œæsophage par ses deux extrémités, en formant un siphon, comme celle de l’Halia priamus. Historique et conclusions. —- Peu de chose à signaler en bibliographie. Jhering (80) dit simplement que le système nerveux de la Harpa ventricosa lui a paru ressembler à celui du Buccin. Quoy et Gaymard ont signalé la glande spéciale 512 E.-L. ROUVIER. des Volutes comme un simple diverticule en cul-de-sac de l’œæsophage (12). Par la structure et la forme de leur glande spéciale, les Oli- vidés ressemblent aux Volutidés de la même mamière que les Turbinelles. Ils se rapprochent, d’ailleurs, fort étroitement des Volutidés par leur trompe relativement réduite et leur masse buccale assez bien développée. Ils ont une orga- nisation plus élevée en ce sens que leur système nerveux est extrêmement condensé. Troschel a placé les Marginelles dans la famille des Volutidés à cause de leur radule; en réalité elles se rattachent très étroitement aux Olividés. PLEUROTOMIDÉS (fig. 78, 19). J'ai étudié deux genres dans celte famille, les Pleurotoma et les Mangilia; dans le premier genre, deux espèces seule- ment, qui se trouvaient bien représentées dans les collections du Muséum; dans le second, une seule espèce, le Mangilia purpureus, recueilli à Saint-Waast par M. Poirier, aide-natu- raliste au Muséum, qui a eu l’obligeance de me communi- quer les deux exemplaires qu’il avait en sa possession. Pleurotoma nodifera Lam. (fig. 78). Ma dissection a été faite sur un individu provenant de Sumatra. J'ai vérifié les résultats principaux de cette dissection sur un second exemplaire. Les Pleurotomes n’ont pas une gaine proboscidienne pro- tractile et indépendante de la trompe comme les Terebra; leur trompe est construite exactement de la même manière que celle des Buccins, Pourpres, Harpes, Olives, etc., c’est-à-dire que la gaine peut se dévaginer plus ou moins quand la trompe se projette, mais elle n’est pas protractile et n’est pas autre chose que la continuation de la trompe à sa base. La trompe du PJ. nodifera est très longue ; elle mesurait 23 millimètres de longueur pour un animal de 45 millimètres. Elle est un peu plus étroite en avant qu’en arrière ; je l’ai toujours trouvée ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 315 repliée en deux dans sa gaine, à l’état d’invagination. L’extré- mité antérieure de l’œsophage la traverse dans toute sa lon- sueur. Presque immédiatement en arrière de l’orifice buccal (extrémité de la trompe), l’œsophage forme une masse buccale, se prolongeant en arrière et en dessous dans un sac radulaire de 8 à 10 millimètres de longueur. La radule a deux rangées de dents supportées par une lamelle si faible que très sou- vent, dans les préparations, on voit les deux rangées se séparer plus ou moins complètement. Immédiatement en arrière de la trompe se trouve une glande spéciale de 9 millimètres de longueur, élargie en avant, en pointe mousse en arrière, légèrement arquée, de structure absolument identique à celle du Cône. Le canal de la glande forme un très gros peloton blanc rejeté à gauche; il traverse les colliers nerveux par-dessus l’œsophage, enallant de gauche à droite. Il devient ensuite capillaire, forme un nouveau paquet et s'enfonce à demi dans les parois de l’æsophage; il est alors un peu caché par l'artère proboscidienne accolée à ce der- nier. Son trajet est sinueux, il débouche dans l’æsophage immédiatement en arrière de la masse buccale. Il m'a été impossible de trouver des glandes salivaires. Je puis donc affirmer, sinon que ces glandes n’existent pas, au moins qu'elles sont extrêmement réduites. On sait que leurs dimensions sont déjà très faibles dans le Cône. Système nerveux. — Les ganglions cérébroïdes (G) ne sont séparés que par un étranglement; ils se séparent de la même manière des ganglions palléaux (Gd, Cg). Les connectifs céré- bro-pédieux et palléo-pédieux sont assez longs, un peu plus à droite qu’à gauche. Il en est de même des connectifs allant des ganglions palléaux au ganglion sous-intestinal (Sb); la dis- tance de ce ganglion aux ganglions palléaux établit en ce point le passage des Cônes aux Térébridés. Déjà le T. aciculina possède un très court connectif entre le ganglion palléal gauche et le ganglion sous-intestinal. La branche sus-intestinale (4) de la commissure viscérale, issue du ganglion palléal droit, donne naissance au ganglion sus-intestinal (Sp), après un très 314 E.-L. BOUVIER. court trajet ; elle se dirige ensuite à gauche et plonge presque immédiatement dans les parois du corps. La branche sous- intestinale (k') de la commissure, issue du ganglion sous- intestinal, chemine assez longtemps sur le plancher de la cavité du corps, avant de pénétrer dans ses parois à droite. Les nerfs n’offrent rien de bien particulier à signaler, Les ganglions buccaux (B) sont assez éloignés des ganglions cérébroïdes ; un peu plus à droite qu’à gauche. La commissure buccale est médiocrement développée ; elle donne naissance à un gros nerf postérieur un peu moins éloigné du ganglion droit que du ganglion gauche. En résumé, le système nerveux du Pl. nodifera établit une transition entre le système nerveux du Cône et celui du Te- rebra. Pleurotoma babylonia Linn. (fig. 79). Des différences anatomiques importantes existent entre cette espèce et la précédente. La trompe est relativement plus courte et plus grêle; la glande spéciale est plus réduite, son con- duit excréteur plus atténué. Le sac radulaire est moins déve- loppé et s’ouvre dans une masse buccale située à la partie postérieure de la trompe, comme dans les Terebra. La glande spéciale est munie d’un très long conduit, qui s’effile après avoir traversé les colliers nerveux au-dessus de l’œsophage et débouche en arrière de la masse buccale. Les glandes salivaires sont très nettes dans cette espèce ; elles se réunissent sur la ligne médiane, de manière à former un croissant un peu rejeté à droite au-dessus des centres ner- veux. Chacune des deux cornes du croissant émet un gros et court conduit salivaire qui, sans traverser les centres nerveux, va s'ouvrir sur les côtés et en avant de la masse buccale. Tous les Pleurotomes ont les yeux placés latéralement sur le bord externe des tentacules. Ils sont presque à la base chez le PI. nodifera, presque à l'extrémité chez le PL. babylonia. On sait qu’ils se trouvent à l’extrémité même des tentacules dans les Terebra. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 319 Les ganglions cérébroïdes (C) et palléaux (Cd,Cg) présentent les mêmes rapports que dans l’espèce précédente. C’est la seule analogie. Le ganglion sous-intestinal (S 4) est uni au ganglion palléal gauche par un très court, mais fort large con- nectif ; le connectif de la zygoneurie (2) est un peu plus long, guère plus, mais il est moins épais. Les connectifs cérébro- pédieux et palléo-pédieux sont beaucoup plus courts à gauche qu’à droite. Le connectifcérébro-buccal gauche répète la même asymétrie, car il est plus court que son correspondant de droite; ce dernier semble se détacher du connectif cérébro- pédieux. La commissure buccale est assez bien développée. Cette description ressemble absolument à celle du système nerveux du Terebra aciculina. Par tous ses caractères, développement de la trompe, posi- tion de la masse buccale, faibles dimensions du sac radulaire, _ forme et situation des glandes salivaires, position des yeux, disposition du système nerveux, etc., le Pl. babylonia se rap- proche presque autant du T. aciculina que du P/. nodifera. On doit le considérer comme une forme de passage entre les deux genres. Le PJ. nodifera, par ces mêmes caractères (sauf la position de la masse buccale), se rapprocherait davantage des Cônes. Historique et conclusions. — Le système nerveux des Pleu- rotomes n’a jamais été étudié jusqu'ici; Troschel a déerit leur radule, signalé leur glande spéciale, mais il ne parle pas des glandes salivaires (41). Les Pleurotomes ne diffèrent des Volutes que par leur ra- dule 4. 0. 1 et par leur trompe un peu plus développée. Le reste de l’organisation est identique dans les deux familles. La glande spéciale des Pleurotomes, comme celle des Volutes, a d’abord un très gros conduit, qui s’atténue pour traverser les colliers nerveux et s’accoler à l’œsophage. Les glandes sali- vaires en grappe sont les mêmes dans les deux familles, ef leurs conduits ne traversent pas les colliers nerveux; la masse buc- cale etla gaine radulaire sont à peu près également développées chez les Volutes et chez les Pleurotomes. Enfin, par son degré 316 E.-L. RBOUVIER. de concentration encore peu avancé et les rapports des divers centres nerveux, le système nerveux de la Voluta Neptuni ves- semble complètement à celui du Pleurotoma nodifera. Au point de vue morphologique, il est impossible de ne pas reconnaître l’homologie complète qui existe entre la glande spéciale des Volutes et celle des Pleurotomes; la seule différence essen- tielle, c’est que le cul-de-sac terminal, peu développé dans les Volutes, s’est considérablement renflé dans les Pleurotomes. Les caractères tirés de la radule permettent seuls de dis- tinguer les deux familles, en dehors des caractères tirés de la coquille et je pense qu’on doit rattacher directement les Pleuro- tomidés aux Volutidés. Tous les malacologistes reconnaissent d’ailleurs le peu d'importance des variations de la radule dans ce groupe, lorsqu'ils placent les Drillia, dont la formule radulaire est 4.4.1. 1.1, dans la même famille que les Pleu- rotomes, dont la formule radulaire est À. 0. 4. L’intermé- diaire entre les deux familles sera peut-être donné par le curieux Provocator, qui a les plis columellaires des Volutes, la coquille et le sinus labial des Pleurotomes. Les Pleurotomidés inoper- culés (Mangilia), dont la trompe est déjà térébriforme, relient d’ailleurs les Pleurotomidés aux Térébridés. TÉRÉBRIDÉS (fig. 80, 81, 82, 83 et 84). J’ai commencé l'étude de cette famille par le Terebra dimi- diata. À peine eus-je ouvert l’animal, que je fus frappé de la ressemblance qui existe entre le système nerveux de cette espèce et celui des Purpuridés. Je voulus voir alors si les Térébridés ont des affinités bien réelles avec les Cônes, comme on l’admet dans la classification de Troschel (#1). Mais une seule espèce ne saurait suffire à des recherches poussées dans cette direction, car la partie antérieure du tube digestif , dont les particularités curieuses caractérisent assez bien les Toxiglosses, présente des variations considérables dans le genre Terebra. Je voulus m’assurer si ces variations avaient un retentissement sur le reste de l’organisme, et ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 317 J'étudiai toutes les espèces que je pus me procurer, soit dans les collections du Muséum, soit par les envois de M. Deffer- rière. Je réunis de la sorte six espèces différentes réparties dans trois des cinq genres formés par Troschel dans l’ancien genre Terebra. Je recueillis sur ces espèces, représentées chacune par un ou deux exemplaires, toutes les observations que je pus relever, sans me borner au système nerveux; car mon intention était de fournir les premières bases à une étude anatomique des Térébridés et aussi à une classification natu- relle de ces gastéropodes. Le résultat de ces recherches a été de montrer les affinités étroites qui existent entre les Téré- bridés et les Toxiglosses du genre Pleurotoma. Terebra dimidiata Lam. (fig. 82). J'ai eu à ma disposition deux exemplaires de cetle espèce. L'un d’eux était en très bon état; l’autre, assez mal conservé, n'a simplement servi à vérifier les résultats acquis en étudiant le premier. L'appareil proboscidien est très bizarrement fait chez tous les Terebra et n’a jamais été décrit. L'animal du T. dimidiata est pourvu d’une très longue gaine de la trompe, absolument indépendante dé la trompe elle-même, ce qui la rend tout à fait différente des gaines proboscidiennes normales, comme celles des Buccins et des Pourpres, par exemple. Ce que J'ai appelé gaine de la trompe, dans le Buccin, n’est, en effet, qu'un pro- longement basilaire de la trompe, en grande partie dévagi- nable au dehors en même temps que la trompe : la gaine et la trompe ne font qu’un; chez les Terebra, ce sont deux organes absolument distincts. Quand elle est dévaginée complètement, la game probosci- dienne du T. dèmidiata apparait comme un mufle relativement étroit, cylindrique et démesurément allongé, ayant à sa base les deux tentacules très réduits qui portent les yeux à leur extré- mité. Elle est complètement invaginée dans les animaux con- servés dans l’alcool et forme alors un long canal rentré dans 318 E.-L. BOUVIER. la cavité antérieure du corps, ouvert et libre à son extrémité postérieure ; dans cet état d’invagination, on voit en avant, entre les tentacules et au-dessus du pied, un orifice qui conduit dans l'intérieur de la gaine rétractée, laquelle s’ouvre en arrière dans la cavité du corps par une longue fente dorsale dirigée d’avant en arrière. Quandona coupé les téguments sur la ligne médiane dorsale, on aperçoit la gaine absolument libre et invaginée, on peut l'ouvrir à son tour sur la ligne médiane dorsale et voir qu’elle n’a aucune relation avec la trompe. Quand la gaine est invaginée, on aperçoit immédiatement, en arrière de son extrémité postérieure, une trompe si petite et si réduite qu’elle frappe à peine au premier abord ; elle atteint à peine quelques millimètres de longueur, tandis que la gaine est dix fois plus longue. Elle se fixe à sa base, par une large et mince expansion, aux parois du corps; en avant, elle est libre ou s'engage un peu dans la fente postérieure de la gaine invaginée. Mais il n’y a pas continuité de tissu entre la gaine et la trompe, et il suffit d’exercer une faible traction pour séparer complètement et sans rien briser les deux organes. Je craignais d’avoir mal observé, mais il n’en était rien, et l’on verra, par l’étude des Terebra à longue trompe, qu’une erreur n’était pas même possible. Si j'ai eu des hési- tations au début, c’est que j'avais commencé l'étude de l'appareil proboscidien sur l'espèce la plus défavorable de toutes. Dans la trompe pénètre la partie antérieure de l’œsophage, qui se termine par la bouche, à l’extrémité de la trompe. La partie de l’œsophage renfermée dans la trompe est naturel- lement très courte. Quand la gaine est invaginée, l’œsophage se recourbe en avant après avoir quitté la trompe, puis fait un coude brusque, comme chez le Buccin, et revient en arrière, C’est immédiatement en arrière de ce coude que sont placés les colliers nerveux formés par les centres antérieurs. De la trompe jusqu'aux centres, l’œsophage est un canal étroit qui se dirige un peu à gauche et se renfle en arrière des centres: ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 319 Il est coupé obliquement par l’aorle antérieure, à quelque distance en arrière de ces derniers. La partie postérieure des centres nerveux et la région de l’æsophage qui les avoisine sont recouvertes par les glandes salivaires extraordinairement réduites ; celles-ci forment de délicates arborescences sur ces parties et se confondent sur la ligne médiane. Mais leurs deux conduits sont bien distincts : ils embrassent les colliers nerveux sans les traverser et débou- chent dans l’œsophage un peu au-dessus des centres nerveux, dans un très léger renflement qui correspond à la masse buc- cale. J’ai cherché en vain une radule dans cette région et dans les autres parties de l’œsophage, je n’ai rien trouvé. Troschel était déjà arrivé au même résultat négatif. Le pénis est extraordinairement long; allongé en arrière sous le manteau, il décrit presque deux tours de spire. La branchie et la fausse branchie bipectinée n’offrent rien de bien particulier à signaler. La glande de la pourpre occupe à droite toute la longueur de la cavité palléale ; elle donne une couleur d’un rouge plus pur que celui fourni par la glande du Purpura lapillus. Système nerveux. — Les centres antérieurs sont exactement dans la même situation que ceux du Buccin. Les ganglions cérébroïdes regardent très sensiblement en arrière, les gan- glions pédieux en avant; au-dessus d’eux les ganglions buccaux sont en avant du coude œsophagien. Les ganglions cérébroïdes (C) sont allongés transversale- ment; ils se recourbent en avant et forment avec les ganglions pédieux (P) et les connectifs cérébro-pédieux un collier œso- phagien, incliné de bas en haut et d’avant en arrière. Ils sont en contact intime sur leur bord interne, mais il y a un étran- glement très marqué à l’endroit où ils se réunissent. Les con- nectifs cérébro-pédieux et palléo-pédieux sont assez longs ; leur longueur est très sensiblement plus considérable à droite qu’à gauche; l’asymétrie qui en résulte se manifeste encore dans la position des centres antérieurs, qui sont un peu inclinés à gauche, 320 E.-L. BOUVIER. À droite, le ganglion palléal droit (Cd), longuement fusi- forme, se rattache au ganglion cérébroïde correspondant par une large surface. Le ganglion palléal gauche (CG) est sur un plan bien plus inférieur; il est sphérique et se rattache par un connectif court, mais très net, au ganglion cérébroïde du même côté. Il se rattache au ganglion sous-intestinal (S b), également arrondi, par un connectif très large mais extrème- ment court, de manière à rappeler une union un peu moins intime que dans le Buccin. Toutefois, le connectif de la zygo- neurie (z) est bien développé et s’étend de l’extrémité posté- rieure du ganglion palléal droit au ganglion sous-intestimal. La branche sus-intestinale de la commissure viscérale (4) se dirige obliquement en arrière au-dessus de l’œsophage; après un court trajet, elle forme le ganglion sus-intes- tinal (Sp) piriforme, un peu plus éloigné du ganglion palléal droit que celui du Buccin. Après avoir quitté le ganglion, la commissure viscérale, très sensiblement réduite, pénètre presque immédiatement à gauche dans les parois du corps et se dirige en arrière vers le fond de la cavité palléale. La branche sous-intestinale de la même commissure (k) se détache du ganglion sous-intestinal et s'enfonce presque immédiatement sous les muscles qui tapissent le plancher de la cavité antérieure du corps, au-dessous des centres ner- veux qu'il faut soulever pour lapercevoir. Elle se prolonge à droite dans les parois du corps et se dirige vers le fond de la cavité viscérale, parallèlement à la branche gauche et à l’œsophage, en suivant l’enroulement du corps. Les ganglions (B) buccaux sont très petits et de forme arron- die. Le connectif cérébro-buccal gauche est très court; celui de droite est plus allongé et se confond un instant avec le con- uectif cérébro-pédieux. La commissure buccale est longue et fine; il n’a été impossible d’en apercevoir deux comme daus les Cônes. Des ganglions cérébroides naissent deux gros nerfs (p1,p.) de chaque côté. Ils innervent les parois céphaliques et la gaine de la trompe. Le nerf le plus externe (p,) émet une branche ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 321 optique qui se rend à l'œil. Ces deux nerfs jouent à peu près le même rôle que le nerf tentaculaire du Cône. Les gros nerfs pédieux («) forment de chaque côté un paquet qui se dirige en avant entre les nerfs précédents; ils ne plongent dans le pied qu’au niveau des tentacules. Le nerf pénial m'a paru naître du ganglion pédieux droit. Je n’ai pu trouver les otocystes. Le nerf palléo-siphonal (#) a son origine sur le bord externe du ganglion palléal gauche. Il envoie quelques bran- ches pariétales à gauche, reçoit un rameau anastomo- tique du nerf branchial antérieur, puis se partage entre le siphon et le bord gauche du manteau. Un autre nerf plus fin se détache du même ganglion, envoie aussi quelques rameaux pariétaux et se dirige vers le bourrelet inférieur du man- teau. Outre la branche sus-intestinale de la commissure viscérale, le ganglion sus-intestinal donne naissance à deux gros nerfs qui innervent à la fois la branchie et la fausse branchie. Le nerf branchial antérieur envoie une branche anastomotique au nerf branchio-siphonal. Le nerf branchial postérieur et une forte branche issue de la commissure viscérale innervent les parties postérieures de la branchie et de la fausse branchie. Le nerf columellaire (/), très développé, se détache du ganglion palléal droit. Deux nerfs pariétaux et le puissant nerf palléal droit (#) ont pour point de départ le ganglion sous-intestinal. La branche droite de la commissure viscérale se détache aussi du même ganglion; quand elle a atteint les parois droites du corps, elle se dédouble pour ainsi dire ét envoie au manteau et aux organes qu'il porte une branche importante. Terebra muscaria Lamarck. Je n’ai eu qu'un échantillon très mal conservé de cette espèce. L'organisation m'a paru ressembler en tous points à celle de l’espèce précédente. ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. ill, 244 = ART. N° 1. 399 E.-L. BOUVIER. Terebra maculata Lamarck (fig. 84). M. Defferrière m'a envoyé de très beaux échantillons de cette espèce. L’organisation est presque identiquement la même que celle du T. dimidiata. Je signalerai seulement les différences qui me paraissent avoir quelque valeur. La gaine (X) de la trompe est très longue ; la fente dorsale, qui lui sert d’orifice postérieur, quand elle est rétractée, atteint presque le tiers de la longueur de l'organe; elle était très largement ouverte chez les individus que j'ai étudiés. La trompe n’est pas plus développée que celle des formes précédentes. Le pénis est gros, mais il est loin d’avoir la longueur qu’il atteint dans le T. dimidiata ; 11 est aussi beaucoup plus fortement denté du côté qui regarde le corps. Les ganglions palléaux sont plus rapprochés des ganglions cérébroïdes ; le connectif de la zygoneurie est plus court. En un mot, la concentration ganglionnaire est plus avancée. Les glandes salivaires (a,) sont assez bien développées et ‘irrégulièrement disposées ; elles recouvrent complètement les centres antérieurs (C) et les dépassent en avant et jen arrière. Les deux conduits salivaires (co) sont assez courts et se détachent des glandes à peu près au niveau des centres nerveux. Ils débouchent au-dessus dans un renflement de l’œsophage contenu dans la trompe. Ce renflement corres- pond à la masse buccale, mais ne renferme pas de radule. Les conduits salivaires ne traversent pas les colliers nerveux. Terebra duplicata Lamarck (fig. 83). Les tentacules et les yeux font défaut dans cette espèce ; Troschel (4) avait déjà signalé cette particularité. La trompe n’est guère plus développée que dans les espèces précédentes, mais la masse buccale se renfle au-dessous et forme une ébauche de sac radulaire. Ce sac renferme une radule très étroite, longue de 3 à 4 millimètres; cette radule porte deux rangées de dents. Troschel a donné une description exacte ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 323 de cette radule. Deux muscles puissants se fixent sur les parois de la masse buccale et vont, en divergeant, se perdre en avant dans les parois du corps. Les glandes salivaires (fig. 83) ont une forme assez bizarre. Elles sont appliquées contre les centres nerveux, dans le coude æsophagien. Elles offrent leur plus grande largeur en arrière, où elles se confondent sur la ligne médiane ; elles se recourbent en avant de manière à former un croissant allongé qui embrasse les centres nerveux. Les deux branches laté- rales du croissant sont allongées et s'étendent assez loin en avant des centres nerveux, parallèlement aux museles pro- tracteurs de la masse buccale. Au-dessous et en dedans de ces deux branches, se produit une bifurcation qui engendre deux autres branches parallèles au moins aussi longues. A leur extrémité antérieure les deux branches externes donnent naissance aux conduits salivares qui vont déboucher dans la partie antérieure du sac radulaire, sans traverser les colliers nerveux. Le système nerveux ressemble beaucoup à celui du T. dèmi- diata. Ses particularités essentielles sont les suivantes : 4° Les ganglions cérébroïdes ne sont pas tout à fait en contact; il existe une très courte commissure entre ces deux ganglions. 2 Les connectifs qui unissent entre eux les ganglions sous- intestinal, palléaux et cérébroïdes sont un peu raccourcis. Mais le ganglion sous-intestinal et le ganglion sus-intestinal offrent avec le ganglion palléal droit les mêmes relations que dans le T. dimidiuta. Ici encore, la branche sous-intestinale de la commissure viscérale plonge dans les tissus presque aussitôt après avoir quitté le ganglion sous-intestinal. 8° Les connectifs des ganglions buccaux sont très courts, mais la commissure buccale est longue. 4° Les nerfs issus des ganglions buccaux sont bien déve- loppés. Chaque ganglion envoie au sac radulaire un nerf assez puissant qui suit le même trajet que les conduits salivaires et s’épanouit au point où ceux-c1 débouchent dans le sac. Le 324 E.-L. BOUVIER. ganglion droit envoie un nerf assez fort à l'artère probos- cidienne, un autre filet nerveux détaché de ce nerf se rend à l’œsophage. Terebra aciculina Lamarck (fig. 80, 81). Le T. aciculina a des dimensions très réduites. La coquille a au plus 3 centimètres de longueur, elle est assez épaisse et ne laisse pas beaucoup de place à l’animal. Celui-ci est assez petit pour que les plus forts grossissements de la loupe soient nécessaires dans la dissection du système nerveux. La gaine (X) de la trompe était rétractée dans les deux indi- vidus que j'ai disséqués. Les yeux, au lieu d’être placés sur les côtés de l’orifice antérieur laissé par la gaine invaginée, se trouvaient assez loin en arrière. Il me serait diffierle de dire si c’est là leur position normale, ou bien une simple apparence due à l’invagination incomplète de la gaine. En arrière de Ja gaine invaginée, on voit une trompe (T) au moins aussi longue que la gaine. Dans mes dissections, elle était repliée et con- tournée; ses parois étaient transversalement plissées. Cette trompe est relativement grêle, un peu plus étroite en avant qu’en arrière ; elle est parcourue dans toute sa longueur par l’œsophage (0) qui forme un coude en avant, après avoir quitté la trompe. À l’angle du coude se trouvent les centres ner- veux (C); un peu en avant est la masse buccale très réduite avec un très petit sac radulaire. Le sac renferme une radule dei millimètre de longueur, si étroite qu'on l’entrevoit à peine à l’œil nu quand on l’a isolée avec la potasse. Elle a la forme d’une plume; les dents, sur deux rangées, sont portées sur une lame chitineuse ; la lame et les dents sont diaphanes, et cela rend les recherches assez délicates. Les glandes salivaires (a) ressemblent complètement à celles du T. duplicata, avec cette différence que les branches du croissant sont moins longues et ne se bifurquent pas. Leurs conduits (co) débouchent dans la masse buccale sans traverser les colliers nerveux. Cette espèce diffère de toutes les précé- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 3929 dentes par la présence d’une glande spéciale (&:) impaire comme celle des Cônes. Cette glande est d’un brun fauve, ovoide, située en arrière des glandes salivaires et un peu à droite. Sa structure est exactement celle de la glande à venin du Cône. Le conduit (c'o) de la glande est jaune; il devient librea l’extrémité antérieure de la glande, se dirige en avant et forme d’assez nombreux replis, traverse les colliers nerveux et, après plusieurs circonvolutions, débouche dans l’œso- phage immédiatement en arrière du sac radulaire. Le siphon (Si), fort grêle, est extrêmement long. Je n'aurai que quelques mots à dire du système nerveux. Le ganglion sus-intestinal (Sp) est un peu plus éloigné du ganglion palléal droit que dans le T. dimidiata. Le ganglion palléal droit (Cd) se confond assez intimement avec le gan- glion cérébroïde (C) du même côté. Unis par une longue commissure, les ganglions buccaux (B) sont très rapprochés des ganglions cérébroïdes. Ils sont ronds, relativement gros, en rapport par conséquent avec la longueur de la région proboscidienne de l’œsophage. Ils reposent sur les ganglions pédieux et sont beaucoup plus faciles à mettre en évidence que dans le T. dimidiata. Terebra cærulescens Lam. Je n’ai pu qu'examiner, sans détruire les organes, un échantillon unique de cette espèce. Il m'a paru qu’elle offrait les plus grandes analogies avec la précédente. Ce qui donnait un intérêt tout particulier à cet échanullon, c'était la dévagination complète de la gaine de la trompe. Les yeux étaient situés de chaque côté à la base de la gaine, longue et relativement étroite. La trompe, au moins aussi longue que la gaine, était directement étendue en avant, elle s’avançait dans la gaine comme un piston dans un corps de pompe et atteignait à peu près le tiers postérieur de celle-ci. Elle aurait pu s’avancer beaucoup plus loin. Cette trompe a une forme toute particulière ; assez large à la base et dans la 326 _ E.-L. BOUVIER. moitié postérieure de sa longueur, elle se rétrécit brusquement et se termine presque en pointe à l'extrémité buccale. La base de la trompe était en partie recouverte par les glandes salivaires qui recouvrent en même temps les centres nerveux. Leurs conduits parcourent le trajet indiqué en par- lant des autres espèces du genre; ils débouchent près d’un sac que j'appellerai radulaire, bien que je n’aie pu y chercher la radule. Immédiatement en arrière de ce sac débouche aussi le conduit d’une glande à venin brune et un peu plus grosse que celle du T. aciculina. Cette glande est ovoïde, son conduit fait de nombreux replis avant de traverser les colliers nerveux. Je nai pu que jeter un coup d'œil sur les centres nerveux antérieurs. Ils ne paraissent pas offrir de bien curieuses parti- eularités. Ils étaient, dans l’exemplaire, fortement obliques à gauche. Historique et conclusions. — Le système nerveux des Téré- bridés n’a jamais été étudié jusqu'ici. Troschel a décrit leur glande à venin ; il n’a pas signalé leurs très curieuses glandes salivaires (41). D’après ses études, Troschel divise les Téré- bridés, qui comprennent le seul genre Terebra, en quatre genres : Euryta, Acus, Myurella, Hastula et Terebra. En groupant les espèces que j'ai étudiées d’après la classification de Troschel, je les répartis dans les genres suivants : Acus. — T. dimidiata, T. maculata, T. muscaria. Myurella. — T. duplicata. Hastula. — T. aciculina, T. cærulescens. D’après Troschel, «les Acus n'ont ni dents, ni glande à venin, les Myurella ont une radule, mais pas de glande à venin, les Hastula ont l’une et l’autre, les Terebra manquent de dents, mais sont probablement pourvus d’une glande à venin, enfin, chezles Ewryta, la boucheestextrèmement variable » (41). J'ai reconnu l'exactitude des observations de Troschel, sans trouver qu’il fût nécessaire de diviser en plusieurs genres le genre Terebra actuellement accepté par tous. Sans insister sur une division en genres que l’on pourrait contester sans fin, ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. a2 je renvoie, pour les détails anatomiques et les conclusions, à une note générale sur les Toxiglosses (113). Les Térébridés sont essentiellement caractérisés par leur trompe séparée de sa gaine. On doit supposer que la trompe se dévaginant saisit l'extrémité antérieure de l’œsophage et l'entraine avec lui. À l’exception des Mangelia, les Proso- branches étudiés jusqu'ici ne présentent aucune disposition de cette espèce. Elle est done absolument caractéristique, et l’on peut dire sans hésiter que les Wangelia servent de passage entre les Pleurotomidés et les Térébridés. Les Pleurotomidés ayant une trompe et des dents, et les Acus n’ayant ni l’un ni l’autre, on peut établir la succession suivante à partir des Pleuroto- midés : Hastula, Terebra, Euryta, Myurella, Acus; les Acus s’éloignent le plus des Pleurotomidés. CONIDÉS (fig. 86 à 91 et fig. 96, 97). Au mois de janvier 1886, M. Jules Defferrière m’envoya plusieurs espèces de Cônes néo-calédoniens. C'était un maté- riel très riche dont je pouvais tirer le plus grand profit. Mais, à cette époque, j'avais à peu près achevé l’étude des Cônes sur des exemplaires du Conus virgo, recueillis aux Philippines par M. Marche, et déposés dans les collections du Muséum. La description suivante se rapportera, par conséquent, à cette espèce seulement.Je mesuis contenté de vérifier les dispositions principales du système nerveux sur les espèces de M. Deffer- rière, réservant la plus grande partie des beaux échantillons qu’il m'a envoyés pour une étude anatomique complète des Cônes. CONUS VIRGO Linné. Partie antérieure du tube digestif (fig. 86, 91). — L'animal étant fixé par le pied, de telle sorte que la cavité branchiale soit en dessus, c’est-à-dire du côté de l’observateur, on aper- coit en avant, à côté du siphon et reposant sur le pied, une espèce de mufle terminé en avant par un orifice. De chaque 328 E.-L. RBOUVIER. côté de cet orifice, on voit un tentacule muni d’un œil un peu en arrière de sa pointe. Si l’on ouvre le mufle d'avant en arrière sur la ligne médiane dorsale, on s'aperçoit que les muscles postérieurs du mufle se réunissent en dedans pour le doubler et former ainsi la gaine de la trompe. Arrivée en arrière, à peu près au niveau des centres antérieurs, cette gaine se réfléchit à son tour pour constituer un tube complètement libre sur toute sa longueur et en avant; ce tube est la trompe (T) : elle renferme la partie antérieure de l’œsophage. Quand il a parcouru toute la longueur de la trompe, l’œsophage (0) descend dans un plan un peu inférieur pour prendre un calibre plus grand (M) avant de se diriger en arrière pour traverser les colliers nerveux. La plus grande partie de la cavité antérieure du corps, celle qui renferme les colliers nerveux, est remplie par un ensemble de sacs et de glandes, annexes de l'appareil digestif, qui n’ont jamais été jusqu'ici complètement décrits. Leur étude se lie si intimement à celle du système nerveux, qu’il est absolument nécessaire d’en faire mention. La cavité anté- rieure du corps est occupée par une énorme glande (@:), arquée dans une direction parallèle à l’enroulement de lœso- phage. Les parois (fig. 88, 89) de cette glande, que j'appellerai suivant l'usage glande à venin ou glande spéciale, sont très épaisses et musculaires ; au centre, sur toute la longueur, se trouve la région glandulaire blanchâtre et percée d’un canal axial. Cette partie glandulaire et son canal se continuent à l'extrémité antérieure de la glande, sous la forme d’un canal pelotonné (c'o), assez gros, très long, qui, par ses sinuosités nombreuses, remplit à lui seul la plus grande partie de la cavité antérieure du corps. Ce canal raverse les colliers ner- veux (G) et s'ouvre dans l’œsophage, un peu au-devant de ceux-ci, au niveau d’un renflement très réduit qui est sans doute l’homologue de la masse buccale. Un peu plus loin, du côté de la bouche, s’ouvre aussi dans l’œsophage le sac radu- laire (D) qui renferme les nombreux dards (dents) creux de l'animal. Ce sac a très sensiblement la forme d’un Y irré- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 329 gulier. La branche la plus courte et la plus étroite de l’Y est celle qui s'ouvre dans l’œæsophage en se rétrécissant beaucoup dans cet endroit; l’autre branche est beaucoup plus longue et se termine en cul-de-sac en arrière et à gauche; le pied de PY est très court et se trouve à droite et en bas, il se termine aussi en cul-de-sac. Les dards sont contenus dans les deux branches de l’Y, régulièrement disposés sur deux rangées. Ils sont rattachés au pied de lY par un petit cordon et se composent d'une tête rougeâtre et d’une aiguille creuse se terminant par deux crochets opposés placés à des niveaux différents. En somme, chaque dard figure assez bien une épingle avec deux crochets, l’un terminal, l’autre subterminal. Dans la grande branche de l’Y, toutes les pointes regardent l'extrémité aveugle du cul-de-sac ; dans la petite, ils regar- dent l’orifice de la branche dans l’œsophage. _ A gauche de l’œsophage et en arrière des centres nerveux antérieurs, se trouve une petite masse glandulaire blanche, irrégulièrement arrondie (41), correspondant à deux glandes réunies en une seule masse. Il en part deux longs conduits (co) orêles qui, embrassant l’œsophage sans traverser les coiliers nerveux, vont aboutir au sac des dards vers la partie infé- rieure de la petite branche de l’Y. Jamais on n’avait signalé cette glande dans les Cônes, sans doute à cause de ses faibles dimensions. Sa découverte est importante, car elle permet d'établir une certaine homogénéité dansle groupe des Toxiglos- ses et de rattacher ce groupe aux Rachiglosses. Je montrera plus loin, en effet, que /a glande vmpaire à deux conduits des Cônes correspond, par sa structure et par la disposition de ses conduits, aux glandes salivaires len grappe des Büccins et des Pourpres, tandis que la glande à venin correspond à la glande spéciale des autres Rachiglosses. La découverte de cette glande permet en outre de donner la solution d’un pro- blème morphologique important, posé, non pas pour la pre- mière fois, par M. P. Fischer (103). En parlant de la glande à venin des Toxiglosses, de leurs dards, ce savant s'exprime de la manière suivante : « Ces dents linguales, placées dans un 330 | E.-L. BOUVIER. sac uncinifère, à parois minces, sont pénétrées par le hiquide d’une glande à venin pourvue d’un canal excréteur unique et qui représente peut-être morphologiquement les glandes sali- vaires ordinairement doubles des autres Pectinibranches. » Or les glandes salivaires doubles des Pectinibranches sont parfaitement représentées chez les Cônes et dans les autres Toxiglosses, chez les Cônes notamment par la masse impaire à deux conduits : donc on ne saurait assimiler la glande à venin des Cônes aux glandes salivaires des Pectinibranches; cette glande correspond au contraire, je le répète, à la glande spéciale impaire des Rachiglosses. Mais cette question des olandes salivaires chez les Prosobranches est trop complexe pour être incidemment traitée ici. Elle trouvera bien mieux sa place dans les considérations générales qui seront la consé- quence de ce travail. Disposition générale des centres nerveux. — Nous pouvons maintenant étudier la disposition du système nerveux dans les Cônes. L'animal étant fixé comme nous l'avons dit plus haut, on ouvre la cavité palléale d'avant en arrière en respectant les branchies, qu’on laisse adhérentes à la partie gauche du manteau. On pratique une incision antéro-postérieure dorsale dans le mufle et la gaine de la trompe, et l’on continue cette incision en arrière, mais avec beaucoup de précautions, car la paroi du corps est très mince en arrière de la trompe. Der- rière la gaine, on fait ensuite une incision perpendiculaire à la précédente, ce qui donne naissance à quatre lèvres que l’on écarte. On apercoit alors de grosses bandelettes musculaires qui, dirigées d’arrière en avant, s’attachent en arrière aux tégu- ments dorsaux et aux parois du corps, en avant à l'extrémité postérieure de la gaine de la trompe. On coupe ces brides vers le milieu de leur longueur, et, après les avoir écartées, on aperçoit : 1° en avant et à droite une partie du sac des dards (fig. 91 FD); 2 en arrière, l'énorme glande spéciale (glande à venin) appuyée contre les parois du corps parallèlement à l’æsophage et faisant presque un demi-tour; 3° un peu partout, dans la cavité antérieure du corps, les circonvolutions du ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 331 gros canal (c'o) de la glande à venin. On écarte doucement à droite le sac aux aiguillons, et l’on coupe, sans léser aucun nerf, les parties supérieures du canal de la glande; on peut même enlever la glande à venin, si l’on n’a pas l'intention d'étudier les nerfs issus des ganglions buccaux. En tirant alors la trompe en avant, on aperçoit les centres nerveux antérieurs, si profondément situés que l’œsophage fait un saut brusque pour les atteindre en quittant la trompe. Les centres antérieurs ont une couleur rouge-brique, comme ceux d’un grand nombre de Prosobranches. Leur situation, par rapport au tube digestif, est très asymétrique. Les centres supérieurs (ganglions cérébroïdes, palléaux et sus-intestinal) forment une masse sus-æsophagienne assez fortement rejetée à gauche. Les centres inférieurs (ganglions pédieux et sous- intestinal) sont, au contraire, rejetés à droite. Les colliers sont, par conséquent, très obliques. Les deux ganglions cérébroïdes (G) sont à peine distincts l’un de l’autre en avant; en arrière, ils s'unissent, par de larges contacts, aux ganglions palléaux. Les deux ganglions palléaux sont assez dissemblables. Celui de gauche (Gg) est sensiblement piriforme et se continue par les nerfs qui se dirigent vers le siphon. Gelui de droite (Cd) se termine carrément en arrière et se rattache largement au ganglion sus-intestinal, sans connectif distinct. Chaque gan- glion palléal donne naissance, sur sa face inférieure, à deux connectifs qui se rendent, l’un au ganglion pédieux corres- pondant, l’autre au ganglion sous-intestinal. Ces connectifs sont longs, et les ganglions pédieux, comme le ganglion sous- intestinal, sont relativement assez éloignés des ganglions cérébroïdes et palléaux. Le ganglion sus-intestinal (Sp) n’est séparé du ganglion palléal droit que par un très léger étranglement. Il se continue en arrière et à gauche dans la branche sus-intestinale de la commissure viscérale et dans les nerfs branchiaux. Le ganglion sous-intestinal (S b) se rattache par de longs et gros connectifs aux ganglions palléaux. [l est situé sous 392 E.-L. BOUVIER. l’œæsophage, un peu à droite, en arrière des ganglions pédieux. Il se continue en arrière par la branche droite de la commis- sure viscérale. Les deux branches de la commissure viscérale se ren- contrent en arrière dans un ganglion viscéral médian (V), situé au-dessus du tube digestif, assez loin du cœur. La branche droite porte aussi un ganglion viscéral droit (V;), la branche gauche un ganglion viscéral gauche (V:). Il y a done trois ganglions viscéraux. De tous les Prosobranches étudiés jusqu'ici, les Cônes seuls ont trois ganglions viscéraux. Les ganglions pédieux sont piriformes (P), en contact très intime sur leur bord interne. Ils sont très fortement rejetés à droite, à la naissance du pied. De longs connectifs les ratta- chent aux ganglions cérébroïdes et aux ganglions palléaux. Les connectifs palléo-pédieux (4:) sont plus gros que les connectifs cérébro-pédieux (4). Les deux ganglions buccaux (B), petits et arrondis, se rattachent aux ganglions cérébroïdes par deux connectifs médiocrement longs. Ils sont unis entre eux par deux commis- sures buccales. La postérieure, qui est aussi la plus grosse, sert d’origine au grand nerf buccal impair comme dans le Buccin. Ganglions cérébroïdes. — Les ganglions cérébroïdes (C) ne sont séparés que par un faible étranglement. En arrière ils se continuent largement dans les ganglions palléaux. Sur leur bord, ils donnent naissance inférieurement, en avant au connectif cérébro-buccal, un peu plus en arrière au connectif cérébro-pédieux. Je diviserai les nerfs qui en partent en nerfs de la sensibilité spéciale et en nerfs proboscidiens. Nerfs de la sensibilité spéciale. — Ces nerfs sont au nombre de trois : le nerf tentaculaire, le nerf optique et le nerf acous- tique. Le nerf tentaculaire () se détache de la face supérieure des ganglions cérébroïdes. C’est le plus gros de tous les nerfs issus de ces ganglions. Il remplit les deux fonctions de nerf des téguments céphaliques et de nerf tentaculaire. Sa rami- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 393 fication est extraordinairement riche : après avoir plongé sous la base de la trompe, il envoie ses branches nombreuses dans les muscles et les téguments céphaliques ; une de ces branches va se ramifier et se terminer dans le tentacule du même côté. Le nerf optique (f) n’est qu’un rameau détaché du nerf tentaculaire. Il est fort probable que les fibres de ce nerf ont directement leur origine dans les ganglions cérébroïdes, mais j'ai toujours trouvé, pendant un long trajet, les deux nerfs réunis sous un même névrilème. La séparation est impossible sans rien léser. À gauche le nerf optique parait se séparer, plus tôt qu’à droite, du nerf tentaculaire. Le nerf acoustique (9) n’est pas facile à suivre, et les otocystes sont d’une préparation plus délicate encore. Elles sont très éloignées des ganglions pédieux. Celle de droite se trouve au-dessous du canal déférent, un peu en arrière de la base du pénis, dans les muscles pédieux à l’origine du pied. Le nerf acoustique de ce côté suit d’abord le nerf pénial jus- qu’au ganglion pédieux, passe sur le bord externe du ganglion au-dessous du nerf pédieux postérieur droit, suit le connectit palléo-pédieux et, avant d'atteindre les centres supérieurs, se confond avec lui. Je n’ai pu le suivre dans le ganglion palléal jusqu’au ganglion cérébroïde. L’otocyste gauche est aussi logée dans la base du pied, mais beaucoup plus en avant, elle est séparée de la précédente par la base du pénis, au- dessus de la région où le gros paquet des nerfs pédieux plonge dans le pied. Gette situation, désavantageuse pour la dissection, m’a empêché de suivre le nerf acoustique gauche sur toute sa longueur. Perdu au milieu du paquet nerveux, je le coupai en enlevant les gros nerfs pédieux. L’asymétrie dans la partie antérieure du corps est rendue frappante ici par la disposition des ganglions pédieux qui regardent obliquement à droite et en avant, par la disposition de la sole pédieuse qui paraîtrait avoir été tordue vers la droite, et surtout par la disposition bizarre des otocystes. Quand j'ai parlé plus haut d’une otocyste droite et d’une otocyste gauche, je me suis servi du langage qu’on emploie pour les Proso- 334 E.-L. BOUVIEK. branches dont la symétrie n’a pas été sensiblement détruite en avant. En réalité, chez les Cônes, les deux otocystes sont à droite, à la base du pied ; l’otocyste antérieure correspond à l’otocyste gauche des Prosobranches, l’otocyste postérieure à l’otocyste droite. Nerfs proboscidiens. — Les nerfs proboscidiens peuvent se diviser en deux groupes : les nerfs propres de la trompe et les nerfs de la gaine. Les nerfs proboscidiens proprement dits sont au nombre de trois de chaque côté. Ils pénètrent dans la trompe parallèlement à l’œsophage et se ramifient dans ses parois. Leurs branches sont surtout très abondantes à l'extrémité de la trompe. Des anastomoses, variables d’un individu à l’autre, existent entre les nerfs. — Le nerf (p.) se ramifie surtout à l'extrémité de la trompe, son premier rameau se détache à peu près vers le milieu de la longueur de celle-ci. Le nerf (p.) envoie une branche puissante à la base de la trompe. Le nerf (p:) est plus grêle que les deux autres. Les nerfs de la gaine et des muscles de la trompe sont éga- lement au nombre de trois, mais beaucoup moins développés que les précédents. Le nerf (p:) se rend aux brides muscu- laires qui vont s’attacher à la base de la trompe. Les nerfs (p:) et (p.) sont très fins et descendent des ganglions cérébroiïdes en s’accolant aux connectifs cérébro-pédieux. Du moins, il en est toujours ainsi à droite, et cette circonstance me fit d’abord penser qu’ils se rendaient aux otocystes. Mais il n’en est rien ; ces nerfs marchent à peu près parallèlement au nerf tentacu- laire et pénètrent dans les muscles qui rattachent la gaine aux téguments du mufle. Ganglions pédieux. — Les gañglions pédieux forment une masse dans laquelle on distingue à peine deux parties par la présence d’un léger étranglement antérieur. Leur axe antéro- postérieur a été déplacé et incliné de gauche à droite. La pointe des ganglions regarde un peu à droite. Les nerfs qui en partent se détachent sur les côtés et en avant des ganglions. Les ganglions pédieux reposent inclinés sur le plancher du ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 339 corps à la naissance du pied. Ils se dissimulent sous Le sac des dards qu’on doit enlever quand on veut les étudier. Quatre connectifs, deux pour chaque ganglion, les rattachent aux gan- olions cérébroïdes et palléaux et forment deux colliers obli- ques beaucoup plus larges que le diamètre de l’œæsophage. Les nerfs pédieux (x) sont en très grand nombre. Beau- coup sont très puissants et atteignent les dimensions du nerf tentaculaire. [ls forment un gros paquet qui s'enfonce dans le pied. Leur description détaillée n’offrirait pas beaucoup d'intérêt. [Il est pourtant deux nerfs pédieux qui méritent une mention toute spéciale. Ils ont leur origine, l’un à la base con- nectivale du ganglion droit, l’autre à la même place sur le ganglion gauche. Le nerf gauche innerve la partie antérieure du pied, le nerf droit la partie postérieure. Ces deux nerfs se séparent très nettement des autres nerfs pédieux. Par un examen superficiel, celui de droite pourrait être considéré comme un nerf issu du ganglion sous-intestinal, celui de sauche pourrait être confondu avec un nerf tentaculaire. Avec un peu d’attention, on reconnait que ces deux nerfs ont leur origine dans les ganglions pédieux. Je les appelle nerfs pédieux postérieurs (#:). Le nerf pénial (é) a son origine sur le ganglion pédieux droit, à une faible distance du nerf pédieux postérieur. Il se rend directement au pénis en suivant le plancher du corps, parallèlement au nerf acoustique. Il se ramifie dans le pénis. Ganglions palléaux, sus-intestinal et sous-intestinal. — Les deux ganglions palléaux (Gg, Cd) sont très distincts l’un de l’autre, mais ils ne se séparent des ganglions cérébroïdes que par un simple étranglement. Celui de droitese continue dans le ganglion sus-intestinal (Sp) ; un examen superficiel et des con- naissances morphologiques mal établies ne feraient pas recon- naître ce dernier ganglion; Jhering dit, en effet, qu’il n’a pas trouvé de ganglion branchial (sus-intestinal) dans le Cône. Le ganglion sus-intestinal est très nettement piriforme. Le ganglion sous-intestinal (Sb) est triangulaire, et c’est vers le sommet dirigé en avant du triangle que viennent aboutir les 336 E.-L. BOUVIER. deux longs et gros connectifs qui le rattachent aux ganglions palléaux. Celui de gauche (4°) est formé par une partie de la branche sous-intestinale de la commissure viscérale, l’autre (2) est le connectif de la zygoneurie. Ces connectifs, de même que les connectifs palléo-pédieux, ont leur origine sur la face inférieure des ganglions palléaux. La branche droite de la commissure viscérale (4) a son origine sur l’angle interne du ganglion sous-intestinal. Les nerfs palléaux ont leur origine sur l’angle externe. Innervation de la partie gauche du corps. — Les nerfs qui desservent la partie gauche du corps ont pour origine le gan- olion sus-intestinal et le ganglion palléal gauche. Ils sont assez normbreux. Les nerfs du ganglion palléal gauche se rendent aux parois du corps à gauche, au muscle columellaire, au siphon et au manteau. Les nerfs pariétaux (e,, e.), au nombre de deux, sont assez crêles. Leur origine est sur la face supérieure du ganglion. Ils innervent les parois du corps situées en avant de la branche sus-intestinale de la commissure viscérale. Il y a également deux nerfs columellaires, mais ils sont beaucoup plus importants et ont leur origine sur la face infé- rieure du ganglion. Le premier exemplaire de C. virgo que je disséquai était une femelle, et le trajet de ces deux nerfs offrait une curieuse particularité. Ils sortaient l’un et l’autre des colliers nerveux, se dirigeant en arrière, à côté de l’œsophage. Le plus grand (/) était accolé au-dessous de la masse ner- veuse sus-æsophagienne et suivait dans cet état le ganglion palléal droit et le ganglion sus-intestinal avant de devenir parfaitement isolé; on l'aurait pris d’abord pour un nerf issu de ce dernier ganglion. Son trajet est très smueux, 1l passe au- dessous de l’œsophage et va en arrière et à droite se ramifier dans le long musele columellaire. L'autre nerf est plus petit (4) ; il se répand dans le même muscle un peu plus à droite. Le grand nerf palléo-siphonal (#») et le petit nerf palléal inférieur (#,) ont leur origine sur le bord externe du ganglion ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 337 palléal gauche, près de sou extrémité postérieure. — Le nerf palléo-siphonal se dirige à gauche et un peu en avant, dans les parois du corps, vers la base du siphon. Il suit alors la gouttière siphonale à sa naissance, et reçoit une puissante anastomose (2) du nerf branchial antérieur. Le trone com- mun qui en résulte continue son trajet vers le siphon, puis se bifurque. Une forte branche va se ramifier dans le siphon, une autre va se distribuer à gauche, dans le bord du manteau, et forme là un fin réseau d’anastomoses. — Le nerf palléal infé- rieur est beaucoup plus grêle; il suit d’abord la même direc- tion que le précédent et parait se rendre dans le bourrelet palléal qui entoure le corps par-dessous. Les premières bran- ches de ce nerf sont pariétales. Quatre nerfs ont leur origine dans le sanglion sus-intestinal à l’extrémité postérieure, tournée à gauche, de ce ganglion. Parmi ces nerfs, le plus postérieur est la branche sus-intesti- nale (gauche) de la commissure viscérale (4). Un autre se rend aux parois du corps et n'offre pas beaucoup d’intérèt. Les deux derniers sont des nerfs branchiaux. Le nerf branchial antérieur (4,) est le plus gros des nerfs qui innervent le corps à gauche. Il se dirige vers la fausse branchie, puis, avant d’attemdre le manteau, envoie une forte anastomose (z.) au nerf palléo-siphonal. Le tronc principal va se ramifier dans la fausse branchie, el ses rameaux se ter- minent brusquement au bourrelet médian de l’organe ; quel- ques-uns atteignent la branchie vraie. Le nerf branchial postérieur (b.), aussi gros que la com- missure viscérale, se dirige à gauche vers l'extrémité posté- rieure de la fausse branchie, envoyant de nombreux filets au bourrelet médian de cet organe, des filets moins nombreux à la vraie branchie. Le tronc principal du nerf, très réduit, se rend directement en arrière à la branchie. Innervation de lu partie droite du corps. — Tous les nerfs qui se re.ent à la partie droite du corps ont leur origine dans le gang'ion sous-intestinal. Je n’en ai pas vu partir un seul du ganglion palléal droit. ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. 1. 22. — ART. N° 1. 338 E.-L. BOUVIER. Les nerfs pariétaux (d1, d,) se rendent aux parois droites. latérales et un peu postérieures du corps; ils sont presque parallèles au nerf palléal droit. Un autre nerf (d,), qui se dirige un peu plus en arrière. que les précédents, peut, tout aussi bien, être considéré comme un nerf columellaire que comme un nerf pariétal, puisqu'il se rend dans les muscles postérieurs des parois du corps, intimement unis en dessous au muscle columellaire. Il faut faire la même observation en parlant du Buccin. Le nerf palléal droit est puissamment développé (m'). Il se dirige à droite et en arrière, superficiellement d’abord; il ne devient profond qu’en atteignant un bourrelet musculaire limitant la gouttière anale formée aux dépens du manteau et des parois du corps. Cette gouttière rend la dissection du nerf très difficile. Un rameau nerveux se rend d’abord aux parties du manteau qui avoisinent l'anus, un autre au bourrelet palléal inférieur. Le tronc principal du nerf se continue et se ramifie dans le bord droit du manteau. Là se forme un réseau d’anastomoses très fin qui se continue en dessus avec le réseau palléal gauche. La commissure viscérale et ses trois ganglions. — C’est après avoir enlevé les glandes annexes de l’æsophage qu’on aperçoit la branche droite (4) de la commissure viscérale et son origine dans le ganglion sous-intestimal. Elle est d’abord tout à fait superficielle et passe au-dessous de la glande à venin en se dirigeant en arrière et un peu à gauche. Elle atteint bientôt les tissus qui limitent en arrière la cavité antérieure du corps; elle y pénètre, et, marchant de droite à gauche assez oblique- ment, elle atteint le ganglion viscéral droit (V,). Ensuite elle se dirige en arrière presque superficiellement, et, après un trajet de 1 à 2 centimètres, atteint le ganglion viscéral médian (V). La branche gauche (k) de la commissure viscérale a son origine dans le ganglion sus-intestinal ; elle se dirige à gauche et un peu en arrière, pénètre dans les parois du corps et envoie à celles-ci quelques fins nerfs pariétaux ; puis elle atteint le bord antérieur du foie, où elle forme un ganglion viscéral ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 339 gauche (V.). Elle décrit ensuite une courbe sur le lobe anté- rieur du foie (X) et se termine dans le ganglion viscéral médian. Le trajet de la commissure viscérale sur le foie indique un déplacement de cette glande dû à une disposition toute par- ticulière du corps. Le fait est très rare; mais on peut le signaler pourtant chez les Calyptrées, gastéropodes encore plus modi- fiés dans leur forme que les Cônes. Un certain nombre de nerfs se détachent directement de la commissure viscérale. J'ai déjà parlé des nerfs pariétaux issus de la branche gauche. À droite, les nerfs sont beaucoup plus nombreux. Ils naissent de la commissure entre le ganglion sous-intestinal et le ganglion viscéral droit, quand la commis- sure à quitté la cavité antérieure du corps. Dans la femelle on trouve quatre nerfs; ils se dirigent vers la masse recto- génitale qu’ils innervent sans doute en même temps que le manteau. Chez le mâle je n’ai trouvé que deux nerts. Il y a là très probablement des variations individuelles sans grande importance. Le ganglion viscéral droit est fusiforme et donne naissance, sur son bord externe, à un nerf important chez la femelle. Ge nerf se dirige à droite, se bifurque, passe dans le manteau, en dehors de la masse reclo-génitale qu’il contourne, et atteint enfin le manteau par-dessus. Ce nerf est certainement palléal, mais on doit supposer par analogie qu'il envoie aussi des rameaux à la masse recto-génitale. Dans le mâle, ce nerf est beaucoup moins puissant, mais il a tout à fait la même distri- bution. Le ganglion viscéral médian est à peine plus développé que le ganglion viscéral droit. Il est triangulaire, éloigné du cœur et du fond de la cavité palléale. Dans le mâle il s'en détache trois nerfs. — L'un d'eux. assez fin, est le nerf génito- rectal (7:); il se dirige vers la masse recto-génitale, du côté où se trouve l’orifice du rein. — Le nerf le plus développé est le grand nerf viscéral (j,). Il se dirige vers le cœur, innerve celui=ci en même temps que l'organe de Bojanus, puis se rend dans le torullon où il donne des branches au foie et aux 340 E.-L. BOUVIER. glandes génitales. Ce nerf correspond à trois ou quatre nerfs du Buccin qui, très éloignés ici de leur champ d’innervation, se sont réunis dans un tronc commun avant de se répandre dans les organes qu'ils doivent desservir. — Un autre nerf (}.), issu du même ganglion, se rend dans le lobe antérieur du foie. Dans la femelle, on trouve un petit nerf hépatique sur la commissure entre le ganglion viscéral médian et le ganglion viscéral gauche. Quant à ce dernier ganglion, il est triangu- laire comme le précédent, mais plus petit. Deux nerfs s'en détachent, qui se rendent dans l'expansion antérieure du foie. Ces nerfs iraient-ils jusqu’à la branchie? Ce n’est pas impos- sible, mais tout ce que j'ai observé me porte à voir dans ces nerfs de simples nerfs hépatiques. Il n’y en a qu'un chez la femelle, du moins dans celle que j'ai étudiée. Ganglions buccaux (fig. 87, 91). — Malgré tous mes efforts, je n’ai pu arriver à étudier complètement les nerfs qui ont leur origine dans les ganglions buccaux. Mais les lacunes que je laisse sont bien faibles et ne se rapportent guère qu'à l’innervation de l’œsophage. Les ganglions buccaux (B) sont très sensiblement sphé- riques ; ils se rattachent au bord antérieur des ganglions cérébroïdes par des connectifs à peu près aussi gros que Îles connectifs cérébro-pédieux. Ils sont unis entre eux par deux commissures sous-æsophagiennes, assez longues pour per- mettre aux ganglions buccaux d’apparaitre sur les côtés de l’œsophage, derrière la masse buccale rudimentaire. La com- missure antérieure est grêle et ne donne aucun nerf; l’autre est beaucoup plus épaisse : elle donne naissance au grand nerf de la glande spéciale, non pas vers son milieu, mais un peu plus à gauche qu’à droite. Chaque ganglion buccal sert d’origine aux nerfs suivants : 4° le nerf du conduit de la glande à venin (s,), mince filet nerveux qui va s’accoler au conduit de la glande à venin. Je n'ai pu le trouver qu’à droite, et seulement chez un individu mâle; 2 le nerf buccal proboscidien (s.), qui se rend à la partie de l’œsophage contenue dans la trompe. À côté de ce ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSGBRANCHES. 341 nerf en part un autre qui se dirige vers l’œsophage, mais il m'a été impossible de le suivre jusqu'à son champ d’innerva- tion; 3° les nerfs du sac des dards (s:, &:), au nombre de deux par ganglion. Après un trajet parallèle, ils vontise ramifier sur le sac des dards, un peu au-dessus du point où le sac se trifurque. Le grand nerf de la glande à venin (s:) se détache de la commissure buccale postérieure. Il se dirige en arrière en tra- versant les colliers nerveux sous l’œsophage, envoie un ra- meau au conduit de la glande, puis se trifurque avant d’arriver vers le tiers antérieur de celle-ci. Ses rameaux, très impor- tants, se rendent dans la glande à venin et s’y distribuent comme l’indique la figure 91. Les parois musculaires épaisses de cette glande sont donc richement innervées. Dans un individu femelle, 1l me: sembla qu’un filet grêle se rendait de ce nerf à l’œsophage, en arrière des colliers ner- veux; je ne pus retrouver ce filet chez le mâle. Mais, si l’on remarque que le nerf(s;) a exactement la même position et la même origine que le nerf œsophagien-aortique du Buccin, et que, vraisemblablement, ce sont ses deux racines qui forment la seconde commissure buccale, on pourra presque en con- elure que ce nerf envoie des rameaux à l’œæsophage, en arrière des centres nerveux. Une dissection plus habile que la mienne conduira d'autant plus sûrement à ce résultat, qu’on voit fort nettement des filets nerveux (s) se ramifier dans les parois postérieures de l’æsophage. J’attribue la stérilité de mes recherches en ce point à la difficulté qu’on éprouve à séparer l’œsophage du tissu conjonctif abondant et très tenace qui l'entoure au niveau du collier. La traction que l’on doit exercer et les brides conjonctives que l’on enlève ont fait disparaître peut-être les filets æsophagiens de ce nerf. Conus fiqulinus Linn. — J'ai eu à ma disposition d’assez nombreux échantillons du C. figulinus, mais je me suis contenté d'examiner les modifications principales dans le plan et les parties essentielles du système nerveux. Le plan est identiquement le même, et les trois ganglions 349 E.-L. BOUVIER. viscéraux se retrouvent à la même place. Les connectifs qui unissent les ganglions palléaux au ganglion sous-intestinal sont un peu plus longs que dans le C. virgo. Les centres supé- rieurs sont plus intimement confondus que dans l’espèce pré- cédente ; c’est en les examinant par leur face inférieure, où le névrilème est bien moins épais, qu’on étudie le plus aisément leurs relations. | Le nerf palléo-siphonal forme une très grande anse en s’ana- stomosant avec le nerf branchial antérieur. Dans le C. virgo, au contraire, cette anastomose se fait sous un angle très aigu. Le grand nerf de la glande spéciale marche parallèlement à l’æsophage jusqu’au niveau du tiers postérieur de la glande; là 1l s’en sépare par un coude brusque et va innerver la glande. [ei encore, je n’ai pu trouver de rameau se rendant à la partie postérieure de l’œsophage. Historique et conclusions. — Jhering a étudié, dans deux travaux différents (80, 81), le système nerveux du Conus litte- ratus. Il s’étend fort peu sur la description de cette espèce et en fait un type orthoneure; il n’a vu ni les ganglions viscéraux ni le ganglion sus-intestinal. Il décrit exactement le trajet du conduit de la glande spéciale; mais, pas plus que Troschel, il n’a vu les glandes salivaires (41). Avant Jhering, Poli et Delle Chiaje (8), avaient donné une figure très peu concluante du système nerveux du Cône. Les Cônes se rattachent aux Pleurotomidés, dont ils repré- sentent les formes les plus franchement toxiglosses. La glande spéciale est beaucoup plus développée dans les Conidés que dans les Pleurotomes, et le sac radulaire a changé complète- ment de forme; d’ailleurs, la masse buccale s’est considéra- blement éloignée de la trompe. Le ganglion sous-intestinal est plus éloigné des centres supérieurs dans les Cônes que dans les Pleurotomes, mais le contraire arrive pour le ganglion sus-intestinal. Comme le fait remarquer M. Fischer (103), les Conorbis er les Genotia, du sous-genre Cryptoconus, doivent établir, du moins d’après la forme biconique de leur coquille, la transition entre Les Conidés et les Pleurotomidés. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 349 [T1 Morphologie comparée des Prosobranches ; loi des connexions. SYSTÈME NERVEUX PRIMITIF DES PROSOBRANCHES Système nerveux. — On pourrait appeler Prosobranches archaïques ceux qui apparaissent les premiers dans les couches géologiques et ceux quise rattachent très étroitement à ces der- niers. On doit considérer les Pleurotomaridéscomme les Proso- branches les plus anciens : ils apparaissent, en effet, dans le Cambrien. Tous les Aspidobranches chiastoneures en dérivent plus ou moins directement, soit qu'ils apparaissent à l’époque silurienne comme les Turbonidés, soit qu'ils ne remontent probablement pas au delà de l’époque crétacée comme les Fissurellidés et les Haliotidés. Les Pleurotomaridés et les Tur- bonidés présentent des caractères franchement archaïques dans leur apparition et dans leur organisation tout entière; les autres Aspidobranches chiastoneures ont la même organisa- tion fondamentale que les précédents, et doivent aussi se ranger parmi les formes archaïques ou primitives, celles, en un mot, dont toutes les autres ne sont que des modifications plus ou moins exagérées. Tous les Prosobranches archaïques (Aspidobranches chias- toneures) ont un système nerveux dont le caractère essentiel est la diffusion des cellules nerveuses ou, si l’on préfère, la limitation mal définie des ganglions nerveux. Les ganglions cérébroïdes sont unis par une très longue commissure située à l’extrémité antérieure de la masse buccale, en arrière des lèvres. Ils sont aplatis, triangulaires, mal limités, et les nerfs du mufle et des lèvres, qui normalement devraient se détacher des ganglions cérébroïdes, ont souvent, en partie au moins, leur origine sur la commissure (Haliotide, Parmophore). Ces 344 E.-L. BOUVIER. ganglions se prolongent en avant et sous la masse buccale dans une longue et forte saillie ganglionnaire. Celle-ci émet la plupart des nerfs proboscidiens et labiaux, et se rattache à celle du côté opposé par une commissure labiale située sous la masse buccale en arrière des lèvres. Les ganglions buecaux sont extraordinairement diffus et forment un très long fer à cheval ganglionnaire qui se rattache, de chaque côté, à la saillie labiale par un connectif. Ceconnectif émet toujours des nerfs buccaux. Les connectifs latéraux (cérébro-pédieux et cérébro-palléal) sont très longs; ils sont aussi parallèles ou à peu près. Les ganglions palléaux sont intimement confondus avec les gan- glions pédieux et forment avec ces derniers deux très longs cordons palléo-pédieux sous-æsophagiens. Ces cordons sont fusionnés à leur origine, en ce sens que la commissure qui les relie est extrêmement courte et chargée de cellules. gan- glionnaires. Plus loin, ils sont mis en relation par un nombre variable de commissures plus grêles, plus longues et assez irrégulièrement transversales. L'ensemble présente une appa- rence assez franchement scalariforme. La‘commissure viscérale est croisée el a ses deux origines dans les cordons palléo-pédieux, au voisinage du point où ils se fusionnent. À son extrémité postérieure, elle ne présente jamais qu’un ganglion viscéral long et mal limité. Le ganglion sus-intestinal ne fait jamais défaut : tantôt il est situé à la base de la fausse branchie et uni à la commissure viscérale par un nerf connectival, tantôt il se divise en deux portions (Fissu- elles}, l’une située sur la commissure, l’autre à la base de la fausse branchie. Le ganglion sous-intestinal n’existe que dans les formes ayant une branchie et une fausse branchie droites, ou au moins une fausse branchie droite. Quand ces deux organes font défaut (Turbonidés, Trochidés), le ganglion sous- intestinal n’existe pas, et sa place sur la commissure est indi- quée par un fin nerf palléal droit issu de la branche sous- intestinale de la commissure viscérale (Turbonidés). L'innervation du manteau est presque symétrique : à droite, ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 345 cet organe est innervé par un grand nerf palléal droit issu du ganglion palléal droit, à gauche par un grand nerf palléal gauche issu du ganglion palléal gauche. L’asymétrie dans l’in- nervation du manteau a son origine dans les nerfs palléaux issus, soit du ganglion sus-intestinal, soit de son nerf connectival pour le côté gauche, dans les nerfs palléaux issus du ganglion sous-intestinal, de son nerf connectival ou de la branche sous- intestinale de la commissure pour le côté droit. Les nerfs palléaux symétriques sont très puissants, les nerfs palléaux asymétriques sont très réduits. Le nerf palléal symétrique _s’anastomose toujours, sauf peut-être chez la Patelle, avec le nerf palléal asymétrique du même côté. Par cette anastomose, le système nerveux prend une apparence symétrique extrème- ment frappante dans les formes à coquille régulière (Fissu- rellidés), mais l’asymétrie est franchement indiquée par la commissure viscérale croisée. Principaux traits d'organisation. — La masse buccale est toujours très développée chez les Aspidobranches chiasto- neures, et l’on sait que la commissure cérébroïde se trouve vers son extrémité antérieure, en arrière des lèvres. Deux consé- quences essentielles sont le résultat de ce fait important : 4° les conduits salivaires, extrêmement courts d’ailleurs, ne peuvent traverser les colliers nerveux ; 2° les ganglions buccaux sont placés en arrière des ganglions cérébroïdes, et les connec- tifs buccaux doivent se diriger complètement d’avant en arrière pour aller des ganglions cérébroïdes aux ganglions buccaux. Les connectifs buccaux présentent un autre caractère important. Avant d'atteindre les ganglions buccaux, ils sont en grande partie cachés sous les muscles superficiels de la masse buccale. Le mufle n’est jamais rétractile ; il est souvent orné de pal- mettes délicatement ramifiées. Un prétendu épipodium, muni de cirrhes tentaculaires, existe presque toujours ; la coquille est fréquemment nacrée. Le cœur a toujours deux oreillettes, et le ventricule est presque toujours traversé par le rectum. Tous les Aspidobranches chiastoneures pourvus de deux branchies ont 346 E.-L. BOUVIER. aussi deux fausses branchies filiformes, et toutes les fois que l'animal a deux fausses branchies il a aussi deux reins. Les Pleurotomaridés, qui sont les Prosobranches archaïques par excellence, ont comme les Haliotidés et les Fissurellidés, deux branchies, deux fausses branchies et deux reins qui s'ouvrent par de petits tubes au fond de la cavité palléale à côté de l'anus; ils ont aussi deux oreilles et le ventricule traversé par le rectum. Quand la branchie et la fausse branchie gauches subsistent seules (Turbonidés, Trochidés), on ne trouve plus qu’un rein, mais ce rein s'ouvre toujours par un tube sur le côté droit de la cavité palléale; l’anus a quitté le fond de la cavité palléale et s’est avancé en avant sur le bord droit du manteau. Mais les deux oreillettes et le ventricule traversé par le rectum indiquent suffisamment les affimités étroites de ces genres avec les Pleurotomaridés et les Haliotidés. Ces affinités sont affirmées, d’ailleurs, par la structure des bran- chies : tous les Aspidobranches branchifères ont des branchies bipectinées, libres à leur extrémité antérieure. Les Prosobranches archaïques se rapprochent plus que tous les autres des Lamellibranches, comme le prouvent suffi- samment les caractères tirés du cœur et des reins. On sait, en effet, que les Lamellibranches ont deux reins en connexion plus ou moins étroite avec l'appareil génital, on sait aussi qu'ils ont, en général, deux oreillettes et le ventricule traversé par le rectum. C’est dans ces formes primitives, et dans celles-là seulement, qu’il faudra chercher les affinités essentielles qui rattachent les Prosobranches aux autres Mollusques. À mesure qu’on s’élève dans l’ordre des Prosobranches, en partant des formes archaïques, on voit des modifications graduelles s’intro- duire dans tousles organes, des perfectionnements organiques s’établir peu à peu, pour conduire finalement aux Rachi- glosses dont les affinités avec les Lamellibranches pourraient être contestées à bon droit si l’on ne connaissait tous les degrés qui les rattachent aux Prosobranches archaïques. Nous allons étudier successivement toutes ces modifica- tions. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 347 MODIFICATIONS GRADUELLES DES CENTRES NERVEUX Condensation graduelle des ganglions. — Lorsque les gan- olions nerveux se séparent peu distinetement des nerfs qu'ils émettent, les fibres des nerfs étant mélangées avec les cellules nerveuses, le système nerveux est diffus et mal concentré. Cette diffusion est le caractère essentiel des formes inférieures et archaïques dans le règne animal tout entier, et les progrès dans l’organisation sont tout particulièrement mis'en évidence par une séparation de plus en plus nette des cellules et des nerfs. Nous allons étudier cette condensation progressive dans l’ordre des Prosobranches, en considérant successivement les divers ganglions. Dans les Aspidobranches, la diffusion des ganglions céré- broïdes est essentiellement indiquée par la saillie labiale. Cette diffusion atteint son maximun chez les Aspidobranches archaïques ou chiastoneures, qui sont tous pourvus d’une longue saillie labiale. Pour s’en convaincre, 1l suffira de jeter un coup d'œil sur les figures de l'Haliotide, données par M. de Lacaze-Duthiers (47), ou sur celles quireprésentent le système nerveux du Turbo, à la fin de ce travail (pl. IT, fig. 5). M. de Lacaze-Duthiers pressentait sans doute l'importance de cette saillie lorsqu'il signalait ses rapports étroits avec l’origine des nerfs proboscidiens et des conneclifs buccaux : on doit rechercher, dit-il, l’origine des connectifs buccaux, soit sur les nerfs proboscidiens, soit dans leur voisinage; ce qui est parfaitement exact. Chez les Rhipidoglosses orthoneuroïdes, on voit cette saillie passer par tous les degrés de concentration : elle est encore très longue et diffuse dans la Nerita peloronta (fig. 7), elle est presque tronquée et relativement réduite dans Îles Néritines et les Navicelles; elle est arrondie, réduite et se sépare mal des ganglions cérébroïdes dans les Hélicines (fig. 10 et 11). Ces remarques ont leur intérêt, car les 348 E.-L. BOUVIER. Nérites sont marines, les Néritines et les Navicelles vivent dans les eaux douces, et les Hélicines sont terrestres. À mesure que l’organisation se modifie et tend vers celle des types supé- rieurs, on voit la saillie labiale se condenser, se limiter et ren- trer finalement dans les ganglions cérébroïdes. À En dehors des Aspidobranches, la saillie fabiale est très rare et fort diminuée. On la rencontre encore chez les Ténio- glosses les moins différenciés, le CGyclophore, la Paludine, le Gyclostome, la Bythinie, l'Ampullaire; elle disparaît chez les autres, entrainant avec elle le connectif buecal qui a dès lors son origine dans les ganglions cérébroïdes. Les divers degrés de concentration des ganglions pédieux ont une importance non moins grande, au point de vue systématique. Cest encore chez les Aspidobranches qu'ils se présentent avec leur diffusion la plus grande. A lorigine, les ganglions pédieux sont complètement confondus avec les sanglions palléaux et, chez les Aspidobranches, la séparation de ces deux sortes de centres ne commence guère à apparaitre que dans les Docoglosses et dans les Rhipidoglosses ortho- neuroïdes. Les autres n’ont pas, à vrai dire, de ganglions pédieux et palléaux distincts, ils ont simplement deux cordons palléo-pédieux réunis par une commissure antérieure, et de nombreuses anastomoses transversales ordinairement assez régulières. Ces cordons émettent les nerfs palléaux, pé- dieux, columellaires et épipodiaux, et la limitation indécise des ganglions explique à elle seule les divergences qui existent au sujet de la nature de l’épipodium entre M. de Lacaze- Duthiers d’un côté (47, 105, 109), Spengel (89) et B. Haller (106) de l’autre. On doit considérer les Parmophores et les Fissurelles comme ayant les cordons palléo-pédieux les moins différenciés. Ils sont très gros, rapprochés, assez courts, réunis par de grosses anastomoses, et par deux com- missures épaisses, l’une antérieure, l’autre postérieure. B. Haller accorde aussi deux commissures aux Turbonidés, mais son opinion ne doit pas être admise sans contrôle, et Von doit considérer comme ayant la même disposition les ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 349 cordons pédieuxou palléo-pédieux des Haliotidés, Turbonidés, Rhipidoglosses orthoneuroïdes et Cyclobranches. Les Haliotidés, les Turbonidés (avec les Trochidés) et pro- bablement aussi les Rhipidoglosses orthoneuroïdes se font remarquer par la multiplicité de leurs anastomoses, mais dans les Cyclobranches, celles-ci sont réduites à deux, l’une postérieure très forte, l’autre antérieure très réduite. Les nombreuses anastomoses en réseau, que B. Haller (90, 106) signale entre les cordons de la Patelle, doivent être reléguées au rang des anastomoses fines et nombreuses que contractent entre eux les nerfs pédieux comme la plupart des autres nerfs de l’organisme. Toutefois, 1l est utile de faire remarquer que les deux cor- dons ganglionnaires du pied des Patelles n’ont pas la même signification que ceux des Haliotides, des Parmophores et des Turbos. La limitation des centres s’est déjà accentuée et les cordons pédieux sont déjà séparés des ganglions palléaux. Il en est de même dans les Rhipidoglosses orthoneuroïdes, les Paludines, les Gyclophores et les Cyprées. À ce point de vue, ces diverses formes se comportent très différemment. Chez les Rhipidoglosses orthoneuroïdes, on voit les ganglions palléaux se séparer par de simples étranglements des cordons pédieux; la séparation est déjà beaucoup plus nette chez les Cyclo- phores (fig. 17) où les ganglions palléaux sont fort distincts quoique excessivement rapprochés des cordons pédieux ; elle est un peu plus avancée encore chez les Patelles et les Palu- dines, quoique les ganglions palléaux soient unis aux cordons pédieux par des connectifs épais et ganglionnaires ; elle atteint son plus haut degré dans les Cyprées où les ganglions pal- léaux sont à une très grande distance des cordons pédieux et confondus avec les ganglions cérébroïdes (fig. 57). À mesure que s'effectue la séparation des ganglions, diminue le nombre des anastomoses qui rehent entre eux les deux cor- dons. Ces anastomoses sont encore aussi nombreuses dans les Cyclophores que dans les Turbos ; elles sont réduites à deux chez la Patelle, à quatre chez la Paludine ; mais cette marche 390 E.-L. BOUVIER. n’affecte pas la même régularité que la précédente : ainsi les Cyprées ont un grand nombre d’anastomoses, malgré la sépa- ration des centres. La concentration des ganglions pédieux n’est pas achevée quand ces ganglions sont séparés des centres palléaux; d’æil- leurs les formes amphibies peuvent présenter des anomalies, par exemple l’union des centres palléaux avec des ganglions pédieux condensés (Ampullaridés). Mais chez les formes nor- males on voit se continuer par degrés la limitation des gan- glions pédieux. Les Littorinidés, Pectinibranches marins encore très voisins des Aspidobranches, ont deux ganglions pédieux condensés; mais la condensation n’est pas encore complètement achevée, puisqu'elle a laissé subsister deux ganglions pédieux accessoires pour chaque ganglion (fig. 25). Il en est de même chez les Planaxis et les Truncatelles, animaux très voisins des Littorines. Les Bythinies n’ont plus qu’un ganglion accessoire, et les autres Pectinibranches étu- diés jusqu'ici ont des ganglions pédieux condensés. Si l’on admet que l’embryogénie d’un type reproduit, dans ses diverses phases, les différents états offerts par une espèce dans le cours de son évolution, on devra regarder comme les restes d’une concentration qui s'opère dans le développement, les deux ganglions pédieux accessoires signalés par Sars, Koren et Danielssen dans les embryons du Bucein (38, 45). La limitation des ganglions buccaux suit, dans ses traits généraux, la même marche que celle des ganglions cérébroides et pédieux. Chez les Aspidobranches chiastoneures, ils présen- tent leur maximum de diffusion, et l’on ne saurait parler à vrai dire de commissure buccale puisque la commissure est occupée tout entière par les cellules ganglionnaires. Pourtant la limitation commence à se produire chez les Cyclobranches (fig. 1) où l’on distingue déjà deux ganglions mal concentrés et très longs. Chez les Aspidobranches orthoneuroïdes (Néri- tidés, Hélicinidés), la séparation fait des progrès considérables. Elle n'est guère plus avancée dans les Nérites (fig. 7) que dans les Patelles; elle progresse un peu chez les Navicelles ; ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 391 chez les Néritines les deux ganglions sont bien séparés, et chez les Hélicines (fig. 9) ils sont aussi nets et distincts que possible. Dans les Pectinibranches, la concentration n’est pas encore parfaite chez certains dialyneures, mais elle est déjà poussée très loin, et elle conduit bientôt à une limitation très nette des deux ganglions. Dans ce groupe, c’est encore dans les Paludines et les Ampullaires qu’elle est le moins avancée. Nombre des ganglions. — En dehors des ganglions pédieux accessoires qui ont une signification morphologique toute particulière, les ganglions qui varient en nombre sont surtout ceux situés sur la commissure viscérale. Parmi ces ganglions, ce sont les plus reculés en arrière, ceux que j'ai appelés ganglions viscéraux, qui présentent les variations les plus nombreuses. Simroth fixe leur nombre à deux (95), mais il a tort, et M. de Lacaze-Duthiers (50) consi- dère avec beaucoup plus de raison ces centres comme des ren- flements accessoires. Toutefois, 1l y a toujours au moins un sanolion viscéral qui innerve spécialement les viscères du tortillon. On n’en rencontre jamais qu’un dans les Aspido- branches et dans la très grande majorité des Pectinibranches témoglosses. M. de Lacaze-Duthiers a montré qu’on en trouvait un ou deux chez le Cyclostoma elegans (64) et j'ai pu observer moi- même tantôt un et tantôt trois ganglions chez la Cypræa arabica. Ge sont les Ténioglosses les mieux organisés qui paraissent en offrir constamment deux; les Strombes, les Ranelles, les Tritons, etc.; dans le Sérombus qiqas, la diffu- sion de ces ganglions est très grande. Chez les Toxiglosses et les Rachiglosses les ganglions viscéraux sont presque toujours au nombre de deux, et il y en a trois chez les Cônes. On peut done conclure, d’une manière approximative, que le nombre des ganglions viscéraux s’accroit dans une certaine mesure, à mesure qu'on s'élève dans l’ordre des Prosobranches. Mais cette remarque n’a pas l’importance systématique de celles relatives aux autres ganglions. Quand il existe deux ganglions viscéraux, le plus fort est toujours à droite; quand il y en à 392 E.-L. BOUVIER. trois, le plus fort est toujours au milieu; je n’en ai jamais observé plus de trois. Les deux ganglions viscéraux antérieurs (sus-intestinal el sous-intestinal) sont beaucoup plus constants et ne font guère défaut que chezcertains Aspidobranches chiastoneures (Turbo, ” Troque) et chez de très rares Ténioglosses dialvneures. Spengel (89) n’a pas essayé d'expliquer l’absence de ganglions viscé- raux antérieurs dans ces espèces; pour lui, les ganglions situés à la base de la branchie et rattachés à la commissure viscérale par un nerf sont des ganglions olfactifs qui ne cor- respondent en aucune manière aux ganglions sub-intestinal et supra-intestinal de Jhering. Il ne signale pas, du reste, les nerfs qu’ils envoient aux branchies. B. Haller (106) émet une opinion plus rationnelle ; 1l appelle sanglions branchiaux les ganglions situés à la base de la branchie dans la plupart des Aspidobranches. « Sous le nom de ganglion branchial, dit-1l, je comprends un renflement ganglionnaire situé en avant, à la base de la branchie, renfle- ment qui reçoit sa commissure, ou bien du ganglion sub-m- testinal ou supra-intestinal (Fissurelle), ou, en l'absence de ceux-ci, de la commissure elle-même (Haliotide, Trochidés). En certains cas, ce ganglion peut manquer et être inclus dans le ganglion supra-intestinal chez les formes à système nerveux très concentré, plus récentes et pourvues d’une seule bran- chie. » D’après B. Haller, la présence de ce ganglion indi- querait un état primaire, et ce ganglion enverrait, chez les Aspidobranches, un nerf à l’organe olfactif, un ou deux à la branchie. Chez les Zeugobranches (Haliotides, Fissurelles), où des nerfs destinés au péritoine et aux oreillettes partent aussi de ce ganglion, on doit considérer ces nerfs comme simple- ment juxtaposés (angelagert) au ganglion, comme on peut s’en convaincre par une étude comparée (Trochidés). » Pour- quoi les ganglions viscéraux antérieurs font-ils défaut chez les Haliotis et les Trochidés ? Évidemment, dit B. Haller, on ne peut admettre que ces ganglions soient rentrés dans les gan- _glions palléaux : « Je crois plutôt, ajoute-t-il, quoique des ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 309 observations directes ne me permettent pas d'affirmer que ces ganglions doivent être indiqués (rachweissbar) sur la commis- sure, chez les formes à ganglions diffus, au voisinage du point où ces nerfs quittent les ganglions eux-mêmes dans la Fissu- relle. » Et chez le Turbo, le ganglion sus-intestinal serait au voisinage du point où un nerf du sac pharyngien quitte la branche sus-intestinale de la commissure viscérale; B. Haller n'indique pas le lieu où serait situé le ganglion sous-intestinal. On me pardonrera ces citalions, car elles étaient néces- saires; l’opinion de Spengel n’est pas en rapport avec la vérité; quant à celle de B. Haller, elle Peffleure, mais ne atteint pas. Ges deux opinions ont ceci de commun: elles rejettent absolument toute homologie entre les ganglions situés à la base de la branchie dans les Haliotidés et les Tro- chidés, et les ganglions sus-intestinal et sous-intestinal. Or je veux précisément démontrer que cette homologie existe. Pour Spengel, qui considère seulement le nerfolfactif issu de ces gan- olions, on comprend que le ganglion ait été regardé comme purement olfactif et homologue des éléments ganglionnaires contenus dans la fausse branchie (organe olfactif de Spengel) chez les Pectinibranches, mais on ne voit pas bien pourquoi B. Haller fait de ces ganglions des centres exclusivement branchiaux et différents des ganglions viscéraux antérieurs, puisqu'il connaît beaucoup plus complètement que Spengel les nerfs qu'ils émettent. Cette question est du domaine de la morphologie pure, et non des hypothèses; c’est pour l’avoir oublié que les deux savants sont restés à côté de la vérité. Pour la résoudre, 1l ne faut évidemment pas s'adresser aux Aspidobranches où la question est précisément litigieuse, 1l faut choisir des types où les ganglions viscéraux antérieurs soient parfaitement connus dans leurs rapports et dans leurs nerfs, je veux parler des Pectinibranches. Or quels sont les nerfs issus du ganglion sus-imtestinal dans les Pectinibranches? Ce sont des nerfs palléaux, des nerfs branchiaux et des nerfs de la fausse branchie. Quels sont les nerfs émis par le soi- disant ganglion branchial (Haller) ou olfactuf (Spengel) ? Dans ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. Il. 295. — ART. N° 1. 304 E.-L. BOUVIER. la Patelle, ce sont identiquement les mêmes nerfs, et M. de Lacaze-Duthiers a établi, sans contestation possible, qu'il en est de même dans l’Haliotide. Je crois également lavoir montré pour les Parmophores et si, chez les Trochidés et les Turbonidés, on ne voit partir du ganglion que des nerfs bran- chiaux, un ou deux nerfs palléaux très grêles se détachant du connectif qui rattache le ganglion à la commissure, on n’en pourra pas conclure que celui-ci à perdu sa signification, car les déplacements dans l’origine apparente des nerfs sont très fréquents et se voient même chez l’Halotide. La con- elusion, c’est que le ganglion situé à la base de la fausse branchie gauche, chez tousles Aspidobranches chiastoneures, correspond virtuellement au ganglion sus-intestinal des Pecti- nibranches. Ce ganglion n’est donc, n1 un ganglion olfactif, ni un ganglion branchial différent du ganglion sus-intestinal : c’est l'équivalent morphologique du ganglion sus-imtestinal. Le rôle du ganglion sus-intestinal n’est pas, en effet, de donner naissance à la branche sus-intestinale de la commissure viscé- rale; celle-ci a, comme on sait, son origine dans le ganglion palléal droit; le ganglion sus-intestinal établit simplement un relai ganglionnaire, dont le rôle est d'émettre chez les Aspidobranches une très faible partie des nerfs palléaux, le nerf de l'organe olfactif et une partie des nerfs branchiaux. Il est généralement situé sur la commissure, mais son rôle n’exige pas qu’il en soit toujours ainsi : 1] suffit qu'il se rattache à la commissure par un connectif. On considère bien à tort les ganglions viscéraux antérieurs comme essentiellement distincts des ganglions palléaux : « Le ganglion supra-intestinal et le ganglion sub-intestinal ont été considérés abusivement comme des ganglions palléaux par H. Simroth, dit B. Haller (106), car ils n’ont rien à faire, comme nous l’avons vu, avec le manteau, et sont essentiel- lement des ganglions viscéraux. » Il m'est impossible de par- tager cette opinion, car Je trouve que ces deux ganglions ont essentiellement le même rôle que les ganglions palléaux. Ils sont en relation très étroite avec le manteau, et il ne sera pas ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. EE difficile de l’établir. Commençons d’abord par le ganglion sus-intestinal. Chez les Aspidobranches, le ganglion situé à la base de la branchie, ou le connectif de ce ganglion, émettent toujours un ou plusieurs nerfs palléaux; je renvoie pour le prouver à mes observations sur ces Gastéropodes et à celles de M. de Lacaze-Duthiers sur l'Haliotide (nerfs palléaux internes issus du ganglion branchial). Chez les Pectinibranches, la dé- monstration est plus facile encore, et l’on verra que toujours ce ganglion émet des branches exclusivement palléales, qui sont surtout considérables et très souvent visibles sans dissection dans la Cancellaire, la Cyprée, les Volutes, etc. Le ganglion sous- intestinal est bien plus évidemment encoreun ganglion palléal. Cela est absolument évident chez les Ténioglosses dialyneures, où l’anastomose palléale est formée par deux nerfs palléaux ayant leur origine l’un dans le ganglion palléal droit, l’autre dans le ganglion sous-imtestinal ; en signalant cette anastomose chez le Vermet (50) M. de Lacaze-Duthiers à fait remarquer, il y a longtemps, qu’elle était due à deux nerfs palléaux. L’évidence n’est pas moins grande chez les Pectinibranches zygoneures, où les nerfs palléaux droits sont toujours hors de proportion avec le connectif de la zygoneurie. Ce connectif est extrêmement grêle chez les Cyprées, tandis que les nerfs palléaux sont très importants (fig. 52). Du reste, la bran- chie n’est rien autre chose qu’une formation palléale, et les mêmes nerfs qui l’innervent se répandent en même temps dans le manteau; cette double innervation s'établit, avec une richesse extrême, chez le Vermet, et M. de Lacaze-Duthiers l’a représentée d’après des animaux où les nerfs se voyaient par transparence. Que ces ganglions émettent chez les Aspi- dobranches quelques nerfs viscéraux, cela n’a rien de bien étonnant dans un groupe où la limitation des centres nerveux est encore très vague; c’est un rôle tout à fait accessoire qui ne peut masquer le rôle principal des ganglions. Chez les Pec- tinibranches, je n'ai jamais vu le ganglion sus-intestinal innerver l'oreillette, et quand B. Haller affirme qu’il en est ainsi chez les Muricidés, on peut croire que ses observations 396 E.-L. BOUVIER. demandent à être reprises et vérifiées avec beaucoup de soin. Je crois résumer exactement les résultats acquis jusqu'ici, au sujet des ganglions précédents, en m’exprimant de la manière suivante. Le manteau, la branchie et la fausse bran- chie reçoivent leurs nerfs des ganglions palléaux. Geux-c1 sont au nombre de deux au moins chez les Prosobranches. Le gan- glion droit innerve le manteau à droite, une partie du manteau et de la branchie à gauche; le ganglion gauche innerve le manteau à gauche et une partie du manteau à-droite avec la branchie si cette partie est pourvue d’une branchie. Chez les Aspidobranches, le manteau, à droite, est essentiellement innervé par le ganglion palléal droit et ne reçoit qu'une ou deux branches très faibles du ganglion palléal gauche; réci- proquement le manteau, à gauche, est essentiellement innervé par le ganglion palléal gauche et ne reçoit que des nerfs peu importants du ganglion palléal droit. Au contraire, à mesure qu'on s'élève dans la série des Pectinibranches, on voit un côté du manteau recevoir des nerfs de plus en plus puis- sants du ganglion palléal du côté opposé; le groupe des dialyneures montre cette progression avec une évidence frap- pante. Du reste, chez les Aspidobranches aussi bien que chez les Pectimbranches, la branchie est toujours innervée par le ganglion palléal du côté opposé. Or on sait depuis longtemps, grâce surtout aux observations de M. de Lacaze-Duthiers, que tout organe qui reçoit un fais- ceau de nerfs nombreux et importants est pourvu d’un gan- glion accessoire, servant de relai, situé à la base de ce fais- ceau. Par conséquent, toutes les fois que, sur un côté du manteau, se trouvera une branchie, la commissure viscérale enverra à cette branchie, à la fausse branchie et à une partie du manteau située de ce côté, un faisceau de nerfs importants issus en réalité du ganglion palléal du côté opposé, et un (tous les Prosobranches branchifères, sauf la Fissurelle et peut-être la Patelle) ou deux (Fissurelle) ganglions accessoires se for- meront à la base de la branchie, soit sur le trajet des nerfs encore unis en un seul tronc (Aspidobranches), soit à leur ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 15) origine sur lacommissure (Pectinibranches), auxdeuxendroits à la fois chez la Fissurelle. Ainsi se formera le ganglion sus- intestinal dans tous les Prosobranches chiastoneures, les termes de ganglion branchial ou de ganglion olfactif accordés à ce ganglion, chez les Aspidobranches, devant être écartés ; ainsi se formera également le ganglion sous-intestinal des Cyclobranches, des Fissurellidés et des Haliotidés, qui sont tous pourvus d’une branchie et d’une fausse branchie droite, ou au moins d’une fausse branchie droite. Dans les Aspido- branches, la base du connectif qui rattache le ganglion à la commissure indique évidemment la position qu'occupent les ganglions dans les Pectinibranches. Les Aspidobranches chiastoneures (Turbo, Trochus), qui sont dépourvus à droite de branchie et de fausse branchie, reçoivent seulement du ganglion palléal gauche des filets palléaux peu importants que j'ai d’ailleurs signalés pour la première fois dans ces formes; au point où ces nerfs se déta- chent de la branche sous-intestinale de la commissure viscé- rale, ou sur leur trajet, un ganglion accessoire serait inutile, etil ne s’en forme pas dans les Aspidobranches chiastoneures ; les genres à une seule branchie (branchie et fausse branchie) sont seuls dépourvus de ganglion sous-intestinal. Il en sera évidemment de même chez les Pectinibranches dialyneures les plus voisins des Aspidobranches, et l’on verra les Paludi- nidés et les Cyclophores dépourvus aussi de ganglion sous- intestinal. En résumé, les ganglions ne se forment que quand des nerfs, d’abord épars et peu importants, ont réuni leurs origines et augmenté leur importance ; leur signification mor- phologique ne dépend pas de la distance qui les sépare des organes innervés, elle dépend uniquement de ces organes (). On à déjà vu des ganglions accessoires se former en nombre (*) Si j'ai employé quelquefois l'expression de ganglions viscéraux antérieurs pour désigner les ganglions sus-intestinal et sous-intestinal, j’ai simplement voulu simplifier le langage en indiquant la position des ganglions sur la com- missure; je ne leur attribue en aucune manière la signification de ganglions essentiellement viscéraux. 398 E.-L. BOUVIER. variable sur l’anse postérieure de la commissure viscérale, mais on peut en signaler d’autres. C’est au rang des ganglions viscéraux antérieurs qu'il faudra placer les petits ganglions qui se trouvent aux angles des mailles dans certains réseaux nerveux, surtout dans le réseau palléal. Je n’ai jamais vu de ganglion au point où la branche anastomotique, issue du gan- elion branchial antérieur, rencontre le nerf palléal gauche; toutefois je dois dire que B. Haller (98) en figure un chez les Muricidés. Un ou deux ganglions accessoires se forment par- fois sur le nerf tentaculaire : on en trouve deux dans les Cyclostomidés, un seul dans le Xénophore. Le nerf tentacu- laire des Aspidobranches pourrait bien renfermer des éléments ganglionnaires dans son trajet à l’intérieur du tentacule. Les petits ganglions pédieux annexés aux gros ganglions chez les Littormes, Planaxis, Truncatelles et Bythinies ont une tout autre signification que celle des ganglions aeces- soires précédents : on l’a vu plus haut, ils sont les restes d’une concentration inachevée. MODIFICATIONS GRADUELLES DANS LES RAPPORTS DES CENTRES NERVEUX Centres antérieurs. — À mesure que les centres antérieurs se délimitent, leurs rapports se modifient progressivement. Certaines de ces modifications ont une grande importance systématique et méritent d’être signalées ici. La commissure cérébroïde, chez les Aspidobranches, est très longue et située à l'extrémité antérieure de la masse buccale; les ganglions cérébroïdes sont rejetés sur les côtés de celle-ci et reliés inférieurement par une commissure labiale qui passe sous la masse buccale. Cette commissure inférieure est munie de deux ganglions accessoires dans les Cyclo- branches. On retrouve une disposition absolument identique dans les Ampullaridés. Chez les Janthimes, la commissure céré- broïde reste très langue, mais elle passe en arrière de la masse ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 399 buccale et la commissure labiale disparaît. À part ces formes un peu aberrantes, la commissure cérébroïde est très courte chez les Pectimibranches et rejetée en arrière de la masse buc- cale ; la commissure labiale n'existe plus, sauf dans les Palu- dines et peut-être dans les Cyclophores. La commissure a encore une certaine longueur chez les Paludines, Gyclophores, Litiorines, Cyclostomes, Bythinies; elle est déjà beaucoup plus courte chez les Mélaniidés, à l’exception des Mélanopsis et surtout chez les Cérithidés à l’exception du Geratoptilus. Dans la plupart des autres Ténioglosses elle est réduite au minimum, et chez les Toxiglosses et les Rachiglosses les ganglions céré- broïdes ne sont plus guère séparés que par un étranglement. On a vu comment les ganglions palléaux se séparent progres- sivement des ganglions pédieux et se rapprochent de plus en plus des ganglions cérébroïdes pour transformer le connectif cérébro-palléal en un connectif palléo-pédieux. Parmi les connectifs latéraux, le connectif antérieur ou cérébro-pédieux suit à peu près les mêmes variations que la commissure cérébroïde, mais avec beaucoup plus de lenteur et moins de continuité. Je me contenterai de dire qu'il est très long dans les Aspidobranches, les Paludines, les Ampullaires et les Janthines; assez court dans la plupart des Ténioglosses zygo- neures et dans les Toxiglosses (il est très long chez les Cônes), très réduit dans tous les Rachiglosses. Chez ces derniers, les deux connectifs latéraux sont très courts, larges, chargés de cellules nerveuses comme les ganglions eux-mêmes, qui forment un anneau étroit autour de l’œsophage. Par le très grand rapprochement de ces divers ganglions, les Pyrules, les Naticidés et les Calyptréidés se rapprochent beaucoup des Rachiglosses. Au point de vue systématique, la commissure labiale a une importance très grande. Elle ne se trouve que chez les Proso- branches qui occupent le rang le moins élevé dans l’ordre; elle permet de rapprocher plus étroitement les divers Gastéro- podes. Elle a été signalée d’abord par M. de Lacaze-Duthiers dans l’Haliotide (47), par P. Bert dans la Patelle (53), par 360 E.-L. BOUVIER. Jhering dans les genres précédents et dans les Fissurelles, peut-être aussi dans les Trochidés et les Turbonidés (80, 81); je l’ai signalée moi-même chez tous les Aspidobranches, y compris les Nérites, Néritines, Navicelles, Hélicines, puis chez les Paludines et les Ampullaridés. C’est chez les Patelles et autres Cyclobranches qu’elle atteint ses plus fortes dimen- sions : elle est énorme, ganglionnaire, dans presque tout son trajet sous-æsophagien et forme deux ganglions labiaux. Elle est très facile à mettre en évidence dans l’Haliotide et surtout dans les Néritidés et les Hélicinidés, beaucoup moms dans les autres Aspidobranches ; on la voit sans préparation chez la Paludine, mais il faut beaucoup de précaution pour la mettre en évidence chez l’Ampullaire. Elle émet de chaque côté au moins six nerfs dans la Patelle, deux dans le Turbo, autant chez l’Ampullaire, un ou deux chez la Paludine, un seul chez les Nérites, pas du tout chez les Hélicines. Elle est libre et se prépare presque sans dissection chez tous les Aspido- branches orthoneuroïdes. C’est chez les Hélicines qu’elle acquiert sa forme typique de commissure (fig. 10 et 11). Cette commissure caractérise les Prosobranches les moins élevés en organisation et en même temps les plus anciens. Comme je ne partage en aucune façon les idées de Jhering relativement à la différence profonde qui séparerait ses Arthrocochlidés des Platycochlidés (80), j'ai pensé qu’on devrait la retrouver chez les autres Gastéropodes. Cette pré- somption n’est pas une hypothèse puisqu'on la signalée depuis longtemps dans la plupart des Opisthobranches, sous le nom de commissure sub-cérébrale. En effet, M. Amau- drut (116) l’a signalée tout récemment dans les Achatina pan- thera, Bulimus Funki, Helix aspersa, Nanina Cambodjiensis. Il fait remarquer que l'existence de cette commissure permet des rapprochements intéressants : « Elle détruit en même temps, dit-il, cette hypothèse de von Jhering, à savoir que, chez les Mollusques pulmonés pourvus de deux commissures pédieuses, on doit regarder la postérieure comme représen- tant la commissure sub-cérébrale et que, chez ceux où la ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 361 commissure est simple, la commissure sub-cérébrale est venue se fusionner avec la pédieuse. En effet, il existe chez le Bulime et l’Achatine deux commissures pédieuses. » B. Haller (106) à contesté absolument l’existence de la commissure labiale dans les Prosobranches. Parlant de la saillie labiale des ganglions cérébroïdes chez les Rhipido- glosses marins, il dit que cette saillie se divise inférieurement en plusieurs branches : « Une de ces branches, la branche terminale, doit s'unir, chez l’Haliotide, à celle du côté opposé d’après M. de Lacaze-Duthiers, et envoyer alors quelques branches aux parois inférieures du mufle.. Une réunion de ces deux moitiés n’existe pourtant pas, et si l’on arrive à découvrir des anastomoses entre ces deux branches, elles ne pourront se produire qu'entre les branches terminales les plus fines. » Or j'ai repris la plupart des espèces étudiées par Haller, et sur celles-ci comme sur les autres citées plus haut, j'ai retrouvé la commissure. Commissure viscérale : comment se forme la zygoneurie. — De tous les rapports qui existent entre les ganglions, il n’en est pas de plus importants que ceux qui existent, d’un côté, entre le ganglion palléal droit et le ganglion sous-intestinal ; de l’autre, entre le ganglion palléal gauche et le ganglion sus- intestinal. Ces rapports s’établissent entre les nerfs palléaux ou branchio-palléaux ; à droite entre le nerf palléal droit issu du ganglion palléal droit et le nerf palléal droit issu du gan- glion sous-intestinal, à gauche entre le nerf palléal gauche issu du ganglion palléal gauche et le nerf palléal ou bran- chio-palléal issu du ganglion sus-imtestinal. Ces rapports entre deux nerfs palléaux du même côté sont établis par une branche anastomotique, et les points où la branche anastomotique se fixe aux deux nerfs se rapprochant progres- sivement des centres nerveux, on est finalement conduit à la zygoneurle. Ces modifications sont très lentes, on peut en suivre tous les degrés. Je m’attacherai d’abord à bien étudier les divers stades de la zygoneurie la plus importante, celle du côté droit, 362 E.-L. BOUVIER. La zygoneurie droite est évidemment annoncée par l’ana- stomose palléale droite des dialyneures, et c’est par une marche progressive de cette anastomose vers le ganglion sous-intes- tinal que la zygoneurie arrive à s’affectuer. Dans les Aspido- branches, la branche anastomotique est très faible et fort éloignée du ganglion palléal; elle esttrèslonguechezl'Haliotide, le Turbo (fig. 2) et les Troques. On la retrouve à peu près au même degré dans les Littorines (fig. 23) et les Cyclostomes; seulement, dans ces Gastéropodes, le nerf palléal droit a gardé l'origine qu’il avait chez les Aspidobranches, à la base des ganglions pédieux, et il n’a pas suivi le ganglion palléal droit dans son trajet vers les ganglions cérébroïdes. L’anastomose entre les deux nerfs palléaux droits est déjà beaucoup plus rapprochée des centres nerveux dans la Paludine (fig. 15); en outre, elle est directe, c’est-à-dire que les deux nerfs se con- fondent en un seul au lieu de se mettre en relation par l’inter- médiaire d’une branche anastomotique. C’est dans les deux familles des Mélanüdés et des Céri- thidés, qu’on voit s'effectuer le passage du système nerveux dialyneure au système nerveux zygoneure. Je n’ai pas assez étudié de Mélannidés pour trouver les intermédiaires, j'ai seu- lement pu remarquer que les Mélanies et les Faunes sont dia- lyneures, tandis que les Mélanopsis sont zygoneures. Mais j'ai trouvé tous les passages dans la famille des Cérithidés. Chez les Cerithium (Gerithium vulgatum, Mediterraneum, erythro- nense) (fig. 27) et les Tympanotomus, les deux nerfs palléaux droits se confondent dans les parois du corps à une assez grande distance du ganglion sous-intestinal; 1l en est à peu près de même dans le Vertaqus lineatus. Chez le Potamides ebeninum (fig. 28) la fusion se fait à moins d’un millimètre du ganglion sous-intestinal et chez la Cerithidea obtusa, au ‘point même où le nerf palléal droit postérieur se détache du gan- glion sous-intestinal (fig. 29). Les Potamides ne sont pas encore tout à fait zygoneures, tandis que les Cerithidea nous présentent une zygoneurie qui vient à peine de se réaliser. Les Telescopium et les Pyrazus sont très franchement zygoneures ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES,. 363 et le Ceratoptilus lœvis se fait remarquer par un raccoureis- sement déjà considérable du connectif de la zygoneurie. On trouve la même gradation, mais beaucoup plus difficile à étudier, dans les Cypræidés; la Cyprea arabica (fig. 59) est encore dialyneure, tandis que la GC. cervus est zygo- neure. Une fois formée, la zygoneurie est suivie par d’autres modi- fications : à mesure qu’on s'élève dans l’ordre des Proso- branches, on voit le connectif se raccourcir et, finalement, conduire le ganglion palléal droit à une fusion complète, ou peu s’en faut avec le ganglion sous-intestinal. Très long dans les Strombes et dans les Tritons, le connectif est déjà plus court dans Îles Dolium, et excessivement court dans les Pyrules, qui, à ce point de vue, ressemblent complètement aux Turbinelles, aux Volutes et aux Pleurotomes. Le résultat est une concentration de plus en plus grande des centres pal- léaux et sous-intestinal, concentration qui marche de pair avec la fusion plus ou moins complète des ganglions céré- broïdes, palléaux et sus-intestinal. Ainsi arrive à se former _ le système nerveux si condensé et si compact dela plupart des Rachiglosses, qui occupent le sommet de l’échelle dans l’ordre des Prosobranches. Pour une raison qui sera donnée plus loin, la zygoneurie gauche est beaucoup plus rare que la zygoneurie droite. On la rencontre aussi typique que possible dans les Ampullaires dextres (fig. 19), les Naticidés (fig. 39) et les Lamellarnidés (fig. 49), et sur le point de s’effectuer chez les Janthines; le nerf palléal gauche issu du ganglion palléal gauche vient passer par le ganglion sus-imtestinal avant de se rendre à son champ de distribution. Elle existe encore dans les Ampul- laridés sénestres et dans les Cypræidés, avec cette différence que le nerf palléal antérieur se rend directement au man- teau, envoyant dès sa base un rameau important au gan- glion sus-intestinal. La zygoneurie gauche n’offre ni la même régularité, n1la même constance, n1 surtout la même pro- gression que la zygoneurie droite. Cela lui enlève, par consé- 364 E.-L. BOUVIER. quent, la plus grande partie de l'importance systématique qu’on doit accorder à cette dernière. En résumé, lazygoneurie a pourorigine l’anastomose de deux nerfs palléaux du même côté, l’un ayant son origine dans le ganglion palléal, l’autre dans les ganglions sus-intestinal -ou sous-intestinal suivant que la zygoneurie est gauche ou droite. Le connectif de la zygoneurie est, par conséquent, un nerf pal- léal ou une branche d’un nerf palléal qui passe dans un ganglion voisin et se confond avec les nerfs de ce ganglion, avant de se rendre à son champ de distribution. À mesure qu'on s'élève dans l’ordre des Prosobranches, on voit les systèmes nerveux dialyneures se rapprocher de plus en plus de la zygoneurie, puis la zygoneurie se former, puis enfin le connectif de la zygo- neurie se raccourcir et amener la fusion des deux ganglions qu'il unit, dans les formes les plus élevées en organisation. Poli a signalé le premier le connectif de lazygoneurie droite dans les Dolium et les Tritons (8). M. de Lacaze-Duthiers a indiqué l’anastomose palléale gauche dans l'Haliotide (47), le Vermet (50) et le Cyclostome (64) ; il a en outre représenté l’anastomose palléale droite dans ces deux derniers genres. Chez le Vermet, il la considère avec raison comme une ana- stomose de deux nerfs palléaux. — Étudiant la Turritelle et le Vermet (81), Jhering suppose que l’anastomose droite du Vermet, atteignant le ganglion sous-intestinal, conduirait à la zygoneurie droite de la Turritelle. Cette supposition est con- firmée par les faits, mais on ne saurait attendre de Jhering une tentative de généralisation, puisque le savant allemand considérait comme orthoneures les Prosobranches zvgoneures, à l'exception des Turritelles. En outre ,il ne pouvait considérer le connectif de la zygoneurie comme un nerf palléal droit issu du ganglion palléal droit, puisqu'il n’accorde à ses Chiasto- neures les plus élevés en organisation, comme la Turritelle et le Vermet, aucun nerf palléal droit issu du ganglion palléal droit. La division des Prosobranches en Orthoneures et Chias- toneures, établie par Jhering, fut bientôt battue en brèche par Spengel (89), qui montra que cinq orthoneures de Jhering ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 369 (Cassidaire, Dolium, Cassis, etc.) sont chiastoneures, leur orthoneurie apparente étant due à la présence d’un connectif de la zygoneurie. Cette généralisation, quoique établie d’après des observations fort limitées, est d’une exactitude incontes- table, mais ne S’applique pas toutefois aux Prosobranches orthoneuroïdes. Spengel tenta une autre généralisation en voulant expliquer le connectif de la zygoneurie. Il formule cette généralisation en des termes très vagues. Combinant ses propres observations avec celles de M. de Lacaze-Duthiers sur le Cyclostome et le Vermet, il suppose que les anastomoses palléales sont des formations secondaires (*), de même que le connectif de la zygoneurie (”). Les orthoneures de Jhering sont-ils tous zygoneures? Spengel n’en est pas certain; dans tous les cas le savant allemand ne signale nulle part la généralité des anastomoses palléales chez les Prosobranches, il ne signale pas davantage leur formation aux dépens de deux nerfs palléaux ayant de chaque côté une origine différente, et 1l indique encore moins les divers stades qui conduisent de cette anastomose à la zygoneurie. Spengel ne tente pas d'expliquer davantage l’anastomose palléale droite, mais 1l essaye de donner une explication pré- cise de l’anastomose palléale gauche. Parlant de la branche anastomotique qui unit le nerf palléal gauche issu du ganglion palléal gauche, au nerf branchial antérieur de la Cassidaire, il dit : «Il me parait probable que cette disposition dérive d’un rameau issu du ganglion branchial ("”) et se rendant au (*) Spengel s'exprime de la manière suivante : « Les chiastoneures, comme le Gyclostome et le Vermet, nous montrent que les relations entre le ganglion sous-intestinal et le ganglion palléai droit et celles entre le ganglion sus- intestinal et le ganglion palléal gauche doivent être considérées comme des relations secondaires. » (**) « Une commissure viscérale fermée et croisée en huit existe chez les orthoneures (les observations ultérieures montreront si elle existe chez tous) aussi bien que chez les chiastoneures, et la symétrie du systèm enerveux viscéral est produite par des relations secondaires entre les ganglions de cette commissure et les ganglions pleuraux. » (***) Ganglion sus-intestinal. D’après Spengel, le rameau anastomotique gauche aurait son origine dans le ganglion sus-intestinal. 366 E.-L. BOUVIER. siphon en atteignant le nerf 6 (‘), car on ne comprendrait pas pourquoi les fibres du nerf 6 se rendraient au ganglion bran- chial. » On voit bien le nerf palléal droit, issu du ganglion palléal droit, se rendre au ganglion sous-intestinal pour former le connectif de la zygoneurie, et l’on ne comprend pas pourquoi le nerf palléal gauche n’enverrait pas une branche anastomotique au ganglion sus-intestinal. D'ailleurs, la branche anastomotique qui nous occupe n’est en relation que très exceptionnellement avec le ganglion sus-intestinal, elle se rattache ordinairement au nerf branchial antérieur, issu du ganglion sus-intestinal. Ges faits seuls suffiraient pour mettre en contestation l’opinion de Spengel, si des preuves formelles ne permettaient de la rejeter complètement. L’anastomose palléale gauche existe dans tous les Proso- branches dépourvus de siphon et, par conséquent, on ne saurait considérer comme siphonale la branche nerveuse qui l’établit. En outre, c’est Le nerf palléal ou palléo-siphonal (issu du ganglion palléal gauche) qui envoie ordinairement un ou plusieurs rameaux anastomotiques, soit au ganglion sus-imtes- tinal, soit au nerf branchial antérieur issu du ganglion sus- intestinal. Ainsi, dans les Prosobranches zygoneures à gauche (Ampullaires, Natices, etc.), on voit le nerf palléal gauche s'unir directement au ganglion sus-intestinal et remplacer la branche anastomotique du côté gauche; ainsi encore, dans les Cancellaires, toute la partie gauche du manteau, à Pexcep- tion du siphon, est imnervée par le nerf branchial antérieur. Chez les Cyprées, le siphon est innervé par un nerf palléal distinct, tandis qu’un autre nerf palléal va se confondre avec le nerf branchial antérieur en passant par le ganglion sus- intestinal, le tronc commun innervant la branchie, la fausse branchie et une partie du manteau, à l'exception du siphon. En résumé, Jhering ne pouvait imaginer une explication de la zygoneurie droite, puisqu'il considère les Prosobranches zygoneures comme orthoneures. Il a complètement méconnu (*) Nerf palléal gauche. ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 367 d’ailleurs la zygoneurie gauche en faisant du ganglion sus- intestinal des Cyprées et des Lamellaires un ganglion siphonal dont les origines connectivales seraient dans les ganglions céré- broides. Dans sa tentative de généralisation, Spengel a été plus heureux en considérant comme secondaires les anasto- moses palléales et les formations zygoneures ; mais cette géné- ralisation ne précise rien, en outre l’explication donnée pour l’anastomose palléale gauche est complètement inexacte. Aucun savant n’a, du reste, indiqué chez tous les Proso- branches la présence des deux anastomoses palléales. Je crois donc avoir mis en lumière : 1° la présence des deux anastomoses palléales dans tous les Prosobranches, sauf peut- être dans la Patelle; 2 l’origine de ces anastomoses, en montrant qu'elles relient de chaque côté deux nerfs palléaux ou palléo-branchiaux ayant leur origine dans des ganglions différents; 3° les stades successifs qui conduisent de l’anasto- mose palléale droite à la zygoneurie droite, de l’anastomose palléale gauche au connectif de la zygoneurie gauche; # les raisons qui justifient la constance de la zygoneurie droite et lPinconstance de la zygoneurie gauche (p. 869) ; 5° la nature franchement palléale des connectifs de la zygoneurie, aussi bien à droite qu'à gauche. Pourquoi s'établit la zygoneurie. —En premier heu, pourquoi s’établissent les anastomoses palléales chez les dialyneures? Lorsque deux nerfs, quelles que soient leurs origines, se rendent dans un même organe, et surtout dans la même région d’un organe, des anastomoses s’établissent fatalement, plus ou moins nombreuses, entre ces nerfs. C’est ce qui explique les nombreuses anastomoses qu'on à signalées entre les nerfs pédieux, les anastomoses qui réunissent sur le bord du manteau tous les nerfs palléaux (Gyprée, Cérithe), et les réseaux formés à la base de l'appareil respiratoire par les nerfs bran- chiaux (Paludine, Cérithe, Xénophore, etc.). Cest ce qui arrivera notamment pour les nerfs palléaux d’un même côté, les uns ayant leur origme dans le ganglion palléal droit et dans le ganglion sous-intestinal pour la droite, les autres 368 E.-L. BOUVIER. dans le ganglion palléal gauche et dans le ganglion sus-intes- tinal pour la gauche. Mais la torsion du système nerveux, quelle que soit sa cause, a dérangé la symétrie bilatérale des Prosobranches, qui seraient à peu près symétriques s'ils étaient orthoneures et non sensiblement enroulés, comme les Nudibranches. Nous voyons, en effet, la partie gauche du manteau innervée symétri- quement par le ganglion palléal gauche et asymétriquement par le ganglion sus-intestinal appartenant à la branche droite, ramenée à gauche, de la commissure viscérale ; nous voyons exaëtement l’inverse pour la partie droite. Or une tendance à la symétrie, et surtout à la symétrie bilatérale, se fait remarquer chez tous les animaux, qu'ils soient réguliers ou irréguliers. On a coutume de ranger les Gastéro- podes parmi les animaux à symétrie bilatérale, et l’on a raison; mais il faut envisager leur anatomie de bien haut pour res- taurer leur symétrie, qui n’est d’ailleurs qu’approchée. Parmi les Gastéropodes, les Prosobranches sont certainement les plus asymétriques de tous, et leur système nerveux porte des empreintes profondes de cette asymétrie. C'est ce qui avait frappé déjà M. de Lacaze-Duthiers, quand il nommait certains centres, en apparence symétriques, centres asymétriques. La symétrie des Prosobranches ayant été dérangée considérable- ment par la torsion du système nerveux, il est naturel qu'une symétrie approchée ait dù se reconstituer dans ces animaux. Elle s’est réalisée par une concentration des anastomoses palléales d’un même côté. I n’y a réellement qu'une anasto- mose importante à droite, une à gauche; les anastomoses secondaires peuvent exister et existent généralement, mais très réduites ; on en trouve surtout de très importantes à gauche dans les Cyprées (fig. 92). Par ces anastomoses palléales, les Prosobranches à peu près symétriques dans leur organisation, comme les Parmo- phores, paraissent également symétriques dans leur système nerveux, surtout parce que les deux anastomoses palléales sont sensiblement de même longueur ; mais la symétrie n’est et ne ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 369 peut être qu’approximative en raison du croisement de la commissure viscérale. Une autre tendance très accentuée chez les Mollusques est la tendance à la concentration des ganglions nerveux. Cette concentration est portée au maximum dans les Céphalopodes dibranchiaux où tous les ganglions, à l'exception des gan- glions buccaux, sont réunis en une seule masse. Elle se produit progressivement dans les Prosobranches, et ce sont les plus élevés en organisation, ceux qui sont aussi géologiquement les plus récerfts, qui ont le système nerveux le plus concentré. Or trois processus conduisent, chacun de son côté, à la con- centration des ganglions nerveux antérieurs chez les Proso- branches : 1° anastomose directe ou zygoneurie entre les ganglions palléaux et les ganglions viscéraux antérieurs (sus- intestinal et sous-intestinal) d’un même côlé; % une fois cette anastomose réalisée, rapprochement des ganglions vis- céraux antérieurs des ganglions palléaux; 3° rapprochement des centres cérébroïdes, palléaux et pédieux. Le premier degré de concentration se réalise peu à peu à mesure qu’on s'élève dans la série des Prosobranches. On voit les systèmes nerveux dialyneures se rapprocher de plus en plus dela zygoneurie, c’est-à-dire que le point où s'effectue l’anastomose se rapproche de plus en plus des ganglions du même côté, jusqu’au moment où les deux nerfs palléaux droits ou gauches se réunissent dans les ganglions sous-intestinal ou sus-intestinal. À ce moment la zygoneurie est réalisée, et au lieu d’une relation indirecte entre les deux ganglions, au moyen de deux nerfs qui s’anastomosent sous un angle plus ou moins aigu, on à un nerf palléal antérieur qui se rend directement au ganglion viscéral antérieur du même côté. Si l’on se demande maintenant pourquoi la zygoneurie droite suit une marche progressivement régulière et normale, tandis que la zygoneurie gauche est très rare et sans régularité, je répondrai que les nerfs palléaux du côté gauche ont une indépendance que n’ont pas ceux du côté droit, en ce sens que les postérieurs sont destinés presque exclusivement à la ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887, I DA NARIT. NO {. 370 H.-L. BOUVERR. branchie, tandis que le nerf antérieur se localise presque tout entier dans le manteau. Il n’y a donc pas entre eux cette dépendance étroite qui exige que les deux nerfs palléaux droits, émanés de deux origines différentes, se confondent en un seul tronc, puisqu'ils ont la même partie du corps (le manteau) à innerver. | Un premier degré de la concentration étant réalisé par la formation de la zygoneurie droite (quelquefois la gauche), la concentration va continuer à suivre régulièrement et peu à peu son cours par le raccoureissement progress# du connectit de la zygoneurie. À mesure qu’il devient plus court, ce con- nectif rapproche à la fois les deux ganglions avec lesquels il est en relation. En même temps s'effectue d’une troisième manière la concentration des ganglions par le rapprochement, un peu moins régulier, des centres supérieurs et inférieurs. Quand le connectif s’est réduit à une longueur très faible ou nulle, le ganglion sous-intestinal se trouve placé sur la ligne médiane du corps ou peu s’en faut, en contact plus ou moins intime avec les deux ganglions palléaux. Alors les gan- glions pédieux sont toujours très rapprochés des ganglions supérieurs, et le ganglion sus-intestinal est très rapproché du ganglion palléal droit (sauf dans les Gancellaires et les Halia). Ainsi se trouve réalisée une nouvelle symétrie approchée et le plan de symétrie laisse de chaque côté un ganglion céré- broïde, un ganglion buccal, un ganglion pédieux, un ganglion palléal et la moitié du ganglion sous-intestinal. Cette symétrie approchée des ganglions s’est réalisée aux dépens de la symé- trie des nerfs, car tous ou presque tous les nerfs du ganglion palléal droit ont maintenant leur origine dans le ganglion sous- intestinal, tandis que le ganglion palléal gauche continue à émettre très sensiblement les mêmes nerfs qu'avant la con- centration. Cette seconde symétrie approchée est celle qui est réalisée dans la très grande partie des Rachiglosses : elle a vivement frappé Jhering, et ses prétendus Orthoneures sont des Prosobranches où cette symétrie est plus ou moins complè- ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOUBRANCHES. 371 tement réalisée. On s’expliquera aisément la méprise du savant allemand en examinant, à la fin de ce travail, les dessins qui représentent les systèmes nerveux du Bucecin, du Concholepas et de la Cancellaire. En résumé, tout se passe chez les Prosobranches comme s'ils dérivaient d’une forme symétrique primitive à système nerveux très diffus. Les Prosobranches archaïques, qui se déta- cheraient directement de cette forme, ont une commissure viscérale asymétrique, mais une première symélrie approchée se manifeste chez eux au moyen des anastomoses palléales. La condensation commencée dans ce groupe se continue à mesure qu’on s'élève dans l’ordre et atteint son maximum chez les formes zygoneures où elle conduit à une seconde symétrie approchée très différente de la première. Dans cette transformation progressive de la première symé- trie approchée eu une seconde essentiellement caractérisée par une condensation excessive, on peut suivre pas à pas les modi- fications graduelles du système nerveux sans omettre peut- être un seul intermédiaire. Il n’est pas de groupe où les étapes successives du perfectionnement organique soient plus nettes et plus rapprochées, et mon objectif principal était, dans ce travail, de rendre cette progression naturelle aussi frappante que possible. Je crois lavoir fait en ce qui concerne la dispo- sition et le groupement des centres nerveux; 1l reste à étudier les modifications corrélatives des principaux nerfs. MODIFICATIONS GRADUELLES DANS LE NOMBRE, LES RAPPORTS ET LA DISTRIBUTION DES NERFS Ganglions cérébroides. — Les ganglions cérébroïdes inner- vent : 1° les organes de la sensibilité spéciale ; 2° le mufle ou la trompe, les lèvres et les muscles moteurs du mufle, de la trompe et de la masse buccale, mais non les muscles intrin- sèques de celle-ci; 3° les parois du corps siluées immédia- tement à la base du mufle. En général, tous ces nerfs se 312 E.-L. IBOUVINR. détachent des ganglions eux-mêmes, mais il n’est pas rare de trouver des nerfs sur la commissure (Halotide, Parmophore), ou sur les connectifs des ganglions (nerf nuqual du Buecin issu du connectif cérébro-pédieux). Il est impossible de dis- tinouer, dans les ganglions, des saillies particulières analogues à celles que M. de Lacaze-Duthiers à signalées dans les Pul- monés aquatiques (65); on peut simplement remarquer que les nerfs de la sensibilité spéciale ont leur origine sur la face externe des ganglions, tandis que les autres se détachent presque toujours sur le bord de ceux-ci. B. Haller à indiqué une division en deux parties dans les ganglions cérébroides des Murex (98), mais cetle division n’a qu'une utilité des- criplive et ne correspond à rien de réel, ce que B. Haller considère comme la partie inférieure des ganglions étant le connectif cérébro-pédieux ganglionnaire et épaissi. Le nerf tentaculaire est le plus puissant de tous les nerfs de la sensibilité spéciale, 1l innerve le tentacule et souvent aussi la région céphalique voisine. Cette double fonction est évidente chez le Buccin (fig. 62). L'importance du nerf tentaculaire varie, du reste, suivant le développement du tentacule. Dans le Trochus niloticus par exemple, le tenta- cule est très réduit et le nerf tentaculaire devient beaucoup plus faible que le nerf optique; c’est le contraire chez le Trochus maqus, espèce dans laquelle le tentacule est très bien développé. Le nerf optique a son origine dans les ganglions cérébroïdes, à peu près au même point que le nerf tentaculaire ; pourtant il en est assez éloigné chez les Aspidobranches et les Témo- glosses qui s’en rapprochent le plus, la Paludine et surtout le Cyclophore (fig. 17). C'est un nerf indépendant, et les cas sont très rares où il parait se détacher du nerf tentaculaire (Cdne). Ordinairement, c’est un nerf assez fin qui se rend directement à l’œil sans se ramifier; mais on lui voit parfois émettre des branches, et cela se produira normalement toutes les fois que le pédoncule optique aura une réelle impor- tance. 1] y à longtemps que M. de Lacaze-Duthiers a déerit et ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIHES. O1 figuré les rameaux du nerf optique de l’Haliotide. Dans le Trochus niloticus, Vatrophie presque complète du tentacule coïncide avec un développement énorme du pédoncule optique : le nerf optique est très puissant et envoie de nombreux rameaux dans le pédoncule. Le nerf acoustique à son origine dans les ganglions céré- broïdes au voisinage des nerfs précédents, mais il n’est pas toujours distinct jusque-là. Ainsi, chez les Aspidobranches, on le voit s’accoler au connectif palléal et se confondre avec Jui avant d’avoir atteint les centres. B. Haller aurait suivi ce nerf jusqu’au cerveau chez les Aspidobranches rhipidoglosses (106). Dans le Bucein, les otocystes sont en dehors des gan- glions et assez éloignées de ceux-ci; le nerf acoustique vient suivre le bord du connectif palléo-pédieux, passe sur le côté externe du ganglion palléal et plonge dans celui-ci; mais 1à n’est pas son origine, car on peut le suivre dans la masse gan- olionnaire jusqu'aux centres cérébroïdes. Aïlleurs, le nerf est complètement libre et se suit sans difficulté jusqu'aux gan- glions cérébroiïdes ; 1l en est ainsi dans les Paludines, Mélanies, Gérithes, Xénophores, Ampullaires, ete. On a cru longtemps que le nerf acoustique avait pour origine réelle les ganglions pédieux. En 1855 pourtant, O0. Speyer (35) suivait le nerf acoustique de la Paludine jusqu’au ganglion palléal, c’est-à- dire dans le voisinage des ganglions cérébroïdes. En 1856, Sars, Koren et Danielssen (38, 43) suivaient le même nerf Jus- qu'aux ganglions cérébroïdes dans les embryons de Buccin. Mais on considéra ces faits comme des anomalies, et l’opinion resta la même. C’est en 1868 que M. de Lacaze-Duthiers indiqua les relations constantes de l’otocyste avec le cerveau, dans une note à l’Académie des sciences (58); la guerre empêcha la publication détaillée de ses observations et celles- ci ne parurent qu'en 1872 (64). En 1871, Levdig (62) confirma les observations du savant français. Mon travail n’a fait qu'étendre à un très grand nombre d'espèces des observa- tions limitées jusqu'ici à des genres assez peu nombreux. Du reste, depuis la publication de M. de Lacaze-Duthiers, personne 374 E.-L. BOUVIER. n’a songé à combattre ses conclusions. Elles ont, au contraire, été étendues aux Lamellibranches par Jhering (80). Quelques mots suffiront pour les autres nerfs issus des gan- glions cérébroïdes. En rangeant au nombre des nerfs probos- cidiens la commissure labiale, on trouve généralement .de chaque côté trois, quatre ou cinq nerfs proboscidiens, aussi bien dans les formes pourvues d’une trompe que dans celles qui n’en ont pas. D'ailleurs, les différences qu'on peut établir entre les genres peuvent avoir leur origine dans une union des nerfs à leur base. Ainsi, chez l’Ampullaria carinata, le nombre des nerfs n’est pas le même à droite qu’à gauche et varie autour de cinq, six ou sept. Les nerfs proboscidiens innervent le mufle ou la trompe, les muscles moteurs anté- rieurs de la masse buccale ainsi que les lèvres dans lesquelles ils envoient de nombreux rameaux et qui doivent être pourvues d’une sensibilité toute particulière. D’autres nerfs, assez variables dans leur nombre, et beau- coup plus grêles, se détachent des ganglions cérébroïdes et sont essentiellement destinés aux parois céphaliques et aux muscles rétracteurs de la trompe et de la masse buccale. Ganglions pédieux, ganglions palléaux. — A l’origine, les ganglions pédieux sont confondus avec les ganglions palléaux dans un ensemble ganglionnaire, les cordons palléo-pédieux. Ces cordons sont unis par des anastomoses ou commissures transversales, qui existent encore dans les espèces où les gan- glions palléaux sont déja séparés des ganglions pédieux (Patelles, Aspidobranches orthoneuroïdes, Gyclophores, Palu- dines, Cyprées). On a critiqué Jhering d’avoir considéré ces cordons comme des nerfs pédieux primaires; mais il avait parfaitement signalé leurs anastomoses transversales, et la signification qu’il leur donne est exacte après tout. On ne peut contester, en effet, que les nerfs pédieux se détachent d’abord tous des cordons, puis, lorsque la concentration est achevée, des ganglions pédieux; on ne peut contester non plus que le premier stade soit inférieur au second. Or c’est précisément là ce que veut dire Jhering lorsqu'il classe les ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 375 nerfs pédieux en primaires et secondaires, et l’on a seulement fait connaître, après M. de Lacaze-Duthiers et Jhering, la nature ganglionnaire des cordons. Il est certain, d’ailleurs, que des anastomoses transversales peuvent exister entre de vrais nerfs pédieux, comme le prouvent manifestement les nerfs pédieux antérieurs des Turbo (fig.13) et dela Paludine. Lorsque C. Semper combat la classification de Jhering en Arthroco- chlidés et Platycochlidés, il a raison sans doute, mais ilse sert d’un mauvais argument en voulant homologuer les anasto- moses pédieuses qu’il a trouvées dans la Vaginule (76) et celles qui existent dans les Haliotides. Jhering a contesté la présence de ces anastomoses ; mais, si elles existent, on doit simplement les comparer aux anastomoses des nerfs pédieux antérieurs des Turbo et de la Paludine (). Les ganglions palléaux innervent essentiellement le man- teau et le muscle columellaire chez tous les Prosobranches ; ils envoient des filets nerveux, très variables suivant les espèces, aux parois du corps, en arrière de la tête. Ces nerfs pariétaux ressemblent beaucoup à ceux issus des ganglions cérébroides et, dans le Buccin, on voit ces deux sortes de nerfs se confondre dans deux champs d’innervation super- posés (fig. 62). Deux opinions très différentes ont été émises au sujet des nerfs palléaux issus des ganglions palléaux. D’après Jhering (80), il faudrait distinguer entre les Chiastoneures et les Ortho- neures : 1° chez les Chiastoneures, les formes les plus infé- rieures auraient deux nerfs palléaux primaires, l’un à droite, l’autre à gauche, issus le premier du ganglion palléal droit, l’autre du ganglion palléal gauche ; à mesure qu’on s’élèverait dans la série, on verrait ces nerfs s’atténuer et finalement dis- (*) Étudiant une Vaginule, j'ai trouvé des ganglions pédieux bien concen- trés. Ces ganglions envoient en arrière deux longs nerfs presque accolés et sans commissures apparentes. Par leurs rameaux, ces nerfs innervent presque toute la sole pédieuse. On sait que la sole pédieuse des Vaginules est fort étroite et c'est une nécessité, pour les nerfs pédieux qui s’y rendent, de se réunir en deux troncs (Vaginula plebeia Fischer). 376 KE.-L. BOUVIER. paraître, remplacés fonctionnellement par des nerfs palléaux secondaires ou chiastopalléaux qui finiraient par les remplacer complètement. Tandis que les nerfs palléaux primaires inner- vent symétriquement le manteau, les nerfs palléaux secon- daires l’innerveraient asymétriquement; le nerf palléal secondaire gauche aurait son origine dans le ganglion sus- intestinal, le nerf palléal secondaire droit dans le ganglion sous-intestinal. Ainsi, dans les Fissurelles, l’innervation du manteau serait encore tout entière symétrique, et 1l n’y aurait pas de nerfs palléaux secondaires; dans la Littorine, le nerf primaire gauche est encore assez fort, le droit est assez faible ; dans la Paludine, le gauche est rudimentaire et le droit n’exis- terait plus ; 2 chez les Orthoneures, le nerf palléal primaire gauche existerait toujours, de mème que le nerf droit dans les Valvées et les Ampullaires; pour les autres, Jhering n’a pu arriver à se faire une opinion définitive. Je ne relève ces inter- prétations que pour les faire disparaitre et dégager la vérité qu’elles renferment, les exemples cités par Jhering étant choisis parmi des formes où ses observations ont été très incomplètes et souvent mexactes. Spengel émet une autre opinion qui lui servira à interpréter le système nerveux des Hétéropodes (89) : « Je remarquerai, dit-il, que les ganglions pleuraux (palléaux), chez tous les Prosobranches, sont caractérisés par ce fait qu’ils n'émettent aucun nerf périphérique, mais seulement la commissure vis- cérale et les racines secondaires de celle-ci. » Ainsi les nerfs palléaux primaires, par l'intermédiaire des anastomoses palléales, formeraient une seconde paire de racines pour la commissure viscérale. L'opinion de Jhering est beaucoup plus acceptable et révèle des observations beaucoup plus multipliées que celles de Spengel. En réalité, voici ce que l’on observe. Les ganglions palléaux innervent à peu près symétriquement le manteau chez tous les Prosobranches, par l'intermédiaire de deux nerfs palléaux symétriques qui correspondent aux nerfs palléaux primaires de Jhering. Chez tous aussi, des nerfs palléaux asymétriques ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES.. SU innervent le manteau; ils correspondent aux nerfs palléaux secondaires de Jhering. Le nerf palléal symétrique et le nerf palléal asymétrique d’un même côté contractent toujours une anastomose (sauf chez les Patelles et les orthoneuroïdes). Or, d'une manière générale, les nerfs palléaux symétriques perdent une partie de leur importance à mesure qu'on s'élève dans la série des Prosobranches, et comme après tout l’inner- vation du manteau doit toujours se produire, elle s’effectue d'autant plus aux dépens des nerfs asymétriques, qui gagnent en importance à mesure que les autres s’atténuent. Qu'on étudie les Aspidobranches et les Ténioglosses dialyneures, on verra Ce processus se manifester d’une manière très nette, il suit d’ailleurs une marche parallèle à la formation de la zygo- neurle et, comme tous les phénomènes de cette nature, présente plus ou moins d’irrégularité. Je l'ai déja dit : le nerf palléal symétrique droit existe aussi bien chez les zygo- neures que chez les dialyneures, mais avant d'atteindre son champ de distribution, chez les zygoneures, il traverse d'abord le ganglion sous-intestinal qui devient dès lors son origine apparente. Ainsi : 4° la substitution des nerfs palléaux secondaires aux nerfs palléaux primaires indiquée par Jhering dans les Chias- toneures seulement s'étend à tous les Prosobranches; 2° elle n’est jamais que partielle, et l’on trouve aussi bien des nerfs palléaux secondaires dans la Fissurelle que des nerfs palléaux primaires dans la Paludine; 3° ce sont des anastomoses entre ces nerfs palléaux d’origine différente qui donnent naissance à la zygoneurie. Les nerfs columellaires ont leurs origines dans les ganglions palléaux et, le plus souvent, dans le ganglion palléal gauche ou sur la branche commissurale qui l’unit au ganglion sous-intes- tinal. On trouve beaucoup plus rarement des nerfs columel- laires issus du ganglion palléal droit (Turbo), et chez les formes zygoneures où des nerfs columellaires partent du gan- glion sous-intestinal (Bucein, Murex, etc.), 1l est presque impossible de rapporter ces nerfs au ganglion palléal droit. 378 E.-L. BOUVIER. Il n’est pas d'exemple qui montre mieux combien sont asymé- triques les ganglions palléaux, quoique leur position et les nerfs palléaux qu’ils émettent leur donnent une symétrie apparente. D’après B. Haller, une partie du muscle columel- laire serait innervée par les ganglions pédieux, même chezles Prosobranches à coquille turbimée; du reste, le même savant prolonge le muscle jusqu’à la sole pédieuse, et émet au sujet de cet organe des opinions très intéressantes, mais que je ne puis discuter, n'ayant pas fixé particulièrement mon attention sur ce point. Je dirai seulement que, dans la Patelle, ce sont les cordons pédieux qui innervent le muscle de la coquille, mais il est douteux que ce muscle corresponde à celui qui porte le même nom dans les Gastéropodes spiralés. La commissure viscérale et ses ganglions. — On vientde voir comment les ganglions sus-intestinal et sous-intestinal servent d’origine à une partie des nerfs du manteau. Mais le ganglion sus-intestimal est loin de jouer exactement le même rôle que le ganglion sous-intestinal, chez les formes pourvues d’une seule branchie. Cette question a été traitée plus haut en étu- diant l’origine des deux ganglions en question; il n’y a pas lieu d’y revenir. À partir du ganglion sus-intestinal, la branche gauche de la commissure viscérale émet un certain nombre de nerfs branchiaux qui forment souvent un réseau à la base de la branchie et sont en même temps des nerfs palléaux. La branche droite, à partir du ganglion sous-intestinal, envoie des nerfs plus ou moins nombreux au manteau et aux con- duits qui se trouvent dans cette région du corps. L’anse postérieure de la commissure et les ganglions viscé- raux qui s’y trouvent innervent les viscères. On trouve tou- jours un nerf qui se rend à la partie postérieure du rectum et du conduit génital, un grand nerf viscéral qui plonge dans les viscères du tortillon et un nerf rénal qui envoie souvent des branches au péricarde. L’innervation du cœur est extrêmement difficile à préciser et varie beaucoup suivant les espèces. D’après B. Haller, chez ARTICLE N° 4. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 379 les Aspidobranches pourvus de deux branchies, les oreillettes seraient innervées par les ganglions branchiaux (sus-intesti- nal et sous-intestinal), chez les Turbo par la branche gauche de la commissure viscérale, et chez les Murex par le nerf bran- chial lui-même. Le ventricule serait innervé par le ganglion viscéral. En étudiantles nerfscardiaques dans l’Haliotide, M. de Lacaze-Duthiers procède avec une prudence très grande et signale tous les points douteux. L'exemple est bon à suivre, et je limiterai mes observations à quelques espèces bien étudiées. Dans les Turbo, les nerfs postérieurs issus de la branche gauche de la commissure viscérale se rendent seuls à l’oreil- lette, les autres sont destinés à la branchie ; un nerf cardiaque a son origine dans le ganglion viscéral. Dans les Cyclophores, le nerf du ventricule est très gros et plonge brusquement dans celui-ci au point où le quitte l'aorte; à gauche on voit partir de la commissure un nerf péricar- dique. Le nerf ventriculaire a la même origine et se comporte de même chez les Tritons ; quant aux nerfs de l’oreillette et de la veine branchiale, ils ont leur origine, soit sur le petit oanglion viscéral, soit sur la commissure entre les deux gan- glions viscéraux. Dans le Buccin, le nerf du ventricule se détache du gros nerf rénal, il atteint le ventricule au point où le quitte l’aorte. Les nerfs de l'oreillette ont la même origine que ceux du Triton. Chez la plupart des Prosobranches, on voit des rameaux péricardiques partir du nerf rénal et souvent de la commissure viscérale. Il est douteux qu'ils se distribuent au péricarde lui-même, dont les parois sont très minces et peu ou pas du tout musculaires, mais ces nerfs sont très fins, et il faudra des études fort délicates pour bien déterminer Îles points où ils se rendent. Ganglions buccaux. — J'ai choisi cette dénomination uni- quement pour indiquer la place des ganglions et non pour qualifier leur rôle. B. Haller (98, 106) les appelle ganglions viscéraux antérieurs pour les distinguer des ganglions viscé- raux postérieurs, ceux que j'ai simplement appelés ganglions viscéraux. B. Haller considère également les ganglions sus-in- 380 E.-L. RBOUVIER. testinal et sous-intestinal comme des ganglions viscéraux ; ce sont, je l'ai dit plus haut, des ganglions essentiellement palléaux. Accordant ainsi un même rèle à la commissure viscérale tout entière et aux ganglions buccaux, B. Haller admet -et croit avoir démontré que les connectifs buccaux ont, comme la commissure viscérale, leur origine dans les ganglions pal- léaux. Cela est bien évident pour la commissure viscérale, mais en est-il bien de même pour les connectifs buceaux ? On avait admis jusqu'ici, sur la foi de tous les savants, que ces connectifs ont leur origine dans les ganglions cérébroïdes. Signalant l’origine de‘ces connectifs sur la saillie labiale ou proboscidienne de l’Haliotide, M. de Lacaze-Duthiers dit €N’ya-til pas là une relation facile à saisir entre les nerfs de la bouche et ceux du reste du tube digestif d’une part, et les nerfs labiaux ou de l’orifice buccal proprement dit, de l’autre ? » Et il ajoute plus loin : « L'origine du grand sympa- thique sur des parties centrales du système nerveux doit se chercher soit sur les nerfs proboscidiens, soit dans leur voisinage. » Gette règle ne souffre, en effet, aucune exception; chez les Aspidobranches et chez les Ténioglosses pourvus d’une saillie labiale (Paludine, Cyclophore, Littorinidés, ete.), c’est vers l'extrémité inférieure de la saillie qu’on doit cher- cher l’origine des connectifs buceaux; chez les autres, c’est parmi les nerfs proboscidiens que l’on trouvera cette origine, et ordinairement entre les deux nerfs proboscidiens les plus externes : cette disposition est toute naturelle, puisque la saillie labiale, se concentrant dans le cerveau, a dû entrainer avec elle les nerfs proboscidiens etles connectifs buccaux. Cette origine une fois acquise, elle pourra se modifier plus ou moins, “et, dans les Rachiglosses et certains Toxiglosses, on voit le plus souvent les connectifs naître au-dessous des nerfs pro- boscidiens, parfois à l’origine du connectif cérébro-pédieux. La règle n’est pas modifiée dans ce cas, puisque les connectifs sont plus rapprochés des nerfs proboscidiens que de tous les autres. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 301 Telle n’est pas l’opinion de B. Haller. Les connectifs buc- eaux auraient leur origine réelle dans les ganglions palléaux, suivraient les connectifs latéraux, traverseraient les ganglions cérébroïdes qui leur serviraient seulement d’origine appa- rente et se rendraient ensuite aux ganglions buccaux. On sui- vrait facilement ce trajet au microscope dans les Rhipido- glosses. D’après B. Haller, il est un type qui ne laisserait d’ailleurs aucun doute, c’est le Turbo rugosus; dans cette espèce les connectifs seraient complètement libres etne traverseraient plus les ganglions cérébroïdes. A l'appui de son opinion, B. Haller cite ses observations sur les Muricidés, et celles de G. Walter (56) sur la Lymnée. À toutes ces allégations, je répondrai par une négation absolue basée sur les raisons sui- vantes : 1° dans le Turbo rugosus les connectifs buccaux ont leur origine sur la saillie labiale, à son extrémité inférieure, comme dans tous les autres Rhipidoglosses. Chez ces derniers, on ne voit rien au microscope qui indique la présence d’un connectif buccal dans les connectifs latéraux; 2° dans les Muricidés, d’après les dessins de B. Haller lui-même, les con- nectifs buccaux ont leur origine, celui de gauche dans les ganglions cérébroïdes, celui de droite à la naissance du con- nectif cérébro-pédieux, 1l n’est rien dans cette disposition qui puisse confirmer l’opinion de B. Haller, au contraire; 3° dans la Lymnée, Walter fait naître le cordon fibreux qui donne en partie naissance au connectif buccal, non pas des ganglions palléaux, mais des ganglions médians ou viscéraux. En outre, ce cordon envoie des fibres aux nerfs de Ja sensibilité spéciale, au nerf pémal et à la comnussure cérébroïde; j'ajouterai, du reste, que G. Walter indique une relation entre les ganglions pédieux et viscéraux; d’ailleurs il ajoute que les connectifs buccaux reçoivent aussi des fibres des ganglions cérébroïdes : « La commissure longitudinale d (conn. buccal) reçoit non seulement des fibres lui venant des ganglions B (palléaux) et C (viscéraux) par l'intermédiaire de la commissure «& (le cordon fibreux dont j'ai parlé), mais aussi de nouveaux élé- ments fibreux lui venant de & (gang. cérébroïde). » Et la figure 302 E.-L. BOUVIER. est aussi claire que le texte. Du travail de G. Walter, je pour- rais Lirer au moins autant d'arguments contre B. Haller qu’il en a tiré lui-même en faveur de sa théorie. Une double commissure buccale unit les ganglions buc- caux chez quelques Rachiglosses (Buccin) et Toxiglosses (Cône) ; la commissure postérieure est formée par les deux racines du nerf buccal récurrent. On trouve deux connectifs buccaux de chaque côté dans certaines espèces de Janthines. Les ganglions buccaux innervent la masse buccale et sa musculature, les glandes salivaires et autres glandes annexes de l’œsophage, l’æœsophage lui-même et l'aorte antérieure. Dans toutes les espèces bien étudiées, il existe un réseau ner- veux sur l’œsophage, tandis que les nerfs de la masse buccale ne forment pas de réseau. Si l’on remarque que les ganglions viscéraux et l’anse viscérale postérieure innervent la masse viscérale en arrière comme les ganglions buccaux l’innervent en avant, on devra attribuer le même rôle à ces deux sortes de ganglions et les comparer à un système sympathique beau- coup mieux limité que celui des animaux supérieurs. Cette homologation a été proposée par B. Haller, mais je ne con- sidère pas avec lui les ganglions sus-intestinal et sous-intes- tinal comme des ganglions viscéraux. Régions du corps les plus richement innervées. — Parmi les régions du corps les plus richement innervées, 1l faut citer le bord antérieur du manteau, le pied, les lèvres, la branchie et la fausse branchie. Les nerfs qui se distribuent dans le bord du manteau forment très souvent, sinon toujours, un réseau palléal parfai- tement continu qui entoure le corps. M. de Lacaze-Duthiers a étudié ce réseau chez le Vermet, le Cyelostome, ete., et signalé des renflements ganglionnaires aux angles des mailles. J'ai mis ce réseau en évidence dans plusieurs espèces : Troques, Cérithes, Paludines, Gyprées, Tritons, Buccins, etc. On ren- contrera avec la même fréquence un réseau sur les bords du pied, et un autre, formé à la base de la branchie, par les nerfs branchiaux issus du ganglion sus-intestinal et de la ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 383 commissure viscérale. Ce réseau est d’une richesse extrême dans les Gérithes, les Mélanies, les Xénophores, etc. Il sera fait mention plus loin des nerfs de la fausse branchie. Quand le manteau est pourvu d’un siphon, cet organe reçoit des nerfs en plus grand nombre encore que le reste du manteau. Mais de toutes les parties du corps, les lèvres sont, à coup sûr, le mieux innervées. Tous les nerfs proboscidiens, ou au moins la plus grande partie de cesnerfs, viennent se terminer dans les lèvres et y envoient des rameaux qui, très souvent, forment une dichotomie irrégulière et se groupent en éventail. B. Haller a décrit dans cette région des corpuscules sensitifs spéciaux dont il donne l’histologie détaillée (110). Commissure, connectif, nerf. — X a-t-il une différence abso- lument tranchée entre un connectif ou une commissure et un nerf ? La question à été posée bien des fois, et quelques nou- velles appréciations ne seront peut-être pas inutiles. Les commissures et les connectifs unissent deux ganglions, les premières transversalement, les seconds latéralement; c’est M. de Lacaze-Duthiers qui a établi, chez les Mollusques, cette distinction très commode. Les nerfs partent d’un gan- glion et se rendent au champ qu’ils innervent. Il semble au premier abord que ces diverses sortes de cordons nerveux soient complètement distinctes. I n’en est rien en réalité : les commissures et les connectifs ont un rôle parfaitement déter- miné, et 1l est bien rare qu’on puisse hésiter entre une com- missure ou un connectif et un nerf; mais les nerfs peuvent se transformer en commissures ou en connectifs. Je prendrai pour exemple le connectif de la zygoneurie, si important puis- qu'il caractérise le système nerveux de plus de la moitié des Prosobranches. Au début (Aspidobranches chiastoneures), il est annoncé, mais non réalisé, par une branche anastomo- tique reliant deux nerfs palléaux; puis, chez la plupart des Ténioglosses dialyneures, il se rapproche de son état définitif sous la forme d’une fusion directe de deux nerfs palléaux. Les Cérithidés nous offrent un exemple frappant de la transforma- tion d’un nerf en connectif, et dans tous les Pectinibranches 304 E.-L. BOUVIER. zygoneures, on voit le connectif de la zygoneurie formé par le nerf palléal droit issu du ganglion palléal droit, qui passe d’abord dans le ganglion sous-intestinal avant d'atteindre son champ de distribution. Alors ce nerf unit directement deux ganglions, c'est bien un connectif, et nous avons assisté à toutes les phrases de sa formation; on pourrait d’ailleurs l’appeler tout aussi bien commissure, car, s’il unit plus ou moins latéra- lement les deux ganglions dans la plupart des Témoglosses, 1l les unit transversalement dans la plupart des Rachiglosses. Je ne veux pas affirmer que toutes les commissures et tous les connectifs se forment de cette manière dans l’embranchement des Mollusques, mais on ne pourra contester que, dans la for- mation de limportant connectif de la zygoneurie, on trouve tous les passages entre Les nerfs, les connectifs et les commis- sures. On à voulu se servir d’un autre caractère pour distinguer les commissures et les connectifs des nerfs. Les commissures et les connectifs n’émettraient aucun nerf; des nerfs, au con- traire, se détacheraient des branches plus ou moins nom- breuses. Rien n’est plus inexact : presque toujours les commissures et les connectifs émettent des nerfs, et je ne crois pas qu’il soit un seul Prosobranche où certains connectifs ou certaines commissures ne servent d’origine à des nerfs. Un très grand nombre de nerfs branchiaux se détachent de la branche gauche de la commissure viscérale (fig. 34, 48, etc.), la commissure buccale émet uu nerf très puissant chez beaucoup de Rachi- glosses et de Toxiglosses (fig. 87); 11 n’est guère que la com- missure pédieuse qui soit généralement dépourvue de neris. On sait que la commissure cérébroïde émet des nerfs pro- boscidiens chez l'Haliotide et le Parmophore (). Par conséquent, je n’attacherai pas grande importance à la distinction que l’on veut établir entre la commissure pédieuse (*) Il est bien entendu que les nerfs issus des connectifs ou des commis- sures ont leur origine, soit dans les ganglions centraux, soit dans des cellules nerveuses éparses parfois dans ces conneclifs ou dans ces commissures. ARTICLE N° f. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 389 antérieure des formes à cordons pédieux et les anastomoses qui relient ces cordons. Qu’on les appelle commissures ou ana- stomoses, cela importe peu, puisque ces anastomoses ont, par leur grosseur, toute l'importance des vraies commissures. Pour B. Haller (106), elles seraient les restes condensés d’un réseau nerveux qui s'étend superficiellement dans tout le corps, comme l’ont démontré 0. et R. Hertwig (85) chez les Méduses, et l’irrégularité des anastomoses serait un argument en faveur de cette origine. C’est une hypothèse qu'il serait difficile de vérifier. Pour Simroth (91), elles n'auraient pas l'importance phylogénétique que Jhering a voulu leur accorder (80). D’après Simroth, il serait facile de soumettre à un criterium l’hypo- thèse de Jhering; les Paludines ayant des cordons pédieux scalariformes, on devrait retrouver ces cordons chez tous les types qui leur sont inférieurs : Littorines, Rissoa, Cyclosto- mes, Gyclotacés, Pomatiacés et Aciculidés, etc. C’est un cri- terium singulier. Les Prosobranches ne forment pas une série continue, et ce serait une erreur grossière de croire que leurs différents genres pourront se disposer à la suite les uns des autres comme des soldats d’après leur taille. Même en suppo- sant que les Prosobranches forment une série continue, ce serait encore une erreur de croire que tous leurs caractères vont se modifier progressivement en suivant la même marche. En fait, tous les Ténioglosses cités par Simroth occupent un rang plus élevé que les Paludines, mais ils sont encore très voisins des Aspidobranches et l’on trouve des cordons pédieux scalariformes dans les Cyclophores, des ganglions pédieux accessoires dans les Littorines, et il est fort probable qu’on trouvera l’un ou l’autre dans la plupart des familles choisies comme criterium par Simroth. L'opinion de Jhering était basée sur des observations exactes, et les critiques se sont bornées à contester la direction rigoureusement transversale qu'il attribue aux anastomoses pédieuses. S'il n’est pas rigou- reusement possible de mettre en évidence les relations que Jhering suppose entre les Annélides et les Prosobranches, on doit au moins reconnaitre que tous les Prosobranches à cor- ANN. SC. NAT., ZOOL., 18817. IL. 20. =— ART. N° 1. 380 E.-L. BOUVIER. dons ganglionnaires pédieux ou palléo-pédieux sont liés entre eux par des relations étroites et présentent des caractères d’in- fériorité Imcontestables. MORPHOLOGIE COMPARÉE DU SYSTÈME NERVEUX Systèmes nerveux dérivés du type primitif. — En quoi con- siste le type du système nerveux chez les Gastéropodes proso- branches ? On peut appeler type : 1° La forme primitive d’où toutes les autres peuvent être dérivées ; 9e Une forme moyenne, plus ou moins idéale, d’où l’on dérive les autres, soit en la simplifiant, soit en la compliquant ; 3° Lesformesles plus compliquées d’où toutes les autres sont dérivées par des simplifications ; 4e La forme qui ne présente que les caractères communs à tous les Mollusques. La conception d’un type est donc quelque chose de tout à fait relatif. Le fait, c’est que dans la série des modifica- tions que subit le système nerveux des Prosobranches, il existe certains états du système nerveux qui se prêtent, sans avoir besoin de se modifier beaucoup eux-mêmes, à un très grand nombre de modifications dans les organes et dans les parties du corps à innerver. Ges états prennent, par là même, une importance prédominante et doivent être tout particuliè- rement signalés; ils caractérisent toujours tout un ensemble de familles, et c’est eux.que l’on peut être conduità considérer comme les types secondaires du système nerveux dérivés du type primitif qui est l'apanage des formes que j'ai précé- demment appelées archaïques. J'ai défini ce type primitif, 1l reste à étudier en quelques mots les types secondaires qui en sont dérivés. Un premier type secondaire, dérivé de la forme primitive, correspond aux Ténioglosses dialyneures et spécialement aux Mélanidés et aux Cérilidés dialyneures, aux Capulidés, aux Littorinidés, aux Vermétidés, etc. La commissure labiale a ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 387 disparu et la saillie labiale est nulle ou très réduite; les gan- glions palléaux sont très nettement séparés des ganglions pédieux; ces derniers ganglions ne s’étendent plus en cordons allongés (sauf chez les Paludinidés et les Gyclophoridés), ils sont très nettement condensés ou munis parfois de petits ganglions indiquant une concentration inachevée (Littori- nidés, Planaxidés, Truncatellidés, Hydrobidés). L’anasto- mose palléale droite caractérise essentiellement ce type secondaire. Tandis que l’anastomose palléale gauche ne pré- sente rien de particulier, sauf chez les Naticidés, où elle est remplacée par la zygoneurie gauche, l’anastomose palléale droite est caractérisée par une fusion directe du nerf palléal droit issu du ganglion palléal droit et du nerf palléal droit issu du ganglion sous-intestinal. Les Cypræidés, les Mélanidés, et surtout les Cérithidés, présentent tous les passages entre celte dialyneurie et la zygoneurie plus ou moins achevée. Ce type secondaire, dérivé directement du type primitif, en engendre directement un deuxième, dont le caractère essentiel est la longueur remarquable du connectif de la zygoneurie. Les Mélanidés, les Cérithidés et les Cypræidés zygoneures, les Ghénopidés, les Strombidés, Cassididés, Tri- tonidés, Doliidés, Xénophoridés et Janthinidés, etc., appar- tiennent à ce type. Il en est de même des Rachiglosses de la famille des Conidés. De ce type secondaire à un troisième, caractérisé par le raccourcissement considérable du connectif de la zygoneurie, il n’y a qu'un pas dont tous les degrés sont nettement indi- qués dans la série des Prosobranches. Tous les Rachiglosses, sauf les Conidés, et quelques Ténioglosses comme les Caly- tréidés , les Lamellaridés et les Pyrulidés appartiennent à ce type, qui représente le plus haut degré de condensation dans le système nerveux ét caractérise les Prosobranches les plus récents et les plus élevés en organisation. S1 l’on compare la forme primitive du système nerveux aux formes secondaires qui en sont dérivées, on trouvera entre elles des traits communs fort nombreux. Tous les Proso- 388 E.-L. BOUVIER. branches. ont deux ganglions cérébroïdes, aie ganglions buccaux, deux ganglions pédieux et deux ganglions palléaux. Presque tous ont une commissure viscérale, croisée pourvue au moins d’un ganglion viscéral:à, son extrémité, postérieure. Il est impossible de généraliser davantage, car, on sait que le ganglion cs te etle ganglion nee peuvent varier Re 1 On doit ajouter toutefois que les: Proso- branches à commissure viscérale croisée ont tous (sauf peut- être les Patelles) deux anastomoses palléales, l’une à droite, l'autre à gauche. sé ab 9 AN des Néritidés et des on — Dans ces ten- talives de généralisation, on.est obligé de se restreindre et de faire une exception en faveur des Néritidés, des Hélicinidés et probablement de toutes les familles que je rangerai plus lon, dans le groupe. des Rhipidoglosses! orthoneuroïdes. Ce sont les seuls Prosobranches dépourvus d’une .commissure viscérale croisée; ils sont, orthoneures en, ce sens que les deux ganglions palléaux.et le:ganglion sous-intestinal forment une.anse fermée au-dessous du tube.digestif. La question est de savoir }si, par leur système nerveux, ces familles se rap- prochent, Atre des: Mollusques oxbtiinenares que des autres Prosobranches. En premier lieu, quels sont ie Mollasques orthoneures qui pourront nous servir de terme de comparaison? En nous limitant aux formes les mieux étudiées, c'est-à-dire aux Opisthobranches et aux Pulmonés, nous devons choisir parmi ces derniers ceux qui ont un manteau et une branchie ou un poumon bien déterminés, ée qui élimine immédiatement les Nuüudibranches. Parmi les Tectibranches, ce sont les Doridiwm, étudiés par M. Vayssière (88), qui paraissent se rapprocher le plus des Néritines par leur système nerveux: l’anse, viscérale est courte êt ne renferme que trois: ganglions, exactement comme chez les Prosobranches orthoneuroïdes. Mais la com- paraison ne saurait guère, aller plus:loin,! ear.le ganglion qui occupe la place du palléal gauche innerve les téguments et une partie des viscères, le ganglion médian de la chaine est ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 389 un ganglion génital, et lé ganglion droit envoie à la branchie ün gros nerf pourvu d'un puissant rénflément ganglionnaire à la base! dé l’organe. Ce nerf se détache du ganglion droit tout à fait comme lé grand nerf viscéral des Néritidés, comme lui aussi il porté un ganglion, mais il a on origine dans le ganglion droit au lieu de! partir du ganglion médiän, et il mnerve la branchielau lieu d’innerver les viscères tout entiers. es dif- férénces sont importantes, et, si l’on observe que c’est ici le ganglion droit qui innerve la branchie au lieu du ganglion gauché, comme chez les Néritidés, on sera porté à conclure que le Système nerveux des Doridium n’offre que des affinités très éloignées avec celui des Néritines. À un certain point de vue, les ApivSiee paraissent S'en rapprocher davantage. Ainsi, d'après lés observations de M! Amaudrut (115), la commis- süré) viscérale des Dolabelles comprend aussi trois ganglions. Les deux antérieurs, ééux qui envoient des conneétifs aux gan- glions: cérébroïdes, innervent exclusivement les téguments et le manteau, à peu près comme dans les Néritidés!- mais ils n'offrent aucune relation avéc les branchies, ét c’ést'üne dif- férence essentielle: C’est le ganglion médian, bilôbé, qui in: nerve à la fois viscères et br dass envoyant à ces'orèanes des nerfs assez nombreux, äû lieu di seul gros nerf viscéral, comme dans les Nérites: L'un'des nerfs issu du ganglion mé- dian porte aussi un renflement éanglionnaire Sur Son tr ajet, mais cé renflement envoie des filets nerveux aux brañchies et not point aux viscères. I] est Btire d’ nie sur its analo- gies aussi éloignées. | FX 9] sq ‘Les Pulmonés aquatiques, étudiés avec une grande préti: Sion par M. de Lacaze-Duthiers, Sont plus commodes pour là comparaison. Ils ont uné chatrié viscérale dé cinq ganglions, il est vrai, mais les deux ganglions antérieurs de Chaque côté TT à peu près, en puissance, aux deux ! ganglions palléaux des Néritidés. Les deux! ganglions qui Lost aux extrémités de la chaine n’émettent pas de nerfs, mais les déux suivants innérvent le manteau ét l'organe! Spécial de M. dé Lacazé-Duthiers, homologue d’uné branchie udimen: 390 E.-L. BOUVIER. taire ou d’une fausse branchie. Notons toutefois que cet organe est à droite et innervé par le ganglion droit chez les animaux dextres, tandis que la branchie est à gauche et innervée par un ganglion gauche dans les Néritidés. Les ana- logies ne sauraient aller plus loin ; le ganglion médian de la chaîne est très gros chez les Pulmonés, très petit chez les Néritidés, il envoie en arrière des nerfs palléaux, respiratoires et viscéraux, Loujours dépourvus de renflements sanglionnaires chez les premiers; 1l n’envoie jamais qu’un seul gros nerf, pourvu d’un ganglion et uniquement viscéral chez les seconds. Parmi les Pulmonés terrestres, l’Oncidie n’a que trois ganglions sur la commissure, comme les Néritidés, mais il faudrait faire sur ce type les mêmes observations que sur les Pulmonés aquatiques. Les autres Pulmonés terrestres ont en général eimq ganglions dont le rôle est le même, à très peu près, que celui des cinq ganglions des Lymnées, avec cette diffé- rence aggravante que le nerf du pneumostome a son origine dans le gros ganglion médian. Les autres parties du système nerveux se prêtent mieux à la comparaison, puisqu'elles sont construites sur un même plan chez tous les Mollusques céphalés. Mais ici encore nous trouvons quelques différences essentielles. Ainsi, chez les Opisthobranches et les Pulmonés, les ganglions pédieux sont bien circonserits et ne se prolongent pas sous la forme de longs cordons ganglionnaires, comme ceux des Néritidés. Dans les deux premiers groupes, on trouve deux commissures pédieuses qui ne sont nullement comparables aux anastomoses transversales que Simroth a trouvées entre les cordons pédieux de la Néritine fluviatile et que j'ai reconnues à mon tour dans les Hélicimes. La présence d’une commissure labiale dans les Néritidés et les Hélicinidés a aussi une grande importance, bien qu’on ait trouvé une commissure sub-cérébrale analogue dans la plupart des Opisthobranches et dans un grand nombre de Pulmonés terrestres (116). Ces comparaisons multiples nous conduisent à cette con- clusion négative, c’est que les Néritidés et les Hélicinidés ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 391 n’ont, par le système nerveux, que des analogies vagues et très éloignées avec les Mollusques orthoneures. Il nous reste à voir si les traits de ressemblance sont plus nombreux et plus frappants avec les Prosobranches chiastoneures. Si l’on erlevait la commissure viscérale d’un Turbo ou d’un Troque, on aurait les plus grandes difficultés pour distinguer ce quireste, de la partie antérieure du système nerveux d’une Néritine. Tout est absolument identique, seulement la com- missure labiale est un peu plus nette chez les Néritines, et les cordons ganglionnaires pédieux sont mieux séparés des gan- glions palléaux. D’après cette identité frappante, on peut déjà conclure que les Néritidés et les Hélicinidés offrent, au point de vue du système nerveux, les affinités les plus grandes avec les Prosobranches chiastoneures du groupe de la Patelle. Le ganglion palléal droit de la Néritine correspond tout à fait au ganglion palléal droit de la Patelle, imnervant comme lui le bord droit du manteau. [Il en est de même du ganglion palléal gauche, mais chez les Néritines ce ganglion innerve en outre la branchie. Quant au ganglion sous-intestinal de la Né- ritine, il offre les mêmes relations que celui du Buccin, puisqu'il se rattache à la fois aux deux ganglions palléaux. D'ailleurs, chez les Aspidobranches dépourvus de branchie à droite, ce gan- glion n’envoie au manteau que des nerfs très rudimentaires, et, si ce ganglion n’innerve pas le manteau dans les deux familles dont nous nous occupons, le fait a peu d'importance. Chez les Prosobranches typiques, le ganglion sous-intestinal se pro- longe en arrière par la branche sous-intestinale de la commis- sure viscérale ; il en est encore de même chez les Néritidés et les Hélicinidés, et cette branche de la commissure est repré- sentée, en position et en fonction, par le grand nerf viscéral. Enfin chez les Prosobranches typiques, la branche sous-intes- tinale de la commissure viscérale se termine dans le ganglion viscéral, situé en arrière, contre le tortillon, au-dessus du tube digestif. Dans les Néritidés et dans les Hélicinidés, le grand nerf viscéral se termine aussi dans un ganglion viscéral, situé en arrière, contre le tortillon, au-dessus du tube digestif. Que 392 E.-L. BOUVIER. manque-t-il donc au système nerveux des Néritidés et des Hélicinidés pour ressembler au système nerveux des autres Prosobranches ? Simplement la branche sus-intestinale de la commissure viscérale avec le ganglion sus-intestinal. Cette branche et le ganglion faisant défaut, l’innervation de la bran- chie a dù se faire probablement aux dépens du ganglion palléal droit par un nerf traversant le ganglion sous-intesti- nal et émergeant du ganglion palléal gauche. En résumé : 1° les Hélicinidés et les Néritidés sont des Prosobranches orthoneuroïdes, dont le système nerveux offre les affinités les plus étroites avec celui des Prosobranches chiastoneures, tandis que les relations avec le système nerveux des Mollusques orthoneures sont vagues et très éloignées; 9 Jeur système nerveux dérive de celui des Prosobranches chiastoneures par suppression de la branche sus-intestinale de la commissure viscérale et de son ganglion sus-intestinal. Quelle est l’origine de cette suppression ? Je l'ai cherchée en vain dans les groupes les plus voisins des deux familles ; rien n’a pu me mettre sur sa trace (*).Je me borne par conséquent à la simple constatation de ce fait, qui est au moins curieux. Le plan du système nerveux est indépendant des variations dans la forme du corps. — Si l’on écarte les Rhipidoglosses orthoneuroïdes, on voit qu'au milieu des modifications pro- gressives étudiées ci-dessus; le plan du système nerveux reste absolument le même. Sa symétrie approchée se modifie peu à peu pour se remplacer par une autre, la condensation suitune marche ascendante parallèle, mais c’est toujours le même système nerveux fondamental, qu'il soit dialyneure ou zygo- neure, très concentré ou très peu. Les modifications les plus profondes peuvent être apportées dans la forme du corps et dans la coquille sans que le plan du système nerveux soit atteint. Les Solarium et les Troques ont une coquille qui ressemble beaucoup à celle des Xénophores, mais il y a des différences énormes entre le système nerveux (*) L'étude des Hydrocènes et des Neritopsis conduira peut-être au résultat. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 393 d’un Troque et celui d’un Xénophore. On ne trouvera pas davantage de ressemblance entre le système nerveux d’une Patelle et celui d’un Capulus, entre le système nerveux des Hélicines et celui des Helix, entre le système nerveux des Concholepas et celui des Haliotides. Par contre, des formes essentiellement différentes auront le même système nerveux en dépit des modifications extérieures du corps; les Pourpres ont le même système nerveux que les Concholepas; les Rotelles ont un système nerveux de Turbo, les Hélicines un système nerveux de Néritine ou de Navicelle. Cette constance dans la disposition fondamentale du système nerveux, et les modifications progressives qu éprouve ce sys- tème, permettent de relier entre eux des groupes en apparence fort distinets. Les Tectures, qui ont une branchie cervicale, ont le même système nerveux que les Lepeta et les Troques; les Cyclophores, animaux terrestres, pulmonés et ténioglosses, ont un système nerveux presque identique à celui des Turbo, qui sont marms, branchifères, et rhipidoglosses; les Pyrules ont le même système nerveux que les Turbinelles, et les Pleuro- tomes ont un système nerveux de Volute. En général, toutes les fois que des ressemblances profondes existeront entre les systèmes nerveux de deux formes en apparence différentes, un examen attentif montrera toujours d’autres ressemblances profondes dans le reste de l’organisation. Quand on est en présence d’un système qui offre une telle constance, on est tenté de lui accorder une valeur métho- dique très prépondérante. C’est ce qu’a fait Jhering. Dans le système nerveux, toutes les parties n’ont pas une égale impor- tance, celles dont les modifications sont les plus progressives et dont la marche ascendante va de pair avec celle des autres organes sont les principales; pour ne citer qu’un exemple, ce serait une étrange erreur d'accorder la même importance systémalique à lazygoneurie droite et à la zygoneurie gauche ; l’une procède par sauts et pour ainsi dire par boutades, tandis que l’autre procède d’une façon régulière dans tout l’ensemble de l’ordre. Du reste, un caractère n’est jamais excellent quand 394 E.-L. BOUVIER. on l’envisage seul ; ainsi Jhering a séparé à tort les Rhipido- glosses orthoneuroïdes des Troques et des Turbo en se basant sur leur seul système nerveux; ainsi Troschel a créé deux groupes artificiels, les Pténoglosses et les Toxiglosses, en se basant seulement sur des radules anormales. ; Modifications caractéristiques des formes pélagiques, ter- restres et d’eau douce. — En s’adaptant à un genre de vie particulier, les Gastéropodes subissent en général des modifi- calions très profondes, non seulement dans leur système nerveux, mais dans leur organisation tout entière. Il faut se garder d'accorder une trop grande importance aux caractères parfois bizarres présentés par ces animaux, et quand on veut rechercher leurs affinités, c’est sur les seuls caractères demeurés normaux qu'il faut surtout s'appuyer. Les autres pourraient induire en erreur. | Ainsi les Janthines, adaptées à la vie pélagique, offrent de nombreuses particularités curieuses dans leur système ner- veux et dans le reste de leur organisation : longue commis- sure cérébroïde, longue commissure pédieuse, doubles connec- tifs buccaux, absence d’yeux et d’otocystes, radule et masse buccale tout à fait bizarres. Les Hétéropodes, qui sont aussi pélagiques, n’ont très probablement été séparés jusqu'ici des Prosobranches ténioglosses qu’en raison des modifications profondes qu’ils ont subies dans la formeextérieure de leur corps, modifications qui ont dû retentir jusqu’à un certain point sur la disposition des organeset masquer certains carac- tères qui persistent quand même, le croisement du système nerveux par exemple. Des modifications parfois aussi importantes se produisent chez les Gastéropodes adaptés à la vie dans les eaux douces ou sur la terre. Geux qui sont terrestres ont les branchies remplacées par un poumon, ou possèdent à la fois une bran- chie et un poumon quand ils doivent vivre sur la terre et dans les eaux douces, comme les Ampullaires. On, a réuni très longtemps, et tout à fait à tort, les Pulmonés inoperculés et les Pulmonés operculés, uniquement parce qu’ils possédaient; ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 395 les uns et les autres un poumon; c’est encore la classification qui est employée actuellement par Quenstedt (93). Il est évident que tous les animaux franchement terrestres doivent avoir un poumon et rien qu'un poumon : une branchie ne leur servirait à rien. Mais, à côté de cette moditication organique, il en est d’autres importantes et que rien jusqu'ici ne saurait expliquer. Les Néritidés, qui sont adaptés à la vie dans les eaux douces, les Hélicinidés qui sont adaptés à la vie sur la terre, offrent des particularités remarquables et peu faciles à interpréter. Pourquoi ont-ils un système nerveux en appa- rence orthoneure, pourquoi leur tortillon est-il si réduit, pourquoi les Hélicines n’ont-elles plus le cœur traversé par le rectum ? Les Ampullaires et nos petites Valvées n’offrent pas des modifications moins curieuses, et il me suffira de citer le système nerveux si Curieux des Ampullaires, l’hermaphrodisme et la branchie en plumet des Valvées. Il est rare que quelques formes aient résisté, dans une certaine mesure, aux modifications dues à l'adaptation ; dans ce nombre il faudrait citer les Bythinies, les Cyclostomes et les Truncatelles. Dans la classe des Gastéropodes tout entière, ce sont les formes terrestres ou d’eau douce qui offrent le plus fréquemment cette anomalie qu’on appelle l’enroule- ment à gauche. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la liste des Pulmonés inoperculés pour s’en apercevoir. Les Proso- branches, presque tous marins, sont très rarement sénestres, et, dans cet ordre, ce sont les Ampullaridés qui présentent le plus fréquemment cette anomalie. Quand on étudie les stades divers des modifications gra- duelles du système nerveux, on s'aperçoit que certains stades seulement correspondent à des formes fluviatiles ou terrestres, tandis que tous, sans exception, sont représentés par des formes marines. Aussi, on peut établir toute la série ascen- dante des modifications du système nerveux, et même de tous les organes, avec les formes marines, tandis qu’on ne peut en établir qu’un très petit nombre au moyen des formes fluvia- üles et terrestres. En un mot, on peut établir des séries conti- 396 E.-L. BOUVIER. nues avec les formes marines; on ne peut établir que des séries très discontinues avec l’ensemble des Prosobranches fluviatiles ou terrestres. Tous les Prosobranches archaïques (Aspidobranches chiastoneures) sont marins sans exception; il en est de même des Prosobranches les plus modifiés et/les plus récents (Rachiglosses), ce qui revient à dire que les Pro sobranches les plus anciens et les plus récents sontrtous marins; pour ces diverses raisons, on devra conclure,avécune entière certitude, que les Prosobranches fluviatiles «et ‘ter- restres paraissent être des Prosobranches marins modifiés pour une adaptation à la vie dans les eaux douces! et surilx terre, tandis qu’on ne saurait en aucune façon prétendre que les Prosobranches marins paraissent être des Prosobranches fluviatiles ou terrestres modifiés. Il n’est pas uncgroupe: qui permette d'établir avec plus de netteté cet important prin- cipe. Le passage a dû s'effectuer surtout: par l'intermédiaire des formes saumâtres dérivées des espèces marines: Cette adaptation est rendue très évidente parrles Tympanotonus qui vivent neuf mois de l’année dans:les eaux sous Gi trois mois dans des eaux plus ou moins saumatres. .20/101r0ntt 2 L'adaptation à la vie terrestre pourra s de procédés. Tantôt l’animal marin :vivrässur larzone littorale, plus souvent dans l’air que:dans l’eau; tantôt il! passera pro: gressivement des eaux'douces surila terre: C'est: par lepre- mier procédé : 1° que! certains Hydrocænidés (Hydrocæna sarrita) vivent dans lesmontagnes, tandisque d’autres (H:Cat= taroensis) vivent sur la zone‘littoralés; 2°:querles Geomelaniw terrestres dérivent des Truncatelles-littorales." C’est part le second que les Hélicinidés se-détachent des Néritidés!: la plu: part des Nérites sont marines, les Néritimestet les: Navicelles sont fluviatiles; mais Quoy et Gaymard-ont remarquéque les] Navicelles vivént longtemps sur des. rochers simplement humectés;" tandis .que’ beaucoup/-de Néritines peuvent vivre assez longtemps suspendues aux'feuilles des arbres-qui bor= dent les‘ cours d'eau:7Anceux°qui voudraient: faire: |dériven les formes saumâtres où d’eau douce des: espèces terréstres; ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 397 je répondrai : 1° que beaucoup de formes saumâtres (Céri- thidés et Mélanidés saumâtres, etc.) ou d’eau douce (Bythi- nies, Mélanies) n’ont pas de formes terrestres analogues correspondantes ; 2° que l’organisation des espèces terrestres est supérieure à celle des formes saumâtres ou d’eau douce qu’on en voudrait dériver (comparer une Hélicine à une Néri- ne) ; 3° que les Prosobranches pulmonés sont plus récents dans les couches géologiques que les formes saumâtres ou fluviatiles qu’ils auraient engendrées. La conclusion, c’est que les formes marines paraissent avoir donné naissance : 1° à des espèces saumâtres qui, s’adaptant d’abord à la vie dans les eaux douces, ont pu engendrer des formes terrestres ; 2° à des formes littorales qui, s’adaptant à une vie de plus en plus aérienne, ont pu devenir franchement terrestres. Modifications corrélatives du genre de vie de l'animal. — D’autres modifications marchent de pair avec le genre de vie de l’animal et avec les progrès successifs dans la concentra- tion du système nerveux. Ainsi, les Prosobranches probosci- difères sont carnassiers, zygoneures et pourvus d’un siphon, en général au moins. Or un animal ne peut donner la chasse aux animaux de son groupe s’il ne leur est supérieur en organisation. Dans le cas où les animaux de son groupe ne sauraient lui servir de proie, il ne saurait les vaincre à la chasse, s’il n’est mieux armé et mieux organisé qu'eux. La trompe sert à la chasse et permet d'atteindre facilement la proie; 1l n’est done pas étonnant que la plupart des Proboscidifères soient siphonés et zygoneures, car la présence d’un siphon et la zygoneurie dans le système nerveux sont, comme nous l'avons vu, les indices les plus frappants d’une organisation déjà élevée. On ne s’étonnera pas non plus de voir les Proboscidifères, en géné- ral, munis d’un puissant pénis et d’une fausse branchie très développée. Ils sont aussi plus récents que les Prosobranches dépourvus d’une trompe : on comprendra sans peine, par les considérations qui précèdent, qu'ilne pouvaitenêtreautrement. 398 E.-L. BOUVIER. Historique général. — J'ai étudié les travaux antérieurs relatifs à chaque genre, dans la partie descriptive de ce travail ; je me bornerai ici à indiquer comment on a découvert suc- cessivement les traits caractéristiques du système nerveux chez les Prosobranches. ; Cuvier (6) a fait l'anatomie d’un grand nombre de Proso- branches, mais ses recherches sur le système nerveux ont des valeurs très inégales. Il a le premier dessiné et décrit les deux longs cordons qui traversent le pied chez la Patelle, la Fissure et l’Haliotide, il représente très exactement les deux connectifs latéraux chez la Patelle et l’Haliotide; on peut croire enfin qu'il a mis en évidence la commissure viscérale tordue en huit de la Patelle, mais que cette commissure a été distordue dans la figure. Il représente, en outre, la com- missure labiale de l’'Halhotide. J. B. Feider (5), dans sa monographie de l’Haliotide, n’ajoute rien aux recherches de Cuvier. Toutefois, 1l montre très nettement que les cordons du pied sont formés chacun de deux parties. C’est à Poli (8) que revient l'honneur d’avoir le premuer représenté un système nerveux chiastoneure. Sa magnifique figure du Dolium galea ne laisse aucun doute à cet égard, quoique Jhering ait méconnu plus tard, dans cette espèce, la commissure croisée. La chiastoneurie est aussi indiquée, mais moins clairement, dans le Triton. Quelques autres anatomies peuvent laisser entrevoir la chiastoneurie, mais ne la repré- sentent pas nettement. Les recherches de Leiïblein (9) surle Murex brandaris, celles de Berkeley sur le Gyclostome (10) et le Cerithium telescopium (13) ne donnent aucune indication sur la chiastoneurie ; tou tefois les origines croisées de la commissure sont très nette- ment indiquées par Berkeley dans le Cyclostome. Le travail monumental de Quoy et Gaymard (12) a une grande importance au point de vue de l’histoire naturelle générale des Mollusques et a fourni des documents précieux à la systématique, il ne donne toutefois que des notions ARTICLE N° {4 SYSTÈME NERVEUX’ DES PROSOBRANCHES. 399 très vagues sur le système nerveux des Prosobranches. Je signale en passant, et simplement pour mémoire, les recherches de R. Owen (14) sur la Calyptrée. Garner (18) a donné un travail général sur le système ner- veux des Mollusques ; ce travail doit tenir le premier rang, dans cette période, après celui de Poli. Garner a étudié de nombreux Prosobranches et il a très exactement représenté la chiastoneurie dans la Paludine. 11 donne aussi un système nerveux chiastoneure au Turbo htioreus (Littorina littorea), mais la figure indique des erreurs de dissection; il en est de même chez la Janthine. La commissure viscérale a été mé- connue dans les autres types, mais Garner représente ses origines croisées chez la Natice, la Pourpre et le Buccin. La commissure labiale est mdiquée dans les Patelles et les deux cordons pédieux des Néritines sont pour la première fois dessinés. Troschel (22) décrit le système nerveux de l’Ampullaire, mais sans apercevoir la commuissure croisée ni la commissure labiale. Après Garner, Leydig (25) signale la chiastoneurie chez les Paludines. Eydoux et Souleyet (27) ont donné des anatomies très soi- gnées d’un grand nombre de Mollusques. Ils ont étudié assez peu de Prosobranches et représentent très exactement et avec le plus grand soin les parties du système nerveux qu’ils ont découvertes. Leurs anatomies du Turbo, de la Littorine, de la Natice, etc., sont à consulter, quoique la chiastoneurie ne soit nulle part indiquée; les deux savants n’ont aperçu que les origines croisées de la commissure viscérale. Les dessins de Bergh, dans ses deux monographies des Marséniadés (31 et 37), sont aussi peu nets que possible; il est difficile de les inter- préter, car ils sont écrits en danois. La chiastoneurie n’a pas été indiquée. Dans un travail récent sur la même famille, elle n’est pas indiquée davantage, mais les deux zygoneuries sont fort exactement représentées. | O. Speyer (35) a publié une monographie très défectueuse de la Paludine. Quoique postérieure aux travaux de Garner et 400 E.-L. BOUVIER. de Leydig, cette monographie ne fait pas mention de la commis- sure croisée. Claparède (46) ne signale pas davantage cette commissure chez le Cyclostome; mais 1l décrit assez exacte- ment le système nerveux de la Néritine (44). Sars, Koren et Danielssen ont donné une figure très intéres- . sante, au point de vue embryogénique, du système nerveux des embryons de Buccin (38), mais ils n’ajoutent que fort peu de chose au travail de Garner. Paul Bert (53) a étudié, avec une remarquable exactitude, le système nerveux de la Patelle. La commissure croisée, les ganglions des fausses branchies et la commissure labiale sont très exactement décrits. P. Bert signale un véritable réseau entre les cordons pédieux et mentionne tout spécialement la grosse anastomose postérieure entre ces cordons. Ce travail précis et plein d’aperçus nouveaux n’empêcha pas Ed. Brandt de publier plus tard une anatomie très inexacte du système nerveux de la Patelle. M. de Lacaze-Duthiers a étudié pour la première fois, avec toute la précision et tous les détails qu’il comporte, le système nerveux d’un certain nombre de Prosobranches; ses mono- graphies, précises, détaillées, et d’une exactitude rigoureuse, ont exercé la plus grande influence sur la direction des tra- vaux anatomiques. En 1859, il publie le système nerveux de l'Haliotide (47), en 1860, la monographie du Vermet (50), en 1872 ses recherches sur les otocystes des Gastéropodes (64). Il signale la chiastoneurie dans l’Haliotide, le Vermet, la Patelle, la Paludine, le Cyclostome et le Capulus et donne une figure exacte du système nerveux de la Néritine. Avant Spengel, il parait avoir soupçonné la généralité de la chias- toneurie chez les Pectinibranches : dans la Patelle, dit-il, « la commissure qui unit les divers renflements est bien moins longue que chez les Paludines, les Cyclostomes et tous les Pectinibranches ; elle est un peu tordue comme chez ces derniers. » Il justifie les observations de P. Bert sur la Patelle, signale les anastomoses pédieuses et la commissure labiale de l'Haliotide, les anastomoses palléales gauches chez ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 401 l’Haliotide, le Cyclostome et le Vermet, l’anastomose palléale droite chez le Gyclostome et le Vermet. L’atiention des savants fut bientôt attirée par l’éclat reten- üssant d’un travail publié par Jhering (80) sur le système ner- veux et la phylogénie des Mollusques. Assimilant les cordons scalariformes de l’Haliotide à la chaine ventrale des Annélides. Jhering établit dans les Mollusques un phylum distinct pour les Prosobranches, celui des Arihrocochlidés. H divise les Pro- sobranches ou Arthrocochlidés en deux classes établies d’après le système nerveux. D’après lui, certains Prosobranches auraient un système nerveux chiastoneure, d’autres un système nerveux orthonoreure. De là deux classes dans les Prosobran- ches, les Chiastoneures et les Orthoneures, qui forment deux séries parallèles. Il range parmi les premiers les Doco- slosses, les Rhipidoglosses (sauf les Néritidés et Hélicinidés), et une parte des Témioglosses : Littorinidés, Cyclostomacés, Paludinidés, Mélantidés, Turritellidés et Vermétidés ; tous les autres Prosobranches seraient orthoneures. Jhering a signalé en outre les singuliers cordons du pied des Fissurelles avec leurs anastomoses; enfin aux types déjà connus comme pos- sédant une commissure labiale, il ajoute les Trochidés. Il a confirmé ses conclusions dans un travail plus récent (81). Considéré dans son ensemble, le travail de Jhering présente des erreurs considérables dues à une dissection beaucoup trop superficielle. Nous savons déjà que tous les Prosobranches sont chiastoneures à l’exception des Néritidés et des Hélini- midés, ce qui détruit complètement la classification de Jhering. ILest facile de reconnaître que les Orthoneures de Jhering sont des Prosobranches zygoneures et que leur orthoneurie appa- rente est due au connectif de la zygoneurie. Toutefois, on croirait à tort que tous les Orthoneures de Jhering corres- pondent aux Prosobranches que j'ai appelés zygoneures, et que réciproquement tous ses Chiastoneures correspondent aux dialyneures. Ainsi les Solaridés, les Scalaridés?, les Natices, une partie des Cérithidés, les Valvées sont dialv- neures, dépourvus d’un connectif de la zygoneurie et rangés ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. II, 26, — ART. N° 1. 402 E.-L. BOUVIER. parmi les Orthoneures à la suite d'observations trop super- ficielles. Inversement, les Vermets, les Turritelles et une partie des Mélaniidés sont manifestement zygoneures, mais rangés parmi les Chiastoneures. Du reste, pour Jhering, l’orthoneurie des Néritidés et des Hélicimidés rapprocherait ces types des Prosobranches zygoneures, ce qui est en con- tradiction avec toutes les données anatomiques. Le travail de Jhering nous fait rétrograder, puisqu'il met en doute la chiastoneurie des Pectinibranches déjà entrevue aupa- ravant par M. de Lacaze-Duthiers. Nul mémoire n’a été accueilli avec plus de faveur, il n’en est pas non plus qui ait été l’objet de critiques plus sévères. Les compatriotes de Jhering ne l’ont guère épargné, et je crois être plus impartial que la plupart d’entre eux en disant que le travail de Jhering a complété dans une certaine mesure les travaux antérieurs, donné d’utiles renseignements aux observateurs qui l'ont le plus critiqué et surtout montré toute l’importance qui s’at- tache à l’étude du système nerveux des Mollusques. Après Jhering, en effet, les travaux sur les Prosobranches se multiplient. Spengel (89) porte les premiers coups à la classification des Prosobranches de Jhering en décrivant très succinctement le système nerveux de la Cassidaire ; ce Gasté- ropode a un système nerveux chiastoneure, et Spengel montre que Jhering n’a pu faire de la Cassidaire un type orthoneure qu’en disséquant incomplètement l’animal et limitant sa com- missure viscérale à la branche sous-intestinale, au ganglion sous-intestinal et au connectif de la zygoneurie très développé dans cet animal. Le travail de Spengel, en ce qui concerne les Prosobranches, n'offre guère, comme observations originales sur le système nerveux, que l’étude de la Cassidaire. L'auteur signale simplement la chiastoneurie et la zygoneurie chez les Buccins et les Casques ; il ajoute à ces deux genres les Dolium et les Tritons dont la chiastoneurie et la zygoneurie avaient été fort nettement représentées au commencement du siècle par Poli. C’est en s'appuyant sur ces observations peu nom- breuses et surtout sur celles de M. de Lacaze-Duthiers que ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCIIES. 403 Spengel conclut en disant qu’ «il n’existe probablement pas de vrais Orthoneures, dans le sens que Jhering attribuait à ce mot. » La même année (1881) Simroth (91) mit en échec la phylo- génie proposée par Jhering en décrivant chez la Paludine deux cordons pédieux ganglionnaires réunis par des anastomoses transversales. Cette découverte importante semblait montrer que la prétendue chaine ventrale des Prosobranches n’est pas localisée dans les groupes les moins élevés en organisation. L'année suivante, dans un travail très remarquable sur l’embryogénie de la Bythinie, Sarrasin (99) attaquait par un autre côté les conclusions de Jhering, en homologuant les ganglions pédieux ainsi que la commissure viscérale à l’exelu- sion des ganglions palléaux, avec la chaîne ventrale des Anné- lides. Il rangeait en outre la Bythinie parmi les Prosobranches chiastoneures, bien qu’il n’eût pas suivi jusqu’à leur point de rencontre les deux branches de la commissure. En cette même année, Simroth (95) décrivit le système nerveux de la Néritine ettrouva, comme M. de Lacaze-Duthiers et Claparède, un sys- tème nerveux orthoneure chez cet animal, dans lequel il décrivit, en outre, des anastomoses transversales entre les cor- dons ganglionnaires pédieux. Il mit, en outre, la chiastoneurie en évidence chez les Mélanies et les Lithoglyphus. Discutant le travail de Simroth sur la Néritine, Bela Haller (106) conteste la présence d’anastomoses pédieuses transverses chez cet animal et pense qu’une étude plus précise permettra d’y mettre en évidence la chiastoneurie. Le travail remarquable de Bela Haller s'étend à tous les Rhipido- glosses marins et complète ou rectifie les travaux de Jhering. B. Haller a montré notamment qu’on retrouve les anastomoses transversales entre les cordons ganglionnaires du pied dans les Trochidés et que ces anastomoses, chez tous les Rhi- pidoglosses, n’offrent en aucune façon la régularité scalari- forme que leur attribuait Jhering. Deux points importants sont à relever dans le travail de B. Haller ; il conteste l’exis- tence de la commissure labiale chez tous les Rhipidoglosses, 404 E.-L. BOUVIER. à commencer par l'Haliotide où elle avait été signalée en 1860 par M. de Lacaze-Duthiers ; d’un autre côté, 1l prétend que les connectifs des ganglions buccaux ont leur origine dans les ganglions palléaux. Jai montré plus haut combien ces deux opinions sont peu fondées. Dans son travail sur Les Rhipidoglosses, Bela Haller signale la chiastoneurie chez les Natices et les Pileopsis. Dans un travail antérieur (98) il a décrit avec détails les systèmes nerveux chiastoneures et zygoneures des Murex, Fuseaux et Gassidaires. Pour terminer cette étude rapide, je dirai qu'en 1881 M. Ed. Perrier a donné une représentation très exacte (92 et 94) du système nerveux chiastoneure de la Truncatelle, et qu’en 1885 M. Boutan (114) a décrit plus ou moins complé- tement le système nerveux de trois Fissurellidés, les Fissu- relles, les Emarginules et les Parmophores. Quand on a passé en revue cette longue série de travaux, on se demande si réellement tous les Prosobranches sont bien chiastoneures. On sent que tous les esprits sont pour l’affir- mative, mais personne ne veut affirmer. Spengel et Bela Haller, qui ont discuté le plus longuement cette question, pensent qu'il n'existe probablement pas une vraie orthoneurie chez les Prosobranches, mais ils restent prudents, leurs recherches se limitant à un nombre de genres trop restreints. D'ailleurs le système nerveux des Néritines, étudié successi- vement par plusieurs observateurs et toujours trouvé ortho- neure, commande la prudence et entrave les essais de géné- ralisation. Jhering donne en effet aux Valvées et aux Ampul- laires un système nerveux presque identique à celui des Néritines et des Hélicines, et rien ne permet de dire à priori si ces types sont orthoneures ou chiastoneures. D’un autre côLé, on serait tenté de croire que tous les Orthoneures de Jhering sont très réellement des Prosobranches chiasto- neures pourvus du connectif de la zygoneurie, et cela serait vrai en partie si toutes les observations de Jhering étaient exactes. Or il n’en est rien, et les Solaridés, les Scalaridés, les Natices, une partie des Cérithidés sont rangés parmi les ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 405 Orthoneures quoique dépourvus d’un vrai connectif de la zygoneurie. On peut conclure des remarques qui précèdent qu'il restait à vérifier si tous les Prosobranches sont chiasto- neures, et S'ils ne le sont pas tous, quels sont les genres ou les groupes qui ne le sont pas. En deuxième lieu, il fallait expli- quer lorthoneurie des Prosobranches orthoneures. Ge n’est pas tout. Même en admettant que tous les Proso- branches soient chiastoneures, il fallait voir sè la chiastoneurie caractérise à elle seule le système nerveux des Prosobranches, étudier de plus près le connectif si caractéristique de la 2ygo- neurie, expliquer sa formation et donner la raison d’être de ce connectif. Puis, étendant le champ des recherches, examiner st la zyqoneurie qui se produit à droite n’a pas son correspondant à gauche, et si la raison de cette seconde zygoneurie n’est pas la même que celle de la première. Enfin il fallait étudier la commissure labiale, les groupes auxquels elle appartient et son importance systématique, puis revenir sur les cordons ganglionnaires du pied et leurs anastomoses transversales et voir si ces cordons ne se retrouvent pas dans des genres autres que ceux étudiés jusqu'ici. J'espère avoir donné une réponse à toutes ces questions. MORPHOLOGIE COMPARÉE DES ORGANES Siphon. -— La formation d’un siphon aux dépens des bords du manteau réalise un progrès organique important, puisque l'organe régularise l’entrée et, par conséquent, la sortie de l’eau qui vivifie le sang dans les branchies et entraine avec elle les excréments, ainsi que les produits génitaux et urinaires. Le siphon apparaîtra, par conséquent, chez des formes relati- vement récentes et sera l’indice d’une organisation élevée. Comme tous les caractères importants, il varie peu à peu à mesure que l’organisation se perfectionne, augmente pro- oressivement en longueur, si bien qu'on peut trouver tous les passages entre les siphonés et les asiphonés, comme entre les zygoneures et les dialyneures. C’est d’après ce caractère 406 E.-L. BOUVIER. qu’on a classé jusqu'ici les Lamellibranches. On a longtemps groupé aussi les Prosobranches en Siphonés et Asiphonés ou, ce qui revient au même, en Siphonostomes et en Holostomes, et cette classification serait irréprochable si elle avait tenu compte des autres caractères. Le siphon a été bien étudié par les zoologistes et les stat cologistes : c’est un caractère qui frappe et retentit sur la coquille, on l’étudie par suite sans difficulté. Il est des cas pourtant où le siphon ne déforme pas la bouche de la coquille, et cela se produira toutes les fois qu'il n’est pas formé aux dépens du manteau. À la vérité, ces cas sont très rares et se limitent, je crois, aux Ampullaridés et aux Paludinidés; il est néanmoins inté- ressant de déterminer exactement la nature de ces forma- tions siphonales. Chez les Ampullaridés, on voit de chaque côté deux expansions latérales des tissus post-céphaliques; le lobe gauche est beaucoup plus développé que le droit et forme une gouttière dont le canal débouche presque immé- diatement sur la fausse branchie; sur le lobe droit vient aboutir la lamelle dorsale. Il en est de même chez les Palu- dinidés, mais le lobe droit est plus développé que le gauche, et c’est lui qui se replie en gouttière. Or, chez les Paludi- nidés et les Ampullaridés, ces expansions sont innervées par les ganglions palléaux et ordinairement par des nerfs pariétaux. Les prétendues expansions épipodiales des Ampullaridés et des Paludinidés sont, par conséquent, des formations pariétales qui n’ont aucune relation directe avec le pied et qui en ont très peu avec le manteau. Aussi, dans la série des Prosobranches, ces deux familles n’occupent point la place qu’on devrait leur attribuer d’après la seule extension du siphon; les Paludinidés sont les Pectimbranches les plus voisins des Aspidobranches et se rattachent, pro- bablement de très loin, aux Ampullaridés. Branchies et fausses branchies. — De ses observations sur un certain nombre de Prosobranches, Spengel (89) a conclu que la branchie et la fausse branchie gauche sont essentiel- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 407 lement innervées par le ganglion sus-intestinal, la branchie et la fausse branchie droite, quand elles existent, par le ganglion sous-intestinal. De mes observations étendues à quatre-vingts genres et à plus de cent vingt espèces on peut conclure que la loi précédente est d’une exactitude rigoureuse. Elle est d’une importance extrême pour résoudre la morphologie de la branchie et de la fausse branchie chez les Prosobranches, et J'ai eu l’occasion de l'appliquer plusieurs fois dans des cas très difficiles (Ampullaires). M. de Lacaze-Duthiers avait, avant Spengel, distingué la fausse branchie des branchies véritables (50) ; il la considérait avec raison comme une formation essentiellement nerveuse. Malgré ces deux autorités très sérieuses, la plupart des savants continuèrent à regarder la fausse branchie comme une vraie branchie. Jhering, Claus, Fischer, considèrent la branchie gauche monopectinée des Pectinibranches comme l’homo- logue de la branchie droite des Haliotides, et leur fausse branchie comme l’homologue de la branchie gauche des Haliotides et de la branchie des Turbo et des Troques. Cette assimilation est évidemment imexacte, puisque les Haliotides et les Troques sont pourvus de fausses branchies comme les Pectinibranches. En appliquant la loi précédente, on démontre encore plus sûrement l’inexactitude de ces assimilations. D'ailleurs, si la fausse branchie des Pectimibranches cor- respond à la branchie bipectinée des Haliotides, la forme bipectinée de l’organe devrait se retroüver surtout chez les Prosobranches les plus voisins des Haliotides, notamment chez les Ténioglosses dialyneures. Or, de tous les Pectini- branches, ce sont précisément ceux-là qui ont une fausse branchie filiforme, tandis que les autres ont, pour la plupart, une fausse branchie bipectinée. Cet argument suffit pour montrer que la fausse branchie est une formation indépen- dante des branchies, qui se complique et se perfectionne à mesure qu’on s’élève dans la série des Prosobranches. Nous devons maintenant reprendre une à une certaines opinions courantes et qui n’ont pu être contestées Jusqu'ici faute de 408 E.-L. BOUVIER. recherches sur le système nerveux. Ges opinions sont les sui- vantes : 1° la branchie bipectinée des Néritines correspond à la fausse branchie des Pectinibranches et à la branchie gauche des Haliotides; 2 les Ampullaires ont deux branchies, une à droite monopectinée correspondant à la branchie droite bipec- tinée des Haliotides, une branchie gauche bipectinée corres- pondant à la branchie gauche des Haliotides, en un mot les Ampullaires auraient gardé la symétrie des Haliotides. J'ai étudié toutes ces questions séparément dans la partie systématique de ce travail, il me suffira de réunir ici les résultats afin de pouvoir établir plus loin des conclusions générales : 1° la branchie bipectinée des Troques est innervée par le ganglion sus-intestinal, comme la branchie gauche des Haliotides, comme la branchie et la fausse branchie des Pec- tinibranches normaux ; done la branchie gauche des Haliotides, la branchie des Troques et des Pectinibranches sont des for- mations homologues, comme du reste la branchie bipectinée des Néritines, innervée par le ganglion gauche d’un système nerveux orthoneure; 2 la branchie droite et l’organe bipec- tiné gauche des Ampullaires sont innervés par le ganglion sus-intestinal, de sorte que la branchie droite monopectinée correspond morphologiquement à la branchie gauche des Pec- tinibranches, tandis que l’organe bipectiné correspond à la fausse branchie des Pectinibranches. Chez l’Ampullaire, la branchie a été séparée de la fausse branchie par le poumon. Les branchies des Aspidobranches sont supportées par une cloison sur les deux côtés de laquelle se trouve une rangée de feuillets. Ces branchies sont, par conséquent, bipectinées; elles sont libres et se terminent en pointe en avant; au fond la cloison, en se rattachant au manteau à droite et à gauche, sépare en général la cavité palléale en deux loges superposées ; on aperçoit très bien les deux étages chez les Néritidés et chez les Tectures; la division en deux étages est complète chez les Troques. Dans les Pectinibranches, au contraire, on ne trouve qu’une branchie gauche monopectinée, fixée au man- teau, parfois rejetée à droite (Ampullaridés). Les variations ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 409 ne se produisent que dans Ja forme des feuillets branchiaux. La branchie servira à diviser les Prosobranches en deux sous- ordres. La fausse branchie, de son côté, servira dans une assez large mesure à fixer les relations des diverses familles de l’ordre. Depuis sa forme la plus simple jusqu’à son état le plus élevé, elle présente une série de modifications progres- sives qui ont une réelle importance, puisqu'elles présentent un parallélisme presque complet avec les modifications encore plus lentes et plus régulièrement progressives du système - nerveux. On peut distinguer deux types dans les fausses branchies : 1° la fausse branchie longue, filiforme, plus ou moins saillante, non bipectinée, ou avec des feuillets exces- sivement petils, unisériés, ou très irrégulièrement bisériés ; 2° la fausse branchie bipectinée avec un bourrelet médian autour duquel viennent se disposer deux rangées de lamelles ; cette fausse branchie est large, mais généralement beaucoup moins longue que l’autre. Chez les Aspidobranches chiastoneures, la fausse branchie est filiforme et disposée sur le bord libre et antérieur de la branchie, les ganglions sus-intestinal ou sous-intestinal sont à sa base plus ou moins éloignés de la commissure viscérale. Cette fausse branchie est souvent Jaunâtre et extrêmement peu saillante. Celle des Cyclobranches est réduite à une simple saillie placée sur le ganglion. Chez les Ténioglosses dialyneures la fausse branchie est presque toujours filiforme : elle est assez courte, épaisse et saillante chez les Paludines, Littorines, Bythinies; elle est extrêmement longue et occupe presque toute la longueur de la branchie chez les Mélaniüdés, Cérithidés et Xénophoridés. Les Ténioglosses dialyneures à fausse branchie bipectinée sont les Solaridés, Naticidés, ainsi que les Capulus ; la fausse branchie des Hipponyx est encore filiforme. La fausse bran- chie des Solaridés est absolument spéciale, formée qu'elle est par une série de feuillets qui s’irradient autour d’un centre, de manière à former à peu près un demi-cercle ; 410 E.-L., BOUVIER. elle n’est donc pas franchement bipectinée, mais la longueur de ses feuillets exige qu’on la range dans le second type. Celle des Naticidés est longue, arquée, à feuillets épais et courts; elle est d’ailleurs nettement bipectinée. Celle des Capulus est beaucoup plus réduite. Les Pectinibranches zygoneures ont presque tous une fausse branchie bipectinée. Ce sont les Prosobranches du groupe des Cérithidés qui établissent la transition entre les dialyneures et les zygoneures. Les Turritelles ont encore une fausse branchie filiforme, mais où l’on peut déjà apercevoir à la loupe quelques feuillets irréguliers, comme chez certains Cérithidés ; d’ailleurs un Cérithidé, le Ceratoptilus, a déjà une fausse branchie bipectinée normale. Mais, dans ce même groupe, ce sont les Struthiolaridés, Chénopidés et Strombidés qui établissent les transitions les plus régulières et servent d’intermédiaires, comme les Janthines et les Scalaires, entre les Prosobranches à fausse branchie filiforme et ceux à fausse branchie bipec- tinée. Les Struthiolaires ont encore la longue fausse branchie filiforme des Cérithidés, les feuillets sont à peine sensibles, peu régulièrement disposés ; du reste l’organe s’avance jusqu’à la base du siphon. Chez les Chénopidés, elle est encore plus longue, puisqu'elle pénètre dans le siphon, mais on peut déjà apercevoir à l’œil nu de très petits feuillets disposés sur deux rangées. Chez les Strombidés, l’organe parcourt le siphon dans presque toute sa longueur, et les feuillets sont un peu plus développés. Dans ces trois familles, la fausse branchie, par ses rapports avec le siphon et par son extrême longueur, présente des caractères tout particuliers qui paraissent impliquer un rôle physiologique en rapport avec l’eau qui pénètre par le siphon dans la cavité branchiale. Les Calyptréidés ont une fausse branchie très nettement bipectinée, mais assez réduite. Celle des Cyprées est très grande et triangulaire. Les Tritons, les Ranelles, les Lamellaires, les Dolium, les Cassidaires, les Pyrules et tous les Rachiglosses, y compris les Toxiglosses, ont une fausse branchie bipectinée normale. Elle atteint son maximum de développement dans les Olives et dans les Harpes. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 411 M. de Lacaze-Duthiers (50) avait pressenti l'importance systématique des diverses dispositions présentées par la fausse branchie : « Je crois, dit-il, qu’il sera possible de tirer parti de la disposition, de la forme, etc., au point de vue de la classification. » J’ai tenté d'établir la morphologie de l'organe et de l’appliquer à la classification; personne n'avait essayé de le faire jusqu'ici et ce ne sera pas, j'espère, un des moindres résultats de ce travail, d’avoir indiqué les divers stades du perfectionnement graduel -de ce curieux organe. Dans la partie descriptive, j'ai employé presque constamment la fausse branchie pour déterminer les affinités des genres et des familles. | Cet organe reçoit des nerfs très nombreux qui se terminent | brusquement dans son bourrelet central; ce bourrelet se comporte, par conséquent, comme un vrai ganglion. Spen- gel (89) a mis en évidence, dans ce bourrelet, des cellules nerveuses. Chez les Struthiolaridés, Chénopidés, Strombidés, l'organe paraît recevoir quelques nerfs du ganglion palléal gauche. Le tableau suivant résume la morphologie comparée de la branchie et de la fausse branchie chez les Prosobranches . 419 E.-L. BOUVIER. FAUSSE FAUSSE BRANCHIE BRANCHIE n GROUPES branchie branchie £ gauche. droite. gauche. droite. particuliers. I. ASPIDOBRANCHES Haliotidés, Fissu-|Bipectinée. |Filiforme. Bipectinée.|Filiforme. à [Chiaston. rellidés, etc... À Trochidés, Tur-| Id. IA. bonidés, etc... DA “9 » Rhipidiglosses, Orthon.. { Tecturidés i inée. [Une saillie. Docs Patellidés Id. glosses. | Lépétidés.……...…. Id. II. PECTINIBRANCHES TÉNIOGLOSSES Paludinidés, Littorinidés, Monopectinée.|Filiforme. Valvatidés, . ........... Bipectinée. ? | Hydrobiidés, etc Dialyneures. Naticidés, Gapulus, Sola= Id. Bipectinée. Cyclostomidés Filiforme. Cyclophoridés ? Turritellidés et Struthio-|Monopectinée. [Filiforme. laridés. Strombidés, Chénopidés, Id. Filif. bipectinée. Janthinidés Calyptréidés, Cypræidés, Id. Bipectinée. Doliidés, etc \ Ampullaridés ë Id. Lygoneures RACHIGLOSSES Rachiglosses...,............. Monousstinée. Bipectinée. Toxiglosses Id. Mufle, trompe. — Le mufle et la trompe ont une valeur systématique beaucoup moins grande; leurs variations sont beaucoup plus considérables et moins régulières, ces forma- tions sont surtout en rapport avec le genre de vie de l'animal. En général, les herbivores ont un mufle et les carnassiers sont armés d’une trompe avec laquelle ils peuvent plus facile- ment atteindre leur proie. Ainsi l’on verra des Ténioglosses armés d’une trompe excessivement longue, comme les Sca- laires et les Solarium, qui ont d’ailleurs une organisation assez peu élevée. Macdonald (52) divise les formations proboscidiennes buc- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 413 cales en trois groupes : 1° mufle simple, contractile, mais non rétractile (Aspidobranches, la majorité des Ténioglosses et notamment tous les herbivores) ; 2 mufle proboscidiforme (Gapulidés, Strombidés, CGhénopidés, Calyptréidés), ou rétrac- tile depuis son extrémité, c’est-à-dire invaginable avec un seul pli (Cypræidés, Lamellarüdés et, à un moindre degré, les Naticidés) ; 3° trompe rétractile depuis la base, c’est-à-dire avec deux plis (Tritontidés, Dolidés, Cassididés, Rachiglosses et un certain nombre de Toxiglosses). Les Scalaridés et les Solaridés devront se ranger dans le deuxième groupe, malgré les dimensions considérables de leur trompe. Je n’ai rien à dire sur le premier groupe, sa définition le fait suffisamment connaître. Le second groupe est caractérisé par une trompe qui s’invagine complètement à l’état de rétraction; ainsi, chez les Cypræidés, quand la trompe est rétractée, elle forme un tube droit qui s’ouvre en avant entre les tentacules, en arrière dans la masse buccale; en un mot, quand la trompe est invaginée, la bouche se trouve au fond du tube proboscidien, à son extrémité postérieure. Ce groupe établit la transition entre le premier et le troisième, c’est- à-dire entre le vrai mufle et la vraie trompe. Dans le troi- sième groupe, la trompe ne se rétracte jamais tout entière; sa base forme ce que j'ai appelé la gaine proboscidienne, à l’état de rétraction; la partie de la trompe non invaginée est enfermée dans la gaine, la bouche en avant; c’est la trompe proprement dite. Ainsi, chez un Bucein dont la trompe est complètement rétractée, lorsqu'on a ouvert les téguments céphaliques sur la ligne médiane dorsale, on trouve : 4° la gaine de la trompe qui se prolonge en avant, à son orifice, avec les téguments céphaliques, qui est libre en arrière dans la cavité antérieure du corps; 2° la trompe proprement dite enfermée dans la gaine; elle se prolonge en arrière dans la gaine, mais elle est libre en avant à son extrémité buccale. En un mot, quand le mufle est court, il ne se rétracte pas; il se rétracte complètement quand 1l est plus long ; ilne se rétracte qu’à la base, quand il a une longueur très considérable. Ces 414 EÉ.-L. BOUVIER. différents états du mufle s'expliquent mécaniquement de la manière la plus simple. Quand le mufle devient rétractile, il a toujours une longueur notable, mais cette longueur n’est pas assez grande pour qu'il ne puisse rentrer complètement dans la cavité antérieure du corps. Quand 1l devient excessivement long, tout en restant rétractile, il a une longueur beaucoup plus grande que celle de la cavité antérieure du corps, dans laquelle il ne peut, par conséquent, se rétracter tout entier. C’est ce que l’on voit à merveille chez le Buccin, où la gaine de la trompe remplit presque compiètement la cavité antérieure du corps. Une trompe extrêmement longue pourra être com- plètement invaginable si elle a un faible diamètre et si la cavité antérieure du corps est très allongée. C’est précisément le cas offert par les Solaridés, les Scalaridés et les Pyrami- dellidés. La trompe et sa gaine, ou le mufle tout entier, sont toujours innervés par les ganglions cérébroïdes. Il est une espèce de trompe qui n’a jamais été décrite jusqu'ici et qu’on a de la peine à faire rentrer dans Pun des trois groupes précédents. C’est celle que j’ai mentionnée avec tous les détails nécessaires en traitant des Térébridés; elle est caractérisée par ce fait Curieux, vérifié sur six espèces : la gaine est absolument indépendante de la trompe proprement dite. Chez un exemplaire de Terebra cærulescens, l'appareil était complètement dévaginé; on voyait entre les tentacules s’allonger la longue gaine munie d’une longue fente longitu- dinale à son extrémité; la trompe rattachée à sa base par des fibres issues des parois de la cavité du côté du corps pénétrait dans la gaine, complètement distincte de celle-ci, l’extrémité buccale atteignant à peine le tiers postérieur de la gaine. J'ai observé un appareil au moins aussi développé que le précédent dans le T. aciculina (fig, 81); seulement, la gaine se trouvait complètement rétractée dans le corps, munie à son extrémité postérieure d’une longue fente longitudinale ; la trompe était encore logée dans la gaine, traversée, comme toujours, par l’œsophage dans toute sa longueur. Les autres espèces de Terebra que jai étudiées ont une trompe excessi- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 415 vement courte, mais qui présente les mêmes rapports avec la gaine. Chez tous, la gaine est innervée par les ganglions céré- broïdes, il en est probablement de même de la trompe. L’em- bryogénie pourra seule expliquer l'indépendance de la gaine et de la trompe, la physiologie le rôle de cet appareil bizarre. Il me semble qu’au point de vue du rôle physiologique on est placé entre ces deux alternatives, ou bien l’extrémité buc- cale de la trompe est saisie par l’extrémité libre de la gaine, comme par un anneau, et entrainée avec elle dans l’acte de la dévagination; ou bien la trompe suit simplement la gaine dans laquelle elle pénètre complètement pendant la dévagi- nation. La première jalternative jme paraît peu probable : 1° parce que chez les Terebra dépourvus de radule la trompe est extrêmement courte et ne pourrait suivre la gaine jusqu’à son extrémité; 2° parce que dans le T. cærulescens où la trompe était dévaginée, celle-ci était libre dans la gaine et fort éloignée de son extrémité. Un seul Terebra observé dans la mer permettrait de résoudre la question; mais ces ani- maux sont relativement rares, et l’on ne peut les observer que dans les mers chaudes. Le long mufle des Cônes correspond à la gaine des Terebra, mais il est très contractile et à peine rétractile. Quant à la trompe, elle est logée dans ce mufle avec lequel elle est seule- ment en rapport à son extrémité postérieure. Cet appareil probiscidien rappelle, dans une certaine mesure, celui des Terebra (fig. 91). Pénis. — En étudiant le Buccin, Jhering (80) fait observer qu’il à suivi les fibres du nerf pénial, dont l’origine apparente est dans le ganglion pédieux droit, jusqu’au voisinage des gan- glions cérébroïdes qui leur serviraient d’origine réelle. Il admet ensuite qu’on pourra toujours trouver l’origine du nerf pénial dans les ganglions cérébroïdes, comme M. de Lacaze-Duthiers a trouvé l’origine du nerf acoustique dans les mêmes gan- glions. En un mot, le pénis serait toujours une formation céphalique, Je serai plus exact en disant au contraire que, chez les 416 E.-L. BOUVIER. Prosobranches, le pénis est une formation pédieuse dans la majorité des cas. C’est notamment le cas du Bucecin où le nerf pénial principal est plus volumineux à sa base que le connectif cérébro-pédieux, d’où l’on conclura naturellement qu'il ne peut traverser celui-ci pour attendre les ganglions cérébroides. Il en est probablement de même chez la plupart des Rachiglosses, sinon chez tous, chez les Toxiglosses et chez la majorité des Ténioglosses, les Ranelles, les Strombes, les Cyprées, etc. | Toutefois, il n’en est pastoujours ainsi; le pénis est quelque- fois innervé par les ganglions cérébroïdes, auquel cas il doit être considéré, d’après la loi des connexions, comme une formation céphalique; ces cas sont rares chez les Proso- branches, mais ils existent, notamment chez les Néritidés, les Paludinidés et très probablement chez les Galyptréidés. Plus rarement, le pénis est une formation pariétale développée à droite sur le dos et innervée par le ganglion sous-intestinal ; c’est le cas des Cyclostomidés et probablement aussi des Bythinies. Enfin, dans une seule famille, chez les Ampulla- ridés, le pénis est une dépendance du manteau à droite et innervé par le grand nerf palléal droit. Cet exemple montrera avec quelle prudence on doit pro- céder dans les généralisations. C’est sans doute pour avoir voulu étendre aux Prosobranches les caractères des Pulmonés inoperculés que Jhering a été conduit à énoncer la loi profon- dément inexacte que j'ai relevée plus haut. Je propose de rem- placer l’énoncé de Jhering par la loi suivante : chez les Prosobranches le pénis est généralement pédieux, rarement céphalique, très rarement pariétal, plusrarement encore palléal. Le pénis manque aux Aspidobranches chiastoneures, existe au moins chez les Néritidés parmi les Aspidobranches ortho- neuroides, est très irrégulièrement distribué et a une structure fort variable chez la plupart des Ténioglosses, existe enfin chez tous les Rachiglosses y compris les Toxiglosses. Ce caractère a une valeur systématique qu'il ne faudrait pas exagérer, comme le prouvent de reste les variations considé- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 417 rables qu’il éprouve chez les Ténioglosses. Les Struthiolaridés établissent le passage entre les Cérithidés, qui sont dépourvus de pénis, et les Chénopidés, qui ont un pénis très développé. La S. nodulosa n’a qu'un pénis rudimentaire (fig. 95), tandis que la S. crenuluta a un pénis extrèmement allongé (fig. 94). Otocystes. — La position des otocystes, par rapport aux ganglions cérébroïdes el pédieux, ne parait pas avoir une grande importance systématique. Les otocystes sont plus ou moins directement en rapport avec l’extrémité antérieure des cordons palléo-pédieux chez les Aspidobranches, mais on les trouve déjà sous les cordons pédieux chez certains Néritidés et chez les Hélicinidés. Dans les Témioglosses les plus voisins des Aspidobranches, elles sont un peu en dehors des gan- glions pédieux (Paludine, Littorine, Bythimie, Ampullaire, etc.); chez les Lamellaires elles sont très éloignées de ceux-ci, mais dans la très grande partie des Ténioglosses, elles sont à l’extré- mité postérieure des ganglions pédieux, ou directement au- dessous de ceux-ci (Mélanudés, Cérithidés, Strombidés, Tri- tonnidés, Xénophoridés, etc.). Chez les Toxiglosses et les Rachiglosses, elles manifestent souvent une asymétrie qui a été seulement signalée par M. de Lacaze-Duthiers, chez la Purpura lapillus et le Murex brandaris. J’ai mis en évidence quelques cas très frappants d’asymétrie dans les Cônes, les Nasses et les Pourpres. Chez le Conus virgo (fig. 86) les gan- glions pédieux sont rejetés à droite, mais beaucoup moins que les otocystes ; celles-ci sont très éloignées l’une de l’autre; la plus antérieure est plus rapprochée des ganglions pédieux que la postérieure. Dans la Purpura lapillus, l'otocyste droite est assez loin en dehors des ganglions pédieux, l’otocyste gauche est sous le ganglion pédieux gauche à son extrémité posté- rieure ; on trouve précisément le contraire dans la Nassa reticu- lata. Chez la Nassa mutabilis les otocystes sont un peu en dehors des ganglions pédieux, presque symétriquement situées ; enfin, chez le Buccinum undatum les otocystes sont beaucoup plus éloignées des ganglions pédieux et très sensiblement symé- triques. B. Haller signale dans le Murex trunculus une otocyste ANN. SC. NAT., ZOOL,, 1887. Il. 27, — ART. N° 1. 418 E.-L. BOUVIER. ovoide, allongée, en rapport très direct avec les ganglions cérébroïdes, comme chez les Hétéropodes; j'ai montré qu'il avait pris pour des otocystes des corps piriformes, probable- ment glandulaires ; les otocystes sont sous les ganglions pédieux et presque symétriques dans cette espèce qui différerait, par conséquent, du M. brandaris étudié par M. de Lacaze-Du- thiers. La position des otocystes chez les Hétéropodes aurait beaucoup plus de rapport avec celle qu’on signale chez les Natices et les Lamellaires. Je dois étudier maintenant une question qui a donné lieu à des controverses nombreuses ; elle est relative au nombre des caleuls de l'oreille. Pour simplifier le langage, j’adopterai momentanément la nomenclature établie par Macdonald (49) : si le calcul est unique dans l’otocyste, 1l s'appellera otolithe; si les calculs sont nombreux, on les appellera otoconies. Frey (23) et Claparède (44) ont montré que l'otocyste ne renferme jamais qu'une otolithe ronde au début du dévelop- pement ; si l’otocyste doit renfermer des otoconies, c’est plus tard que celles-ci se produiront. A. Schmidt (39) a étudié de nombreux Prosobranches au point de vue des calculs de l’oreille et il accorde une importance systématique excessive à la présence d’une otolithe ou de nombreuses otoconies. Moquin-Tandon ayant trouvé quatre otoconies dans la Bythinia ferussina (34) et Schmidt une seule otolithe dans plusieurs autres Bythinies, le savant allemand conclut de cette manière : « Si cette espèce (B. ferussina) a réellement quatre otolithes, on devra peut-être pour cette raison la séparer complètement des Hydrobiidés. » Schmidt a trouvé des otoconies dans tous les Mélanidés qu'il a étudiés. Macdonald (42, 52) accorde encore une très grande impor- tance systématique au nombre des calculs de l'oreille ; toute- fois « la nature du contenu des sacs auditifs est de moindre importance que le caractère primaire tiré de la dentition linguale ». Ainsi il réunit les Planaxis aux Cérithidés d’après la radule, malgré la différence présentée par le contenu des sacs auditifs. Ces deux caractères, le second subordonné au ARTICLE N° {. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 419 premier, lui suffisent pour établir sa classification des Gasté- ropodes. D’après Macdonald, les Scalaires, les Solarium, les Cérithidés sauf les Planaxis, enfin les Triforis auraient des otoconies, les Janthines et les Mélannidés auraient des oto- lithes. Simroth (75) combat vivement les opinions de Schmidt : « Si l’on admet avec moi, dit-il, que la forme et le nombre des otolithes ont une origine accidentelle, on devra leur dénier cette haute valeur que leur attribue A. Schmidt... La multiplicité des calculs chez Paludina vivipara et la présence d’une seule otolithe chez P. impura prouvent que c’est un moyen de classification artificiel. Il en est de même peut- être de la Bythinie, où Moquin-Tandon dit avoir trouvé plu- sieurs otolithes, tandis qu’il est combattu par Schmidt, lequel n’en a trouvé qu'une seule. Pour un fait si sûr et si facile à constater, il me semble qu’une erreur est à peine croyable, si tant est qu’elle soit possible, et si l’on admet le rôle subor- donné des otolithes qui découle de mes observations, les deux opinions pourraient bien être également vraies. » Jhering (73) reprend la thèse de Schmidt, mais sans l’exa- gérer autant. D’après lui, « les familles les moins élevées ont des otoconies et les formes plus élevées en organisation des otolithes ». Observation curieuse ; Jhering trouve le moyen de justifier sa classification en Orthoneures et en Chiastoneures en appliquant son principe ! Il justifie une classification qui repose sur des observations erronées, en s'appuyant sur des observations exactes. Ainsi les Chiastoneures les moins élevés en organisation sont pourvus d’otoconies (Aspidobranches, Cyclophoridés, Paludinidés), les plus élevés ont des otolithes (Littorinidés, Rissoidés, Hydrobiidés, Aciculidés, Vermétidés, Turritellidés). Il en serait de même chez les Orthoneures : les types inférieurs ont des otoconies (Ampullaridés, Valvatidés), les autres des otolithes (autres Ténioglosses, Toxiglosses et Rachiglosses). D’après Jhering, les Mélaniidés auraient des otoconies, mais la Melania Cubele aurait des otolithes; il en serait de même des Cérithidés, sauf les Planaxis et Triforis, 420 E.-L. BOUVIER. les Scalaridés auraient aussi, tantôt des otoconies, tantôt des otolithes. Jhering range provisoirement les Bythinies à côté des Paludines; mais, si elles ont réellement des otolithes, elles devront se placer à côté des Hydrobies. Quand on a lu ces travaux si discordants, on est pris d’une grande indécision. La présence d’une ou de plusieurs pierres dans les sacs auditifs a-t-elle réellement une importance systématique ? N’existe-t-il pas des passages entre les formes à otolithes et les formes à otoconies? Y a-t-il réellement des familles où l’on trouve à la fois des otoconies et des otolithes? Ces familles critiques se limitent-elles aux seuls Mélanndés et Scalaridés ? Les Bythinies, qui ont servi d’argument à la discus- sion, ont-elles des otoconies ou des otolithes? Peut-on justifier dans une certaine mesure la classification de Jhering, en se servant des otolithes et des otoconies ? Je crois pouvoir apporter une solution à toutes ces ques- tions et donner une juste valeur aux diverses opinions jus- qu'ici émises : 1° Prosobranches pourvus à la fois d’otolithes et d’otocomes. — Les familles litigieuses sont celles des Mélannüdés, Turri- tellidés, Cérithidés, Hydrobidés (Bythinie) et Scalaridés. Je n'ai pas étudié suffisamment les Scalaridés, mais J'ai fait des études assez complètes et quelquefois très complètes sur toutes les autres. Les Mélanidés renferment des espèces à otolithes, d’autres à otoconies. Les Melania costatu, amarula, tuberculata ont des otolithes; les M. filocarinata et asperata ont des otoconies. Les vrais Cérithidés n’ont que des oto- conies, comme j'ai pu m'en convaincre en étudiant les Ceri- thium, Vertagus, Tympanotomus, Potamaides, Pyrazus, Geri- thidea, Telescopium et Ceratoptilus. Les Planaxis ont des oto- lithes, mais il n’est pas possible d’en faire de vrais Cérithidés, ils sont beaucoup plus voisins des Littorines. Les Triforis ont une coquille et surtout une radule qui difièrent beaucoup de celles des Cérithidés; je ne les ai pas étudiés, mais on peut croire qu'ils formeront une famille à part. Si les observations de Jhering sur la Turritella communis sont exactes, les Turritel- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 421 lidés renferment aussi des formes à otolithes et des formes à otoconies ; en effet, d’après Jhering, la T. communis a une seule pierre dans l’otocyste, tandis que j'en ai trouvé plusieurs chez la T. rosea. Je puis trancher également la question rela- tive aux Bythinies : la Bythinia tentaculata n’a qu’une oto- lithe, mais celle-ci se brise presque spontanément dans les préparations, et il faut opérer vite et avec beaucoup de som pour ne pas tomber dans l’erreur de Moquin-Tandon. 2 Formes de passage. — Entre les types à otoconies et . ceux à otolithes, on trouve des formes de passage dont les plus significatives se trouvent dans les Cérithidés et surtout dans les Turritellidés. Parmi les Cérithidés on peut relever la série suivante : Cerithidea obtusa......... Otoconies toutes égales et petites. Ceratoptilus lævis........ Otoconies dont les dimensions sont peu différentes. Cerithium vulgatum...... Différences un peu plus prononcées. Telescopium fuscum....... Otoconies de dimensions extrêmement variables. Cerithium Mediterraneum. Une grosse otoconie, et de petites otoco- nies égales. Enfin chez les Turritellidés, la Turritella rosea (fig. 98) possède de nombreuses otoconies et une otolithe ronde aussi grosse au moins que celle de la Bythinie. On a vu précé- demment que ces familles établissent, à tous les points de vue, la transition entre les dialyneures et les zygoneures. Jhering attribue aux otolithes une structure et une origine particulière qui ne rappelle en rien celles des otoconies. Schmidt ayant déjà signalé des otoconies plus grosses que les autres chez les Mélanidés, Jhering prétend que ces for- mations ont complètement la structure et l’origine des oto- conies, dont elles ne diffèrent que par leur plus forte dimen- sion. Or je puis assurer, et je possède des préparations qui l'établissent d’une manière péremptoire, que les grosses oto- conies des Cérithidés ont la même structure concentrique et 499 E.-L. BOUVIER. radiale que les otolithes typiques, mais elles sont plus où moins ovalaires, et non pas rondes comme les otolithes. En outre les Turritelles (T. rosea) ont à la fois une très grosse otolithe ronde à stries concentriques et radiales et de petites otoconies. C’est une singulière erreur de vouloir limiter les otoconies à un groupe et les otolithes à l’autre : « La nature ne procède point par sauts », il y a longtemps qu’on le répète, mais il semble que, dans cette question des otocystes, on se soit plu à l'oublier. 3° Importance Systématique des pierres auditives. — C'est exagérer considérablement la valeur d’un caractère que de vouloir, d’après lui seul, assigner une position systématique à un animal. Les Bythinies sont des Hydrobidés, non point parce qu’elles ont une seule otolithe ronde, mais d’après Îles caractères principaux tirés de leur organisation. À part ces réserves, je pense que les otoconies appartien- nent aux Prosobranches qui occupent le rang le plus bas dans l’ordre, les otolithes à ceux qui occupent le rang le plus élevé (”); il suffira de jeter un coup d’œil sur le tableau méthodique placé à la fin de ce travail pour s’en convaincre. Il est évident, d’ailleurs, qu'on ne justifiera pas une classifi- cation d’après ce caractère, surtout la classification de Jhering en Orthoneures et Chiastoneures qui est manifestement inexacte. Je le répète, c’est une erreur de croire que les Pro- sobranches forment une série linéaire; ils forment, au con- traire, un grand nombre de séries qui divergent à partir des formes qui leur servent de point de départ ; dans chaque série, ce sont les formes les plus inférieures qui doivent présenter des otoconies, mais on exagérerait encore en voulant appli- quer cette règle dans tous les cas : 1° parce que tous les caractères ne se développent pas simultanément, les uns sont en avance, les autres sont en retard, et cela varie suivant les (*) Il est manifeste que, dans cette question, l’embryogénie ne s'accorde pas avec l'anatomie comparée; en effet, il n’y a au début qu’une otolithe dans l’otocyste; pour que l’accord püût s'établir, c’est le contraire qui devrait exister. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 493 genres; 2 parce que les influences dues à l’atavisme se font parfois sentir, surtout chezles animaux d’eau douce, terrestres ou pélagiques. On ne saurait établir une classification natu- relle des animaux sans tenir compte de l’ensemble de leurs caractères, qu’on devra plutôt peser que compter, en suivant les règles de la subordination des caractères (3, 4) si l’on ne veut tomber dans les errements des systèmes artificiels. Loi des connexions. — Énoncée par Geoffroy Saint-Hilaire, la loi des connexions a donné naissance aux travaux désormais historiques de Savigny, d'Audouin et Milne-Edwards, de M. Blanchard et de M. de Quatrefages. Elle a inspiré les plus beaux travaux de M. de Lacaze-Duthiers et l’a conduit notam- ment à établir les rapports des otocystes avec les ganglions cérébroïdes. Si cette loi avait besoin d’une vérification, je pourrais dire que mes recherches sur le système nerveux et l’organisation des Prosobranches l’ont confirmée de la manière la plus complète; elle m’a permis d'établir l’homo- logie d'organes très différents, soit par leur nature, soit par leur position. Limitée au groupe que j'ai étudié, cette loi peut se formuler en disant que : les mêmes parties du corps sont toujours innervées par les mêmes parties du système nerveux. Les formations céphaliques sont toujours innervées par les ganglions cérébroïdes; les formations pédieuses par les ganglions pédieux ; le manteau, les organes qu'il porte, et une partie des parois du corps par les ganglions palléaux, sus-intestinal et sous-intestinal, les viscères par les ganglions viscéraux et buccaux, etc. C’est en appliquant cette loi qu’on a pu établir des homologies entre les diverses branchies et fausses branchies, distinguer différentes espèces de pénis et la nature pédieuse, palléale ou pariétale des formations com- munément appelées épipodiales. J'ai relevé dans la partie descriptive de ce travail un cer- tain nombre de faits qui établissent très nettement la géné- ralité et la constance de cette loi. Il n’en est pas de plus frappant peut-être que celui offert par la branchie mono- pectinée des Ampullaridés. Gette branchie est à droite, mais 49% E.-L. ROUVIER. elle est innervée par le ganglion sus-intestinal et la branche sus-intestinale de la commissure viscérale ; par conséquent, quoique située à droite, elle correspond morphologiquement à la branchie gauche des autres Prosobranches. RAPPORTS DE POSITION ENTRE LE SYSTÈME NERVEUX ET LES DIVERS ORGANES Avec l'appareil circulatoire (pl. XIV, fig. 63). — L’étude des rapports du système nerveux avec l’appareil circulatoire est certainement très intéressante ; elle paraît offrir des varia- tions considérables dans les diverses classes de Mollusques et même chez les divers Gastéropodes. On manque sans doute de matériaux pour généraliser actuellement, et je me conten- terai de signaler ici les résultats que j'ai obtenus par quel- ques injections. Chez le Buccin, l'aorte se bifurque presque immédiatement après sa sortie du ventricule, l’aorte postérieure (Â'o) plonge dans les viscères et l'aorte antérieure (Ao) se dirige en avant. Elle pénètre dans les parois gauches du corps, passe sous la branche sus-intestinale de la commissure viscérale et pénètre très obliquement dans la cavité antérieure du corps; là elle se dirige à droite en passant sous l’œsophage et sous l’extré- mité antérieure de la glande spéciale (fig. 61), puis se dirige en avant parallèlement à l’œsophage; elle pénètre alors dans les colliers nerveux sous l’œsophage et émet dans l’intérieur des colliers un certain nombre de branches importantes; l’une d'elles est l’artère proboscidienne (Ab) qui prolonge l'aorte dans la trompe. Cette artère suit le même trajet que l’œsophage, auquel elle se trouve reliée par des fibres conjonctives; toutefois l’œsophage passe en arrière de la commissure buccale (4°), l’artère proboscidienne en avant, de sorte que la commissure est comprise entre l'artère en avant et l’œsophage en arrière. Trois autres branches se détachent de l’aorte dans les colliers : deux artères laté- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 495 rales (A!) et l’artère pédieuse (Ap). Les artères latérales s'écartent à angle droit du tronc principal, traversent cha- cune le triangle latéral qui leur correspond et le remplissent complètement; ces artères latérales sont essentiellement destinées aux tentacules. L’artère pédieuse poursuit son tra- Jet en avant, passe sur les ganglions pédieux et se bifurque bientôt avant de plonger dans le pied. Cette disposition est commune à tous les Rachiglosses, et chez les Olives, dont le système nerveux est très concentré, il est extrêmement diffi- cile de mettre en évidence les triangles latéraux fermés par les artères latérales. Je n’ai pas étudié jusqu'ici les autres Prosobranches à ce point de vue, et l’on doit s’attendre à trouver des différences dans les détails; mais chez les Toxiglosses et tous les Ténio- glosses où j'ai pu étudier l’aorte dans le courant de la dis- section, je l’ai vue passer sous la branche gauche de la commissure viscérale et traverser complètement les colliers nerveux. M. de Lacaze-Duthiers (50) a signalé cette particu- larité dans le Vermet, etM. Poiriera trouvé, chez l’Halia (111), une irrigation absolument identique à celle du Buccin. Ainsi, l’aorte antérieure traverse complètement les colliers nerveux chez les Prosobranches étudiés jusqu'ici. On sait que l’aorte antérieure passe, au contraire, entre les ganglions pédieux et viscéraux chez les Pulmonés, et Jhering (80) étend cette disposition à la plupart des Opisthobranches. Ces deux dispositions sont très différentes et méritaient d’être mises en relief. Jhering les explique par des conceptions théoriques qu’on peut admettre si l’on veut, mais qu’il est très difficile de discuter. Glandes salivaires, glande spéciale impaire. — Chez les As- pidobranches, la commissure cérébroïde est située entre les lèvres et le point où les glandes salivaires débouchent dans la masse buccale ; il en est de même chez quelques Ténioglosses (Ampullaridés). Alors les conduits salivaires ne peuvent évi- demment traverser les colliers nerveux, mais on observera cependant que si la commissure cérébroïde était ramenée en 426 E.-L. BOUVIÉR. arrière de la masse buccale, dans ce trajet récurrent, les glandes salivaires ou leurs conduits traverseraient à coup sûr les colliers. Chez les Naticidés, les glandes salivaires sont géné- ralement très réduites, et situées en avant des colliers nerveux au voisinage de la masse buccale ; ici encore les conduits sali- vaires ne sauraient traverser les colliers. | En général chez les Ténioglosses, les conduits sali- vaires traversent les colliers nerveux comme chez les Pul- monés. Mais déjà se présentent des exceptions, en dehors des cas particuliers signalés plus haut, dans le groupe même des Ténioglosses. Une exception est offerte par les Calyptréidés. Dans cette famille, les glandes salivaires ne sont pas également développées partout, et je n’ai pas réussi à les mettre en évi- dence dans l’Infundibulum tomentosum ; mais je les ai bien observées chez le Crucibulum ferrugineum et la Crepidula for- nicata. Dans la première espèce, les glandes salivaires forment un tube qui s’élargit d'avant en arrière et se termine dans un renflement peu saillant : elles sont, du reste, relativement réduites et situées en avant des colliers nerveux. Dans la seconde espèce, les glandes salivaires ont la même forme, mais elles sont beaucoup plus développées, atteignent et dépassent même un peu les colliers nerveux, mais elles ne les traversent pas. À ce point de vue, les Calyptréidés établissent une transition entre les Ténioglosses et le groupe formé par les Toxiglosses et les Rachiglosses. En effet, chez les Rachiglosses et les Toxi- glosses, les conduits des glandes salivaires normales ne traver- sent pas les colliers nerveux (‘). Le fait n’a pas été signalé jusqu'ici, que je sache, et les figures de Quoy etGaymard pour - raient même donner une idée absolument différente ; les glandes salivaires avaient même été méconnues jusqu'ici chez tous les Toxiglosses, et on leur donnait pour homologues la glande à venin ou glande spéciale impaire. Je ne connais pas (*) Dans tous les traités de zoologie, on considère les colliers nerveux comme traversés toujours par les conduits salivaires. On voit qu’il n’en est rien en réalité. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 497 d'exception jusqu'ici à la règle que je viens d'établir et l’on peut douter qu'il en existe dans un groupe aussi homogène. Je dois dire toutefois que les glandes salivaires sont très courtes et lo- gées dans la trompe chez les Gancellaires ; que, par suite, elles ne peuvent traverser les colliers nerveux ; mais, si l’on suppo- sait les colliers nerveux ramenés en avant, il est clair qu'ils n’embrasseraient pas les conduits salivaires dans leur marche. Quelle raison peut-on donner pour rendre compte des diffé- rences frappantes quiexistent entre les Ténioglosses d’un côté, les Toxiglosses et les Rachiglosses de l’autre ? Chez les Rachi- glosses et les Toxiglosses, à l'exception des Cônes, les glandes salivaires en grappe recouvrent ou surplombent les colliers nerveux ; leurs conduits sont donc à peine plus longs que la trompe. En fait, si les conduits salivaires croissent moins rapi- dement en longueur que l’appareil proboscidien, les glandes se rapprocheront des centres nerveux, les traverseront et fina- lement se trouveront à la partie antérieure des colliers nerveux que leurs conduits ne traverseront plus parce qu’ils ne sont pas assez longs pour atteindre les centres. Get état est offert par les Crucibulum, les Naticidés et les Cancellaires. Une fois que les conduits salivaires auront acquis cette indépendance vis-à-vis des colliers nerveux, celle-ci pourra se perpétuer, quelles que soient d’ailleurs les dimensions prises ultérieure- ment parles glandes salivaires et par leurs conduits. C’est ainsi qu’on verra, chez les Cônes, de longs conduits salivaires qui pourtant ne traversent pas les colliers nerveux. Cétte explication concorde parfaitement avec les données fournies par l’anatomie comparée des Prosobranches. Exa- miné dans son ensemble, ce groupe présente, au point de vue qui nous occupe, les modifications successives suivantes : 4° Glandes salivaires à conduits très courts, situées contre une masse buccale très forte, en arrière des colliers nerveux qui embrassent la masse buccale en avant (Aspidobranches, Ampullaridés) ; 2° Glandes salivaires à conduits de plus en plus longs, et éloignées de la masse buccale de plus en plus réduite ; con- 498 E.-L. BOUVIER. duits salivaires traversant maintenant les colliers nerveux qui s’éloignent de plus en plus de la masse buccale (presque tous les Pectinibranches ténioglosseset pténoglosses) ; 3 Conduits salivaires encore très longs, mais glandes sali- vaires ramenées au niveau des centres nerveux par suite -du développement de la trompe ; les conduits ne traversent plus les colliers nerveux très éloignés ordinairement de la masse buccale fort réduite (Toxiglosses et Rachiglosses). Il est intéressant de constater le parallélisme qui existe entre la réduction de la masse buccale, le recul en arrière des colliers nerveux et l’allongement, très fort au milieu de la série, plus faible à la fin, des conduits salivaires qui arrivent à acquérir une indépendance complète vis-à-vis des colliers nerveux. On trouve très rarement deux paires de glandes salivaires chez les Prosobranches. Je n’ai constaté le fait que dans deux familles, chez les Ténioglosses (Janthinidés et Scalaridés) ; M. Poirier, chez les Rachiglosses, a signalé deux paires de glandes salivaires dans l’Halia priamus (111), et j'en ai trouvé moi-même deux paires chez les Purpuridés (Pourpre, Concho- lepas) et quelques Muricidés (Ocinebra erinaceus). Les deux paires de glandes salivaires des Janthines et des Scalaires sont des glandes en tube ; l’une est beaucoup plus réduite que l’autre : elles traversent toutes deux les colliers nerveux. Chez l’Haliu, une paire est formée par des glandes en grappe, l’autre par des glandes en sac allongé : leurs conduits ne sont pas très longs, et d’après la figure donnée par M. Poirier, ne doivent pas traverser les colliers nerveux. On a vu que les Cancellaires ont deux paires de glandes salivaires assez diffé- rentes et situées toutes deux en avant des colliers nerveux. Il n’en est pas de même chez les Purpuridés. La paire de glandes normales (glandes en grappe) a des conduits qui ne traversent pas les colliers nerveux. L’autre paire est formée par deux longs tubes glandulaires pelotonnés qui ressemblent beaucoup aux longues glandes des Cancellaires. Elles devien- nent plus grêles en avant et leurs conduits traversent les col- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 499 liers nerveux avant de se réunir en un seul conduit qui va s'ouvrir dans la masse buccale. Il en est de même chez les Ocinebra, notamment chez l'O. erinaceus, et cette espèce éta- blit par conséquent une transition entre les Purpuridés et les Muricidés. | Reste à signaler la glande spéciale impaire. Elle n’existe que chez les Naticidés en dehors des Rachiglosses. C’est alors un sac glandulaire excessivement épais, qui s'ouvre par un conduit dans l’œsophage. M. Malard (122) a montré que cette glande des Naticidés correspond au renflement glan- dulaire æsophagien de la plupart des Ténioglosses carnassiers. Dans les Rachiglosses, elle existe toujours (sauf chez les Harpes peut-être) ; dans les Toxiglosses, on la trouve chez les Conidés, Pleurotomes et chez un certain nombre de Terebra. Les Cancellaires du sous-genre Admete montrent cette glande sous sa forme la plus simple ; c’est un renflement œsophagien assez puissant, sinueusement découpé sur son bord externe ; ce renflement œsophagien se trouve en arrière des centres ner- veux. Chez les Halia, et peut-être aussi chez les Marginelles, c'est un siphon œsophagien qui occupe la même place. Toute- fois, je ferai remarquer que l’homologation du renflementdes Cancellaires, des Natices et du siphon des Halia avec la glande spéciale impaire peut être sujette à des contesta- tions. La glande spéciale se présente sous sa forme la plus réduite dans les Fuseaux ; c’est un tube irrégulier et allongé. Ce tube est beaucoup plus long et irrégulier dans les Tur- binelles, 1l prend l'apparence d’une glande large, flasque et peu solide dans les Buccins, où 1l se prolonge en arrière en un cul-de-sac relié à l'extrémité postérieure de la glande par un tube étroit et assez long; chez les Murex, la glande est massive, mais se prolonge toujours en arrière par un tube terminé en sac; la structure de la glande est à peu près la même chez les Purpuridés. Chez les Olives, elle ressemble assez à celle des Fuseaux, et s'ouvre dans l’œsophage par un conduit grêle, en arrière des centres nerveux. Elle occupe la même position chez tous les 430 E.-L. BOUVIER. Rachiglosses précédents. Chez les Volutes, la glande se ter- mine en arrière par un sac peu proéminent, à parois muscu- laires (fig. 92, 93); ce sac se prolonge en avant par un tube qui a la même structure, puis ce tube devient très orêle, traverse les colliers nerveux et s'ouvre en avant dans l’œsophage et peut-être dans la masse buccale. Il en est de même absolument chez les Pleurotomes, mais le sac postérieur est plus musculaire et plus développé. Chez les Cônes (fig. 91) le sac est énorme, mais son conduit ne se prolonge pas dans un canal grêle. Le conduit a la même forme chez les Terebra, mais le sac est assez réduit ; d’ailleurs la glande existe chez les T. cærulescens et T. aciculina, elle manque chez les T. duplicata, T.dimidiata, ete. Elle manque aussi chez les Cancellaridés. [l'est impossible de distinguer la glande des Toxiglosses de celle des Rachiglosses, et je dirai que la glande spéciale des Rachiglosses a la même significa- tion morphologique que la glande à venin des Toxiglosses, que cette glande est impaire et située en arrière des centres, son conduit traversant les colliers chez les Volutes et les Toxi- glosses. Connectifs buccaux. — Les connectifs qui se rendent des ganglions cérébroïdes aux ganglions buceaux offrent, avec la masse buccale, des rapports tout particuliers qui sont impor- tants, puisqu'ils correspondent avec la classification naturelle des Prosobranches. Chez les Aspidobranches etles Ampullaridés, les connectifs buccaux ont leur origine sur la saillie labiale en avant de la masse buccale, tandis que les ganglions buccaux sont placés sur la face postérieure de la masse buccale. Par conséquent, les connectifs doivent se diriger en arrière pour atteindre les ganglions buccaux; c’est, en effet, la direction qu’ils suivent, mais il est nécessaire d'ajouter que, dans ce trajet, ils passent sous les muscles superficiels de la masse buccale. Chez tous les Ténioglosses, au contraire, à l’exception des Ampullaridés, les ganglions cérébroïdes sont situés plus ou moins en arrière de la masse buccale et, par conséquent, des ganglions buccaux. ARTICLE N° {4 SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 431 Chez tous, sauf chez les Ténioglosses pténoglosses, chez les Naticidés, Cypræidés, Strombidés et Ghénopidés, les connec- tifs buccaux se dirigeant en avant à partir des ganglions céré- broïdes, pénètrent dans la masse buccale sur ses côtés, à une distance plus ou moins grande des lèvres, et reviennent en arrière dans les ganglions buccaux, en passant sous les muscles superficiels de la masse buccale. Chezles Naticidés et les Cypræidés, et peut-être aussi chez les Chénopidés, le trajet des connectifs buccaux n’est pas direct, car au voisinage des ganglions buccaux, ces connectifs sont retenus par quelques fibres postérieures de la masse buccale. Chez les Toxiglosses et les Rachiglosses, les ganglions buccaux se sont considéra- blement éloignés de la masse buccale (masse qui porte la radule), à moins que l’on n’homologue avec celle-ci le renfle- ment œsophagien qui précède immédiatement les ganglions buccaux. Ces derniers ganglions sont complètement libres et presque en contact avec les ganglions cérébroïdes ; leurs con- nectifs sont par suite excessivement courts et se rendent direc- tement des ganglions cérébroïdes aux ganglions buccaux sans traverser la masse buccale. Ainsi, chez les Aspidobranches et la très grande partie des Ténioglosses, les connectifs buccaux traversent plus ou moins complètement la masse buccale d'avant en arrière avant d'arriver aux ganglions buccaux ; chez quelques Ténioglosses et chez tous les Toxiglosses et Rachiglosses ils se rendent directement aux ganglions buccaux. La marche du phénomène est facile à comprendre, du moment qu'on admet Les liens qui rattachent les Ténioglosses aux Aspidobranches, les Rachiglosses et les Toxiglosses aux Ténioglosses. Les Aspidobranches ont les ganglions cérébroïdes en avant des ganglions buccaux, et le trajet du connectif buccal ne peut être que récurrent; d’ailleurs l’observation nous apprend que, chez les Aspidobranches, ce connectifrécur- rent passe sous les muscles superficiels de la masse buccale, Gette direction profonde des connectifs buccaux devra, par conséquent, se retrouver chez les formes qui se rattachent le plus directement aux Aspidobranches; je veux parler 439 E.-L. BOUVIER. des Ténioglosses. Seulement les ganglions cérébroïdes passant en arrière des ganglions buccaux et de la masse buccale, et s’en éloignant très peu (Paludinidés, Gyclostomidés, Littori- nidés, Hydrobidés, etc.) ou beaucoup (Calyptréidés, Trito- nüdés, Dolüdés, etc.), les connectifs buccaux auront la forme d’un crochet : ils auront une branche libre, allant d’arrière en avant des ganglions cérébroïdes aux côtés de la masse buccale et une branche profonde allant d'avant en arrière des côtés de la masse buccale aux ganglions buecaux. La pénétration des connectifs dans la masse buccale fixe ceux- ei à celle-là et exige ces deux branches. Mais comme les nerfs se rendent d'ordinaire directement de leur origine au champ de distribution, comme les connectfs surtout s'étendent directement entre les deux ganglions qu'ils unissent, on comprend que l’état offert par les Témioglosses n’est et ne peut être qu’un état d'équilibre instable. En effet, on voit les connectifs se libérer peu à peu vis-à-vis de la masse buccale chez les Ténioglosses, le trajet profond du con- nectif devenant de plus en plus réduit. Chez les Naticidés et les Cypræidés, les connectifs ne sont plus retenus que par quelques fibres aux parois postérieures de la masse buccale, et ils deviennent complètement libres chez les Toxiglosses et les Rachiglosses. Mais alors rien ne rattache plus les gan- glions buccaux au voismage de la radule et ils viennent se placer chez les Toxiglosses et les Rachiglosses, au mulieu du champ qu’ils innervent, c’est-à-dire au voisinage des gan- glions cérébroïdes, donnant à leurs connectifs un minimum de longueur. L'état offert par les Aspidobranches et les Am- pullaridés est stable : les ganglions cérébroïdes étant en avant des ganglions buccaux, la direction récurrente des connectifs s’impose ; il en est de même évidemment de l’état offert par les Toxiglosses et les Rachiglosses. Les Toxiglosses servent d’intermédiaire. M. de Lacaze-Duthiers a signalé le trajet profond des con- nectifs buccaux chez l’'Haliotide et le Vermet ; c’est tout ce qui aété dit sur ce sujet intéressant. L’embryogénie devra expliquer ARTICLE N° 1. a ©) SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 433 comment, chez les formes archaïques, ce connectif se trouve inclus dans l’épaisseur de la masse buccale; mais les résultats fournis par l’anatomie sont d’ores et déjà suffisants pour four- nir des documents importants à la systématique. IV Rapports naturels et classification des Prosobranches, RAPPORTS NATURELS DES PROSOBRANCHES Avant de discuter les hypothèses émises jusqu'ici pour déterminer les rapports naturels, ou, comme on dit parfois, la phylogénie des Prosobranches et des Gastéropodes, 1l sera utile d'envisager diverses questions qui se rattachent directe- ment à ces hypothèses, notamment la valeur des documents embryologiques jusqu'ici rassemblés, l’origine du système nerveux croisé des Prosobranches et les altérations subies par certains caractères dans la série des Prosobranches. L’embryologie comparée à l'anatomie. — Sauf un travail très intéressant de Sarrasin (99) sur le développement de la Bythinie, les travaux embryogéniques publiés jusqu’iei n’ont ouère éclairé le développement du système nerveux des Gas- téropodes. On n’est pas encore fixé sur l’origine des princi- paux ganglions nerveux dont les uns voudraient faire des formations épiblastiques, les autres des formations issues du mésoblaste. Je me limiterai, par conséquent, à l'étude du tra- vail de Sarrasin. Le système nerveux de la Bythinia tentaculata (pl. IV, fig. 18) est caractérisé, on l’a vu, par l'union presque intime des ganglions sus-intestinal et sous-intestinal avec les gan- elions palléaux, et de ceux-ei avec les ganglions cérébroïdes ; les ganglions pédieux sont assez éloignés des ganglions céré- broïdes et le ganglion viscéral es‘ sur la commissure au fond ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. III. 28. — ART. N° ü. 434 E.-L. BOUVIER. de la cavité palléale. L'auteur appelle la fausse branchie gan- olion olfactif ; il a résumé le développement du système nerveux en quelques lignes que je relève ici en employant la nomenclature que j'ai adoptée : « Deux plaques sensitives (Sinnesplatten) situées sur les côtés donnent naissance. aux ganglions cérébroïdes et palléaux. Une prolifération de la ligne médiane ventrale donne successivement d'avant en arrière : 4° deux ganglions pédieux ; 2° le ganglion sus- intestinal et le ganglion sous-intestinal ; 3° le ganglion abdo- minal. Les premiers s'unissent secondairement aux ganglions cérébroïdes et palléaux, les seconds aux ganglions palléaux, le troisième s’unit avec les seconds et indirectement les seconds se rattachent aux premiers (ganglions pédieux) par l'intermédiaire du connectif palléo-pédieux. Les différentes paires étaient primitivement réunies dans la prolifération médiane, c’est plus tard qu’elles se sont séparées pour s'unir de la manière précédente. La paire ganglionnaire buccale procède de l’œsophage ainsi que le ganglion olfactif à droite ou sur la ligne médiane dorsale. » C’est, ajoute Sarrasin, la marche typique suivie dans le développement du système ner- veux des Annélides et, en ce qui concerne la prolifération ventrale (celle qui a donné successivement naissance d’avant en arrière aux ganglions pédieux, sus-imtestinal, sous-intes- tinal et abdominal), « on peut à peine douter qu’elle corres- ponde à la chaine ventrale des Annélides ou mieux qu’elle représente la chaîne ventrale de la Bythine. » Il est impossible d’être plus précis et de mettre entre les mains des naturalistes un document plus précieux. Malheu- reusement, l'anatomie se trouve ici en contradiction formelle avec l’embryogénie, surtout en ce qui concerne les ganglions palléaux. Nous avons vu en effet que, chez les Prosobranches dont le système nerveux sert de point de départ à tous les autres (Aspidobranches chiastoneures, etc.), les gan- olions palléaux sont extrêmement éloignés des ganglions cérébroïdes et intimement confondus avec les ganglions pédieux, dans deux cordons palléo-pédieux. Ici, au contraire, ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 435 nous voyons les ganglions palléaux complètement distincts des ganglions pédieux et confondus avec les ganglions céré- broiïdes. En d’autres termes, le développement du système nerveux dans l'individu serait exactement l’inverse du déve- loppement du système nerveux dans l’ordre. Il est impossible d’être plus formellement en contradiction avec l'hypothèse du développement de Hæckel (67) : « La phylogénie est la cause première de l’ontogénie. » En admettant complètement les observations de Sarrasin, on doit se demander si l’embryo- génie d’une espèce ne reproduit pas, directement ou presque directement, le système nerveux d’un animal par les voies les plus rapides, sans répéter, comme on l’admet hypothétique- ment, les phases suivies par le système nerveux dans le groupe dont fait partie l’animal. Il est deux types qui permettront de répondre aisément à cette question, ce sont les Rhipidoglosses chiastoneures et les Littorines. Voici pourquoi. Chez un Troque, par exemple, les ganglions palléaux sont confondus avec les ganglions pédieux ettrès éloignés des ganglions céré- broïdes ; chez les Littorines, les ganglions palléaux sont déjà éloignés des ganglions pédieux, mais ne sont pas encore con- fondus avec les ganglions cérébroïdes ; en outre, et ceci est important, les ganglions sus-intestinal et sous-intestinal sont très éloignés des ganglions palléaux et non en contact avec eux comme chez les Bythinies. On pourrait ajouter à ces études l'embryogénie des Pourpres où tous les centres antérieurs sont étroitement rapprochés. Si, chez les Troques, les gan- glions palléaux se développent en relation étroite avec les ganglions pédieux et sans relations directes avec les ganglions cérébroïdes ; si, chez les Littorines, les ganglions sus-intes- tinal et sous-intestinal se montrent unis aux ganglions pal- léaux ; si enfin, chez les Pourpres, tous les centres antérieurs se développent aux dépens d’une même masse, ou si le gan- olion sous-intestinal se développe aux dépens des mêmes matériaux que les ganglions palléaux, on pourra conclure, de ces observations sur des types bien choisis, que l’embryogénie ne fait que construire au plus vite le système nerveux de 430 E.-L. BOUVIER, l'adulte et ne peut donner, de ce côté au moins, des rensei- gnements utiles à la phylogénie. Mais si, au contraire, chez tous ces types si divers, la marche du développement est la même que chez la Bythinie, on aura en main un document qui permettra de rattacher presque sûrement les Prosobran- ches aux Annélides. Je penche pour la première hypothèse et n’accorde pas à l’embryogénie une importance aussi grande dans cette question, puisque chez la Bythinie elle se montre en désaccord frappant avec l’analomie comparée du système ner- veux. Il est clair que si l’indépendance des ganglions palléaux vis-à-vis des ganglions sus-intestinal et sous-intestinal arrive à être vérifiée chez les autres types comme chez la Bythinie, on aura un argument important pour combattre les opinions que j'ai exprimées au sujet de ces deux derniers ganglions ; mais 1l est clair également que l’argument tiré de la seule Bythinie ne permet pas de les combattre sérieusement. En résumé, le travail de Sarrasin, par sa valeur même, réclame d’autres travaux analogues, et c’est alors seulement que l’em- bryologie comparée permettra peut-être de rapprocher les Prosobranches des Annélides. Torsion des Gastéropodes; chastoneurie. — Les premières Lentatives en vue d'expliquer la torsion du système nerveux des Prosobrauches ont été faites par M. de Lacaze-Duthiers. La commissure viscérale aurait été entrainée par la torsion du corps, par conséquent la branchie que nous appelons gauche n'est en réalité qu’une branchie droite déplacée à gauche. Il exprime cette opinion en traitant du système ner- veux de l’Haliotide (47), et il l’émet de nouveau en décrivant le système nerveux du Vermet (50). M. de Lacaze-Duthiers n'essaye pas, du reste, d'appliquer son hypothèse à tous les Gastéropodes. Dans ses monographies il ne généralise qu’avec une prudence très grande. Jhering reprend le problème dix-sept ans après M. de La- caze-Duthiers. Pour lui la question était beaucoup plus délicate que pour toutautre. S'il n’est pas dans l'obligation d'expliquer l’orthoneurie des Platycochlidés, qu’il rattache aux Vers tur- ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 437 bellariés, au moins lui reste-t-il à expliquer comment ses Orthoneures ont pu différer des Chiastoneures dans la classe des Arthrocochlidés (Prosobranches). Il critique d’abord, sans la nommer du reste, l'opinion de M. de Lacaze-Duthiers. Une torsion est suivant lui impossible, puisque la sole pédieuse aurait été amenée sur la tête. Alors il propose l'explication suivante. Faisant descendre directement les Chiastoneures des Amphineures et notamment des Chitonidés, il fait obser- ver que les organes des Amphineures ont subi un trouble profond chez les Chiastoneures ; ainsi l’orifice génital droit est seul resté, et l'anus qui se trouvait à l'extrémité posté- rieure du corps chez les Chitons est venu se placer à droite, le tube digestif devenant recourbé et circonvolutionné. Jhering admet que, dans ces déplacements, la commissure viscérale (du Chiton évidemment ?) a dû se déplacer aussi. Si alors un fin nerf parti de la commissure s’en va aux parois du corps, la commissure sera fixée pour toujours dans sa position, et plus tard des ganglions pourront se développer à la base des nerfs qui ont servi à la fixer. Ainsi, pour Jhering, le croise- ment de la commissure est antérieur à la formation des gan- olions sus-intestinal et sous-intestinal, et la Patelle lui sert d’argument parce que c’est un type primitif encore dépourvu, suivant lui, de ces ganglions. Puisque Jhering n’admet pas qu'il y ait de parenté entre les Orthoneures et les Chiasto- neures en dehors de la forme ancestrale, puisque, en un mot, on ne trouve pas de passage des Chiastoneures aux Ortho- neures, il est très commode d’expliquer les Orthoneures; ils dériveraient du type primitif par un simple déplacement de la branchie qui se rendrait de droite à gauche, entraînant avec elle le ganglion branchial (sus-intestinal) par-dessus l’œsophage (80). Spengel (89) admet que les Prosobranches, comme les * Ospithobranches et les Pulmonés, dérivent d’une forme ances- trale symétrique très voisine du Chiton; les Zeugobranches, les Haliotides et Les Fissurelles notamment, se rapprocheraient le plus de cette forme ancestrale, puisqu'ils ont comme elle 438 E.-L. BOUVIER. deuxreins, deux oreillettes, etc. Seulement les Zeugobranches ont déjà une commissure tordue, et si l’on explique les Zeu- gobranches, on aura expliqué les autres Prosobranches. Or si l’on transforme une Haliotide, 1° en ramenant l’anus d'avant en arrière; 2 en faisant exécuter pendant ce mouvement, une rotation de 180 degrés aux organes qui entourent l'anus, notamment aux branchies, de manière que la branchie gauche entraîne son organe olfactif et la branche gauche de la com- missure en passant en avant de l’anus, que la branchie droite décrive autour de l’anus un mouvement absolument contraire, on aura distordu la commissure et fait un animal assez sem- blable à un Chiton et ospithobranche comme lui à la suite du mouvement récurrent de l’anus, mouvement qui a entraîné la branchie en arrière du cœur. Les Chitons ont, il est vrai, un grand nombre de branchies que Jhering considère comme des formations épipodiales, mais Spengel les homologue avec les branchies de l’Haliotide et l’on voit qu'il serait facile d’ima- giner un mollusque ancestral orthoneure, ospithobranche, pourvu de deux branchies qui, par des déplacements inverses a ceux précédemment décrits, réaliserait complètement une Haliotide. C’est là ce qu’admet Spengel pour les Prosobran- ches, et il dérive très facilement les types à une seule branchie des types à deux branchies par atrophie de la branchie droiteet du rein droit. Les Ospithobranches dériveraient de la forme ancestrale sans déplacement de l’anus et des organes ; chezeux, comme chez les Prosobranches à une seule branchie, se seraient atrophiés les organes gauches de la forme ancestrale ; restant orthoneures, les Opisthobranches ont pu condenser autant que possible en avant leurs ganglions viscéraux. Au sujet des Pulmonés, 1l émet une opinion toute particulière. S’occupant des Planorbes qui sont sénestres, il dit : « Au premier abord il pourrait sembler que la position de l'organe olfactif à gauche soit le résultat simple et nécessaire de la torsion contraire du corps et de la coquille. Mais on voit nettement ici que la tor- sion de la commissure viscérale est absolument indépendante de la torsion du sac viscéral…, et le sens de la torsion du sac ARTICLE N° 1. . SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 439 viscéral n’est pas en rapport avec la position de l'organe. » Or chez l’Auriculaire qui est dextre, Jhering a indiqué sur le nerf palléal gauche un ganglion que Spengel considère comme l'organe olfactif ; donc les Pulmonés peuvent avoir un organe olfactif gauche, et comme en général on leur trouve un organe olfactif droit, Spengel conclut que « les Pulmonés descendent de Mollusques qui avaient encore deux organes olfactifs, le droit comme le gauche, et par conséquent ne dérivent pas de Tectibranches, n’ayant que le seul organe droit ». On sait que l'organe olfactif de Spengel correspond à la fausse branchie. Sarrasin (99) propose une autre explication basée sur l’embryogénie de la Bythinie. Il n'est pas très clair, et voici ce que j'ai compris de son hypothèse. Au début du développe- ment, le tube digestif est droit, étendu d’une extrémité à l’autre de la larve, et forme un cordon solide fixé par ses deux extrémités à l’ectoderme. Ce cordon plein ectodermique croît en longueur plus vite que lectoderme, par conséquent Îles deux extrémités du tube digestif se rapprochent, relativement du moins; la croissance du cordon est d’ailleurs symétrique. Dès lors, le cordon va former un are de plus en plus fermé; si lon suppose tracées sur ce cordon une ligne dorsale et une ligne ventrale, la croissance étant symétrique, ces deux lignes devront rester parallèles et égales en longueur pendant tout le temps que durera la courbure; donc il y aura torsion du cordon et ce sera un hasard si l’are est tourné vers la droite aussi bien que s’il est tourné vers la gauche. Si l’on suppose l'arc dextre, on voit que la ligne dorsale se tord autour de l'extrémité antérieure de 180 degrés, par-dessous et à gauche; que la ligne ventrale se tord en sens inverse de 180 degrés autour de l'extrémité postérieure. La torsion du tube digestif entraînera avec elle tout le nucléus viscéral, si bien que, théoriquement, l’animal pourrait être indifféremment dextre ou sénestre, quoique en réalité il soit presque toujours dextre. La « ligne primitive » ou si l’on aime mieux la chaine ven- trale de la Bythinie, qui donnera naissance en partie à la commissure viscérale, unit les deux extrémités du canal 410 E.-L. BOUVIER. intestinal et par conséquent devra subir la même torsion que lui. Évidemment le ganglion olfactif sera entraîné à gauche dans ce mouvement. Si les ganglions se séparaient de la ligne ventrale avant la torsion, leur déplacement ne se produirait pas. L'auteur ne dit pas s’il applique cette dernière supposi- tion à l'explication des systèmes nerveux orthoneures. O. Bütschli (119) a proposé récemment une solution mixte basée sur l’embryogénie de la Paludine et sur le système ner- veux de l’'Haliotide d’après M. de Lacaze-Duthiers. La forme ancestrale est encore une forme voisine des Chitons mais ayant une commissure ventrale par rapport au tube digestif; Büts- chli tourne ainsi une difficulté qui embarrassait Spengel, la présence d’une commissure dorsale chez les Ghitons. Seule- ment Bütschli établit par de bons arguments l'impossibilité du mouvement imaginé par Spengel pour expliquer la torsion. Il en propose un autre que lui a suggéré lPembryogénie de la Paludine. Partant de sa forme ancestrale chitonienne à deux branchies postérieures avec l’anus postérieur logé dans la gouttière palléale, 1l admet que, dans un certain stade du développement, une zone annulaire comprenant la bouche et anus est soumise à une croissance inégale. La zone droite interrompt sa croissance, la zone gauche s’accroît en propor- tion; le résultat est un déplacement de l’anus qui s’avance relativement vers la bouche et se trouve au côté droit du corps entrainant avec lui ses organes annexes, les deux branchies, les deux reins, le cœur et ses deux oreillettes ; le mollusque devient asymétrique. Lorsque l’anus est du côté droit, mais encore assez loin en arrière, on a le stade des Tectibranches, mais la branchie et l'oreillette gauche de la forme ancestrale ont disparu chez les Tectibranches ; dans tous les cas, Porga- misation est opisthobranche. L’anus se trouvant ensuite dans la position qu'il oceupe chez nos Pectinibranches, c’est-à-dire à droite, la commissure viscérale, entraînée par les branchies, n’est pas encore croisée et ce stade n’est représenté par aucune forme connue. Puis la cavité palléale, qui se creuse de plus en plus pendant ce mouvement, se développe beaucoup ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. AM en arrière et un peu obliquement à gauche; elle occupe bientôt toute l’extrémité antérieure du corps et les deux branchies sont logées dans sa cavité : la branchie ancestrale droite est à gauche, la branchie gauche à droite et la commis- sure viscérale est croisée. À mesure que la cavité palléale devient plus profonde, des feuillets branchiaux se forment en arrière de la branchie primitive libre, de sorte que, chez l’Haliotide, l’extrémité libre de la branchie correspond à la branchie de la forme ancestrale, tandis que la partie fixée est une formation nouvelle. L'auteur justifie la formation asymé- trique de la cavité palléale par l’innervation asymétrique du plafond de cette cavité chez l’Haliotide et le Vermet. On pour- rait, dit-il, faire descendre les Prosobranches à une seule branchie des Tectibranches ayant perdu de bonne heure la branchie ancestrale gauche, mais l’innervation asymétrique du plafond de la cavité palléale les rattache aux autres Proso- branches. Par une croissance toute particulière, la branchie ancestrale gauche à disparu et le rectum est venu se placer à droite. Il ne paraît pas exister de relation entre l’enroulement du sac viscéral et le reste de l’asymétrie; toutefois il y a une certaine dépendance entre ces deux phénomènes, puisque c’est une croissance exagérée à gauche qui a donné l’asymétrie décrite plus haut, comme aussi l’enroulement du sac viscéral. Et il ajoute : « Puisque les rapports du système nerveux chez les Pulmonés sénestres sont exactement l'inverse de ceux pré- sentés par les espèces dextres, nous sommes bien obligés de conclure que la chiastoneurie doit être renversée chez les Pro- sobranches sénestres (419). » Et il réclame l’étude des Lanistes, Ampullaridés sénestres. Prosobranches sénestres. — Or j'ai non seulement étudié les Lanistes sénestres, mais aussi les Meladomus, qui sont aussi des Ampullaridés sénestres, et le résultat est contraire à toutes les prévisions. Chez les Ampullaridés sénestres, les organes logés dans la cavité palléale, de même que le système nerveux, sont restés dans la même position que chez les Ampullaires dextres. L’anus, le pénis, la branchie, le bour- 449 E.-L. BOUVIER. relet dorsal sont toujours à droite, le poumon est au milieu et la fausse branchie est à gauche ; le système nerveux est chias- toneure et tordu dans le même sens que celui des Ampullaires. On ne peut dire néanmoins que l’enroulement du sac viscéral soit différent de celui de la cavité palléale et de l'extrémité antérieure du corps; ces deux enroulements sont les mêmes, ou plutôt il n’y a qu’une torsion sénestre qui commence en avant et se termine à l'extrémité du tortillon. J’ai voulu ensuite m’as- surer si le déplacement complet des organes, signalé par M. de Lacaze-Duthiers (65) chez les Physes et Planorbes sénestres, s’étendait aux autres Pulmonés. Les Physes et les Planorbes sont des Pulmonés aquatiques, j’ai choisi un pulmoné ter- restre et une espèce indifféremment dextre ou sénestre, le Bulimus perversus, et J'ai trouvé que cette espèce se comporte absolument comme les Pulmonés aquatiques : le rectum, l’anus, le conduit rénal et le pneumostome sont à droite dans les individus dextres, à gauche dans les individus sénestres. On peut donc conclure, avec une grande apparence de géné- ralité, que la torsion du corps entraîne avec elle Le déplace- ment des organes et change l’asymétrie du système nerveux chez les Pulmonés inoperculés, tandis qu’elle n’a aucune influence importante sur toutes ces parties chez les Proso- branches. Ce résultat étonnera peut-être, mais on ne pourra le contester, puisqu'il n’est pas d'observation plus simple et plus facile. Avec ce nouvel élément de discussion, on voit trop quels sont les côtés défectueux des hypothèses précédentes. Mon intention n’est pas de les reprendre une à une : il ne faut pas détruire les édifices qu’on ne peut remplacer, et j’avoue qu'il me paraît très difficile de résoudre un problème aussi com- pliqué au moyen d’une seule opinion hypothétique. Les hypo- thèses qu’on a proposées jusqu'ici multiplient les suppositions, plus difficiles chacune à démontrer que l'hypothèse elle- même. Une seule observation pour terminer. Les Prosobranches diffèrent des Pulmonés inoperculés par un caractère frappant ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 443 mais dont on tient assez peu compte en général. Chez les Pulmonés, le manteau est soudé en avant avec les parois du corps; un seul orifice, le pneumostome, donne accès dans la cavité palléale. Chez les Prosobranches, au contraire, le man- teau est complètement libre en avant aussi bien sur la face dorsale que du côté ventral. Ge fait n’aurait-il pas une certaine valeur pour expliquer les différences qui existent entre les Prosobranches et les Pulmonés? je le signale en passant, mais sans insister davantage. Conclusions. — Les idées les plus diverses ont été émises pour expliquer l’origine des Gastéropodes en général et des Prosobranches en particulier. Jhering répartit les Gastéropodes dans deux phylums dis- tincts : les Arthrocochlidés se rattacheraient aux Anné- lides par lintermédiaire des Amphineures (Chiton, Neome- nia, etc.) ; les Platycochlidés (Opisthobranches, Pulmonés) aux Vers turbellariés. Dans la seule classe des Arthrocochlidés ou Prosobranches, les Orthoneures formeraient un rameau parallèle aux Ghiastoneures (80). Spengel (89) rattache les Prosobranches, comme les Opis- thobranches et les Pulmonés, à une forme ancestrale com- mune, le Mollusque primitif (Urmollusk), voisin du Chiton, dont ces deux groupes divergeraient dès l’origine. C’est à peu près aussi l'opinion de Bütschli (119). En outre Spengel divise les Prosobranches qu’il appelle Séreptoneures, en raison de leur commissure croisée, en deux sous-ordres, les Zygobran- ches ou types à deux branchies égales et les Azygobranches ou types à une seule branchie. Sarrasin croit à une parenté des Prosobranches avec les Annélides, et accorde aux premiers une chaîne ventrale . formée des ganglions pédieux, sus-intestinal, sous-intestinal et viscéraux. C’est aussi l'opinion de Simroth et de Bronn et Keferstein, seulement ces derniers homologuent les ganglions pédieux seulement avec la chaîne ventrale des Annélides. B. Haller rattache les Prosobranches aux Amphineures, mais conteste absolument les homologies qu’on a établies 444 E.-L. RBOUVIER. entre les cordons palléo-pédieux de ces animaux et la chaîne ventrale des Annélides. IL est impossible de réunir des opinions plus diamétrale- ment opposées : pour Sarrasin les relations avec les Annélides seraient établies par une chaîne ventrale composée de gan- olions pédieux et viscéraux, pour Simroth par les ganglions pédieux seulement et e’est aussi l’opinion de Jhering ; pour Haller, la chaîne pédieuse des Mollusques ne présenterait que des apparences trompeuses de ressemblance avec la chaîne ventrale des Annélides. Je laisse ces opinions se combattre elles-mêmes sans vouloir en présenter une autre. Je crois pourtant que la chaîne palléo-pédieuse, si constante chez tous les Prosobranches inférieurs, rappelle jusqu’à un certain point les Vers et notamment les Vers annelés. [Il me parait impossible qu'une formation de cette nature, ganglionnaire et très approximativement scalariforme, se maintienne avec une constance absolue chez les formes inférieures et disparaisse progressivement à mesure qu'on se rapproche des types supé- rieurs, sans qu'elle rappelle une forme pourvue elle-même d’une chaîne ventrale. La parenté avec les Chitons me paraît encore moins pro- bable que toutes les autres. La chaîne ventrale des Chitons ressemble en effet à celle des Aspidobranches, mais la com- missure viscérale est essentiellement différente, puisqu'elle passe au-dessus du tube digestif. C’est une difficulté à laquelle se sont heurtés tous ceux qui ont voulu dériver les Gastéro- podes de formes voisines du Chiton. Spengel a signalé cette difficulté sans essayer de la résoudre ; Bütschli a voulu la faire disparaître en comparant cette commissure aux nerfs palléaux inférieurs de l’Haliotide ; mais les nerfs palléaux inférieurs (ceux issus des ganglions palléaux chez les Prosobranches) n’innervent pas les branchies et l’on comprendrait assez peu comment des nerfs palléaux énormes innervent un man- teau fort peu développé. Il y a d’autres différences impor- tantes dans l’organisation, mais celle-ci est essentielle, et puisque la commissure viscérale caractérise absolument le ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 445 système nerveux de tous les Mollusques, on est bien obligé de reconnaître que le système nerveux du Ghiton ne rappelle que de très loin le système nerveux des Mollusques. D'ailleurs, les Chitonidés n’apparaissent pas avant les Pleurotomaires dans les formations géologiques et l’on ne voit pas pourquoi on veut dériver les seconds des premiers. On pourra faire des- cendre, peut-être, tous les Mollusques des Vers annelés, car il est impossible de créer des phylums indépendants dans un embranchement aussi homogène malgré toutes ses variations, mais on aura de la difficulté à rattacher les Prosobranches aux Chitonidés. Les deux groupes sont également anciens et ils ont presque certainement divergé à partir de la forme com- mune, plus ou moins vermiforme, qui leur a donné naissance. CLASSIFICATION DES PROSOBRANCHES Éléments fondamentaux d'une classification naturelle. — Chez les Mollusques, le caractère dominateur par excellence est le système nerveux ; c’est avec lui qu'on peut caractériser le plus sûrement les classes et la plus grande partie des ordres de l’embranchement. Dans tous les cas, c’est le caractère essentiellement dominateur des Prosobranches, puisqu'il permet de les caractériser dans un seul terme: la chiasto- neurie. D'ailleurs ses modifications sont lentes et progressives : entre le système nerveux d’une Pourpre et celui d’une Fissu- relle, il y a des différences considérables cachées sous un même plan, mais on trouve tous les degrés entre ces deux extrêmes et ces degrés correspondent chacun à des types par- ticuliers qu’on rapprochera si l’ensemble des autres caractères ne s’y oppose pas. Car en général, un caractère ne saurait l'emporter à lui seul contre tous les autres. Parmi ces modi- fications du système nerveux dans l’ordre, on peut établir deux groupes correspondant aux systèmes nerveux dialy- neures et zygoneures; les zygoneures se rattachent étroitement aux dialyneures, mais ont toujours ou presque toujours une organisation plus élevée. 446 E.-L. BOUVIER. Dans l’ordre des Prosobranches les branchies ont la valeur de caractères du deuxième ordre. Elles ont encore une impor- tance extrême, puisqu'elles correspondent par leur forme à des modifications organiques importantes ; ainsi les Proso- branches à branchies bipectinées ont en général un cœur à deux oreillettes et à ventricule traversé par le rectum, un sys- tème nerveux à cordons palléo-pédieux scalariformes, un épipodium, une radule à dents très nombreuses, etc. ; au contraire les Prosobranches à branchie monopectinée n’ont qu'une oreillette, le ventricule n’est pas traversé par le rectum, les cordons scalariformes palléo-pédieux sont une exception extraordinairement rare, la radule est réduite à un petit nom- bre de dents, etc. Les caractères tirés du nombre des oreillettes et du ventricule traversé ou non par le rectum ont une impor- tance égale à ceux tirés des branchies. Le système nerveux caractérisant essentiellement les Pro- sobranches, et variant, d’ailleurs, d’une manière progressive et très lente, ne pourra pas servir à établir des groupes pri- maires dans l’ordre ; par contre, les caractères tirés des bran- chies et du cœur s'imposent pour établir ces mêmes groupes, qu'il faudra diviser à leur tour, en ayant recours à des carac- tères d’une moins grande importance. Ces caractères se présentent en assez grand nombre, et il faut citer tout particulièrement le siphon, la fausse branchie, le muñle et la radule. Il est impossible de ne pas accorder une erande importance à la fausse branchie et au siphon : leurs modifications sont trop progressives et trop parallèles à celles des autres organes importants pour qu’on dénie leur valeur. Mais ils se prêtent mal à l'établissement des groupes, et en cela présentent les mêmes inconvénients que les diverses modifi- cations du système nerveux. D'une utilité incontestable pour établir les affinités des familles, ils se prêtent mal à l’établis- sement des coupes zoologiques. Toutefois, en tenant compte des traces qu'il laisse sur les coquilles (coquilles holostomes et siphonostomes), on pourra se servir du siphon pour établir certains groupes de troisième ordre. On utilisera de la même ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 447 manière les modifications un peu moins progressives du mufle, sans tenir compte, bien entendu, des trompes anormales, comme celles des Terebra. Il faut éviter, en effet, d'accorder une égale valeur aux caractères normaux et aux caractères plus ou moins aberrants. C’est pour n'avoir pas tenu suffisamment compte de cette règle que Troschel a multiplié, plus qu’il ne convient, les groupes secondaires fondés sur la radule. Cet organe peut garder une homogénéité frappante dans toute l’étendue d’un sroupe naturel et devenir fort différent quand on passe d’un groupe à l’autre ; par là, il se prête à merveille à l’établisse- ment des groupes secondaires. D’une manière générale, on peut dire que le nombre des rangées de dents de la radule diminue à mesure qu’on s’élève dans l’ordre, et l’on verra plus loin que les trois types principaux, autour desquels viennent se ranger tous les autres, sont les types rhipidoglosses, ténio- glosses et sténoglosses (rachiglosses). Les caractères tirés de la coquille, du pénis, de la forme du corps, du tube digestif, etc., serviront à établir les affi- nités, à grouper les familles en séries, et à rattacher ses séries aux groupes voisins. Pour les besoins de la classification, les groupes doivent être aussi nettement limités que possible en histoire naturelle. On devra donc choisir, pour établir les groupes, les carac- ières qui présentent les sauts les plus brusques, s'ils sont suffisamment en accord avec les autres caractères. Ainsi, le système nerveux en général, la fausse branchie, le siphon, le pénis, l’appareil salivaire, sont sans doute des caractères très importants; mais par leurs variations progressives, ils se prêtent mal aux besoins de la systématique. La branchie, le cœur et la radule, par leurs variations relativement brusques, répondent, au contraire, très complètement à ces besoins ; elles serviront à établir des groupes primaires ou secondaires importants. Quand on voudra établir des groupes de troisième ordre, on se heurtera à des difficultés considérables ; on verra les carac- 448 E.-L. BOUVIER. tères varier en apparence sans continuité, faire des sauts brusques et inexplicables. Mais, si l’on veut bien y regarder de près, on s’apercevra aisément que les genres des groupes secondaires peuvent se réunir très facilement en séries dont les formes les moins modifiées se rattachent à l’un ou l’autre senre du groupe précédent. Ainsi, les Littorinidés ont donné naissance à une série, celle des Gyclostomidés, et se rattachent probablement par l’ensemble de leurs caractères aux Turbonidés, qui trouvent leur place naturelle dans le groupe secondaire des Rhipidoglosses chiastoneures. En un mot, les caractères ne varient pas assez progressivement pour qu’on puisse établir dans un groupe secondaire ou tertiaire une seule série progressive, susceptible d’être divisée aux dépens d’un ou deux caractères ; ils montrent, au contraire, la nécessité d'établir plusieurs séries où ils varient progres- sivement, séries qui peuvent se rattacher d’ailleurs les unes aux autres par des termes communs. C’est ce qui explique l'impossibilité où l’on s’est trouvé jusqu'ici de diviser ration- nellement les Ténioglosses et les Rachiglosses en groupes naturels de troisième ordre. Classifications les plus récentes. — L'ordre des Proso- branches a été fondé en 1846 par Milne-Edwards (24). Le savant naturaliste divisait les Gastéropodes en deux groupes ou sous-classes. L’un de ces groupes est formé par les Gasté- ropodes nageurs ou Hétéropodes. L'autre comprend deux sections : la première se limite aux Gastéropodes pulmonés ; la seconde à deux ordres qu’il établit pour la première fois : les Opisthobranches et les Prosobranches. L’oreillette et l’ap- pareil respiratoire sont en arrière du ventricule chez les Opisthobranches, en avant chez les Prosobranches. Milne- Edwards ne pousse pas plus loin ses divisions. Toutefois, il fait des Chitonidés un groupe satellite qui se rattache aux Prosobranches.— Troschel établit quatregroupes dansles Pro- sobranches, dont un de création nouvelle, celui des Pulmonés operculés ou Neurobranches. Les trois autres rappellent ceux créés par Cuvier, sauf le nom, qui est différent : ce sont les ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 449 Cténobranches, les Rhipidoglosses (Aspidobranches) et les Docoglosses (Gyclobranches). Il établit des subdivisions dans _ces groupes d’après la radule et réunit les Hamiglosses et les Odontoglosses de Gray aux Rachiglosses. Toutefois, Gray ne fait que deux coupes dans l’ordre, celles des Pectinibranches et des Seutibranches ; la première renfermant les Neurobranches, la seconde les Patelles et les Chitons. Gray et Adams intro- duisent un nouvel élément dans la classification, celui de la trompe, et établissent les sous-groupes des Proboscidifères et des Rostrifères. Ce résumé très succinct étant donné, nous devons insister davantage sur les classifications plus récentes. Une des clas- sifications les plus originales qui ait été proposée jusqu'ici est celle de Macdonald (52); si on la connait très peu, c’est que Vauteur ne vit pas la nécessité de donner un nom à ses groupes. Son caractère dominateur est la radule; à ce carac- tère est subordonné le contenu des otocystes; le mufle sert à établir les dernières divisions. Sa première section correspond aux Pténoglosses de Troschel, la seconde aux Pyramidellidés, la troisième aux Rachiglosses, Toxiglosses, Ténioglosses et Aspidobranches. L'auteur, qui paraît avoir connu un très grand nombre d'animaux, s'efforce de justifier les deux groupes des Pténoglosses et des Toxiglosses. Le défaut prin- cipal de sa classification, c’est d'envisager un nombre de caractères trop restreint. SE Bronn et Keferstein (55) suivent en grande partie la classi- fication de Troschel; mais ils introduisent dans l’ordre des Prosobranches un nouveau sous-ordre, celui des Chitonidés, qui forme pour eux un groupe aberrant. Les quatre autres sous-ordres sont ceux des Cyclobranches, Aspidobranches, Cténobranches et Neurobranches. Dans ce dernier sous- ordre, on voit les Hélicinidés à côté des Cyclostomes. Les Cténobranches sont divisés en deux groupes, les Holostomes et les Siphonostomes, d’après l’absence ou la présence d’un canal à la coquille. Mærch (96 bis) accorde à la radule une valeur systématique ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. I. 29, — ART. N° {. 450 E.-L. BOUVIER. excessive, et distance en cela Troschel et Macdonald. Sa clas- sification embrasse tous les Mollusques et ne ressemble à aucune autre. Son caractère dominateur est tiré de la pré- sence d’une ou deux oreillettes ; de là deux séries dans l’em- branchement des Mollusques : les Monotocardes (une seule oreillette), les Diotocardes (deux oreillettes). Chaque série se divise en classes d’après la réunion ou la séparation des sexes; enfin les classes se subdivisent en groupes d’après la radule. Voici, du reste, un résumé de cette classification : SÉRIE |. —— MONOTOCARDIA. | 1. Pulmonala : terrestres, fluviatiles, marins. CI. I. Androgynes... 2. Opisthobranchiata. | 3. Pélagiques, Pféropodes gymnosomes. Terrestres, fluviatiles, marins, parasites, pélagiques (Hé- téropodes). B. Proboscifères (Natices, Cyprées, Do- lium, ete.). IL. Rachiglossata : Buccins, Volutes, etc. III. Toxiglossata : Cancellaires, Terebra, Pleurotomes, etc. ! À. Rostriferes. 1. Tenioglossata. C1. II Exophallu. | Sexes séparés, ke) nis non rétractile. SÉRIE IÎ. — DIOTOCARDIA. a Terrestres (Hélicines). C1. LI. Pseudophal-| 1. Rhipidoglossata. B Fluviatiles (Néritines). ( y Marins (Nérites, Troques, Haliotides, elc.). Cyclobranchia : Patelles, Chitons. Cirvrhibranchia : Dentales. lia. Sexes séparés, pas de pénis....Ù I[. Heteroglossala. { Dimyaria. CI. IV. Acephala...: Heteromyaria. ( Monomyaria. La dispersion des Prosobrauches dans deux séries différentes est tout à fait impossible. Cette remarque suffit pour juger une classification abusive, quoique juste en certains points. Jhering (80) sépare complètement les Prosobranches des autres Gastéropodes. Il forme pour eux un phylum distinct, celui des Arthrocochlidés, qui se rattache aux Vers annelés par l’intermédiaire d’un autre phylum, celui des Amphineures (Chiton, Neomenia, etc.). Les Arthrocochlidés forment un phylum qui se divise en ARTICLE N° f. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 451 deux classes suivant que la commissure viscérale est ou n’est pas tordue. Ces deux classes sont parallèles et ne sont en contactqu’à l’origine. Les Chiastoneures forment deux ordres : les Zeugobranches et les Anisobranches. Les premiers ont deux branchies et correspondent aux Haliotidés, aux Pleuro- tomaridés et aux Fissurellidés ; les seconds n’en ont qu’une et forment trois sous-ordres : les Rhipidoglosses, les Patellidés et les Témioglosses. Les Orthoneures se divisent en deux ordres d’après la présence d’un mufle ou d’une trompe. Les orthoneures pourvus d’un mufle ou Rostrifères comprennent les Rhipidoglosses (Néritidés et Hélicinidés), les Pténoglosses et les Témioglosses. Les Proboscidifères forment également trois sous-ordres les Ténioglosses, les Toxoglosses et les Rachiglosses. La radule, dans la classification de Jhering, est reléguée au dernier rang. La classification de Spengel (89) se greffe très étroitement sur celle de Jhering. Les Amphineures forment une classe à part; les Gastéropodes en forment une autre qui se diviserait en deux ordres. Le premierordreest celui des Streptoneures ;1lestcaractérisé par une commissure viscérale tordue et correspond aux Pro- sobranches. Cet ordre se divise en deux sous-ordres : les Zygo- branches pourvus de deux branchies et les Azygobranches qui n’en ont qu'une. Son deuxième ordre, celui des Euthyneures, ne renferme que des orthoneures et comprend trois sous- ordres : les Ichnopodes (Opisthobranches), les Pulmonés et les Ptéropodes. On sait que Spengel rattache les Hétéropodes aux Prosobranches. Claus (102) emploie une classification mixte. Les Proso- branches forment pour lui quatre sous-ordres : les Placo- phores réduits aux Chitonidés, les Gyclobranches, les Aspido- branches et les Cténobranches (Pectinibranches). I divise les Aspidobranches en deux groupes : les Zeugobranches (deux branchies) et les Scutibranches (une branchie bipectinée). Les Cténobranches forment quatre groupes : les Pténoglosses, les Ténioglosses, les Rachiglosses et les Toxiglosses. Les 452 H.-L. BOUVIER. Ténioglosses se divisent eux-mêmes en Orthoneures et en Chiastoneures. M. P. Fischer (103) crée, pour les Amphineures de Jhering, un ordre spécial auquel il attribue le nom de Polyplacophores créé par de Blainville. Il sépare comme Claus les Hétéropodes des Prosobranches. Ces derniers forment deux sous-ordres : les Scutibranches et les Pectinibranches. ! Docoglosses (Cyclobranches). Pulmonés (Hélicinidés). Branchifères (Néritidés). | Anisobranches(Trochidés, etc.). | Zygobranches (Haliotidés, ete.). Gymnoglosses (Pyramidellidés, Eulimidés). Pténoglosses (Scalaridés, Janthinidés). Pectinibranches. { Ténioglosses (Solaridés, Cérithidés, etc.). Rachiglosses (Volutidés, Turbinellidés, etc.). Toxoglosses (Conidés, Cancellaridés, etc.). Scutibranches.. . ( Gymnopodes.. _Rhipidoglosses.. | ( Thysanopodes. Si l’on tient compte seulement de la division des Proso- branches en deux sous-ordres, cette classification doit être considérée comme réalisant un progrès sensible. Son défaut principal est d’exagérer singulièrement la valeur systématique de la radule au détriment de caractères primordiaux tels que le nombre des branchies, la structure du siphon et de la trompe, les rapports du système nerveux avec les organes, etc. Les Scutibranches et les Pectinibranches de M. Fischer correspondent, en partie, aux Diotocardes et aux Monotocardes de Mœrch. Je pense qu'il y aurait utilité à simplifier toutes ces classi- fications sans recourir à un grand luxe de termes nouveaux ; il y aurait surtout à justifier complètement la division des Pro- sobranches en deux sous-ordres, à donner à la radule une valeur systématique correspondant à son importance réelle et à établir entre les différents groupes des relations plus exactes. Deux sous-ordres. — On doit séparer complètement les Chitons des Gastéropodes dont ils diffèrent essentiellement par le système nerveux, les branchies et la symétrie du corps; ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 453 on acceptera très probablement pour eux le groupe des Amphineures créé par Jhering. Séparés des Chitons, les Prosobranches présenteront les caractères suivants : Symétrie bilatérale toujours détruire chez l'adulte, remplacée par une asymétrie dextre, très rare- ment par une asymétrie sénestre. Sexes séparés. Système ner- veux chiastoneure avec deux anastomoses palléales, très rare- ment orthoneuroide. Oreillettes et veines branchiales situées en avant du ventricule. Respiration branchiale, très rarement pulmonaire; branches logées dans une vaste chambre palléale, dans laquelle le rein s'ouvre à une distance plus où moins grande de l'anus ; fausse branchie lonque et bien développée, très rare- ment absente (Rhipidoglosses orthoneuroïdes) ; coquille existant toujours à l’état adulte, presque toujours spiralée et ordinai- rement operculée. Les Prosobranches se diviseront en deux sous-ordres d’après la structure du cœur et des branchies. Les uns ont un cœur à deux oreillettes, et une ou deux branches à deux rangées de feuillets, libres à leur extrémité antérieure; les autres n’ont qu’une oreillette, leur branchie est monopectinée et entièrement fixée au manteau. Les caractères tirés du cœur offrent une très grande généralité : tous les Proso- branches du premier sous-ordre, sauf les Hélicinidés, ont deux oreillettes; la branchie fait beaucoup plus souvent défaut (Patelles, Lepeta, Hélicinidés, etc.).Tous ces caractères sont liés à une organisation qui varie très peu dans l’étendue d’un même groupe. La présence de deux oreillettes et d’un ventricule souvent traversé par le rectum indiquant des affi- nités avec les Lamellibranches, il sera bon de choisir la nomenclature de Mœrch pour indiquer ces affinités : le pre- mier sous-ordre sera celui des Diotocardes (deux oreillettes), le second celui des Monotocardes (une seule oreillette) (‘). Les caractères essentiels des Diotocardes sont les suivants : (*) J'ai employé jusqu'ici la nomenclature adoptée en la pliant aux exi- gences de la description du système nerveux. Les Diolocardes correspondent exactement aux Aspidobranches, les Monotocardes aux Pectinibranches. 45% E.-L. BOUVIER. branchies bipectinécs, libres à leur extrémité, disparaissant parfois et remplacées par des lamelles palléales (Patellidés) qui peuvent manquer elles-mêmes (Lépétidés) ou par un poumon (Hélicimidés). Système nerveux chastoneure et dia- lyneure, parfois orthoneuroïde (Hélicimidés et Néritidés }, caractérisé toujours : 1° par une commissure labiale, ® par des cordons ganglionnaires scalariformes pédieux ou palléo- pédieux ; 5° par des connectifs buccaux récurrents et cachés sous les muscles buccaux ; 4 par une longue commissure cérébroïde située en arrière des lèvres; 5° par de longs connectifs latéraux ; 6° par wn seul ganglion viscéral; T° par des otocystes à nom- breuses otolithes. Fausse branchie filiforme située sur le bord libre de la branchie, rarement absente (orthoneuroïdes ?). Cœur à deux oreillettes, sauf chez les Hélicinidés. Une collerette entre le pied et le manteau. Masse buccale très développée et glandes salivaires très rapprochées de la masse buccale; mufte contractile ; radule caractérisée par la mulnplicité des denis centrales et surtout marginales. n. 1. n. 1. n, avec une seule dent latérale. Très rarement un pénis céphalique (Néritidés). Pas de siphon. En montrant que la branchie des Tectures correspond à la branchie'sauche des Diotocardes puisqu'elle est innervée par le ganglion sus-intestinal, en mettant en évidence l'existence de la commissure labiale et des cordons scalariformes dans tout le groupe, je crois avoir donné des arguments importants pour établir son unité. Les Monotocardes offrent beaucoup moims de caractères communs que les Diotocardes, mais leur homogénéité est telle que personne ne songe plus à en séparer les Neuro- branches ou Pulmonés operculés, à l'exemple de Tros- chel et de Bronn et Keferstein : les Hélicines se rapprochent étroitement des Néritidés et les Gyclostomes des Littorines. Il n’est pas possible d'établir un groupe, aussi faible qu’il soit, pour ces Pulmonés ; encore moins peut-on les confondre avec les Pulmonés inoperculés. Les caractères communs aux Monotocardes sont les suivants : branchie monopectinée com- ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES, 455 plètement fixée au manteau et correspondant toujours à la branchie gauche des Haliotides, très rarement absente et rem- placée par un poumon (Cyclostomidés, Aciculidés), plus rarement encore bipectinée (Valvée). Système nerveux tou- jours chiastoneure et le plus souvent zygoneure, exceplon- nellement pourvu d'une comimissure labiale (Paludinidés, Ampullaridés) et de cordons ganglionnaires pédieux scala- riformes (Paludinidés, Cyclophoridés, Cyprées); commissure cérébroide presque toujours très courte sifude en arrière de la masse buccale; les connectifs buccaux ne sont jamais com- plètement récurrents et profonds. Fausse branchie satllante et beaucoup plus développée que celle des Aspidobranches. Cœur n'ayant jamais qu'une seule oreillelte. Masse buccale variable, mais généralement réduite; mufle variable. La radule est caractérisée par une très grande réduction dans le nombre des dents, sauf chez quelques genres à radule anormale (Janthines, Scalaires, Solarium) ; elle ne présente qu’une dent centrale, qui peut même manquer dans certaines familles. La plupart sont pourvus d’un pénis et d’un siphon. J'ai déjà montré l'impossibilité d'établir un sous-ordre des Neurobranches pour les Pulmonés operculés. Il est encore bien plus impossible de diviser les Prosobranches en ortho- neures et en chiastoneures puisque, en réalité, une franche orthoneurie n'existe pas chez les Prosobranches. Si, à l'exemple de Jhering, on voulait tenter de faire une classification des Prosobranches d’après le système nerveux, on devrait établir deux sous-ordres : les dialyneures et les zygoneures. Toutefois cette classification ne ressemblerait en rien à celle de Jhering, puisque l’auteur allemand établit un parallélisme entre ses Orthoneures et ses Chiastoneures, tandis que les zygoneures se placeraient naturellement à la suite des dialyneures. Gette classification n'aurait d’ailleurs aucune valeur systéma- tique, puisqu'elle s’appuie sur un ‘caractère qui varie pro- gressivement et ne permet pas de limiter des groupes naturels. Deux caractères tirés du système nerveux présenteraient plus d’avantages : ce sont la commissure labiale et Les cordons 456 E.-L. BOUVIER. scalariformes; ces caractères se limitent pour ainsi dire au seul groupe des Aspidobranches, mais il vaut mieux choisir, pour établir les groupes, des caractères saillants et très visibles que des caractères profonds et difficiles à mettre en évidence. ï D'un autre côté, Spengel a suivi les errements de Jhering en créant ses deux sous-ordres des Zygobranches et des Azygo- branches. Les Zygobranches ont deux branchies, les Azygo- branches n’en ont qu'une. Mais les Tectures qui ont deux fausses branchies et une branchie montrent combien ces sous- ordres sont peu franchement divisés. En dehors de la bran- chie, quels caractères communs pourrait-on donner aux Zygobranches pour les séparer des Troques et des Turbo? Le système nerveux, le cœur, l’épipodium, lesotocystes, etc., sont les mêmes, et si les Zygobranches ont deux reins, les Patelles en ont également deux;l’un d’eux, chez les Fissurelles, est excessivement réduit, ce qui fait disparaitre la ligne de démar- cation. D'ailleurs, il n’est pas rationnel de séparer les Troques, les Turbo, etc., des Prosobranches dibranchiaux, pour les réunir aux Pectinibranches dans un même sous- ordre. Diotocardes. — Les Diotocardes comprennent deux sous- ordres de Troschel, les Docoglosses ou Cyclobranches et les Rhipidoglosses. Ces deux groupes ont été formés d’après la radule qui peut varier extraordinairement dans l'étendue d’un seul. Ainsi, on peut relever les formules radulaires suivantes : L ( Tectures 1. 2 (1. O0. 1) 2. 1. Docoglosses..... Patelles 3. 4 (2. O0. 2) 1. 3. | Lepeta 2 (0. 1. 0) 2. Cocculine 18. 1 (3. 1. 3) 1. 18. Neritopsis co. 1 (2. 0. 2) 1. «. . Néritidés co. 1 (3. 1. 3) 4. co. Hélicinidés co . 1 (4. 1. 4) 1. co. Rhipidoglosses... ( Hydrocænidés co. 1 1. 1. 1) 1. co. Turbo co (5. 1. 5) co. Haliotide co. 1 (5. 1. 5) 1. co. Emarginule oo (1 + 1) (4. 1.4) (1 + 1) æ. Scissurelle © 1 (4. 1. 4) 1. co. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 4517 Les Docoglosses diffèrent sensiblement des autres Dioto- _cardes, non point par leur radule qui offre des variations con- sidérables dans ce groupe, mais par leur cœur et par leur système nerveux. Le cœur, en effet, n’est plus traversé par le rectum, le système nerveux est pourvu d’une très forte commissure labiale, ganglionnaire dans sa partie inférieure et les ganglions palléaux sont assez bien séparés des cordons pédieux. À l’exception de la commissure labiale, tous ces caractères indiquent un organisme déjà très modifié. Le seul fait d’avoir un cœur traversé par Le rectum n’est pas suffisant pour séparer les Aspidobranches des Docoglosses, il est sans doute la conséquence de l’atrophie des organes respiratoires comme on en a la preuve en étudiant les Hélicines. Par tous leurs caractères, ces dernières sont des Néritines terrestres, mais la branchie ayant disparu, la cœur a cessé d’être tra- versé par le rectum, et, en outre, l'oreillette droite a disparu. Voilà des modifications bien plus profondes à coup sûr que celles subies par les Patelles et les Tectures ; ces dernières se sont modifiées en deux points seulement; elles ont perdu une partie de leur appareil branchial, et les rapports du rectum avec le ventricule ont cessé d’exister ; les Hélicines sont dans le même cas, mais l’appareil branchial a comple- tement disparu, en même temps que l’oreillette, et la respi- ration est devenue pulmonaire. Si personne ne songe plus aujourd’hui à séparer les Hélicinidés des Néritidés, à plus forte raison ne doit-on pas isoler complètement les Doco- slosses. L'importance de la radule ne peut être invoquée ici ; il n’y a pas plus de différence entre la radule des Pa- telles et celle des Cocculines, qu'entre la radule d’une Hélicime et celle d’une Hydrocène. Après le système nerveux, qui sert à caractériser l’ordre des Prosobranches, on a vu que le caractère dominateur devait être tiré des branchies. Or n'est-il pas manifeste que Îles Docoglosses, ayant toujours deux fausses branchies et quelque- fois même une branchie se rattachent étroitement aux Dio- tocardes dibranchiaux ou Zygobranches pour me servir 458 E.-L. BOUVIER. d’un terme créé par Spengel et repris par M. P. Fischer? La symétrie primitive apparente est encore indiquée par les deux reins et par la position médiane de l’anus; l’atrophie de la branchie droite entraînant sans doute la séparation du rectum et du cœur, voilà toute la différence. Il est d’ailleurs une famille qui doit former naturellement, ce me semble, le lien naturel des Zygobranches typiques aux Zygobranches réduits à une branchie et à deux fausses branchies : c’est la famille des Cocculinidés, représentée déjà par un grand nombre d'espèces dans le Carbonifère. Les Gocculines ont une coquille de Patelle, non nacrée intérieurement ; d’après Watson, elles auraient deux branchies inégales. En outre la radule 18.1. (3 + 1 +5) 1.18 comparée à celle des Patelles 3. 1. (2+0 +9) 1. 3nen diffère que par le nombre plus grand des dents marginales. En effet, la Cocculina spinigera n’a pas plus de dent centrale médiane que la Patelle, et, d’ailleurs, on trouve une dent cen- trale médiane chez les Lepeta. Ce qui frappe surtout dans la radule des Cocculines, c’est la grande ressemblance qui existe entre leurs dents et celles de la Patelle ; si l’on réduit à trois le nombre des dents marginales et si l’on supprime la dent cen- trale, la radule offrira les plus grandes ressemblances avec celle des Patellidés. Les Propilidium ont aussi deux branchies, une coquille de Patelle, sans nacre, et d’après Forbes une radule de Docoglosse ; leur position dans les Fissurellidés est considérée comme douteuse par les auteurs les plus compé- tents. On voit que les transitions ne font pas défaut entre les deux groupes, et je proposerai de diviser le sous-ordre des Diotocardes en deux groupes : les Zygobranches et les Azygo- branches. Ges termes ont été créés par Spengel, mais avec une tout autre signification : les Zysobranches de Spengel corres- pondent aux Prosobranches dibranchiaux, les Azygobranches à Ceux qui n'ont qu'une seule branchie. M. Fischer a repris le terme de Zygobranche, mais il ne l’applique qu'aux Pleuroto- maridés, Haliotidés et Fissurellidés ; les deux groupes créés dans les Aspidobranches par M. Fischer sont ceux des Doco- giosses et des Rhipidoglosses et sont fondés sur la radule. ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 459 1% groupe : Zygobranches. — Toujours deux fausses bran- chies ordinairement filiformes, deux branchies plus ou moins _symétriquement situées, la droite pouvant s’atrophier (Tec- turidés) et quelquefois aussi la gauche (Patellidés, Lépétidés). Deux reins, cœur à deux oreillettes, anus situé au fond de la cavité palléale entre les deux fausses branches. L’épipodium ne fait défaut que dans un certain nombre de Docoglosses. Très rarement des palmettes céphaliques (Haliotide). Pas de pénis ; reins s'ouvrant au fond de la chambre palléale sur les côtés de l’anus. Animaux marins. Cette généralisation repose sur une supposition tout à fait vraisemblable, la présence de deux reins, de deux oreillettes et d’un ventricule traversé par le rectum chez les Pleurotoma- ridés. On pourra maintenant diviser les Zygobranches en deux _sections ; l’une de ces sections aura pour caractère essentiel le cœur traversé par le rectum, l’autre aura un caractère inverse, Pour ne pas créer de termes nouveaux, je choisirai des termes dans la systématique habituelle ; la première section sera celle des Rhipidoglosses, la seconde celle des Docoglosses. 4 section : Rhipidoglosses. — Deux branchies, deux oreil- lettes et ventricule traversé par le rectum; ligne épipodiale garnie de tubercules ow de cirrhes. Radule rhipidoglosse normale © 1. (4. 1. 4). À. oo. Pleurotomaridés, Bellérophontidés, Haliotidés, Fissurel- lidés. % section : Docoglosses. — Une branche au plus (la bran- chie gauche), atrophiée chez les Patelles et les Lepeta. Le ventricule n’est pas traversé par le rectum. Manteau garni sou- vent de lamelles respiratoires. Ligne épipodiale nulle ou très réduite (Palinella, Helcion, ete.). Radule docoglosse très varia- ble, mais ayant au plus quatre dents centrales et, de chaque côté, deux dents latérales et trois marginales. Forte comnussure labiale. Tecturidés, Patellidés, Lépétidés. Si les Cocculines et les Propilidium viennent se placer ici, il sera très difficile de séparer les Rhipidoglosses des Doco 460 E.-L. BOUVIER. glosses ; mais à coup sûr les Docoglosses se rattacheront étroi- tement aux Fissurellidés, auxquels ils ressemblent par la réduction de la ligne épipodiale, l'absence de palmettes cépha- liques, la forme du corps et de la coquille, l'absence presque toujours complète d’une couche nacrée interne. Les Coccu- lines carbonifères, ou quelque forme analogue, sont peut-être la souche commune issue des Pleurotomaridés ou des Bellé- rophontidés, qui a donné naissance aux deux séries parallèles des Fissurellidés et des Docoglosses. Les Tryblidium et Palæacmæa siluriens, rangés aujourd’hui avec doute dans les Docoglosses, seraient sans doute ces formes communes qui rattachent les deux séries aux familles cambriennes à deux branchies. Les Haliotidés forment une famille à part, issue directement des Pleurotomaridés ou des familles cambriennes. Ils offrent beaucoup d’analogie dans la forme avec certains Azygobran- ches, tels que les Stomatiidés, mais ces analogies sont tout à fait extérieures ; la coquille auriforme des Stomatiidés n’est pas perforée, l'animal n’a qu’une branchie et ses cirrhes épi- podiaux peu nombreux rappellent bien plus ceux des Tro- chidés que ceux des Haliotidés. Les Stomatidés sont des Troques auriformes et il ne sera pas possible de trouver avec eux le passage aux Haliotides. D'ailleurs les Stomatiidés appa- raissent dans le Jurassique et les Haliotidés dans la Craie supérieure. 2° groupe : Azygobranches. — Une branchie bipectinée divisant au moins le fond de la cavité palléale en deux étages superposés; une fausse branchie, gauche comme la branclue ; très rarement la branchie disparaît et la respiration devient pulmonaire (Hélicinidés, Hydrocænidés). Cœur à deux oreil- lettes et à ventricule traversé par le rectum (sauf chez les Héli- cindés). Un seul rein s’ouvrant, soit à une assez grande distance en arrière de l'anus, soit par une fente en boutonnière au fond de la cavité palléale (Néritidés, Hélicinidés). Un épipodinm parfois très réduit. Parfois un pénis céphalique. Radule r hipi- doglosse à très nombreuses dents latérales. ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 461 D’après leur système nerveux, les Azygobranches se divi- sent naturellement en deux sections. Les uns ont un système nerveux chiastoneure, les autres un système nerveux en appa- rence orthoneure, mais réellement plus voisin du type chias- toneure que du type orthoneure. La première section sera celle des Chiastoneures, la seconde celle des Orthoneu- roides. 1° section : Chiastoneures. — Une branchie et une fausse branchie qauches ; la cloison branchiale divise la chambre palléale en deux loges : deux oreillettes, ventricule traversé par le rectum; ligne épipodiale qarnie de cirrhes peu nom- breux, mais très longs; pédoncules oculaires très distincts des tentacules. Très généralement des palmettes céphaliques. Rein ne s’ouvrant jamais par une fente en bouionnière au fond de la cavité palléale. Radule rhipidoglosse ayant généra- lement onze dents centrales. Marins. Turbonidés, Trochidés, Stomatndés, Delphinulidés, Gyclo- strématidés, Cocculinidés ? * 2 section : Orthonewroides. — Ordinairement une branchie gauche divisant le fond seulement de la cavité palléale en deux loges superposées. Système nerveux orthoneuroïide. Les branchifères ont deux oreillettes et le ventricule traversé par le rectum; les pulmonés (Hélicines) n’ont qu'une oreillette, et le ventricule n’est plus traversé par le rectum. La ligne épipodiale existe presque toujours, mais elle est très réduite et dépourvue de cirrhes; tentacules oculaires variables, pas de palmettes céphaliques. Rein s'ouvrant par une fente en boutonnière au fond de la cavité palléule. Coquille à tours de spires peu nombreux, souvent résorbés à l'intérieur; très sou- vent une callosité columellaire et un opercule calcaire muni d’une apophyse, jamais de couche nacrée. Radule rhipido- olosse ayant au plus neuf dents centrales et variant entre les extrêmes co . 1 (4. 1. 4) 1. (Hélicinidés), œ . 1 (1. 1. 1) 1. æ (Hydrocænidés) et æ . 1 (2. 0.2) 1. © (Néritopsidés). Cette section est caractérisée par une tendance marquée à vivre dans les eaux douces ou sur la terre. Quelques ortho- 462 E.-L. BOUVIER. neuroides sont franchement marins et branchifères comme les Neritopsis ; d’autres ont encore une branchie, mais vivent sur les côtes (Nérites) ou dans les eaux douces (Néritines). Les Hydrocænidés ont un poumon et vivent tantôt dans la zone littorale, tantôt dans les régions accidentées ; enfin lès Hélicinidés sont franchement pulmonés et terrestres. Néritopsidés, Macluréidés? Néritidés, Hydrocænidés, Héli- cimidés (Hélicines et Proserpines). Les Chiastoneures sont, à tous les points de vue, les Azygobranches les moins modifiés et les plus voisins des Zygobranches. Ils apparaissent dans le Silurien avec les Turbo, et leur organisation tout entière, en même temps que leur coquille, très souvent nacrée, les rattache très étroi- tement aux Zygobranches cambriens et sans doute aux Pleu- rotomaridés. Les Pleurotomaires actuels n’ont point de palmettes, il est vrai, mais le genre a donné de si nombreux représentants aux mers paléozoïques (quatre cents espèces) qu’on peut supposer, avec une apparence de raison, que tous n’avaient pas des caractères absolument identiques à ceux des rares Pleurotomaires actuels. On peut considérer les Turbo comme des zygobranches cambriens, ayant perdu une bran- chie, une fausse branchie et la fente palléale. Les Zygobran- ches chiastoneures forment par conséquent une série parallèle à celle des Haliotides, mais détachée beaucoup plus tôt de la souche commune. Je l’ai déjà dit, les Stomatia ne peuvent servir en aucune manière à relier les Zygobranches chias- toneures aux Haliotides. Les Turbonidés ont un opercule calcaire, les Trochidés un opercule corné ; mais les caractères tirés de l’opercule n’ont pas en général une grande impor- tance, surtout dans un groupe où l’on voit les Delphinuhidés protéger leur opercule corné par une couche calcaire. En outre, les Pleurotomaridés actuels n’ont pas de palmettes, exactement comme les Delphinulidés ; mais, si les Delphinu- lidés, qui se rattachent étroitement aux formes pourvues de palmettes, ont perdu ces appendices, on peut bien admettre que ces appendices aient existé chez une partie au moins des ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 4635 Pleurotomaridés anciens. En résumé, les Azygobranches chiastoneures se rattachent aux Pleurotomaridés ou au moins aux Zygobranches cambriens. Les Azygobranches orthoneuroïdes sont moins connus que les Chiastoneures. J'ai étudié les Nérites, Néritines, Navi- celles et Hélicmes, et malgré les différences dans la forme de la coquille et dans le genre de vie, j'ai trouvé partout une organisation au fond identique et des ressemblances pro- fondes avec les Chiastoneures. Cette section, qui correspond aux Gymnopodes de M. Fischer, offre une grande homogénéité en dépit des phénomènes d'adaptation. Elle se rattache étroi- tement aux Chiastoneures, dont elle représente une forme modifiée qui, par sa coquille dépourvue de nacre, dérive peut-être des Adeorbis. On peut douter, en effet, que les Macluréidés cambriens et siluriens doivent se ranger dans ce groupe. Les Orthoneuroïdes remontent tout au plus jus- qu'au Trias (Naticopsis) ou au Lias (Neritina). Monotocardes. — Dans la classification de Troschel, admise par Claus et par la plupart des naturalistes, le sous- ordre des Monotocardes se divise en quatre groupes d’après la radule : les Ténioglosses, Pténoglosses, Rachiglosses et Toxiglosses. À ces quatre groupes, M. P. Fischer en ajoute un cinquième, celui des Gymnoglosses (Monotocardes dépourvus de radule). Je suis loin de contester l'importance de la radule comme moyen de classification, Je crois mème pouvoir ajouter que mes recherches sur le système nerveux et les principaux traits d'organisation des Prosobranches, ont mis en évidence la valeur systématique de cet organe. Mais je l'ai déjà dit, et je le répète, il ne faut pas accorder une valeur systématique absolue à la radule, 1l faut se garder surtout d'attribuer une même valeur aux radules normales et aux radules anormales. Quand on aura placé les Gancellares à côté des Cônes dont elles s’éloignent par les caractères les plus importants, on aura fait une classification aussi artifi- cielle au moins que si l’on rangeait les Scalaires à côté des 464 E.-L. BOUVIER. Pyrules en raison de leur trompe très longue ou les Ranelles à côté des Murex. Du reste, l’histoire des Pténoglosses suffit pour juger un système fondé sur les radules anormales. Les Cassididés furent d’abord rangés dans le groupe des Pténo- alosses, Troschel y plaça les Actæonidés, les Janthinidés, Scalaridés et Solaridés; enfin M. P. Fischer ne laisse dans les Pténoglosses que les Scalaridés et les Janthinidés ; il range les Solarium dans le groupe des Témioglosses. L'anatomie établit, pour ainsi dire sans conteste, que les Pténoglosses et les Toxiglosses sont des groupes résiduels que le système de la radule n’a pas permis de classer ailleurs jusqu'ici. Cest à peu près l’opinion de M. Fischer : « La clas- sification fondée sur l’armature linguale n’est pas à lPabni d’objections. Elle a été employée souvent, faute de rensei- gnements suffisants sur les autres caractères zoologiques (103). » Je diviserai, par conséquent, les Monotocardes en deux groupes : les Ténioglosses et les Sténoglosses (Toxi- glosses et Rachiglosses). 1% groupe : Témioglosses. — Radule normale 2. 1.4. 1.9 parfois dépourvue de dent centrale, et multipliant alors ses dents marginales (Solarium, Scalaridés, Janthinidés), parfois encore ayant une dent centrale et trois ou quatre dents mar- ginales ou même pas du tout de dent marginale (Homalo- oyridés). Système nerveux chiastoneure, tantôt zygoneure, tantôt dialyneure, généralement dépourvu de commissure labiale et de cordons ganglionnaires pédieux scalariformes. Masse buccale très variable dans ses dimensions, ganglions buccaux toujours situés derrière la masse buccale, en contact avec elle et unis aux ganglions cérébroïides par des connectifs buccaux longs et parfois très longs; ces connecüfs, dans une parte de leur trajet, sont récurrents et passent sous les muscles buccaux externes; les exceptions à cetle règle sont très rares. Les conduits salivaires sont très variables, mais en général assez longs; ds traversent les colliers nerveux, sauf chez les Calyptréidés. Pas de glande spéciale impaire, sauf peut-être chez les Naticidés. Le plus souvent un pénis. Fausse ARTICLE N° Î. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 465 branchie variable ; le siphon palléal n’existe pas toujours. Otocystes à une ou plusieurs otolithes. De tous ces caractères, un seul est absolu, c’est la position des ganglions buccaux contre la masse buccale, loin des ganglions cérébroïdes. Quelques autres sont presque con- stants : 1° trajet récurrent et profond d’une partie des con- nectifs buccaux; 2 conduits salivaires traversant les colliers nerveux quand les glandes salivaires sont au voisinage ou en arrière des colliers; 3° absence de glande spéciale impaire. Les Ténioglosses se limitent franchement par leur branchie monopectinée (bipectinée chez les Valvées) et leur fausse branchie vis-à-vis des Diotocardes ; par les quatre caractères que je viens d’énumérer, ils se limitent nettement vis-à-vis des Sténoglosses. Ainsi les caractères anatomiques permettent de réunir en un groupe des animaux que la radule seule ne pouvait nettement diviser en deux. Un examen comparé de la radule dans ce groupe montrera combien les variations de cet organe sont considérables et permettent peu l’établissement de groupes, équivalents à celui des Ténioglosses, et uniquement fondés sur la radule. Gymnoglosses : Eulimidés et Pyramidellidés, bouche inerme. ( Scalaridés et Janthinidés, radule n. o. n. RTE Solarium n. 0. n. ( Solaridés.. Torinia 2. 1. 1. 1. 2. Pténoglosses.., Choristidés--.-c 02 NUE) Naricidés....... 1. 0. 1 (Gray) Homalogyridés.. NA IEPR TE Struthiolaridés.. 5. 1. 1. 1. 5. Triforis......... 4. + 17 1° 4. Ténioglosses... { Turritellidés.... 1. 4. 1 ou 2. 1. 1. 4. 2 ou 3. 1. 1. 1. 3 Jeffreysndés 7. 4 1rlbou 27121710 2 Cæcidés........ 2. 1. 2 (Adler). Lamellariidés.... 1. 1. 1 (Lamellaires) 2. 1. 1. 1. 2 dur à Cypræidés...... 3. 1. 1 1. 3 (Pédiculaires) ou 2. 1. 1. Autres Ténioglosses, radule normale 2. 1. 1. 1. 2. M. Fischer a fait justement remarquer que les dents nombreuses de Solarium devaient morphologiquement correspondre aux dents marginales des Olives incisées jusqu’à leur base et divisées dès lors en un très grand nombre de ANN. SC. NAT., ZOOL., 1887. III. 30. — ART. N° {. 466 E.-L. BOUVIER. dents ; pourquoi ne pas étendre cette remarque aux Scalaires et aux Janthines? Lorsqu'on étudie la radule des Témioglosses, on est frappé par la ressemblance profonde qui existe entre la dent marginale externe des Acicules, et surtout des Cyclo- stomes, avec la rangée de dents marginales des Prosobranches à langue es Les die marginales externes du Cyclostome sont pectinées, et, si l’on prolongeait les divisions jusqu’à la base, la radule deviendrait rhipidoglosse ; inverse- ment, si les dents marginales des Rhipidoglosses étaient concrescentes à leur base, elles ressembleraient énormément à celles des Gyclostomes. Que les divisions des dents margi- nales des Cyclostomes puissent devenir très profondes, on n’en pourrait douter en examinant les dents marginales des Ovules ; de là à pousser ces divisions jusqu’à la base, il n’y a qu’un pas, et cet état serait réalisé par les pténoglosses. En fait les dents marginales des Solariella (Hémenss) ressemblent énormément à celles des pténoglosses. Il n’est pas impossible qu’une partie des dents des pténoglosses ne provienne d’une division des dents latérales en plusieurs parties, et les Torinia, qui sont des pténoglosses à radule ténioglosse normale, pourraient fortifier cette opinion. Reste à expliquer la disparition de la dent centrale : en étudiant les Ténioglosses, on voit les dents centrales se modifier beaucoup ; rarement on en trouve trois (Ghoristidés), il n’en existe normalement qu'une seule, qui peut être très développée (Strombidés, Cassididés, ete.), ou trèsréduite (Torinia, certaines Turritelles, Jeffreysiidés, ete.) et peut même disparaître complètement (la plupart des pténoglosses, Naricidés). Les Solarium et surtout les Scalaires nous conduisent directement aux gymno- glosses, car leur radule extrêmement réduite présente des caractères d’atrophie manifeste, et l’exemple des Terebra nous montre que, dans un même genre, on peut trouver tous les passages entre une radule très réduite et une radule complè- tement atrophiée. En présence des modifications si nombreuses de la radule, on ne peut tenir compte des anomalies de cet organe pour ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 467 établir des groupes naturels, car ces anomalies ne corres- pondent pas à des modifications organiques justifiant la créa- tion de ces groupes. Autant 1l est naturel de créer avec la radule les deux groupes des Sténoglosses et des Ténio- olosses, faciles à caractériser à tous les points de vue, autant il est artificiel de donner aux pténoglosses une valeur égale à celle de ces deux groupes. II est impossible de trouver un seul caractère commun à tous les monotocardes rangés parmi les pténoglosses et, par conséquent, on ne saurait les séparer des Témioglosses. Je réunirai dans le groupe des Ténioglosses tous les Ténio- glosses avec les Pténoglosses et les Gymnoglosses, et je ferai observer que ce nouveau groupe, par tous ses caractères, établit une transition naturelle entre les Diotocardes et les Sténoglosses, comme le montrent les variations progressives et ascendantes du système nerveux, du contenu des otocystes, du siphon, du pénis, du mufle qui se transforme en trompe, de la fausse branchie filiforme qui devient peu à peu bipectinée, de la masse buccale qui se réduit progressivement, desglandes salivaires qui s’éloignent de plus en plus de la masse buccale et finissent par ne plus traverser les colliers nerveux, ete. La division des Ténioglosses en sections est très délicate si l’on veut donner des caractères précis aux sections et ne pas enfreindre les affinités naturelles. Le système nerveux et la fausse branchie, par leurs modifications lentes, ne peuvent servir à établir des groupes nettement limités ; avec la fausse branchie on devrait séparer les Ceratoptilus des Cérithidés et les Capulus des Hipponyx ; avec le système nerveux, qui passe progressivement de son état primitif dialyneure à la zygoneuriefranche, on séparerait en deux parties les Mélaniidés, les Cérithidés et les Cypræidés. Il faut tenir compte de ces caractères essentiels pour déterminer les affinités, mais leurs modifications sont trop progressives pour en tirer un autre parti. Il en sera par conséquent de même du siphon, et il est bien difficile d’accepter la classification de M. Fischer en Holostomes et en Siphonostomes, D’après l’auteur lui-même, 468 E.-L. BOUVIER. les Cérithidés, Mélaniidés, Pseudomélantidés, Subulitidés peuvent avoir un siphon ou en être dépourvus ; il en est de même des Pleurocéridés ; on fera, par conséquent, un groupe- ment arbitraire, qu'on place ces familles dans les Siphonos- tomes ou dans les Holostomes. En outre, par cette méthode, on donne à certaines familles une place qui n’est pas rationnelle ; c’est ainsi qu’on voit les Modulidés holostomes rangés à côté des Cérithidés en général siphonostomes. D’après la forme du mufle, qui peut être réduit à un rostre, former une fausse trompe ou même une vraie trompe, J'éta- blirai quatre sections dont les caractères secondaires seront empruntés au siphon. | Ces sections seront celles des Rostrifères, Semi-Probis- cidifères, Proboscidifères siphonostomes et Proboscidifères holostomes. 4e section : Rostrifères. — Mufle variable, contractile, toujours incapable de s’invaginer. Siphon nul ou peu développé. Fausse branchie filiforme, rarement bipectinée et alors peu volumineuse. Système nerveux généralement dialyneure, parfois zygoneure. Otocystes renfermant tantôt une, tantôl plusieurs otolithes. Le pénis peut manquer. Marins, fluvia- tiles et terrestres, le plus souvent herbivores. Radule ténio- glosse très souvent normale. Ces animaux se grouperont en séries suivant leurs affinités naturelles : 1° Paludinidés, Cyclophoridés, Ampullaridés ; 2% Littorinidés, Planaxidés, Cyclostomidés ; 3° Rissoïdés, Hydrobiidés, Aciculidés, Valvatidés ; 4 Pseudomélanidés, Mélaniidés, Cérithidés, Vermétidés, Turritellidés, Struthiolaridés, Chénopidés, Strombidés, Xénophoridés ; o Capulidés, Calyptréidés. 2% section : Semi-Proboscidifères. — Mufle invaginable depuis son extrémité et formant une trompe toujours courte. Siphon nul ou représenté par un faible pli siphonal ; coquille ordinairement holostome. Fausse branchic bipectinée. Système ARTICLE N° 1. SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 469 nerveux dialyneure ou deux fois zygoneure. Otocystes à une seule otolithe. Pénis au côté droit du corps. Coquille souvent recouverte par le pied ou par le manteau. Marins et carnas- siers. Radule ténioglosse parfois anormale : 1° Naticidés, Lamellariidés, Janthinidés ? 2° Cypræidés. 3° section : Proboscidifères siphonostomes. — Trompe longue, rétractile seulement à la base. Siphon bien développé, parfois très long, coquille siphonosiome. Fausse branchie large et bipectinée. Système nerveux zygoneure. Otocystes à une seule otolithe. Pénis puissant, situé au côté droit du corps. Marins et carnassiers. Radule ténioglosse normale. Tritoniidés, Columbellinidés, Cassididés, Doliidés. 4 section : Proboscidifères holostomes. — Trompe très longue, complètement invaginable; masse buccale extrêmement réduite, à peine indiquée par un faible renflement œsophagien. Pas de siphon, ou au plus une gouttière siphonale très réduite, coquille toujours holostome. Fausse branchie peu développée, du type bipecliné chez toutes les espèces étudiées jusqu'ici. Système nerveux dialyneure ? Un pénis situé au côté droit du corps, d’après les auteurs qui ont eu à leur disposition un certain nombre d'animaux. Marins et carnassiers, sauf peut- être les Eulimidés parasites. Radule variable, pténoglosse ou ténioglosse chez les Solaridés, pténoglosse chez les Scalaridés, toujours très réduite, nulle chez les Eulimidés et les Pyrami- dellés. Otocystes renfermant tantôt une seule otolithe (Pyramidellidés), tantôt plusieurs (Scalaridés, Solaridés), d’après Macdonald. Solaridés, Scalaridés, Pyramidellidés, Eulimidés. Il est utile d’insister sur cette dernière section. J'ai pu, il y a quelques semaines seulement, étudier plus complètement les Scalaridés sur des exemplaires frais que m'ont procurés, avec une obligeance extrême, M. l'abbé Guimet et M. Dur- règne, directeur de la station zoologique d'Arcachon. J'ai pu me convaincre de la présence d’une longue fausse branchie 470 E.-L. BOUVIER. étroite, mais finement bipectinée chez les Scalaires; cette fausse branchie rappelle celle des Janthines qui pourraient bien, peut-être, trouver une place dans cette section, puisque leur radule, leurs glandes salivaires et leurs glandes de la pourpre les rapprochent des Scalaires. Ge serait alors une forme aberrante et pélagique dont la trompe assez courte ne serait qu’à demi rétractile et se présente le plus souvent comme un mufle énorme en raison de sa masse buccale très déve- loppée. C’est une question délicate, et l’anatomie des Scalaires pourra peut-être donner une solution à ce problème. Jai pu aussi jeter un coup d'œil sur un individu de Pyramidelle, sans pouvoir malheureusement étudier le système nerveux et les branchies. La trompe et les glandes salivaires ainsi que la masse buccale inerme sont tout à fait semblables aux mêmes organes des Solarium. La trompe est plus longue que celle des Scalaires, et les glandes salivaires, dont les conduits sont très longs, ne sont pas en tube, mais en grappe. Du reste les Pyramidelles ont entre la bouche et le pied un mentum bien développé, bifurqué, qui rappelle jusqu’à un certain point, par sa position ei sa forme, les tentacules pédieux des Vermets et surtout le mentum plus réduit des Siliquaires (Vermétidés) et des Aclis (Scalaridés). Par mes recherches sur les Scalaridés, les Solaridés et les Pyramidellidés, je crois avoir ajouté un contingent important aux connaissances, jusqu'ici très restreintes, qu’on possédait sur ces familles, et montré comment elles doivent être réunies en un même groupe très facile à caractériser. J’ai longtemps hésité sur leur position zoologique (118), et c’est tout récem- ment, après avoir pu étudier plus complètement les Scalaires et jeté un coup d’œil sur les Pyramidelles, que j'ai pu fixer, aussi exactement que possible, leur position zoologique. Depuis longtemps déja, Macdonald (52) avait prévu les affi- nités de ces familles et, pour lui, les Pvramidelles représentent l’état permanent des premiers stades du Solarium. D'un autre côté M. Fischer (103) voit dans les Gymnoglosses (Pyrami- dellidés, Eulimidés) des Pténoglosses privés de radule. ARTICLE N° 1, SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 471 Cette dernière section doit se rattacher aux Cérithidés ou à _des formes voisines, comme les Vermétidés. Par les Pyrami- delles, elle se rapproche beaucoup des Vermétidés (mentum, otolithe unique) et par les Solaridés des Cérithidés et des Ver- métidés (système nerveux dialyneure, otolithes multiples, glandes salivaires en grappe). La trompe très longue et la masse buccale très réduite coïncident avec des modifications profondes dans le régime qui, au lieu d’être herbivore, devient carnivore. La section des Rostrifères se rattache directement aux Rhipidoglosses, par l’intermédiaire des Paludimes, Cyclo- phores, Littorimes, Rissoa et Pseudomélanüdés ; cellé des Semi-Proboscidifères se rattache à la précédente et probable- ment par des types voisins des Capulidés, enfin les Probos- cidifères siphonostomes doivent être considérés comme très _ voisins des Strombidés. On devra créer une cinquième section dans ce groupe pour les Hétéropodes ; ce sont des Ténioglosses très probablement chiastoneures, rostrifères, pourvus d’un pénis et modifiés par une adaptation à la vie pélagique. 2° groupe : Sténoglosses. — Radule normale 1-1-1 parfois complètement atrophiée (Coralliophilidés, certains Terebra), ou dépourvue de dent centrale (la plupart des Toxiglosses, Cancellaires), de dents latérales (Harpidés, Marginellidés, la plupart des Volutidés, quelques Mitridés). Système nerveux très concentré en général, toujours zygoneure et dépourvu de commissure labiale et de cordons pédieux scalariformes. Masse buccale fort réduite; ganglions buccaux toujours situés au voisinage immédiat des ganglions cérébroïdes, très éloignés de la masse buccale; leurs connectifs sontexcessivement courts. Les conduits salivaires ne traversent pas les colliers nerveux. Une glande spéciale impaire, très rarement réduite à un ren- flement œsophagien (Cancellarndés) ou complètement absente (certains Térébridés). Toujours un pénis et une trompe rétrac- tile. Fausse branchie large, bipectinée. Siphon palléal bien développé, coquille siphonostome. Otocystes à une seule otolithe. Tous marins et carnassiers, 472 E.-L. BOUVIER. Les Monotocardes, réunis sous la dénomination commune de Sténoglosses, ont été divisés par Troschel en deux groupes équivalant chacun à celui des Sténoglosses, les Rachiglosses et les Toxiglosses; cette classification est aujourd’hui adoptée par tous. Malheureusement, elle est uniquement basée sur la radule, et ce caractère est si fragile à lui seul qu'il est matériellement impossible d'établir une limite précise entre ces deux groupes. Par les caractères communs cités plus haut, on voit quelle est l'homogénéité du groupe unique qui les réunit, et les difficultés ne commencent qu’au moment où l’on veut les séparer. On voit, du reste, que les caractères les plus constants ne sont pas tirés de la radule, mais du système nerveux et du tube digestif; ce sont ceux-là, et ceux-là seule- ment qui permettent de caractériser et de limiter complète- ment le groupe. On va voir, en effet, quelles sont les indéci- sions laissées par la radule. Ténioglosses normaux..........., HÉBRES 2.4.4. | Lamellaires..... CS Re LE caudas age Hounogus 14-71 Ténoel cs (be HOne AU ut ue Dobdavodo sound u bu s À : JERe BITES Rosa anse otasdadtooson . 1741-21 Naricidés Ent PEER RENTE 1.0.1 Gymnoglosses Bel DA FRS Radule inerme. Pleurotomes.......... 4. 0.1 Pleurotomidés.. ? Clavatules............ AE Dria RENTE 1 AT ET COMUÉS ae Dee eme nee ei 2 ee nNe 1. 0.1 Toxiglosses (T hel iglosses (TEoschel) Terebra maculata, dimidiata, ete... .... radule inerme Terebra aciculina, cærulescens, etc... ... 1. 0.1 Cancelarnidés. ME Re no rene 1. 0.1 HAPIUÉ See nee Mes n Den ns CU 0. 1. 0 Marginellidés................,......... 0. 1.0 Molutidés eee rene EEE 1. 1. 1 ou 0. 1. 0 MHITITÉS EE re eee 1. 1. 1 ou 0. 1. 0 Olividése He EM AE En 154, 4 Rachiglosses (Troschel). . FA RAROATBES sers trot Char het Co e ; à Buccinidés et Nassidés ..........,....... 1. 1.1 Columbellidés (dent centrale très réduite). 415 18e Muricidés ....,.... TE 0 d'OS Me ee 4.4: 1 Purpuridés (dents latérales très réduites)... APCE Coralliophilidés..................,.,.. radule inerme. ARTICLE N° 1 . SYSTÈME NERVEUX DES PROSOBRANCHES. 473 Ge relevé suffira, j'espère, pour montrer jusqu’à quel point la radule est insuffisante pour caractériser et limiter les groupes de Troschel. Le caractère tiré de la glande à venin des Toxiglosses a encore moins de valeur : 4° certains Toxi- glosses (Cancellaridés, beaucoup de Térébridés) en sont dépourvus ; 2° tous les Rachiglosses de Troschel, peut-être sans exception, ont une glande spéciale impaire qui corres- pond morphologiquement, et souvent par sa structure (fig. 88, 89, 92 et 93), à la prétendue glande à venin des Toxiglosses. Je tiendrai un compte très largement suffisant de la radule en divisant les Sténoglosses ou Monotocardes n’ayant qu’une, deux ou trois dents au rachis lingual, en deux sections basées, elles aussi, sur la radule. La prétendue glande à venin des Toxiglosses est un appareil musculaire de projection dont le canal est tapissé par une assise unique de cellules, peut-être glandulaires, mais dont le rôle physiologique est absolument inconnu, puisque le liquide venimeux qu’on a dit être sécrété par les Cônes doit très probablement provenir des glandes salivaires qui étaient restées inconnues jusqu'ici, et que j'ai mises en évidence (fig. 91). L'existence d’un liquide venimeux n’a pas été établie nettement jusqu'ici chez les Cônes, encore moins chez les autres Toxiglosses. La physiologie permettra seule de savoir si l’on doit admettre le terme de Toxiglosses créé par Troschel; je le conserve provisoirement. En général, les vrais Toxiglosses n’ont pas de dent centrale, et en général aussi les vrais Rachiglosses en ont une; de là deux sections, les Toxiglosses et les Rachiglosses. Je suis fâché de ne pouvoir choisir un moyen de classification plus commode, mais le groupe des Sténoglosses est si homogène qu'il est très difficile d’y établir des coupes. 4" section : Rachiglosses. — Radule normale armée d’une dent centrale, parfois absente (Cancellariidés) ou très réduite (Columbellinidés); très rarement une radule inerme (Coral- liophilidés). Presque toujours une glande spéciale plus ou moins glandulaire, généralement un peu renflée en arrière, et pourvue d’un conduit qui ne traverse que très rarement les 474. E.-L. BOUVIER. colliers nerveux (Volute). La trompe est continue avec la gaine. N'ayant pas étudié les Goralliophilidés, qui doivent se rappro- cher beaucoup dés Pourpres ou des Buccins, je les place pro- visoirement dans la même série que ces dermiers. 4° Turbinellidés, Fusidés, Mitridés, Buccinidés, Muricidés, Purpuridés, Haliadés, Cancellarnidés, Coralliophilidés ; 2° Volutidés, Olividés, Harpidés, Marginellidés. Les Cancellariidés sont rangés par Troschel et tous les auteurs à côté des Cônes, des Pleurotomes, etc., d’après leur radule 1-0-1. Mais j'ai assez montré combien peu l’organisa- tion et la radule des Cancellaires ressemblent à celles des Toxiglosses, pour ne pas devoir insister davantage sur une classification abusive que Troschel lui-même suspectait déjà un peu (41). Si l’on range les Gancellaires parmi Les Rachi- glosses d’après leur formule radulaire 1-0-1, rien n’empêchera de ranger les Clavatules (Pleurotomidés) parmi les Rachi- glosses d’après leur formule 1-1-1. 2° section : Toxiglosses. — Radule anormale variable, par- fois même absente, ayant pour formule 1-0-1. Très souvent une glande spéciale, fortement renflée en arrière, et transformée en appareil de projection, d’ailleurs très peu glandulaire, le conduit de cette glande traverse les colliers nerveux. La trompe n’est pas toujours continue avec sa gaine. Térébridés. Pleurotomidés